vendredi 29 mars 2024

La campagne pour les élections européennes est commencée, pourquoi il est bon de s'abstenir

  

La campagne pour les élections européennes est lancée dans la plus grande morosité. On va élire au mois de juin prochain des soi-disant représentants des peuples d’Europe au Parlement européen. Soyons lucides. Ces élections sont d’abord une simple course à des postes grassement rémunérés. Mais le Parlement européen qui siège à Strasbourg n’a en vérité aucun pouvoir. Il a été conçu comme ça. Les institutions européennes qui possèdent du pouvoir sont au nombre de trois : d’abord et la plus importante est la Cour de justice de l’Union européenne, c’est elle qui décide dans ses couloirs et d’une manière opaque ce qu’est la loi et qui impose celle-ci aux États membres. Elle interprète les traités pour produire de la jurisprudence hors-sol, sans que les citoyens puissent se prononcer pour ou contre. Elle n’a aucune légitimité. Ses membres sont nommés et interprète les traités toujours dans le sens le plus libéral. Son rôle est très mal connu, il est pourtant la clé de voute du système européiste. Ensuite il y a la Banque centrale européenne qui est censée géré la monnaie et son émission, mais qui décide pour tous les pays qui ont malencontreusement adhéré à la monnaie unique, de la conduite de la politique monétaire, donc de l’austérité, de l’inflation. Comme en ce moment la BCE est en train de resserrer les taux, on discute beaucoup de savoir si cette politique austéritaire annoncée – Bruno Le Maire cherche 10 milliards d’économie pour rentrer dans les clous[1], puis quelques jours après 20 milliards[2] – contraignant les dépenses budgétaires, ne va pas plonger l’économie européenne qui est très mal en point dans la récession comme elle le fit au début des années 2010. Les budgets de l’éducation, de l’écologie, de la santé seront mis à contribution. On sait pourtant que c’est cette politique qui a accéléré le décrochage de la croissance en Europe par rapport aux Etats-Unis, comme le montre le graphique ci-dessous, mais pourtant c’est ce qu’on met en place pour de longues années, ce qui aura sûrement des conséquences sociales à moyen terme, par exemple avec de nouvelles crises du type de celles des Gilets jaunes. C’est assez prévisible, mais c’est à croire que la BCE a pour unique but au-delà de la maitrise de l’inflation de rabaisser l’Union européenne par rapport aux Etats-Unis, d’en faire un nouveau tiers-monde. Même le journal atlantiste Le monde s’en est alarmé[3]. Cette politique brutale pourrait produire une sortie de tel ou tel pays de l’Union européenne. On constate d’ailleurs, toujours dans le graphique ci-dessous, que si tout ne va pas bien au Royaume-Uni, il est assez clair que sa sortie de l’Union européenne ne lui a pas nui vraiment, ses performances restent encore supérieures à celles de la zone euro bien que certains tentent de nous faire croire le contraire. Le Brexit ne l’ayant évidemment pas immunisé contre les turpitudes de ses dirigeants. 

Enfin la troisième institution d’importance, c’est la Commission européenne. C’est elle, essentiellement les agents des américains, Josep Borrell et Ursula von der Leyen, qui décide d’envoyer 50 milliards d’euros à l’Ukraine, sans rien dire à personne, ou de rentrer en guerre avec la Russie. C’est elle qui décide en cachette de l’argent qu’elle donnera à Pfizer pour nous faire tous vacciner, du nourrisson au vieillard. Elle dispose d’un budget important de près de 170 milliards d’euros – à titre de comparaison, le budget de l’État français était est de 450 milliards d’euros – avec lequel elle exerce du chantage contre les pays récalcitrants, par exemple pour faire voter la Hongrie afin qu’elle lève son véto sur les sanctions contre la Russie ou pour qu’elle approuve d’entamer le processus d’adhésion de l’Ukraine en échange de grasses subventions. Également elle fait chanter la Pologne afin que ce petit pays accepte de se conformer aux principes américains de l’État de droit, ou encore qu’il laisse passer les exportations de l’Ukraine sur son territoire sans droits de douane, même si celui nuit à ses agriculteurs. Avec le nouveau premier ministre, Donald Tusk, elle n’a pas besoin de lui tordre le bras, il obéit sans broncher et même devance les desiderata de Washington dans à peu près tous les domaines, y compris celui de conduire son peuple au désastre. Peut-être ces gens-là finiront-ils un jour au bout d’une corde, tant leurs méfaits sont maintenant évidents. 

 

Dans ce contexte on comprend que le Parlement européen n’a strictement aucun pouvoir, c’est juste une parodie de démocratie représentative pour laquelle on vote. Rappelez-vous cre qu’avait dit innocemment Juncker en 2015 quand il s’agissait de dresser les Grecs pour mieux pouvoir les piller : « Il ne peut y avoir de choix démocratique face aux traités européens » C'était donc en 2015…et les traités ne sont pas près de changer, même si le Parlement européen était majoritairement acquis à la gauche.

 Ce simulacre de démocratie, vise à faire croire que les Européens sont représentés et ont le droit de s’exprimer, c’est faux pour deux raisons, la première est que le taux d’abstention est très élevé, supérieur à 50% dans tous les pays, sauf au Luxembourg et en Belgique où le vote est obligatoire ! Et ce sera encore comme ça cette année. Ce qui veut dire que les Européens ne se reconnaissent pas dans ces institutions qu’ils boycottent, ou dans les partis pro-européens. La seconde est comme nous l’avons dit ci-dessus que le Parlement européen n’a aucun pouvoir véritable, juste de proposer des sujets de discussion que la Commission acceptera ou non d’aborder selon son bon vouloir, c’est-à-dire le bon vouloir de Ursula von der Leyen et de Josep Borrell, les deux militants de l’OTAN et de la guerre à outrance. Donnons deux exemples récents de cette dérive autoritaire. Le premier à trait aux discussions de la Commission européenne avec le Canada pour la signature du CETA, un accord de libre-échange. Or les députés européens n’ont même pas pu avoir accès aux documents de travail en amont de cet accord[4]. Cet accord a été finalement signé, puis appliqué sans qu’il n’ait été jamais ratifié par l’ensemble des gouvernements des différents pays qui en subissent les conséquences ! Je doute que les représentants des pays qui l’ont ratifié l’aient vraiment lu. Le second exemple est la signature de l’accord entre l’Union européenne et Pfizer pour la livraison de 4,5 milliards de doses de vaccin contre le COVID, soit l’équivalent de 10 doses par personne. Non seulement ces doses n’ont pas été utilisées dans leur entier – sans doute autour de 30% des achats – mais en outre, les prix pratiqués sont complètement opaques. Or les parlementaires européens, notamment Michèle Rivasi, ont réclamé à cor et à cris les éléments de cette transaction entre la sulfureuse Ursula von der Leyen et Pfizer dont une de ses filiales employait le mari, mais ils n'ont jamais eu de réponse, et on ne l’aura sans doute jamais, car cela mènerait sans doute Ursula von der Leyen en prison. Le Parlement européen c’est une sorte de maison de retraite pour les politiciens sans avenir, comme le Sénat en France, ça ne sert à rien. Par contre c’est un haut lieu de corruption, non seulement ces députés sont très bien payés, mais ils reçoivent en permanence des cadeaux des lobbyistes stipendiés pour livrer des informations, pour faire avancer tel ou tel dossier. Le peuple européen perçoit clairement cette boutique comme inutile et les journaux révèlent périodiquement la corruption valise de billets à l’appui, comme on l’a vu avec l’intrigante Eva Kaili membre du PASOK et quelques autres de ses petits copains[5].


