dimanche 31 décembre 2023

Bonne année 2024 !

 

A tous ceux qui suivent ce blog et même à tous ceux qui ne le suivent pas, tant pis pour eux, je leur souhaite une année moins merdique que 2023, un peu de sérénité et un peu de bonheur. Pour le reste si les guerres s'arrêtaient tout soudain, j'en serais aussi très content ! 


jeudi 28 décembre 2023

Disparition de deux européistes

  

Jacques Delors est décédé le 27 décembre 2023. La presse était unanime pour saluer ce « grand homme », bâtisseur de l’Europe. Ceci appelle deux remarques : vu l’état de déliquescence de l’Union européenne, vieux paillasson sur lequel les Etats-Unis s’essuient les pieds, on peut se dire qu’il aurait mieux fait de s’abstenir, ensuite on remarque que toute la presse est aujourd’hui gangrénée par l’idée que l’Europe c’est vachement bien qu’il faut la faire quoi qu’il en coûte. Il y a belle lurette que Jacques Delors ne pèse plus rien dans le monde politique. Il a fait partie en réalité de toute cette mouvance dite de la seconde gauche et qu’on pourrait appeler la seconde droite, ou la droite avec un faux nez. Macron, a salué l’« inépuisable artisan de notre Europe », dont l’« engagement », l’« idéal » et la « droiture nous inspireront toujours ». « Toute sa vie a été mise au service de la paix et de la solidarité européenne », a souligné la première ministre, Elisabeth Borne. Au-delà de ces hommages convenus, il faut retenir que l’héritage de Delors, c’est Macron sur le plan économique et von der Leyen pour l’engagement guerrier contre les Russes. Avant de se rapprocher du Parti socialiste, il grenouillait dans les cercles gaullistes de gauche ! En 1983 les difficultés s’accumulant, Mitterrand consulta plusieurs personnes, les uns comme Jacques Attali – c’est curieux mais c’est ainsi – étaient pour continuer dans le sens d’une voie vers le socialisme, les autres – Jacques Delors en tête – pensaient qu’au contraire il fallait se plier à la logique européiste, viser l’austérité, brader l’industrie, et accélérer l’intégration sous la houlette de Berlin. Ce fut la plus grossière erreur de Mitterrand que de confier les intérêts économiques de la France à ce cureton dont Le monde qui en avait fait son candidat pour les élections présidentielles de 1995. On peut dater les débuts de l’effondrement de la gauche en France de l’époque du tournant de la rigueur. Mitterrand ne sera pas toujours là pour sauver les meubles. 

Contrairement à ce qu’on raconte, Delors n’a pas été salué comme un grand homme, sur les réseaux sociaux beaucoup d’anciens de la gauche avaient de grosses critiques à formuler. Florian Philippot écrit : « Jacques Delors ce fut notamment :

– le tournant de la rigueur en 1983/1984 au nom déjà du Système monétaire européen. Une « parenthèse » jamais refermée, pour mettre en place un système qui allait nous broyer…

– l’Acte unique qui libéralisa les mouvements de capitaux et de personnes. On en paie le prix fort aujourd’hui. Puis Maastricht, Amsterdam, Nice, le OUI au TCE en 2005

– l’Euro : le plus grand tueur en série de toute la construction européenne ! Il a massacré notre industrie, nos emplois, notre pouvoir d’achat, nos exportations, nos libertés de peuple, notre indépendance nationale »

Jacques Delors n’a pas servi la France, il a servi une idéologie. Une idéologie qui tue chaque jour un peu plus la France et dont nous devons urgemment sortir ! »

C’est avec ce technocrate que s’est imposée la réforme de la gauche : on ne défendait plus les intérêts des plus pauvres contre les puissances de l’argent, mais sous l’égide de l’abstraction d’une Union européenne supérieure en tous points à la fois aux intérêts de classe et aux intérêts de la nation. Il avait fait ses preuves et les Américains le nommèrent à la tête de la Commission européenne. Avec lui la Commission devint le porte-voix de la pensée anglo-saxonne, et on nomma à tour de bras des technocrates anglais aux postes clés pour faire avancer la libéralisation économique. Depuis les Anglais se sont retirés de l’Union européenne, ils avaient fait le job pour le patron américain, mais bien qu’absents, ils nous ont laissé l’obligation de penser et de rédiger en anglais ! Je rappelle aux plus jeunes que pour mieux faire passer la pilule, le français était aussi la langue officielle de l’Union européenne et de ses institutions, elle n’est plus utilisée, y compris par les bureaucrates français qui préfèrent camoufler leurs malversations dans une langue qu’ils comprennent assez peu. Cette nouvelle orientation de la gauche portée par les sinistres think-tanks dont Terra Nova, déboucha bien évidemment sur la valorisation du multiculturalisme et la recherche des voix de l’immigration plutôt que celles de la classe ouvrière. Cette veine aboutit aujourd’hui à faire barrage contre le Rassemblement National comme seul et unique programme ! En ce sens Delors a ouvert la voie au gommage systématique des différences entre la gauche et la droite, autrement dit, il a travaillé à unifier la classe politique sur un seul programme : la poursuite de l’unification de l’Union européenne au détriment des nations et de leurs peuples. Il militait pour un gouvernement économique supranational, le justifiant du point de vue de la monnaie unique, mais sans dire bien entendu à qui profiterait ce même gouvernement ! Les Allemands ne le suivront pas dans cette voie, essentiellement parce qu’avec l’élargissement continue de l’Europe, ils risquaient de sr faire éjecter de ce gouvernement et donc de perdre leur pouvoir. 

