mercredi 26 août 2020

Le journalisme, Macron et le coup de la pression

  

Les journalistes sont un peu tous formatés de la même façon et n’ont pas un vocabulaire très large, ils utilisent toujours un peu les mêmes mots, qu’ils soient de gauche, de droite ou d’extrême centre. Je ne vais pas dire ici que la pauvreté de leur vocabulaire reflète toujours la pauvreté de leur réflexion, mais il est frappant que ce sont toujours les mêmes expressions un peu vides de sens qui reviennent. Passons sur les titres en forme d’interrogation qui commencent par Pourquoi. On suppose que c’est sensé aguicher le client qui se pose la même question, et donc on lui fait miroiter qu’on va y répondre. Le plus souvent la réponse est décevante, et au fil du temps on se détourne des articles de ce type. C’est un peu comme les discours d’Edouard Macron ou d’Emmanuel Philippe, ils parlent pour ne rien dire, ils peuvent tenir comme ça des heures entières, mais au bout du compte ils ne nous ont rien expliquer de plus. Pendant la crise du coronavirus, tous les soirs on avait des conférences de Véran-le-véreux ou de l’ineffable Salomon. A part le décompte lugubre des morts et des malheureux hospitalisés, on n’était guère plus avancé. Et on nous repassait en boucle les ineptes publicités pour les gestes barrières ou pour nous encourager à rester chez nous devant notre poste de télévision pour écouter les mêmes idiots répéter les mêmes imbécilités. C’était tout de même un peu déprimant. 

Histoire d’angoisser un peu plus le citoyen les journalistes utilisent maintenant abondamment et plutôt deux fois qu’une le terme de pression on met ou on augmente la pression. Dans le domaine économique, alors que la bourse replonge bien comme il faut, le journal numérique, La Tribune, met la pression sur ses lecteurs en leur montrant combien les jours à venir seront difficiles. Le 11 juin on apprenait ainsi que la Commission européenne sortait de son long coma, conséquence de la crise du coronavirus, pour mettre la pression sur l’alliance future entre Peugeot et Fiat. Mettre la pression en jargon journalistique ça veut dire que on empêche ou on rend difficile. Donc dans le cas de la fusion Peugeot-Fiat, on voit que la sournoise Commission européenne, dominée par l’Allemagne, tente d’empêcher deux entreprises du secteur automobile en grande difficulté de s’en sortir. Mettre la pression c’est partir en guerre et désigne un affrontement dont l’issue est incertaine. 

 

Ainsi Lufthansa entreprise du secteur de l’aviation – autre secteur en grosse difficulté – met la pression sur son concurrent Air France-KLM à qui l’Etat français vient d’offrir 7 milliards d’euros pour arroser ses actionnaires. Comment met-on la pression dans ce secteur très concurrentiel ? Tout simplement en licenciant à tour de bras. Ici il s’agit de 22 000 postes qui vont être supprimés ! cette annonce veut dire beaucoup d’abord que si Lufthansa licencie, ce n’est pas pour faire remonter son taux de profit ou pour abaisser ses coûts, mais pour emmerder Air France-KLM, pour tuer le concurrent. Ensuite cela anticipe évidemment sur l’excuse toute faite pour Air France-KLM de licencier à son tour quelques milliers de salariés qui coûtent trop cher. La pression est donc une arme pour accroitre la concurrence et pour tenter de préserver ou augmenter ses parts de marché.

Dans numerama, on trouve maintenant autre chose. Voilà Tesla, firme de fabrication de voitures électriques haut de gamme très prospère dont l’avenir est prometteur puisqu’il y a une forte pression pour la transition écologique. Donc on se demande pourquoi Tesla se met elle-même la pression. La réponse est de le patron de cette boutique en veut encore plus, il veut augmenter les cadences, jugeant qu’on a perdu bien trop de temps avec le coronavirus et donc qu’il faut travailler un peu plus pour se mettre à jour et diminuer les délais de livraisons. On comprend que la bataille n’est pas entre Tesla et ses concurrents qui ont du retard semble-t-il en termes de qualité du produit, mais entre la direction de Tesla et les salariés un rien nonchalants. Si c’est encore de guerre dont il s’agit, c’est entre la direction et les salariés que celle-ci se passe. Donc on comprend que l’usage flou de ce terme « mettre la pression » cache le fait que la direction met la pression sur les salariés et non pas sur elle-même. 