Comme nous le voyons dans le graphique ci-dessus, le déficit commercial français a explosé suite à l’introduction de la monnaie unique 

Il y a cependant une autre raison de ne pas voter aux européennes quand on est français, c’est d’être hostile à la globalisation à l’américaine qui vise d’abord à vider le concept de nation de son contenu et achever ce qui reste des nationalisations et du droit du travail. Évidemment si on défend l’idée de sortir de l’Europe institutionnelle, il n’y a aucune raison de voter pour des pitres qui ne serviront à rien et qui ne se battent que pour des places bien rémunérées. L’Union européenne est un grand mensonge antidémocratique. Cette boutique promettait il y a une vingtaine d’années une croissance solide de 4,5% hors inflation, un haut niveau d’éducation, l‘excédent budgétaire, le plein emploi et la prospérité, grâce à la fois au grand marché et à la monnaie unique. Tout cela a échoué lamentablement. Certes on savait que c’était un mensonge, mais les tenants de l’Union européenne – il y en a encore – prétendent que sans elle, les résultats auraient été encore plus mauvais ! Curieux raisonnement qui fait dépendre la solidité d’une politique économique à long terme d’aléas purement conjoncturels. C’est clairement à partir de l’introduction de la monnaie unique que le déficit commercial de la France a explosé, et cela a entraîné bien entendu une croissance plus faible, la décomposition de ce qui restait de notre industrie et par suite une croissance des dépenses publiques pour compenser les effets sociaux négatifs de cette évolution et donc d’un endettement de plus en plus difficile à financer. Macron ayant en la matière battu tous les records en termes de déficits jumeaux. Je rappelle qu’avant l’entrée de la France dans l’euro, la balance commerciale était, contrairement à celle de l’Allemagne, largement positive entre 1991 et 2002. 

L’Europe c’est la paix a été un slogan des plus mensongers, et aujourd’hui cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Vassale des Etats-Unis, contrepoint politique de l’OTAN, l’Union européenne a déclaré la guerre à la Russie, si elle n’a pas les moyens d’envoyer des soldats se faire tuer en Ukraine, elle fournit des armes et de l’argent pour continuer le massacre. Elle est de fait cobelligérante. Depuis que les armées de Kiev ont provoqué les populations du Donbass en 2014, l’Union européenne n’a jamais cherché à jouer un rôle de négociateur crédible, au contraire, elle a proposé au contraire de s’étendre de plus en plus à l’Est en intégrant les vestiges de l’URSS. Son plan a été d’intégrer la Moldavie, la Géorgie, l’Ukraine, après avoir absorbé la plus grande partie des anciens pays communistes. Aujourd’hui les « stratèges » de Bruxelles tentent d’attirer aussi dans leur filet l’Arménie, pari difficile puisque l’Union européenne mange déjà dans la main de l’Azerbaïdjan, ennemi juré des Arméniens qu’ils rêvent d’anéantir, pour avoir un peu de gaz. Cet expansionnisme frénétique et désordonné avait en réalité deux buts :

– un but économique, récupérer une main d’œuvre relativement bien formée et bon marché pour appuyer le développement industriel de l’Allemagne, n’oublions pas que de nombreuses multinationales américaines ont investi, parfois avec des aides de l’Union européenne, dans ces nouveaux territoires ;

– un but politique, provoquer la Russie pour l’obliger à entrer en guerre et éventuellement la démanteler, ce qui est le plan annoncé de longue date des Américains ainsi que Georges Friedman l’avait dévoilé dès 2015[6]. 

Macron le 14 mars 2024 

Comme on le sait pour les prochaines élections européennes, le parti présidentiel, Renaissance, est complètement à la traîne derrière le Rassemblement National, au 15 mars 2024, il accusait un retard de 13 points de pourcentage. Pour cette raison, Macron après avoir joué les colombes au début de l’entrée de l’armée russe en Ukraine, joue maintenant les faucons. Le voilà qu’il fait semblant de vouloir envoyer des troupes en Ukraine et de vouloir déclarer la guerre à la Russie. Il pensait sans doute que cela ferait remonter sa cote de popularité bien chancelante. Alors il organise un débat à l’Assemblée nationale pour tenter de mettre hors la loi les partis qui ne le suivraient pas dans ce délire. Entre temps comme les Etats-Unis, l’Allemagne et même les Britanniques ont dit qu’ils n’enverraient pas de troupes, on comprend aussitôt que Macron n’a pas les moyens de ses ambitions et que tout cela ce n’est que du vent[7]. Mais comme c’est le seul argument qu’il a pour soutenir son parti de bras cassés aux prochaines élections, il persiste dans cette voie sans issue, répétant la stupidité selon laquelle la défaite de l’Ukraine serait la défaite de l’Europe toute entière ! « Si la Russie venait à gagner, la vie des Français changerait également sur une possible perte de crédibilité de l’Europe. Nous n’aurions plus de sécurité en Europe. Qui peut penser que le président Poutine s’arrêterait là ? La sécurité de l’Europe et des Français se joue en Ukraine » a-t-il répété le 14 mars 2024. Il faut dire qu’en vérité depuis 2017 la vie des Français les plus modestes a changé, allant vers l’appauvrissement continu du fait de sa politique économique suicidaire. Rappelons que la France n’a pas de frontières avec la Russie, la distance entre nos deux pays est de plus de 5000 kilomètres, ce qui signifie que les chars russes ne risquent pas d’arriver jusqu’à Paris, même si Poutine le voulait. Il faut encore ajouter que si l’effondrement de l’URSS a conduit à la fin du Pacte de Varsovie, l’OTAN, elle, n’a jamais désarmé. Également que depuis que l’Union européenne a coupé les ponts avec la Russie sur les injonctions de l’Oncle Sam, son économie plonge dangereusement dans le rouge.  L’Union européenne d’Ursula von der Leyen et de Josep Borrell a clairement fait les mauvais choix. 

Boris Johnson en avril 2022 a incité Zelensky à refuser le plan de paix déjà élaboré par les Russes et les Ukrainiens 

Depuis février 2022 les choses se sont envenimées et personne ne peut ignorer la posture belliqueuse d’Ursula von der Leyen ou de Josep Borrell. L’Union européenne n’a jamais avancé un plan de paix. Elle aurait pu le faire dès le début du mois de mars 2022, mais elle a laissé la place au petit télégraphiste de Washington, Boris Johnson, pour que celui-ci apporte le message à Zelensky : « grâce à nous vous allez gagner la guerre et vous serez un grand héros ». Quelques 300 000 Ukrainiens morts plus tard, le plan des Américains n’a réussi qu’à couper l’Union européenne de la Russie et a révélé au monde entier les faiblesses militaires conjointes des Américains et des Européens. Mais le pire est que cet épisode des négociations qui ont eu lieu en mars 2022 a mis deux autres choses en évidence : l’Union européenne n’a aucune autonomie stratégique par rapport aux Etats-Unis, et elle n’est pas une force de proposition pour la paix. Les négociations entre les Russes et les Ukrainiens se sont déroulées sous l’égide d’Israël et de la Turquie. Les Européens étant aux yeux des Russes considérés comme très peu fiables à cause des accords de Minsk qu’ils avaient parrainés, mais qu’ils avaient refusé de mettre en place pour gagner du temps et armer l’Ukraine comme Hollande et Merkel ont fini par l’avouer. « Les accords de Minsk de 2014 ont servi à donner du temps à l’Ukraine […] Un temps qu’elle a utilisé pour se renforcer, comme on peut le constater aujourd’hui. L’Ukraine de 2014-2015 n’était pas l’Ukraine d’aujourd’hui. Comme nous avons pu l’observer début 2015 lors des combats autour de Debaltsevo, Poutine aurait pu alors facilement gagner » avait dit l’ancienne chancelière[8]. 