Jacques Delors l’inconstant annonce qu’il ne se présentera finalement pas à la présidentielle de 1995 

Sur le plan de la tactique politique, Jacques Delors était une couille-molle dont les errances rappelaient un peu la pâle figure de Pierre Mendes-France. Le monde dans son édition du 29 décembre 2023, rappelait qu’il devait sa carrière politique à ses réseaux dans la mouvance catholique, il avait cette figure de faux jeton des curés qui nous disent de faire ce qu’ils demandent et jamais nous demander ce qu’ils font eux ! Ses errements entre gauche et droite sont symptomatiques. Contrairement à ce que dit Le monde, c’était un homme de pouvoir qui alignait les mandats, mais les mandats sans risque ! Certes il a été élu brièvement maire de Clichy, député européen, mais surtout ministre nommé, et président de la Commission européenne nommé. Mais pire encore, après avoir trouvé les fonds pour se présenter aux élections présidentielles, crée un comité de soutien à sa molle personne, il renonça ! Cette irrésolution était la caractéristique d’un homme de l’ombre qui au fond craint d’affronter le débat démocratique, ce qui est commun à presque tous les bureaucrates qui ont travaillé à consolider le pouvoir supranational de l’Europe, Jean Monnet en tête qui préférait les combines de couloir plutôt que de débattre face au peuple. Sur le plan doctrinal c’est la même chose que toute cette seconde gauche, deuxième droite, qui ne s’assume pas en tant que défenseuse du bloc bourgeois, Le monde qui ne sait plus utiliser le français de base parlait de Delors comme « une figure socialiste » ! On ne voit pas très bien quelque mesure que ce soit prônée par Delors qui aurait été dans le sens d’un socialisme, même frelaté. Il était la tête de pont de toute cette canaille politicarde qui prenait les voix de gauche pour faire une politique de droite, dans ce sac, on mettra, Pierre Mendes-France, Michel Rocard, DSK, François Hollande et bien sûr Macron comme point d’aboutissement de cette longue dégénérescence. Ces gens-là ont trompé la clientèle, ils ont cependant réussi sur un point, la gauche des partis et des syndicats est complètement morte. C’était au fond leur unique but qu’il camouflait derrière celui plus obscur d’une Europe sociale à venir, promesse que plus personne n’ose ressortir aujourd’hui du placard ! 

Sondage Le Figaro du 28 décembre 2023 

Wolfgang Schäuble expliquant l’économie à Macron 

Exactement le même jour s’éteignait Wolfgang Schäuble, une autre canaille européiste. Ce petit monstre, cloué dans son fauteuil à roulettes, est salué par la crapule journalistique comme un homme de fer, sans trop savoir si c’est pour se moquer de son handicap malheureux ou si cela vise à le rapprocher de Robert T. Dacier, héros de la série télévisée, L’homme d’acier, un ancien policier qui résout les problèmes les plus compliqués grâce à son intelligence ! Il était paralysé des membres inférieurs, après qu’un opposant qui sera reconnu irresponsable sur le plan psychologique, lui ait tiré deux balles dans le dos. Wolfgang Schäuble est surtout connu en France pour au moins deux choses, sa capacité à embrouiller ses interlocuteurs français et raffermir la prééminence de Berlin dans l’Union européenne. Ensuite il est connu pour ses malversations financières. Il n’oubliait jamais de taper dans la caisse. Quand les Allemands ont réduit en, poussière le faible Tsípras, Wolfgang Schäuble a conduit lui-même le dépeçage de la Grèce. Il a ainsi dirigé le fonds chargé de brader les biens publics de ce malheureux pays, et bien entendu il s’est rémunéré sur la bête. Il a d’autres casseroles, comme l’organisation du vol de données en Suisse sur ses concitoyens. Sur le plan moral il n’était pas grand-chose. Sur le plan de la doctrine, il tenait à la rigueur monétaire car selon lui c’est cela qui entrainait la puissance de l’Allemagne sur le reste de l’Europe : il était conscient que grâce à l’euro son pays pouvait piller le reste de l’Europe, la Grèce, la France, l’Italie, sans utiliser l’armée ! Pour le reste on le présente comme l’artisan de la réunification allemande, uniquement parce qu'il a signé les traités précisant les conditions de cette unification qui a coûté les yeux de la tête aux citoyens européens qui ont payé pour cela ! 

Jacques Delors s’affichant avec les eurobéats en 1992 

On a compris que ces deux individus n’étaient pas proches de ce que je pense, et globalement je les trouvais médiocres. Les poubelles de l’Histoire sont pleines de gens de cet acabit. Et je n’en parle uniquement parce qu’ils ont été des rouages plus ou moins efficaces de la mondialisation. Cependant, soyons juste, Delors, contrairement à Schäuble n’avait pas la réputation de taper dans la caisse, il se contentait apparemment de ses bons émoluments de l’État français puis de la Commission européenne. Peut-être au fond était-il suffisamment bête pour croire aux fables qu’il racontait. 

dimanche 24 décembre 2023

Hamit Bozarslan, Ukraine, le double aveuglement, CNRS, 2023

 

Je ne m’abaisserais pas à commenter ce livre, s’il n’était pas labellisé EHESS et CNRS. C’est en effet un simple ouvrage de propagande pour entretenir la guerre de l’Occident contre la Russie. Il répète platement le contenu de la propagande américaine, celle qui est reprise à longueurs de colonnes par les médias du type Cnews ou LCI. Première thèse, la guerre en Ukraine est une guerre non provoquée par l’OTAN et l’Occident. Ce mensonge est démonté directement par les Occidentaux eux-mêmes, c’est d’un côté George Friedman, un faucon américain influent qui dès 2015 expliquait comment les Etats-Unis allaient s’y prendre pour faire la guerre à la Russie, la couper de l’Europe et principalement de l’Allemagne, et éventuellement mettre la main sur les réserves de gaz et de pétrole[1]. Également s’est tenu à Prague en juillet 2022 une réunion chapeautée par les Américains de la CIA sous le couvert du NED pour expliquer comment les Occidentaux allaient faire exploser la Russie en plusieurs petits États faibles, et bien sûr mettre la main sur les ressources pétrolières ou gazières, vieille obsession anglo-saxonne[2]. Bozarslan fait mine de ne rien connaitre, et donc il ne posera pas la question de savoir pourquoi les accords de Minsk n'ont pas été respecté, et encore moins de savoir pourquoi l’OTAN a, contre ses promesses, continué à s’élargir à l’Est. Ce point est capital parce que ce propagandiste pro-américain fait comme si c’est la Russie qui s’est élargie jusqu’au frontières de l’OTAN !! 