 

« Mettre la pression » est une expression du langage familier, mais pas issu des quartiers populaires. Ça vient assez bien du langage managérial. Pour obtenir le meilleur rendement de ses salariés, il faut leur mettre la pression, c’est-à-dire les pousser dans leur dernier retranchement. Trump est lui aussi un adepte de la pression, il met la pression sur tout le monde. D’abord sur les Mexicains qui voudraient bien venir travailler et vivre aux Etats-Unis en leur construisant un mur, puis sur les Chinois à propos de Hong-Kong ou du commerce international, puis sur les Coréens du Nord à propos des missiles, pendant la crise du coronavirus, à défaut de faire quelque chose de positif, il a mis la pression sur les industriels nous disent Les Echos en ordonnant à ceux-ci de produire en urgence des ventilateurs pour faire face à la pandémie. De temps en temps il met la pression aussi sur la FED, c’est-à-dire la banque centrale des Etats-Unis qui en réalité n’a de compte à rendre qu’aux parlementaires et pas à lui, et qui en outre n’a jamais tenu compte de ce qu’un président lui ordonnait de faire. Mettre la pression sur des institutions comme l’OMS, le Mexique, la FED ou la Chine, c’est équivalent à « faire les gros yeux ». Si ça marche, ça peut éviter une action militaire, car si ça ne marche pas, non seulement ça coûtera plus cher, mais en outre il faudra mettre la pression sur les militaires pour qu’ils acceptent de suivre le président. Au moment des manifestations étatsuniennes en faveur de George Floyd et des émeutes qui ont suivi, Trump a tenté de mettre la pression sur les militaires pour les envoyer réduire les émeutiers. Mais l’armée l’a – disons le en langage familier – envoyé chier. Il avait usé de son langage de charretier également pour insulter des gouverneurs démocrates qui ne voulaient pas prendre la responsabilité d’un bain de sang. Donc Trump a relâché la pression, en disant que vu l’évolution de la situation il n’y avait plus de raison d‘envoyer l’armée … qui d’ailleurs ne voulait pas y aller ! Comme disait Jean Cocteau, un imposteur qui s’y connaissait, puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. 

 

On voit que pour Trump mettre la pression s’apparente d’abord à faire de l’air. En effet, tous les journalistes qui relayent les bulletins des agences de presse qui eux-mêmes reprennent les communiqués du service de presse de la Maison Blanche, ne se posent pas la question de savoir en quoi ces multiples pressions sont efficaces. Les journalistes ne se mettent pas vraiment la pression pour le comprendre, comme ils ne se mettent guère la pression pour chercher et trouver aux expressions qu’ils ont apprises à l‘école de journalisme. Si on comprend bien les journalistes répètent les formules des attachés de presse qui sont pour la plupart des anciens journalistes. Trump en vérité est un président très passif qui ne fait pas grand-chose. Ce velléitaire signe par exemple des décrets en quantité devant des journalistes abasourdis qui devant autant d’audace confuse ne se demandent pas pourquoi la plupart de ces décrets très audacieux ne sont jamais appliqués. La moitié ne sont pas conformes à la constitution et tombent dans l’oubli, l’autre moitié ne verra jamais le jour. 