 

L’Union européenne en tant qu’institution mène deux types d’actions hostiles envers la Russie. D’abord des sanctions économiques qui sont en place depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, et qui ont abouti à partir de 2022 au gel d’avoirs de personnalités russes pour un volume d’environ 200 à 300 milliards d’euros. Ce gel est mis en pratique sans aucune base juridique réelle, ce qui est surprenant pour une bureaucratie qui se gargarise à longueur de temps des critères visant à respecter l’Etat de droit. Mais ces sanctions économiques dont on a vu l’inefficacité globale visent en vérité principalement à couper l’Union européenne du marché russe. Cette orientation montre que l’Union européenne se comporte en vassal zélé des Etats-Unis. Les autres formes de cobelligérance sont l’aide financière et militaire qui se chiffre aux alentours de 100 milliards d’euros si on englobe les années qui iront de 2024 à 2027. L’aide militaire se traduit par l’envoie de munitions, de chars et d’avions, parfois sortis de la retraite et bricolés pour les mettre au goût du jour, mais aussi par une formation des militaires ukrainiens qui repartiront ensuite sur le front se faire trouer la peau. L’aide financière permet aux Ukrainiens – même si une partie de cette aide est détournée – de financer l’achat d’armes et d’équipements militaires. L’Union européenne finance donc bien la guerre et non la paix. Il est important de se souvenir qu’elle n’a jamais proposé ni soutenu une négociation qui en mars 2022 aurait permis pourtant de conserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine – hors la Crimée bien sûr, ainsi que l’a révélé l’ancien premier ministre israélien Naphtali Bennett, confirmant par avance ce que dira, document à l’appui plus tard Poutine[9]. L’Union européenne des von der Leyen et des Josep Borrell est coupable non seulement d’avoir parier sur la guerre, sans même avoir compris que la guerre ne serait pas gagnée par l’Ukraine, et donc d’avoir envoyé à la mort des dizaines de milliers d’Ukrainiens, mais aussi d’avoir refusé un plan de paix pour une guerre qui frappe à sa porte. La guerre de l’Union européenne contre la Russie est complétée à la fois par la censure des médias russes sur notre territoire, et par la profusion de fausses nouvelles. Il est remarquable que l’Union européenne n’ai jamais rien eu à dire sur l’agression qu’elle a subie avec le sabotage des Nord Stream I et II et qui la prive d’un accès aisé à un gaz bon marché. Rien que cette passivité face à un acte de guerre d’un de ses soi-disant alliés doit être considéré comme une preuve de sa soumission aux intérêts de Washington, autrement dit que l’Union européenne est d’abord dressée contre les intérêts des Européens[10] ! 

 

Dans la campagne pour les européennes qui s’annonce, il faut regarder la révolte des paysans. Celle-ci traverse toute l’Europe, de la Pologne comme on l’a vu, à la France, et jusqu’au Portugal. Cette révolte très désordonnée doit être comprise comme l’échec de la PAC. La Politique Agricole Commune avait comme objectif d’augmenter les rendements quitte à produire de la merde et à détruire les sols et laissant l’agrobusiness ravager les champs avec des pesticides qui finissent par donner des cancers aux paysans[11], s’attaquent à la viabilité des sols et tuent les abeilles. Mais si c’est un désastre écologique, l’échec est aussi économique. Cela a abouti à une surproduction générale de lait, de viande, de céréales, surproduction qui a – suivant la bonne vielle loi du marché, de l’offre et de la demande – tiré les prix vers le bas, après avoir poussé les agriculteurs à s’endetter pour être compétitifs. L’élargissement de l’Union européenne à l’Est a accéléré cette tendance. Cela a engendré une concentration frénétique des propriétés agricoles, sur le modèle pratiqué en Ukraine depuis que Porochenko a vendu les riches terres agricoles de son pays aux multinationales américaines. Seuls les grands propriétaires terriens ou les capitalistes de l’élevage intensif s’en sont tirés et bien tirés. Cette politique est un désastre humain, économique et écologique. Et c’est bien l’Union européenne et ses experts corrompus – souvent issus de la chimie – qui en sont les premiers responsables. Cette destruction des bases paysannes nationales va évidemment alimenter un sentiment nationaliste ou souverainiste, on le voit déjà en Allemagne – pas encore tout à fait en France – où la volonté de sortir de l’Europe et de l’euro a une popularité croissante, et ce d’autant plus que les Allemands sont en première ligne dans le conflit militaire larvé – voulu par l’Union européenne – contre la Russie. Mais en outre ils considèrent que ce conflit engendre une dégradation de leur économie et de leur bien-être. L’industrie allemande est en perdition et souffre du prix de l’énergie importée. 

L’image de l’Union européenne et de la Commission européenne est très dégradée. Ses dirigeants sont peu aimés. Seulement 15% des Européens considèrent que von der Leyen fait du bon travail, mais il est probable qu’elle sera reconduite. La cote de popularité de Olaf Sholz est autour de 20%, celle de Macron en dessous de 30%, tandis que celle de Poutine oscille entre 70 et 80%. Une des raisons à ce divorce est bien entendu la politique migratoire. Je ne discuterais pas de la question de fond en ce qui concerne pour ou contre l’immigration. Je voudrais juste pointer l’irrésolution de Bruxelles. Incapable de contrôler ce qui se passe à ses frontières, l’Union européenne prétend réguler l’immigration en confiant à des États tiers, la Turquie ou la Lybie le soin de retenir chez eux les migrants. En 2022, la commission européenne donnait 1,2 milliards d’euros à la Turquie pour faire ce travail[12]. Le migrant est une marchandise qui peut rapporter gros aux passeurs et aux États qui le contrôlent ! Ce qui n’empêche pas les migrants de passer, comme on l’a vu avec la crise de 2015. Meloni-l’americana qui s’est révélé plus européiste et va-t-en-guerre que von der Leyen elle-même, s’était fait élire en Italie en promettant de contrôler l’immigration. Mais en 2023 l’Italie a battu son record d’immigrants ayant traversé la Méditerranée pour atterrir chez elle ! Démontrant que cette première ministre est seulement un pion atlantiste formé à l’Aspen Institute pour promouvoir la politique américaine sur son sol. Les errances de la politique migratoire européiste – oscillant entre volonté de faire baisser les salaires et grand remplacement – sont devenues évidentes, renforçant le sentiment souverainiste et pas seulement à droite ou en Hongrie. En Europe ce sont les deux tiers des citoyens qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés et que cela pose problème. Autrement dit, l’Union européenne développe une politique migratoire contre la volonté de la majorité de ses citoyens. Mais, au fond, c’est la même chose dans tous les autres domaines. Que ce soit le pouvoir d’achat, les systèmes éducatifs ou les systèmes de santé, on est au trente-sixième dessous. La raison en est simple c’est qu’à la notion de service public on a substitué de partout en Europe les mécanismes de marché et la concurrence. La France a été particulièrement meurtrie par cette logique : les chemins de fer à moitié privatisés sont défaillants, le prix de l’électricité a explosé, comme de partout où on privatise le bien public pour offrir des gras rendements aux actionnaires. Quand on regarde les classements PISA qui mesurent les performances des élèves dans les matières fondamentales de l’école, les pays asiatiques progressent et les pays européens dégringolent. L’hôpital est depuis des années en détresse et Macron et son gouvernement sont incompétents pour l’améliorer, de grands débats en mesures inadéquates, la France plonge dans tous les domaines pour avoir courbé l’échine devant les oukases de la Commission européenne. 

 

Comme on l’a compris l’Union européenne a échoué exactement dans tous les domaines, elle n’est absolument pas réformable. Il n’y aura jamais une autre Europe ou une Europe sociale. Ce sont des mensonges électoralistes. Les « socialistes » ne l’ont pas faite bouger quand ils étaient majoritaires en Europe, ils nous ont baladé avec cette idée moisie pendant quarante trop longues années.  Cette bureaucratie pire que ce qu’était l’URSS dans les années soixante-dix du point de vue du contrôle social, n’a aucun avenir. Corrompue jusqu’à l’os, elle doit être abandonnée aux poubelles de l’histoire et c’est pour cela que l’abstention massive aux élections de juin 2024 sera un rejet de ce qu’elle est. L’autre étape sera d’en sortir, le Brexit s’il n’a pas tout réglé a au moins montré que ce n’était pas pire que d’y rester. Le plus remarquable est sans doute que l’Union européenne se présente comme l’ennemie des Européens, elle les mène à la guerre, vise leur appauvrissement au profit des Etats-Unis, on pourrait sur la base de ces actions hostiles menées, juger les dirigeants de cette sous-boutique des Etats-Unis pour haute trahison. Mais comme on ne sait pas vraiment vers quel juge se tourner pour juger de ces trahisons le plus court serait encore d’en sortir. 