 

Le second mensonge de Bozarslan est de dire que c’est Poutine tout seul qui a déclenché la guerre parce qu’il veut reconstituer à lui tout seul l’Empire des tsars. C’est un mensonge pour au moins deux raisons : d’abord parce que la guerre en Ukraine n’a pas commencé en 2022, mais au minimum en 2014 quand Kiev a lancé des attaques meurtrières contre le Donbass, c’est-à-dire contre sa population russophone. L’armée de Kiev avait alors reçu une mémorable raclée face aux insurgés du Donbass. Et depuis cette époque l’armée de Kiev au fur et à mesure qu’elle se réarmait sous la houlette de l’OTAN bombardait avec la régularité d’un métronome les civils du Donbass. Bozarslan néglige le fait pourtant bien documenté que les habitants du Donbass réclamaient l’intervention de la Russie. 

Victoria Nuland et Porochenko, sa créature 

Bozarslan pour lequel on ne peut avoir qu’un très grand mépris ne parle pas du coup d’État du Maïdan. C’est ce coup d’État qui a amené Porochenko au pouvoir à Kiev. Le problème est que Victoria Nuland, celle qui fait la politique des faucons en Ukraine depuis 2008 au moins, a elle-même avoué dans un enregistrement de son téléphone que ce coup d’État lui avait coûté 5 milliards de dollars[3] ! C’est à cette occasion qu’elle avait financé les groupes nazis ukrainiens. Après le coup d’État, c’est directement Washington qui a fait le gouvernement de Kiev, par exemple en nommant une américaine, Natalie Jaresko, au poste de ministre de l’économie. Élevée par l’Aspen Institute, comme la Meloni, la première loi qu’elle promulgua, après qu’on lui ait donné en express la nationalité ukrainienne, c’est de pouvoir vendre les terres agricoles ukrainiennes à des firmes étrangères, aujourd’hui un tiers de ces terres sont passées sous le contrôle des multinationales, Black Rock et Monsanto. Quand ce menteur de Bozarslan nous dit qu’il est essentiel de combattre la Russie militairement, il nous dit que c’est au nom de la démocratie. Or comme on vient de le voir la démocratie ukrainienne a bien du plomb dans l’aile. Cet idéologue s’est forgé un vocabulaire sur mesure : la Russie est une anti-démocratie, c’est-à-dire qu’elle ne pratique pas la démocratie mais qu’en outre elle vise à détruire les autres formes de démocratie. Ce dévoiement sémantique va lui permettre de reprendre l’argumentaire des Etats-Unis et de Zelensky : on ne soutient pas l’Ukraine seulement pour elle-même, mais on la soutient au nom de « nos valeurs » et parce que Poutine s’il gagne en Ukraine continuera à étendre son Empire ! Autrement dit l’OTAN et l’Ukraine se battent pour protéger l’Europe ! 

Manifestation à Madrid contre l’OTAN le 27 juin 2022 

Cette propagande oublie deux choses, la première est que le caractère démocratique de nos démocraties occidentales reste à démontrer. On peut rappeler qu'en Russie les Russes peuvent voir LCI, chaîne ouvertement russophobe et va-t-en-guerre, tandis qu'en France pour accéder à RT ou Sputnik, il faut se munir d'un VPN comme le soulignait Hervé Carresse, la liberté de l'information est le premier pas vers la démocratie. Il suffit également de voir la France de Macron, pays où on bastonne et éborgne à tour de bras les récalcitrants et où même le parlement n’a plus aucun rôle. La seconde est que la Russie et Poutine ne semble pas avoir jamais manifesté l’intention de s’emparer de la totalité de l’Ukraine. C’est parler pour ne rien dire que d’avancer de telles élucubrations, élucubrations directement contredites par le fait qu’en mars 2022 les négociations entre les Russes et les Ukrainiens avaient quasiment abouti, mais l’Occident s’en est mêlé pour les faire capoter. Elles auraient pu aboutir au compromis suivant : une large autonomie pour les régions du Donbass et une neutralisation de l’Ukraine, soit qu’elle renonçât à entrer dans l’OTAN.  La modestie des forces russes engagées dans l’Opération spéciale à cette époque montre bien que la Russie n’avait certainement pas pour but d’occuper et d’annexer l’Ukraine. 

Négociations entre la Russie et l’Ukraine en mars 2022 sous l’égide de la Turquie 

Bozarslan se moque bien de tout cela, la réalité profonde du conflit ne le concerne pas, et il ne se risque pas à comparer l’état de la démocratie en Russie et en Ukraine, ni avec la Turquie, membre de l’OTAN, pays où il est né. Il s’obstine à laisser entendre que l’entreprise guerrière en Ukraine est seulement le résultat de la lubie anti-démocratique d’un homme seul, Poutine qu’il présente comme un homme en décalage avec son ex-Empire, voire avec sa propre société. il néglige bien entendu le fait que Poutine est soutenu par l’ensemble de la Russie à 85%, tandis que le soutien des Ukrainiens à Zelensky s’effrite gravement. On ne voit pas en quoi un pays dirigé indirectement par les Etats-Unis pourrait être qualifié de démocratique. Menteur pathologique, Bozarslan a un but : justifier les actions militaires des Etats-Unis et justifier aux yeux de l’opinion publique l’engagement guerrier de l’Union européenne. en lisant ce livre vous n’apprendrez rien de plus qu’en regardant LCI. Livre écrit à la va vite sur un coin de table – on le dirait rédigé par IA – il se résume à dire que Poutine « il est méchant » et qu’il faut se surarmer si on ne veut pas périr. Il serait sponsorisé par le lobby de l’armement que cela ne m’étonnerait pas. 

Livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine 

Chacun a bien sûr le droit d’écrire et de dire ce qu’il veut, je ne suis pas un censeur, mais on a le droit de dénoncer des misérables entreprises de propagande. Là où ça coince c’est quand le EHESS et le CNRS, institutions qui se voudraient honnêtes, labellisent cette misérable entreprise, faisant comme si cela lui donnait un parfum de scientificité et de sérieux. Même si Bozarslan n’est pas très intelligent, il s’est forcément rendu compte que de passer à une économie de guerre causera – et a déjà causé – des dégâts sur le plan économique. Les pauvres souffriront plus que les multinationales de l’armement. Les fantaisies de l’OTAN en Ukraine ont déjà coûté l’exil de millions de personnes et sans doute 500 000 morts. Mais au nom de la civilisation occidentale, Bozarslan s’en moque bien, il est bien au chaud dans son fauteuil de l’EHESS. Si vous lisez cet ouvrage, vous constaterez qu’il n’y a aucune solution proposée en dehors de faire la guerre et encore la guerre. Rien pour faire avancer la paix, tout pour faire la leçon aux Européens qui seraient frileux à l’idée de se lancer dans la guerre ! 

L’Europe dans sa continuité russophobe


[1] https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc

[2] https://www.revueconflits.com/des-projets-pour-leclatement-de-la-russie/

[3] On peut entendre cet aveu dans le film Ukraine Under the Fire, le film d’Igor Lopatonok, produit par Oliver Stone en 2016.

mardi 19 décembre 2023

Retour de la question de l’immigration

 

En vérité cette question n’a jamais quitté vraiment les esprits depuis une quarantaine d’années, grâce notamment aux assassinats au couteau et aux violences quotidiennes. Les palinodies de Macron et du Parlement de ces derniers jours n’ont pas changé le fonds du problème. Longtemps les problèmes liés à l’immigration ont été volontairement ignorés par la gauche, permettant ainsi à l’extrême-droite de devenir un parti de gouvernement crédible. Plus cette question est niée, et plus la gauche plonge et plus l’extrême-droite monte dans les sondages. Au début du mois de décembre 2023, un sondage commandé par Cnews au CSA, montrait que 80% des Français souhaitaient stopper l’immigration[1]. Il semble que ce soit un chiffre en hausse et que cette hausse soit la conséquence des exactions commises sur notre sol par les islamistes radicaux. L’immigration est considérée depuis une quarantaine d’année comme un problème pour les Français. Le pourcentage de Français qui souhaite stopper ce processus oscille selon les années et le nombre d’égorgements entre 70% et 80%. Il est évidemment stupide de penser que cette immense majorité est tout simplement travaillée par des médias mal intentionnés. Darmanin, mauvais à tout et bon à rien, a cru se refaire une santé politique en concoctant une loi sur l’immigration censée apaiser l’angoisse des populations. Mais cette ne présentait aucune clarté dans ses objectifs, elle essayait de faciliter la reconduite des migrants mal intentionnés fichés S à la frontière, et en même temps permettre aux métiers en tension, c’est-à-dire aux secteurs qui ont besoin d’une main d’œuvre peu chère et peu difficiles sur les conditions de travail, notamment dans la restauration, de continuer à importer de la main d’œuvre venue d’Afrique, au lieu d’augmenter les salaires et de chercher à améliorer les conditions de travail pour attirer des Français. Cette proposition de loi a été retoqué par une alliance entre la Gauche, le RN et une partie des LR. Les uns trouvant cette loi trop laxiste, les autres au contraire trop dure avec l’immigré. Cette rebuffade qui amena Darmanin à faire semblant de proposer sa démission, a fait les gorges chaudes de la classe politique et des journaux. Il est vrai que cette loi n’aurait pas changé grand-chose à la situation, ni dans un sens, ni dans l’autre. Comme la plupart des lois macroniennes en dehors de celles qui visent à abaisser les salaires, organiser la répression des mouvements sociaux et réduire les droits des travailleurs, elles ne servent à rien, seulement à amuser la galerie. Et les ajustements que tente Macron en ce moment pour faire voter cette loi ne changeront probablement rien sauf à faire monter le Rassemblement National aux prochaines élections.

 

Le 7 décembre 2023 on apprenait que le Conseil d’État, le gardien en France de l’orthodoxie bruxelloise, ordonnait à Darmanin, de rapatrier en France un Ouzbek qu’il avait fait expulser, au motif qu’il était fiché S, soit un islamiste radical considéré comme potentiellement dangereux[2]. On lui reprochait de ne pas avoir suivi les recommandations de la CEDH, recommandations dont le Conseil d’Etat se moque lorsqu’il s’agit de tabasser les Giles jaune spar exemple. L’injonction du Conseil d’État prouve déjà deux choses : d’abord que la politique immigrationniste se fabrique et se gère dans des officines obscures, et ensuite que les décisions de Bruxelles sont au-dessus de la souveraineté politique de la France. Le Conseil d’État est un habitué des mauvaises décisions qui vont à l’encontre de la volonté populaire, sur à peu près n’importe quel sujet. Sans doute ceux qui prennent de telles décisions le font pour emmerder le peuple. C’est l’exemple même de la tyrannie bureaucratique qui s’élève, en parlant au nom du droit, contre la démocratie, même la plus abâtardie. Les leçons qu’on peut tirer de ces deux épisodes récents sont nombreuses. D’abord il est impératif de sortir de l’Europe afin que les Français puissent s’occuper de leurs affaires. Ensuite que le gouvernement macronien et d’une incompétence rare dans à peu près tous les domaines, et qu’il ne peut faire passer ses lois mauvaises, rejetées par les Français massivement, qu’en usant du fameux 49-3 qui l’approche d’un basculement vers le fascisme. 