 

Mettre la pression pour Trump ça signifie affronter tout seul des institutions. C’est l’homme seul contre le reste du monde entier. Il défie individuellement tout ce qui bouge, c’est-à-dire toute organisation plus ou moins collective. En ce sens il est un révolutionnaire puisqu’il nous explique que non seulement il ne veut respecter aucune règle, mais qu’en plus il demande et exige que ces règles soient changées. C’est une sorte d’enfant capricieux que plus personne ne fait semblant d’écouter. Les sales gosses finissent toujours par lasser leur auditoire avec leurs exigences incessantes. Au début on fait semblant de céder pour qu’ils nous foutent la paix, mais dans un deuxième temps on lui fait savoir qu’il agace. Le troisième temps qui vient est celui de la moquerie et de la menace de ne plus l’écouter. C’est cer qui se passe aujourd’hui. Avec la crise du coronavirus, puis les conséquences de l’assassinat de George Floyd, Trump a été seul sur le devant de la scène., son concurrent Joe Biden restant par la force des choses silencieux. Mais les rodomontades de Trump ont montré qu’il était très faible et isolé, y compris dans son propre camp. Plus il parlait et moins on l’écoutait. On a appris à faire sans lui. Jusqu’à Washington où on a repeint l’avenue qui mène à la Maison Blanche d’un Black lives matter géant qui pouvait se voir du haut du ciel. Avant même la fin de son mandat, les Américains ont mis en place un système qui montre que le président ne sert à rien… et ça se voit. Ce qui veut dire qu’on ne s’apercevra pas de son départ en novembre. 

Ainsi va la vie des bouffons qui mettent la pression. Ce sont toujours des hommes faibles qui mettent la pression. En France nous avons-nous aussi un velléitaire de compétition. Tous les deux jours la cellule de communication de l’Elysée nous explique que Macron met la pression sur Pierre, Paul ou Jacques. Evidemment on n’a jamais vu le général de Gaulle qui gouvernait pourtant mettre la pression. Macron met la pression, y compris sur lui-même puisque récemment il s’est menacé de se démissionner… pour se faire réélire ! C’est la nouvelle farce qui a couru ces derniers jours[1]. Quand le général de Gaulle a démissionné, suite à un référendum qu’il avait perdu, il l’a fait, et puis il est parti. Macron lui se met la pression, peut-être pour tester ce qu’il lui reste de popularité ! Regardons le titre ci-dessous. Emmanuel Macron met les préfets sous pression. Le sous-titre nous dit que c’est pour accélérer les réformes et les pousser à fond et jusqu’au bout. C’était en janvier 2020. Depuis de l’eau a passé sous les ponts, et la plupart des réformes qui étaient impératives pour l’équilibre des finances ont été renvoyées aux calendes grecques. Mais comme il ne peut pas dire qu’il abandonne son plan, il raconte de partout qu’il va le reprendre et le renforcer. Alors même que l’économie est à l’arrêt et que le chômage explose. Il met la pression sur l’opinion publique qui déjà, avant la crise sanitaire, était très hostile aux réformes macroniennes sensées renforcer l’offre. Mais au fond ce que fait et dit Macron n’aurait pas tout à fait la même importance, si les journalistes ne relayaient pas bêtement les messages.