En 1941 ces Ukrainiens criaient « Slava Ukraini » pour l'arrivée d’Hitler dans le berceau du banderisme à Lvov, capitale de Ukraine de l'ouest ainsi que l’immortalise ce cliché

[1] https://www.ouest-france.fr/economie/budget-de-letat-que-representent-les-10-milliards-deconomies-annonces-par-bruno-le-maire-38cc0596-cf04-11ee-ae65-ae2b32b20025

[2] https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/07/budget-bercy-annonce-que-les-economies-passeront-a-20-milliards-d-euros-en-2025_6220522_823448.html#:~:text=%C2%AB%20L'%C3%A9cologie%20ne%20fait%20pas%20partie%20de%20vos%20priorit%C3%A9s%20%C2%BB&text=%C2%AB%20Nous%20devons%20garantir%20que%20les,suppl%C3%A9mentaires%20pour%20l'ann%C3%A9e%202025.

[3] https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/20/a-travers-l-europe-le-grand-retour-des-restrictions-budgetaires_6217444_3234.html

[4] Karine Jacquemart, « TTIP, CETA : accords de nouvelle génération, nouvelles menaces pour la démocratie ? », Revue internationale et stratégique, n° 4, 2017

[5] https://www.lecho.be/dossiers/qatargate/des-sacs-d-argent-liquide-trouves-au-domicile-de-la-vice-presidente-du-parlement-europeen/10433834.html

[6] https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc

[7] https://www.geo.fr/geopolitique/ukraine-troupes-otan-occident-se-desolidarise-propos-emmanuel-macron-219006

[8] https://www.bfmtv.com/international/europe/ukraine/guerre-en-ukraine-francois-hollande-dupe-par-deux-humoristes-russes-dans-une-interview_AN-202304080253.html et https://www.monde-diplomatique.fr/2023/01/A/65415

[9] https://www.humanite.fr/monde/guerre-en-ukraine/ukraine-le-dessous-des-cartes-par-naftali-bennett-781394

[10] https://www.latribune.fr/economie/international/un-journaliste-d-investigation-americain-accuse-les-etats-unis-d-avoir-sabote-les-gazoducs-nord-stream-1-et-2-951150.html

[11] https://cancer.ca/fr/cancer-information/reduce-your-risk/be-safe-at-work/pesticides#:~:text=La%20recherche%20indique%20que%20l,et%20du%20poumon%2C%20entre%20autres.

[12] https://france.representation.ec.europa.eu/informations/turquie-lue-consacre-12-milliard-deuros-en-2022-au-soutien-aux-refugies-et-la-gestion-des-frontieres-2022-12-12_fr#:~:text=La%20Commission%20europ%C3%A9enne%20a%20adopt%C3%A9,fondamentaux%2C%20aide%20aux%20plus%20vuln%C3%A9rables

dimanche 24 mars 2024

Attentat sanglant à Moscou

 

Les terroristes entrent dans le Crocus City Hall et tirent dans la foule 

L’attentat sanglant de Moscou qui a fait 130 morts et 150 blessés, a été revendiqué par l’État Islamique, beaucoup ont embrayé là-dessus, notamment Le monde qui avance que cette nébuleuse terroriste aurait des comptes à régler avec Poutine parce que celui-ci a entravé son expansion en Syrie. Je pense que cet attentat a été monté par la CIA, avec la logistique de la CIA, que ce soit avec des Ukrainiens ou non. À mon sens, mais ce n'est qu'une hypothèse, le but est de déstabiliser les Russes afin qu'ils pensent qu'avec Poutine ils ne sont plus en sécurité. Seulement les Russes sont plutôt pour une guerre totale avec l'Ukraine. Or ces terroristes idiots et islamistes tentaient de passer en Ukraine lorsqu'ils ont été arrêtés. Autre chose, les Américains avaient signalé que la Russie allait être victime d'attentats de masse. Comme ils avaient dit que le Nord Stream ne rentrerait jamais en service. Cependant l’ambassadeur de Russie aux Etats-Unis affirme n’avoir jamais reçu d’avertissement qui concernerait un problématique attentat[1]. Le plus troublant est la communication étatsunienne qui, alors que l’enquête démarre à peine, a avancé que l’Ukraine n’avait rien à voir dans ce massacre. Qu’en savent-ils, surtout quand on a vu que les terroristes qui fuyaient se dirigeaient justement vers la frontière ukrainienne ? Ils affirment avec un aplomb remarquable que seul l’État Islamique porte la responsabilité de cette horreur[2]. C’est aussi la thèse de Maria Zakharova « Au fil des décennies, les élites politiques des États-Unis sont devenues habiles pour détourner habilement l'attention des crimes très médiatisés et de toutes sortes de mises en scène. Par conséquent, jusqu'à ce que l'enquête sur l'attaque terroriste au Crocus City Hall soit terminée, toute phrase de Washington visant à justifier Kiev doit être considérée comme une preuve" de son implication », a-t-elle écrit sur sa chaîne Telegram. 

Le bâtiment a été en partie incendié 

Certains ont avancé que cette méthode n’était pas vraiment celle de Daesh qui privilégie les attentats suicides et ne cherche pas à exfiltrer les exécutants[3]. Ceux qui ont été arrêtés semblaient en effet de pauvres garçons sans but et sans cervelle, ils ne ressemblaient pas à des fanatiques de l’Islam. Les terroristes qui ont été arrêtés très rapidement pas le FSB, ont affirmés avoir été payé pour tuer un maximum de personnes. On leur aurait promis 10 000 euros mais ils n’en auraient touché que la moitié. Ils venaient tous de pays à forte majorité musulmane du sud du Caucase qui est le point que les Américains jugent faible dans la défense de la Russie. Cet attentat intervient curieusement au moment où l’Azerbaïdjan, instrumentalisé par les Etats-Unis et l’Union européenne, revendique maintenant de nouveaux territoires sur le compte de l’Arménie.   

Un des terroristes arrêtés à la frontière ukrainienne 

Cet attentat est un traumatisme pour les Russes, le 24 mars on annonçait un autre attentat à la bombe dans le centre commercial London de Saint-Pétersbourg, on a dû évacuer plusieurs centaines de personnes. Mais il s’agissait fort heureusement d’une fausse alerte. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux hypothèses, et personne – sauf les Américains ! – n’avance autre chose que des hypothèses. Cela dit si ce sont les sbires de Daesh qui ont commis ce crime, cela viendra rappeler aux Occidentaux que leurs ennemis premiers ne sont pas les Russes, mais plutôt la mouvance islamiste radicale.  

Les moscovites se sont rendus en masse sur les lieux de l’attentat pour rendre hommage aux victimes


Après l'attentat à Moscou un long cortège s'est formé pour donner son sang


[1] https://fr.sputniknews.africa/20240324/les-etats-unis-nont-pas-informe-la-russie-au-sujet-des-attaques-terroristes-1065732387.html 

[2] https://russiepolitics.blogspot.com/2024/03/crime-de-masse-moscou-puisque-les-etats.html

[3] https://fr.sputniknews.africa/20240323/la-methode-de-daech-nest-pas-celle-qui-a-ete-utilisee-au-crocus-selon-un-chroniqueur-beninois-1065728539.html

lundi 18 mars 2024

De la démocratie, de la réélection de Poutine et de la souveraineté du peuple russe

  