 

Mais l’immigration, on a beau s’efforcer de le nier, est bien un problème et perçue comme tel par les Français. On le voit évidemment avec les difficultés des enseignants : 100 000 agressions verbales et physiques ont été adressés à des enseignants en 2022. Au collège d’Issou dans les Yvelines, une professeure de français est accusée de racisme et d'islamophobie. Elle avait montré jeudi dernier un tableau datant de la Renaissance, sur lequel cinq femmes sont dénudées. Il s'agit d'une peinture du XVIIème siècle, Diane et Actéon de Giuseppe Cesari, tableau qu’on peut admirer au Louvre. Bien que les journalistes se gardent de le dire, ce sont les enfants d'immigrés de religion musulmane, les autres s'en foutent, qui ont attaqué frontalement leur enseignante, mais ces enfants qui ne savent rien sur rien et encore moins sur le reste sont en réalité instrumentalisés par leurs mosquées. Cependant nous voyons que l’immigration a comme conséquence une dilution de la civilisation française. L’immigration de masse a pour conséquence que non seulement le niveau de l’enseignement et de l’éducation régresse à grande vitesse – voir les résultats des lamentables pour la France des derniers tests PISA[3] – mais en outre cette arrogance de la jeunesse islamisée induit aussi un retour de la pudibonderie et de la censure. Cet aspect est bien moins remarqué que les émeutes auxquelles nous avons eu droit au printemps dernier après la mort de Nahel, il est pourtant essentiel dans la guerre culturelle qui est engagée contre l’Occident. Par ailleurs les quartiers des villes qui s’islamisent fortement voient le prix des biens immobiliers s’effondrer ! 

Manifestation à Thuringe, le 11 décembre 2023 

La situation est tendue dans toute l’Europe. En Allemagne où la Guerre en Ukraine tue l’économie à petit feu, on manifeste presque tous les jours contre l’immigration. Et bien sûr dans le même temps d’AfD est devenu un parti de gouvernement, tandis que la gauche s’effondre. Sahra Wagenknecht, figure de la gauche souverainiste, vient de quitter Die Linke dont le groupe disparait du Parlement. L’Allemagne a reçu en 2023 300 000 demandes d’asile. Outre les questions de cohabitation entre des cultures différentes, se pose la question économique : l’immigration est vue comme un frein à la hausse des salaires et à la montée du chômage. Les Danois et les Suédois jadis si ouverts et tolérants à l’immigration musulmane, ont mis en place aujourd’hui des politiques très restrictives[4]. La question de l’immigration détruit la gauche à petit feu, parce que la gauche n’est plus le porte-parole des humbles et des opprimés, mais participe à la mise en place d’un régime non-démocratique où on explique au peuple ignare ce qu’il doit penser. En France c’est Marine Le Pen et son parti qui caracolent en tête des sondages. Cela montre que si un parti dit d’extrême-droite grimpe, c’est bien parce que les partis de gauche s’effondrent et n’arrivent plus à parler à leurs électeurs potentiels. Dans cette configuration, la question de l’immigration est devenue centrale, mais en vérité il s’agit de la question de la souveraineté de la nation. L’Union européenne a démontré toute l’étendue de sa nocivité sur cette question en faisant de cette sorte de confédération, un espace ouvert à quatre vents.


[1] https://www.cnews.fr/france/2023-12-12/sondage-80-des-francais-estiment-quil-ne-faut-pas-accueillir-plus-de-migrants-en

[2] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/12/gerald-darmanin-epingle-pour-avoir-expulse-un-ouzbek-en-violation-d-une-mesure-prescrite-par-la-cedh_6205349_3224.html

[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/12/05/pisa-2022-une-baisse-sans-precedent-des-resultats-des-eleves-francais-comme-partout-ailleurs-dans-le-sillage-du-covid-19_6203983_3224.html

[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/25/stockholm-veut-dissuader-les-demandeurs-d-asile-de-venir-en-suede_6159310_3210.html et https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/danemark-une-politique-dure-pour-lutter-contre-l-immigration_5841281.html

mercredi 13 décembre 2023

Les conditions de travail en France se dégradent

  

Depuis que les politiciens français ont décidé, en 1983, de suivre les « recommandations » de la Commission européenne, c’est le pays d’Europe qui s’est le plus réformé dans le sens néolibéral du terme. Et ce n’est pas sans raison qu’en France le nombre de milliardaires a explosé. La France est le meilleur élève de l’Union européenne de par sa docilité. Il va de soi que cette attaque contre feu le modèle social français a été pensée et bien organisée par toute la classe politique, le PS, l’UMP puis LR, et bien entendu cerise sur le gâteau, le plus corrompu des présidents de la République qu’on ait connus, Macron, et son gang. Les discours mensongers des médias dominants est que les travailleurs français ont trop d’avantages, qu’ils ne travaillent pas assez et que tout cela mine la compétitivité. Par exemple à chaque mouvement de grève à la SNCF ont mettra en avant la peine que ça cause aux usagers, oubliant que ces usagers sont pourtant aussi des travailleurs qui subissent les conséquences de la dégradation des conditions de travail.  Cependant toutes les lois ont été dans le même sens : donner plus de flexibilité au marché du travail, abaisser les salaires, durcir les rapports sociaux au sein de l’entreprise. La conséquence de cela c’est d’abord une dégradation importante de la santé des travailleurs. Dans le graphique suivant on voit que la France détient en Europe des records de « risques physiques dans le travail ». le bouleversement du droit du travail voulu par la canaille du PS et de Macron, a aussi durci les relations dans l’entreprise. Elles sont de plus en plus mauvaises.