Macron et son gouvernement n’arrive plus à rien gérer. Ils ont baissé les bras face à la manifestation des comités Adama, s’obligeant à prendre des décisions pour faire plaisir à cette très maigre clientèle qui ne leur apportera que des désagréments. donc si on suit bien ce qui se passe en France en ce moment, les comités Adama prenant prétexte de la mort de George Floyd, ont mis la pression sur Macron. Celui-ci, dans un jeu de chaises musicales plutôt brouillon, s’est désolidarisé de son propre gouvernement ! Regardez les trois titres ci-dessous. Ils sont trop semblables pour qu’ils soient autre chose que les éléments de langage concoctés à l’Elysée. Sous la pression des comités Adama qui initialement représentent deux pelés et trois tondus, Macron met la pression sur Philippe et le gouvernement. Autrement dit il conteste le gouvernement qu’il a nommé et en devient le premier opposant ! Nous nous retrouvons dans une époque de cohabitation ! Certes on sait que Philippe va partir, probablement Castaner aussi d’ici au début du mois de juillet. Mais ce coup de pression de Macron au gouvernement a mis un peu plus la panique dans la gestion des affaires courantes.  Les policiers sont en colère et manifestent sur les Champs Elysées – sans que Lallement ne leur envoie la troupe pour les nettoyer, comme il avait fait contre les pompiers. Vous remarquerez que tant que Castaner les laissait matraquer les Gilets jaunes, ils ne disaient rien du tout, au contraire, ils étaient très contents de ce ministre en bois. Ils avaient les mains libres, bastonnant et gazant comme ils voulaient. Mais voilà que Macron demande à ce qu’on mette un frein à ces violences – sans doute veut-il se faire passer pour un candidat de gauche en 2022. Mais là ça ne va plus. En mettant la pression sur Philippe et son gouvernement de bras cassés, Macron surjoue un statut d’opposant. Comme Trump il est seul face aux institutions, face au gouvernement, comme face à la police. Mais tout ce qu’il démontre, c’est que lui-même ne contrôle plus le gouvernement, et que celui-ci ne contrôle plus la police qui fait ce qu’elle veut quand elle veut. Bref, c’est le chaos totale et définitif dans lequel le macronisme sombre. 

Peut-être encore plus que dans le cas de Trump, cette folle idée de Macron de mettre la pression sur tout le monde et de rendre public cette sombre velléité montre à quel point le pouvoir politique en France est abandonné à lui-même et sans boussole. On pourrait dire en France, il n’y a plus d’Etat digne de ce nom. Macron met donc la pression sur Renault… après lui avoir donné 5 milliards d’euros. En disant qu’il fallait être vigilant pour que l’emploi reste en France. On sait parfaitement que les promesses n’engagent que ceux qui y croient en matière politique, par contre les contreparties monétaires sont déjà actées ! Plus faible que cela, c’est difficile. Macron ne sauve pas Renault, il sauve les actionnaires. Sinon, il aurait exigé en échange des liquidités par exemple une partie du capital. Et donc d’avoir une voix au chapitre des discussions en ce qui concerne l’emploi. A part de jouer avec l’argent des Français, Macron qui est d’abord un homme faible, n’a aucun plan industriel et économique. Et d’ailleurs comment en aurait-il un puisqu’il nous dit qu’il croit aux forces du marché comme d’autres croient en Jésus ou en Bouddha ou encore en Mahomet. 

 

Mais si Macron met la pression sur Renault, sur le gouvernement ou sur les préfets, il est lui-même soumis à la pression de Marine Le Pen ! C’est du moins ce que nous racontent les journalistes du Point. On n’est pas obligé de les croire. En effet nous savons depuis au moins 2017 que Marine Le Pen est le meilleur ennemi de Macron, c’est-à-dire que s’il se retrouve encore au second tour en face d’elle, il est à peu près sûr de gagner, même si ce sera plus difficile que la fois précédente. Vous me direz que l’article que je cite est signé Hugo Domenach, fils et petit-fils de journalistes de cour. Un crétin qui disait qu’il ne fallait pas publier les statistiques du chômage pour ne pas décourager les efforts des Français. Il est une sorte d’éditorialiste, soit le pire de ce qui officie dans le journalisme aujourd’hui. Ici donc le terme « met la pression » est destiné d’abord à couvrir un mensonge grossier, laisser croire que si Marine Le Pen était au second tour des élections de 2022, cela dérangerait beaucoup Macron. N’importe quel âne – mille excuses pour nos amis les ânes – sait très bien que la seule chance de Macron de se continuer à lui-même est ce seul cas de figure. N’importe quel autre candidat de droite ou de gauche gagnera contre Macron. Encore faut-il évidemment qu’il puisse arriver au second  tour !





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La liberté d’expression ne se marchande pas

  Rima Hassan en meeting à Montpellier   La Macronie aime user de la répression, on le sait depuis au moins les Gilets jaunes qui lui a do...