Le monde a fait ouvertement campagne contre Poutine et contre sa réélection, comme si les Russes allaient tenir compte de ce que la guerrière Sylvie Kaufmann est capable de pondre dans ses éditoriaux. Mettant en scène, comme 99% des médias français et occidentaux, la veuve de Navalny qui disait « il faut voter en masse contre Poutine pour faire émerger une nouvelle Russie ». Le vindicatif Benoit Vitkine, agent des Etats-Unis au sein de la rédaction de ce journal atlantiste, était complètement dépité. Pendent deux jours on nous a raconté – toujours dans Le monde – que les élections se passaient mal que les incidents étaient nombreux. Mais Vitkine a bien été obligé de reconnaitre que le triomphe de Poutine aux élections était bien réel et que le peuple russe avait plébiscité le président. Du coup il s’en est pris aux Russes qui votent si mal. « Les Russes lui ont donné un nouveau mandat de chef de guerre ». Rien que le titre sous-entend que le Russe est belliqueux, qu’il aime la guerre et que la paix lui indiffère. Après nous avoir dit que les élections n’étaient pas démocratiques, à cause de la mort de Navalny, on nous dit que c’est bien le Russe qui est mauvais tant il vote mal. Un peu comme Serge July qui injuriait les Français qui en 2005 avaient voté contre le TCE. Mais pourquoi les Russes soutiennent-ils Poutine ? Juste pour faire la guerre à leur voisin, le gentil Zelensky ? en vérité il y a au moins deux raisons : d’abord parce que Poutine a redressé le pays depuis 2000, pays qui avait été ruiné par les exactions des Américains qui s’étaient installés en Russie pour réformer ce pays selon leur goût. Comme on le voit dans le graphique ci-dessous, c’est clairement avec Poutine et ses équipes que la Russie est repartie. Avec les fameuses réformes à l’américaine des Gorbatchev et Eltsine, le PIB par tête avait chuté de plus de 60%. Sans de bons résultats économiques, il est probable qu’aujourd’hui la Russie n’existerait plus ou du moins, la Fédération de Russie. Tous les Russes savent bien que l’effondrement des années quatre-vingt-dix était aussi le résultat des manœuvres des Américains et de quelques traitres qui les accompagnaient. 

 

Ensuite évidemment les Russes ont compris bien plus vite que les Occidentaux que c’était bien l’OTAN qui encerclait la Russie et qui se servait de l’Ukraine pour tenter de démanteler ce pays et en piller les ressources. L’annexion de la Crimée en 2014 a été vécue comme une victoire contre cet encerclement. Et les Russes approuvent dans leur très grande majorité l’action de leurs armées en Ukraine, ils sont assez fiers de voir que leur armée tient tête à la coalition occidentale. Avec la présence de Navalny aux élections présidentielles, le score de Poutine n’aurait pas changé, contrairement à ce que laissent entendre la plupart des médias occidentaux. Massivement les Russes le méprisaient, le considéraient comme un escroc et comme un agent des Américains. Les élections en Russie ont entrainé chez certains des accès de rage. Vitkine reconnait au moins que les Russes adhèrent largement à leur président. Mais d’autres comme la semi-idiote Anna Colin-Lebedev sombrent dans une sorte de complotisme à la Trump. Les résultats des élections sont fabriqués avec des nouvelles technologies numériques qui permettent d’obtenir les résultats qu’on veut[1]. On voit que les Russes très occidentalisés comme Vitkine et Colin Lebedev ne sont pas d’accord dans leurs analyses. C’est un très mauvais signe pour le camp américain. Ils voudraient bien voir la Russie faible et effondrée et pouvoir ainsi accuser Poutine de tous les maux, mai, quoi qu’on en dise, on en est loin. Dans l’imbécilité de Colin Lebedev, il y a l’idée que les Russes seraient très avancés dans la manipulation de l’opinion et le contrôle des votes. France Info se fait curieusement le relais de cette opinion, alors qu’il n’y a guère cette radio n’avait que des mots de condamnations pour Trump, le mauvais perdant des élections de 2000 qui disait qu’on lui avait volé sa réélection. C’tes toujours une manière de ne pas expliquer les raisons d’une défaite dans les deux cas. C’est un peu comme la gauche qui passe son temps à dire que ses échecs répétés ressortent de la manipulation de l’opinion par les médias de masse. 

 

L’autre point critique est de dire que ces élections n’étaient pas démocratiques, en ce sens que plusieurs candidats ont été récusés. On peut le dire, mais pas laisser entendre qu’en Occident ce serait plus démocratique. Prenons le cas des dernières élections présidentielles en France. Des candidats comme Asselineau ou Philippot n’ont pas pu se présenter, ils n’avaient pas assez d’argent et d’élus pour les soutenir. Macron se qualifie pour le second tour avec 18% des électeurs inscrits, et il l’emporte ensuite sur Marine Le Pen avec 37% de sélecteurs inscrits. A partir de là il fait ce qu’il veut, et sur pratiquement toutes ses décisions – dont la dernière serait d’envoyer des soldats français en Ukraine – sont contestées par au moins les deux tiers des Français. Le Washington Post parlait de farce électorale[2], mais que dire de ce qui se passe aux Etats-Unis ? Si on prend ce cas, la présidentielle de 2024 est verrouillée par les deux gros partis, alors que pour des raisons diverses les deux futurs candidats sont contestés : Trump est jugé vulgaire, fou, caractériel, et Biden à moitié gâteux. Les deux candidats font l’unanimité contre eux. Robert Kennedy Jr n’a pas pu se présenter, alors qu’il avait une cote en ascension parmi l’électorat américain. Ça n’empêche pas les journalistes français de nous dire que Poutine était opposé à trois candidats fantoches. Mais quand en France les médias et l’ensemble des partis se dressent pour faire barrage à Marine Le Pen, leur seul programme, ne peut-on pas parler d’élections truquées ? Si la démocratie n’existe pas en Russie, elle n’existe pas non plus en Occident où la plupart des dirigeants prennent des décisions qui sont en désaccord profond avec les souhaits du peuple. Je l’ai dit, la popularité de Ursula von der Leyen, dans l’Union européenne, c’est 15%, celle de Scholz, 20%, Macron 25%. L’Express avançait que la guerre en Ukraine était très largement soutenue par la population, avec un score proche du pourcentage obtenu par Poutine aux élections présidentielle[3]. Or dans le même temps, le journal Ouest-France avançait que seulement 10% des Européens croyaient en la victoire annoncée par leurs dirigeants contre l’armée russe, c’est peu[4]. Ce qui veut dire entre autres choses que les dirigeants européens auront bien du mal à mobiliser l’opinion pour aller envoyer des soldats faire la guerre aux portes de la Russie.

 

Les Russes se sont déplacés massivement pour voter, à 74%, ce qui signifie pour le moins que les Russe se sont sentis concernée par cette élection. Les résultats montrent que les Russes font bloc derrière Poutine et approuvent globalement sa politique. Les résultats les plus spectaculaires en faveur de Poutine ont été enregistrés dans les régions qui ont été annexées par la Russie. Ça faisait enrager ce malheureux Zelensky qui lui a dû annuler les élections présidentielles de cette année qui devaient avoir lieu au mois de mars parce que le résultat aurait été très incertain. Il a affirmé sans rire que ces élections n’avaient pas de légitimité : « Il est clair pour tout le monde que ce personnage, comme cela s’est produit si souvent dans l’histoire, est tout simplement ivre de pouvoir et fait tout ce qu’il peut pour régner éternellement ». La Pologne a elle aussi critiqué l’élection présidentielle russe. « L’élection présidentielle en Russie n’est pas légale, libre et équitable », a réagi dans un communiqué le ministère polonais des Affaires étrangères, ajoutant que le scrutin s’était déroulé « dans un contexte de répressions sévères et dans les régions occupées de l’Ukraine, en violation du droit international »[5]. Les résultats les meilleurs ont été obtenus dans les régions récemment annexées, que ce soit le pourcentage de participation ou le vote pour Poutine[6]. Tout ce dénigrement orchestré par les médias occidentaux est contradictoire avec ce que disent les sondages occidentaux indépendants sur le soutien des Russes à leur président. C’est parfaitement gratuit. Cette adéquation du peuple et de son dirigeant n’existe pas en Occident ou pourtant on se gargarise de vivre en démocratie. Si on suppose que la démocratie c’est l’exercice du pouvoir par le peuple, alors ni la Russie, ni l’Occident ne sont des régimes démocratiques. Dans les deux cas se sont des « élites » qui ont plus ou moins le souci des intérêts du peuple qui gouvernent, mais le décalage entre les élites et le peuple est le peuple nous devons le reconnaitre est bien plus grand en Occident qu’en Russie. Pour tenter de discréditer cette réélection on a avancé que Poutine était au pouvoir depuis trop longtemps, 24 ans, encore plus que Staline, l’occasion était trop bonne de comparer la Russie de Poutine à celle de Staline, alors que les deux régimes n’ont rien à voir, sur le plan politique comme sur le plan économique. C’est peut-être vrai que Poutine est là depuis trop longtemps, mais Macron est là depuis 2017 et beaucoup de Français trouvent que c’est beaucoup trop au vu des résultats catastrophiques de sa gestion, et 60% des Américains trouvent que Biden est lui aussi là depuis trop longtemps. Cet argument de la durée sert en vérité à démontrer que s’il a duré aussi longtemps, c’est bien parce qu’il est un dictateur, c’est la preuve par le pudding.