 

Les conséquences de cette orientation très offensive du patronat, mis en musique par ses domestiques de la classe politique, de droite et de gauche, sont très nombreuses. D’abord on remplace de plus en plus des travailleurs sous statut par des travailleurs sans statut. Par exemple des entreprises comme Carrefour, qui font de gras bénéfices, débauches leurs employés et les remplacent par des « alternants » ou des faux apprentis. Espérant au passage que ces nouveaux travailleurs ne se plaindront pas trop. Mais cela a comme nouvelle conséquence de l’absentéisme – très en hausse – et un turn-over de plus en plus important. Pour pallier à ces inconvénients, le patronat pense que l’immigration est la solution. Croyant que les travailleurs immigrés seront plus dociles et moins exigeants que leurs homologues français, ils ne veulent pas voir que si cela est avantageux sur le court terme, cela entraîne des problèmes sans fin sur le plan des rapports sociaux comme le montrent les meurtres au couteau ou les émeutes récentes. Notez que la situation est aggravée par le fait que les travailleurs sans statut ou presque voient leur salaire exonéré totalement – les pseudo-apprentis et les alternants – ou partiellement – ceux qui travaillent aux marges du SMIC – et qui de ce fait plombent les comptes de la Sécurité Sociale dont on restreint encore un peu plus les conditions d’éligibilité aux remboursements des soins et des médicaments. Comme on le comprend la baisse réelle des salaires via l’inflation s’accompagne, à travers de ce que le patronat appelle une baisse des charges, d’une dévalorisation du système de santé, dévalorisation qui doit être comprise au plan macroéconomique comme aussi une baisse des salaires.    

Curieusement et avec une désindustrialisation définitive de la France sous Macron, les accidents du travail ont augmenté, jusqu’à en faire une sorte de contre-exemple pour l’Europe, puisque dans le même temps, l’Allemagne qui garde encore un peu de son industrie, malgré la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, a, à l’inverse, diminuer le nombre de ces accidents du travail. Dans un article du Monde[1], Anne Rodier pointait que cette dégradation générale des conditions de travail, était le résultat de la multiplication des statuts qui freine les revendications collectives et leur expression, mais cette multiplication des statuts a été clairement voulue par les députés et autres canailles gouvernementales qui ont concocté les lois de démantèlement du droit du travail. On ne peut pas oublier le fanfaron Macron qui prônait ouvertement une ubérisation du marché du travail. Les syndicats portent une lourde responsabilité dans cette dérive. D’abord, la CFDT, le syndicat jaune qui sous l’impulsion de Laurent Berger a copiloté les réformes du marché du travail démarrées sous l’impulsion de Macron sous le quinquennat du malheureux Hollande – mon ennemi c’est la finance – et qui s’est poursuivi avec son successeur dont la haine des pauvres et des « sans-dents » n’a presque pas d’équivalent dans l’histoire de France. Mais également la CGT a sa part de responsabilité. En effet quand le vaste mouvement des Gilets jaunes mettait en avant l’effondrement des conditions de travail, Philippe Martinez son secrétaire général pointait du doigt la lutte contre le Rassemblement National, refusant de se joindre à ce mouvement et de l’appuyer. Pour dire les choses plus crûment, le patronat et la loi votée par un parlement totalement corrompu, ne font que ce qu’on leur permet de faire. 

Cette dégradation des conditions de travail a un coût. D’abord pour l’entreprise qui voit exploser l’absentéisme. D’où l’idée stupidement macronienne de renforcer le contrôle des absences – ce qui relève de la quadrature du cercle – et d’en diminuer la compensation financière. Notez qu’une partie de cet absentéisme provoqué par la hargne du patronat à rabaisser constamment les conditions de travail est en réalité collectivisée, puisque c’est aussi un coût supplémentaire pour la Sécurité Sociale. Il ressort que si entre 1945 et 1983 les conditions de travail ont été sensiblement améliorées, depuis le tournant à droite du PS, son intégration à la logique européenne, on assite peu à peu à la disparition du modèle social français. Tous les domaines sont frappés par cette tiermondisation rampante : l’éducation, la santé, l’entreprise. La France est en train de devenir – grâce à ses politiciens formés directement aux Etats-Unis, et contents de servir de marche avancée à l’Empire – le pays européen le plus américains, avec un grand nombre de milliardaires d’un côté et un nombre encore plus grand de précaires de l’autre. Pour ce qui concerne la santé, on constate la disparition progressive de deux services publics nécessaires à la protection des salariés face aux abus du patronat : l’inspection du travail à qui la canaille macronienne serre la vis tous les jours un peu plus et la prive de moyens, et la médecine du travail qui tombe en désuétude[2].

  

Il est de bon ton dans les cénacles politiques de stigmatiser les salariés parce qu’ils s’absentent et parce que le turn-over augmente. Regardons le graphique ci-dessus, si je passe sur la crise du COVID, absorbée plus ou moins par une distribution d’argent gratuite, depuis que Macron est au pouvoir, le turn-over qu’on peut lire dans l’explosion des démissions, a plus que doublé. C’est un signe de ce qu’on peut appeler le malaise au travail. À cette vision très générale, il faut ajouter la dégradation continue des conditions de travail dans la fonction publique. C’est bien connu pour ce qui concerne l’enseignement où maintenant on risque la mort en allant essayer de donner un peu de savoir à des analphabètes mal embouchés, la conséquence est que les postes à pourvoir sont de plus en plus nombreux et les candidats de moins en moins pressés de rejoindre l’Éducation nationale. C’est également le cas dans le secteur de l’hôpital, et encore plus grave dans la police et le maintien de l’ordre, secteur pourtant essentiel au maintien de la canaille macronienne au pouvoir. La dégradation générale des conditions de travail a des répercussions encore mal mesurées sur les services publics, or quand les services publics se détériorent c’est l’économie toute entière qui se délite, c’est d’ailleurs ce qui avait poussé Margaret Thatcher, dont Macron est un fervent admirateur, à la démission. Nul ne peut nier qu’aujourd’hui en France le résultat de près de 10 ans de macronisme – je compte là-dedans son passage au ministère de l‘économie – les services publics sont totalement en déshérence.



[1] « Conditions de travail, le grand dérapage », Le monde, 12 décembre 2023.