 

Comme on l’a compris, c’est moins la réélection de Poutine qu’il est important de commenter, mais la réaction hébétée de l’Occident. Quoi qu’on en dise, les Russes sont unis derrière leur président, y compris pour la guerre si elle doit se faire. Ce n’est pas le cas de l’Occident, non seulement les peuples ne suivent pas leurs dirigeant sur ce terrain – sur les autres non plus d’ailleurs – mais les pays qui composent cet Occident global ne sont pas plus unis. Il y a les querelles que Macron a déclenché avec ses idées loufoques sur la guerre, mais aussi des contentieux importants de pays comme la Pologne, la Hongrie ou la Roumanie avec l’Ukraine. L’élection de Poutine n’est pas un événement imprévu, mais c’est au moins un sondage grandeur nature du soutien des Russes. Cette victoire de Poutine a aussi une autre signification : c’est l’adhésion des Russes à une souveraineté pleine et entière.

À l’issue des élections, Poutine est revenu sur le cas Navalny, le soi-disant premier opposant selon la presse occidentale pour avancer qu’il avait envisager de l’échanger contre prisonniers russes détenus en Occident, et donc que sa mort n’avait pas été souhaitée par lui[7]. Doit-on le croire ? C’est difficile à dire, mais comme par ailleurs nous n’avons aucune confiance dans l’OTAN et les Etats-Unis ou dans leurs valets comme Macron et Scholz, ce qu’il dit est tout à fait plausible. 

 

En attendant, ce grand démocrate de Zelensky est critiqué dans son propre pays, non seulement parce que sur le terrain militaire ses résultats sont très mauvais, sanctionnant un aventurisme effronté, mais aussi parce qu’il exerce une pression policière sur l’ensemble de la société. Même Le monde, journal à la solde des Américains et de l’OTAN, a fait état de cette dérive autoritaire, après l’interdiction des partis d’opposition, la censure de la langue russe, le voilà qu’il s’en prend à des députés qui pourraient peut-être un jour lui demander des comptes[8]. Pour l’instant il est à l’abri puisqu’il a interdit les élections présidentielles jusqu’à la fin de la guerre, jusqu’à la victoire ! Les Ukrainiens risquent d’attendre longtemps, à moins qu’ils ne s’en débarrassent avant.

PS On dit qu'il n'y avait pas d'opposition lors de ces élections présidentielles en Russie. Ce n'est pas vrai. Vladislav Davankov qui représentait le courant libéral un peu à la manière de Navalny, s'est présenté et a réalisé un score de 3,77%. Davankov avait affiché son opposition à l'annexion des régions du Donbass. C'est d'ailleurs pour lui que les critiques de la Russie d'aujourd'hui qui se sont expatriés ont voté. Pour le reste Davankov a souligné que globalement le scrutin avait été honnête. Le candidat arrivé en seconde position était Nicolaï Kharitonov candidat du Parti communiste russe. Qualifier ces candidats de fantoches est franchement malhonnête. 


[1] https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/presidentielle-en-russie-les-resultats-sont-fabriques-par-avance-par-des-technologies-electorales-analyse-la-politologue-anna-colin-lebedev_6425953.html

[2] https://www.washingtonpost.com/world/2024/03/18/global-democracy-russia-election-backslide-autocracy/

[3] https://www.lexpress.fr/monde/denis-volkov-la-guerre-a-renforce-la-popularite-de-poutine-en-russie-7A4ABPQB2RHHXCCDCH5Q7L4OUI/

[4] https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/selon-un-sondage-seuls-10-pourcent-des-europeens-croient-en-une-victoire-de-lukraine-face-a-la-russie-f836b608-d17d-11ee-89c0-6cefac77e04a 

[5] https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/presidentielle-en-russie-les-resultats-sont-fabriques-par-avance-par-des-technologies-electorales-analyse-la-politologue-anna-colin-lebedev_6425953.html

[6] https://russiepolitics.blogspot.com/2024/03/les-elections-presidentielles-en-russie.html?fbclid=IwAR0iarQwQ26qQuxIbV46K8pPwX8HJZAeaAxxEhE8awO2tps3_yk4WPEwdKQ

[7] https://www.ledauphine.com/defense-guerre-conflit/2024/03/17/en-russie-des-electeurs-ont-rendu-hommage-a-navalny-a-midi

[8] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/18/en-ukraine-l-opposition-de-plus-en-plus-critique-de-l-administration-zelensky_6222581_3210.html#:~:text=Plusieurs%20d%C3%A9put%C3%A9s%20d%C3%A9noncent%20un%20contr%C3%B4le,de%20vouloir%20%C3%A9touffer%20leur%20voix.

jeudi 14 mars 2024

Éloge d’Erckmann-Chatrian

  

Éric Erckmann et Alexandre Chatrian 

Des couples d’écrivains qui ont travaillé aussi longtemps ensemble, il y en a très peu. Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, liés d’une amitié sans faille, ont collaboré durant une quarantaine d’années. Boileau-Narcejac autre prolifique duo dans le genre suspense, c’est trente-sept ans. Trop souvent leur œuvre est qualifiée de « réalisme rustique » ou de « régionaliste », mais c’est bien plus que cela. Jean-Jacques Pauvert ne s’y est pas trompé qui republia pratiquement dans son entier les œuvres du duo à partir de l’édition d’Hetzel. Les deux auteurs, liés par une amitié très durable, avaient en commun d’être issus d’un milieu modeste. Lorrains tous les deux, leur succès déborda rapidement leur région, et ils devinrent les écrivains favoris du petit peuple qui se reconnaissait dans la description des métiers, de la vie des gens modestes. Leur œuvre est une formidable histoire de la France du XIXème siècle, de la Révolution française à la guerre de 1870. Mais c’est l’histoire des Français, des petites gens, des petits métiers, de leurs mentalités. Ils étaient de farouches républicains, plutôt anticléricaux, même s’ils n’étaient pas anti-religieux, voltairiens, ils affichaient une croyance dans l’Être Suprême. Ils doivent leurs succès au fait qu’on apprenait à lire dans les écoles avec leurs textes, souvent d’ailleurs des textes courts où ils étaient passés maîtres. Leur œuvre est avant tout politique en ce sens qu’à travers la peinture de caractères, ils défendaient bec et ongles l’idée de consolider les acquis de la République, qu’ils militaient pour plus d’égalité, dénonçant justement les agioteurs et les profiteurs. Ils avaient été enthousiasmés par le Révolution de 1848, et à cet effet ils avaient lancé un journal, Le Républicain Alsacien. Ils étaient aussi francs-maçons, Grand-Orient de France, à une époque où ce n’était pas encore une vraie honte que d’en être. Le grande Révolution française de 1789 était pour eux le point de départ de ce que devait devenir la France, dans sa diversité géographique même. 

 

Pour bien comprendre l’importance d’Erckmann & Chatrian, il faut avoir en tête que leurs romans, leurs contes, servaient de base à l’apprentissage de la lecture aux jeunes enfants et aux adolescents. Ils étaient les piliers de l’enseignement républicain et laïque. On les lisait dans des collections à bon marché, bibliothèque verte ou la collection Nelson. Ce qui donnait au-delà de la peinture de caractères et des intrigues, forcément un goût prononcé pour l’histoire. C’est l’histoire de France, chaotique, certes, mais qui guide le peuple dans le bon sens. C’est leur valeur éducative. La description précise et minutieuse de ce qui s’est passé, s’accompagne d’une mise en scène de situations héroïques, même si celles-ci sont souvent décrites dans tout le détail de la misère qui accompagne forcément les guerres. L’Alsace est présentée comme un carrefour malheureux qui subit le passage des troupes, dans un sens et puis dans l’autre. La guerre aussi douloureuse soit-elle permet de mener une réflexion soutenue sur le sentiment patriotique qui apparait comme une nécessité. 

 

D’un point de vue historique, leur œuvre est coincée entre les deux Napoléon, le grand et le petit. Cela leur permet d’avoir une vision très mesurée de la guerre. Par exemple dans L’invasion qui décrit l’assaut des alliés contre la France, ils nous disent que ce que font les Allemands, les Autrichiens ou les Russes, ce n’est rien d’autre que ce que fit Napoléon dans ses campagnes guerrières. Cependant, comme les Alsaciens sont décrits comme des Français avant tout, et des patriotes, ils sont bien obligés de prendre les armes et de faire la guerre. Ils présentent cela comme un soulèvement populaire dans la lignée de la grande révolution française de 1789. L’entreprise de Napoléon pour dominer l’Europe est vue comme une folie aux conséquences douloureuses. Ils font preuve de beaucoup de subtilité. Mais ils ont aussi l’intelligence d’introduire des formes fantastiques par exemple dans L’invasion ou le fou Yégof. Yégof est à la fois un fou et un traitre, mais il prétend posséder plusieurs royaumes et avoir vécu 1600 ans. Les légendes qu’il raconte effraient les paysans car elles sont en rapport direct avec l’invasion des alliés et semblent éclairer celle-ci. C’est remarquable ce relent romantique dans leur prose, sortant par ce biais de la simple approche documentaire. Dans une nouvelle très courte, Le passage des Russes, ils décrivent les Russes comme des soldats très polis et assez élégant qui se comportent bien avec les Alsaciens – contrairement aux Allemands – et qui en plus parlent français ! Cette nouvelle étonnante rend évidemment risibles la propagande russophobe d’aujourd’hui qui prétend que les Russes, si on ne les arrête pas demain en Ukraine, seront bientôt à Paris. Dans Le blocus, le personnage central, celui qui raconte l’histoire, est un juif, un commerçant assez prospère, pas très courageux, mais qui sous l’effet des circonstances va se battre pour la France ! C’est très étonnant. 

 

En dehors du républicanisme militant affiché, il y a au moins deux autres thèmes importants dans leur œuvre. D’abord une critique de l’industrie naissante, elle est moins critiquée en tant que telle que dans la mesure où elle éloigne l’homme de la nature et de ses racines et de la vitesse avec laquelle elle bouleverse les traditions. Il vient évidemment une critique de la volonté d’accumuler des profits pour construire un pouvoir politique sur la misère des autres. Un de leurs ouvrages les plus connus est L’ami Fritz, il décrit comment un homme relativement modeste dévoie toute son énergie pour accroître sa fortune, et cette cupidité, si elle finit par le laisser vide et malheureux, elle le conduit à faire de la politique, louvoyant du bonapartisme à sa critique en gré des changements qui s’imposent à Paris. Pathétique menteur et sournois, cynique politicien, il conduit la modernisation de son chef-lieu au pas de charge, dérangeant un ordre ancien plus respectueux des traditions et des rapports qu’on se doit d’entretenir avec la nature. Ensuite, il y a une critique sévère de la religion, plus particulièrement des Jésuites et de leurs combinaisons politiques qui poussent très souvent à la guerre en Europe. S’ils ont gardé une position ambiguë vis-à-vis de Napoléon, ils seront évidemment très sévères aussi avec Napoléon III qu’ils combattront aussi bien pour le plébiscite que pour sa conduite catastrophique de la guerre contre les Prussiens. Le brigadier Frédéric est un de leurs plus beaux textes, c’est le récit poignant de l’invasion des Prussiens en Alsace, avec les exactions, les pillages de la soldatesque, et tous ces soudards qui obligent ceux qui habitaient là depuis des générations à s’exiler. C’est peu de dire qu’ils ont un regard critique sur la conduite de la guerre par le haut commandement français. Ils expliquent aussi comment la bourgeoisie faisait voter le plébiscite à des gens modestes qui n’avaient pas le niveau d’instruction nécessaire pour comprendre ce qu’ils faisaient. S’ils sont sans aménité pour Napoléon III – Napoléon-le-petit comme disait Hugo – ils affichent aussi un patriotisme très anti-boche. Mais on peut penser qu’ils se méfiaient aussi de l’industrialisme de de Napoléon III, et donc du progrès comme idéologie. On ne leur enlèvera pas leur part d’ambiguïté, ils croyaient au progrès tout de même, à la science, ils s’affichaient comme voltairiens sans complexes et c’était une raison suffisante pour affronter l’Église qui tentait de dissuader ses ouailles de le lire.

 

Le traumatisme de la défaite en 1870 a marqué profondément Erckmann-Chatrian. Tous les Français ont été choqués par cette défaite, à la fois parce que l’armée[1] et la classe politique avaient failli complètement, et bien sûr parce que le territoire national fut largement amputé. Erckmann & Chatrian souligneront, contrairement au réactionnaire Flaubert, la vaillance du petit peuple, un peu livré à lui-même, lâché par les classes supérieures, et notamment ils pointeront la vaillance du peuple de Paris. C’est par le biais de leurs ouvrages que nous sommes des générations à avoir appris la guerre de 1870, l’incompétence militaire – il y en aura d’autres – mais aussi la cruauté et la sournoiserie des Prussiens. Ils prennent d’ailleurs bien soin de séparer les Prussiens des autres Allemands, reprochant à ces derniers de suivre bêtement Bismarck. Ils n’analysent cependant pas la guerre d’un point de vue tactique, du point de vue des batailles, mais plutôt d’un point de vue humain, c’est-à-dire comment des individus se comportent face à la guerre. Si les Alsaciens sont présentés plutôt comme des patriotes et de bons Français, ils ont aussi leur lot de traitres et de profiteurs. Ils montrent le désarroi des individus englués dans leurs villages et leurs montagnes, sans possibilité de jouer un rôle utile en s’engageant dans le conflit. Une thèse survole ce qu’ils racontent de la guerre : ce sont les Jésuites qui ont poussé les Boches à la guerre, afin de dominer de cette manière toute l’Europe, et Napoléon III est tombé dans le piège. Les portraits de Jésuites malfaisants abondent dans leurs contes. Et ils sont d’autant plus malfaisants qu’ils sont allemands ! Du reste ne sont-ils pas plus Jésuites que patriotes ? 

Blessés de la Guerre de 1870 

On dit souvent que le XXème a été un siècle de guerres, de révolutions et d’horreurs, mais le long XIXème siècle coincé entre la révolution de 1789 et la Première Guerre mondiale, l’a été tout autant, avec les guerres coloniales et impérialistes. Évidemment la technologie militaire n’était pas encore assez au point pour tuer des millions de personnes comme ce sera le cas avec la Seconde Guerre mondiale. Mais les dégâts étaient tout aussi traumatisant, avec des personnes déplacées, des blessés, des amputés, des familles séparées et dispersées, des prisonniers en Allemagne. Cependant Erckmann-Chatrian ne sont pas pacifistes, certaines guerres leurs paraissent inévitables, celles qui ont permis d’installer la République, où alors celles qui visent à défendre la patrie. Il est à remarquer que très souvent ils mettent en relation la monarchie avec « le parti de l’étranger ». 

 

Comme ils sont républicains, ils sont pour une généralisation de l’enseignement public, de telle sorte que celui-ci échappe à la tutelle de l’Église et des Jésuites. Ils sont pour le progrès et pensent que l’enseignement permet de le conduire sur une bonne voie, c’est la veine qu’on a développée depuis la Révolution française dans la foulée de Condorcet. Un conte très excellent est Un sous-maître, où ils opposent la soif de savoir et d’enseigner des jeunes gens aux contraintes morales et matérielles qu’imposent l’Église, car une large partie des écoles en Alsace comme en Lorraine était tenue par les curés. Il y a très souvent des portraits d’enseignants, mais aussi des élèves qui, par-delà leurs turbulences naturelles, sont présentés comme toujours réceptifs à l’enseignement. Erckmann & Chatrian sont des militants de la lecture, et ils mettent en scène assez souvent des étudiants qui quittent leurs provinces de l’Est pour se retrouver à Paris dans une vie de Bohème assumée. Cet apprentissage est présenté comme le meilleur de la vie, source de liberté et d’émancipation de l’esprit. C’est évidemment de leurs propres expériences qu’ils se souviennent puisqu’ils ont fait leurs études supérieures à Paris, avec les longs voyages que cela suppose – trente-six heures pour aller d’Alsace à Paris tout de même.