[2] https://emploi.lefigaro.fr/vie-bureau/seuls-14-des-salaries-la-connaissent-pourquoi-la-medecine-du-travail-est-boudee-20231005

jeudi 7 décembre 2023

Sergueï Essenine (1895-1925)

  

De la même génération que Jean Giono, Vladimir Maïakovski, Albert Cohen, ou encore Louis-Ferdinand Céline, il pense comme eux que l’écriture est un sacerdoce et une mission dans la mise en scène du chaos du monde. Mort à moins de trente ans, suicide ou assassinat, on ne sait pas vraiment, il est une légende aussi bien à cause de ses poèmes lyriques que de sa vie déréglée et extravagante. Sa liaison avec la sulfureuse Isadora Duncan avec qui il se mariera et l’alcoolisme le jetèrent dans des abimes de déconvenues et de déception, et ce d’autant que la Révolution d’Octobre n’avait pas répondu à ses attentes, notamment à cause d’une accélération de l’industrialisation du pays.

Sans être paysan ou fils de paysan, il venait d’un milieu rural, Konstantinovo, près de Riazan, élevé par ses grands-parents, il se destinait à la profession d’instituteur. Il deviendra correcteur d’imprimerie, puis militera pour la révolution, ce qui lui vaudra des ennuis avec la police. Rapidement il fréquente les cercles littéraires de Saint-Pétersbourg, où on croit que la poésie est une arme révolutionnaire !

Poète-paysan, si on veut, il vise à une approche fusionnelle avec les forces telluriques. C’est avant tout un poète lyrique, ses premiers textes datent de ses quatorze, la spontanéité et la jeunesse de ses œuvres l’ont fait qualifier de Rimbaud russe. Mais ce genre de slogan ne veut pas dire grand-chose. Il y a cependant chez Essenine, une sorte de de fureur mariée à une certaine innocence qui le rapproche du poète français. Un vaste choix de ses poèmes a été publié en 2015 par Henry Abril, dans une nouvelle traduction[1]. J’en profite pour saluer ici l’excellent travail d’Abril. 

Au-dessus des berges et du voile de l’eau,

On entend le claquement bleu de ses sabots.

Le vent ermite avance prudemment et froisse

Sur le sentier les feuilles qui dépassent

Et, accourant vers un sorbier sur le talus,

Il baise les plaies rouges d’un invisible Jésus.

1914-1915 (traduction Henri Abril)

 

Ce que racontent ces poèmes, c’est la terre et le ciel, la prolifération de la nature qui apparait comme sacrée dans ce qu’elle distribue comme énergie vitale, et puis bien entendu cette dialectique de la vie et de la mort comme la conclusion de ce qu’est le monde dans sa dimension cosmique. Le vent, les couleurs des saisons, le froid et la neige, forment des cycles dans lequel s’inscrit la beauté du monde. Il y a une sensualité qui se retrouvera dans toute son œuvre. Il parle souvent de la patrie, de sa patrie, c’est très mal compris parce qu’il ne s’agit pas là d’un nationalisme étroit avec une connotation politique, mais plutôt des lieux où on est né, où on a grandi qui sont comme une marque sur la vie des hommes réels.  

Oh toi, ma douce Russie,

Tes icônes fleuries près du feu…

Rien que toi à l’infini,

Tout ce bleu suçant les yeux.

Simple pèlerin qui passe,

Je viens contempler tes champs ;

Auprès de tes haies si basses,

Les peupliers s’étiolent, vibrants.

Il sent le miel et sent bon les pommes,

Ton humble Sauveur dans les églises,

Et de pré en pré résonnent

Les rondes gaies et sans fin reprises.

M’élançant sur le sentier

Qui mène aux clairières libres,

Vers moi j’entendrai tinter,

Boucles d’oreilles, le rire des filles.

Si la troupe des anges me hèle :

« Fuis la Russie, viens au paradis ! »

Je dirai : « Que m’importe le ciel,

Laissez-moi vivre dans ma patrie ! »

1914 (traduction Henri Abril)  

     Le long poème de La Russie des Soviets est la somme de ses déceptions, mais en même temps l’étonnement de l’émergence d’une nouvelle vie pour son pays. On y voit en effet des paysans se réinventer en s’écartant des traditions séculaires. Essenine a voulu comme tant de Russe la Révolution, mais il la voulait comme inscrite dans des formes issues de la paysannerie. Il ne comprend pas cette rupture, bien qu’il se refuse à la condamner, ne serait-ce que parce qu’elle se nourrit de nouvelles formes de solidarité. Même si la révolution de 17 l’a déçu, il ne la présente pourtant pas comme une catastrophe, il avoue son incompréhension. Comme on le voit la plume est lyrique, mélancolique mais aussi suffisamment simple pour être suivie par tous. Et c’est ce qui explique qu’Essenine est encore très lu aujourd’hui en Russie après avoir été le phare de la poésie russe tout au long du XXème siècle. Sa poésie n’est pas confidentielle et réservée à des savants. 

Je vois par exemple

Des villageois qui le dimanche,

Sont allés au conseil du canton, comme à l’église

En paroles crottées, mal dégrossies,

C’est de leur vie neuve qu’ils devisent.

[…]

Un soldat-rouge boiteux, l’air endormi,

Le front ridé par les souvenirs qu’il évoque,

Gonfle sa vitrine en parlant de Boudionny,

De comment les Rouges ont repris Perekop. 

« Ces chiens d’bourgeois… comme ci et comme ça…

En Crimée… croyez-moi… ça été leur fête… »

Et les érables plissent leurs longues oreilles,

Et les femmes s’exclament dans l’ombre muette. 

Des komsomols paysans sont venus des collines

Et aux sons de l’accordéon, avec une ardeur redoublée

Tous entonnent les slogans de Démian Bedny.

Une clameur joyeuse remplit la vallée

1924 (traduction Henri Abril)  

Dans ses ultimes poèmes, il admettra que le prima de la campagne sur la ville doit changer, et que la Russie, même si elle lui reste au cœur comme une nostalgie des labours et des forêts, doit se mettre à l’heure de l’acier et de l’industrie. Autrement dit c’est l’idée de progrès qui tue celle de la tradition. Il parlera d’ailleurs de ces jeunes Russes qui lisent le Capital de Marx, lui qui n’a jamais voulu y mettre le nez dedans. C’est donc bien d’une déchirure dont il s’agit chez Essenine. Cependant si nous regardons ce qui s’est fait au nom du progrès depuis un siècle à peu près, on se demande toujours si le retour vers une forme plus traditionnelle, proche de la nature n’est pas aujourd’hui une nécessité. Contrairement à Rimbaud, il ne pense pas que la main à plume vaut la main à charrue, et donc l’activité productive est une nécessité pour sortir de la misère. Regardons ce poème écrit juste avant la mort d’Essenine d’une manière lyrique, il n’indique pas tout à fait un revirement complet, mais à tout le moins c’est un déchirement forgé dans l’ambiguïté de la situation paradoxale que vit la Russie juste après que les feux de la guerre civile se soient éteint. 

Toute autre chose aujourd’hui m’attire

Au clair de Lune tuberculeux

Je vois la force de mon pays

Dans la pierre et l’acier orgueilleux 

Russie des campagnes ! Assez trainé

Ta charrue à travers champs et plaines !

Ça fait mal aux bouleaux et aux peupliers

De voir ta misère et ta déveine ! 

J’ignore ce qui peut m’arriver

Dans la vie nouvelle qui s’installe,

Mais je voudrais voir toute d’acier

Cette Russie pauvre et misérable. 

Écoutant aboyer les moteurs

Dans une cohorte de tempêtes

Je ne veux plus entendre alentour

Le chant grinçant des roues de charrettes

1925 (traduction Henri Abril)  

Il n’a pas cependant écrit que des poèmes. Très jeune, vers l’âge de 18 ans, il écrivit une sorte de roman très particulier, La Ravine dans lequel il conte la vie d’un village – probablement celui dans lequel il a passé son enfance. C’est sa seule œuvre en prose d’importance. C’est un roman qui pourrait se rapprocher de Giono. On y trouve cette communion difficile mais nécessaire avec la nature où la mort est un événement banal. Anti-moderne forcené, il oppose les paysans, pauvres et frustres qui n’ont pas l’ambition de s’enrichir, aux gens de la ville, les marchands, la justice et l’armée qui étouffent les individus dans leur existence propre et qui les contraignent à la misère. Dans ce roman incroyablement écrit, avec un démembrement de la linéarité du récit et l’éclatement de la communauté paysanne dans diverses figures, la communion avec la nature c’est aussi le rapport qu’on entretient avec les bêtes, domestiques ou sauvages. L’ouvrage débute avec une chasse à l’ours dans la forêt, et on comprend que Jim Harrison, l’auteur de Légendes d’automne ait adoré Essenine[2].

Le pivot de ce récit est Karev, une sorte de légende, chasseur, mais aussi défenseur des paysans contre la rapacité des propriétaires terriens, de ceux qui se sont accaparés les terres communales par des tours de passe-passe juridiques. Karev est d’abord un homme libre et c’est ce goût de la liberté qui lui donne de la force et le hisse un peu au-dessus. Cette liberté appelle à la dérive, à refuser de se fixer en quelque endroit que ce soir, appréhender le monde dans toute son étendue, sa beauté, mais aussi sa cruauté. 

« Mais un beau matin, un paysan grièvement blessé à la tête vint au village et raconta que le propriétaire l’avait frappé.

– J’allais casser une branche de noisetier, disait-il, alors il est arrivé en douce et m’a cogné avec une barre de fer.

Les paysans accoururent et manifestèrent leur émotion.

– L’ordure, il boit notre sang ! criaient-ils en déterrant des pieux.

Grand-père Yen sortit sur la place et appela les paysans à faire justice.

– C’est pas une vie ! criait-il. Il faut tout supporter maintenant !

La troupe entière armée de pieux courut au Passik. Hargne et haine mettaient à mal le recueillement dans lequel était plongé le ravin du Passik.

De colère, le propriétaire saisit un pistolet et courut à la rencontre des paysans.

– C’est ma propriété ! – il menaçait du poing – vous n’avez pas le droit d’y entrer ; le tribunal l’a confirmé, c’est à moi.

– Faut le frapper ! cria grand-père Yen. Vous le voyez le bandit, il s’est gavé de notre sang comme une punaise ! Allez, on le crève, les gars !

Il ramassa un pavé qu’il lui envoya avec force en pleine tempe.

L’homme agita les bras et sombra, comme fauché, dans le ravin.

La Ravine, 1913. 

Sur le plan de l’écriture, et malgré la jeunesse de son auteur, il y a beaucoup d’éléments très singuliers. D’abord la non linéarité du récit produit un éclatement entre des personnages qui prennent leur place dans un ensemble, dans une communauté, comme des pièces d’un puzzle. Il va y a avoir une évolution du particulier au général justement quand les paysans se rassemblent et affrontent le propriétaire qui les volent et la justice qui défend celui-ci.

C’est un poète sensualiste et donc dans La Ravine, le sexe comme le désir féminin tiennent un rôle décisif. On peut être étonné d’ailleurs que les femmes de ces contrées rurales aient autant de personnalité, ou plutôt que les structures sociales ne les contraignent pas plus que ça dans un rôle de soumission à l’homme. Mais c’est souvent un des axes de la littérature prolétarienne que de donner une image positive de l’émancipation féminine.  



[1] Serguei Essenine, L’homme noire, Circé, 2015

[2] Jim Harrison, Lettres à Essenine [1973], Christian Bourgois, 1999.

Henri Barbusse, Le feu, journal d’une escouade, Flammarion, 1916

  C’est non seulement l’ouvrage de Barbusse le plus célèbre, mais c’est aussi l’ouvrage le plus célèbre sur la guerre – ou le carnage – de...