 

« O mon vieux quartier Latin, où j’ai passé cinq ans de ma belle jeunesse ; vieux toits où la pluie tremblotait en décembre au bord des cheneaux rouillés, où le soleil s’allongeait au printemps en grandes bandes dorées le long des murs décrépits ; sombres défilé ssouterrains, allant du cloître Saint-Benoît à la rue Sorbonne, de la rue Sorbonne à la rue de la Harpe ; respectables bouquinistes, honnêtes marchands d’antiquailles, dignes chiffonniers rôdant, la hotte au dos, sur les tas d’ordures, jolies filles trottinant au bras de leur étudiant, pierrots et débardeurs du carnaval courant sous les flocons de neige : silhouettes dansant aux vitres du Prado, toutes frémissantes de la valse, des fifres, de la trompette ! O mon vieux quartier Latin, qu’es-tu devenu ?... » Le grand-père Lebigre.

Mais leur regard sur le progrès technologique qui est le vecteur de la réflexion à cette époque, est tempéré par le souci de maintenir les traditions et de relier le présent au passé. C’est donc bien plus que la nostalgie de la jeunesse, c’est la recherche d’une continuité avec le Paris de Villon, et en creux, une critique de la destruction de la ville par les prétentions haussmanniennes à travers des larges avenues qui au nom de l’hygiène et de la salubrité publique, visent à renforcer le contrôle social en produisant une ville à la gloire de l’industrie. N’est-ce pas ce que recherchait aussi Victor Hugo lorsqu’il écrivait Notre Dame de Paris ? Il est vrai qu’ils sont très hostiles à la fureur du progrès portée par Napoléon III, ce qu’on trouve évidemment aussi chez Émile Zola par exemple.

 

C’étaient des professionnels de l’écriture, ils produisaient donc beaucoup. C’était des romans et des contes très populaires, c’est-à-dire qui s’adressaient aux classes moyennes et inférieures qui gonflaient au fur et à mesure qu’elles apprenaient à lire. C’est pour cette raison qu’ils étaient très illustrés. Les misérables, les ouvrages de Jules Verne se lisaient dans des éditions richement illustrées, avant que de se faire rééditer dans des collections moins onéreuses, ancêtre de notre Livre de poche. Les belles éditions de Rabelais étaient aérées et enrichies d’images issues de gravure sur bois. Au fur et à mesure que le temps a passé, les illustrations ont disparu des romans et des contes. On rognait sur les coûts de production du livre, et on supposait aussi que les illustrations dévalorisaient l’écriture. Mais ce sont des idées reçues, des idées bourgeoises qui veulent laisser croire de l’écriture est une chose hermétique et peu naturelle. Cette idée saugrenue suppose que le lecteur ne doit pas avoir la vie facile ! Les romanciers « modernes » du type Camille Laurens par exemple ou Philippe Sollers, vous livrent des « romans » sans histoire, sans début ni fin, mais aussi avec des paragraphes compacts qui font parfois plusieurs pages, c’est sans respiration et parfois même on oublie volontairement la ponctuation[2]. C’est aussi la tendance moderne qui accompagne d’ailleurs curieusement la prolifération des bandes dessinées qui prétendent remplacer même des ouvrages difficiles, c’est évidemment navrant parce que dans ce dernier cas le dessin n’illustre pas le texte, mais remplace le texte en le rabaissant. C’est parfois en plus même très laid comme cette bande dessinée du Capital par Gerhard Wolfram. Jean-Jacques Pauvert aura le bon goût de rééditer les œuvres complètes d’Erckmann-Chatrian avec des illustrations abondantes qui ajoutent au parfum de nostalgie qui transpire de cette prose. Ces illustrations sont tirées de l’édition de Pierre-Jules Hetzel dont il faut saluer l’immense travail pour imposer une littérature à la fois profonde et populaire. 

 

Les influences d’Erckmann-Chatrian c’est cette littérature populaire, celle de Victor Hugo, d’Eugène Sue à qui ils tressent mille louanges pour Le Juif errant qu’ils jugent supérieur aux Mystères de Paris, sans doute parce qu’il est ouvertement construit contre les Jésuites, ou encore Alexandre Dumas. Ils participent à ce flot puissant et continu qui alimente la littérature française au XIXème siècle. Ce sont donc d’abord des raconteurs d’histoires, avec une intrigue, un début, une fin et bien sûr des personnages au caractère singulier. Ce ne sont pas des stylistes au sens qu’on donne aujourd’hui à ce mot, ils ne cherchent pas à innover, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne connaissent pas les arcanes de la construction d’un récit ou qu’ils utilisent un vocabulaire étriqué, bien au contraire, ils recherchent le plus souvent le mot juste. Au détour des phrases on redécouvrira un vocabulaire élargi qui peut paraître désuet mais qui accroît la précision de la pensée. Mais en même temps cela reste proche de la vie des gens les plus ordinaires qui se reconnaitront dans les gestes de tous les jours, les peines et les loisirs. Dans l’écriture elle-même, ils s’attardent sur le travail, avec les mots du labeur, notamment le travail des artisans qui est toujours décrit minutieusement dans un style qui préfigure celui de la littérature prolétarienne. Très dialoguées, leurs histoires, par ce moyen mettent aussi en évidence les relations hiérarchisées de la société de ce temps-là, la crainte de déplaire, mais aussi le sens de l’ironie que cela entraine. Il est évident que ce respect exagéré des classes pauvres pour les classes instruites et plus élevées est un instrument de la domination. 

La popularité d’Erckmann-Chatrian a été immense, surtout auprès du petit peuple, beaucoup moins auprès de la critique bourgeoise, ils ont appris à lire à des générations de lecteurs. Cela a amené de nombreuses adaptations, aussi bien sous la forme de pièces de théâtres, que de films de cinéma ou de télévision. L’ami Fritz a été porté à l’écran dès 1918, du temps du muet, mais il le fut à nouveau par le réalisateur et collaborateur Jacques de Baroncelli qui s’était spécialisé dans l’adaptation a succès des œuvres littéraires célèbres, de Pierre Loti à Erckmann et Chatrian en passant par Eugène Sue et Balzac[3], en 1933. 

 

Évidemment, lire ou relire Erckmann-Chatrian, c’est peu moderne, mais en réalité c’est pas du tout une question de date de publication qui fait qu’une œuvre littéraire nous émerveille, nous émeut encore longtemps après que ses auteurs aient disparus. Non seulement revisiter les œuvres du passé est essentiel pour comprendre ce que nous sommes devenus aujourd’hui, mais également oublier les livres anciens cela voudrait dire qu’ils seraient moins bons que ceux de la dernière rentrée littéraire. Autrement dit qu’Annie Ernaux et Michel Houellebecq ce serait « vachement mieux » qu’Homère et Victor Hugo réunis. La critique littéraire nous parle surtout des dernières marchandises qui viennent d’arriver sur les étals des librairies, peu ont le courage de parler des livres anciens. Tout se passe comme si l’œuvre littéraire était elle aussi soumise à une obsolescence programmée. L’idée de progrès ne fait pas bon ménage avec la littérature, les arts plastiques ou la musique. 



[1] En 1873, Bazaine est condamné à mort. Sa peine sera commuée à vingt ans de prison par Mac Mahon, alors Président de la République, ce qui inspirera à Victor Hugo ce commentaire plein d’amertume : « Mac Mahon absout Bazaine, Sedan lave Metz. L’idiot protège le traitre. »

[2] En vérité cette manière de traficoter la forme masque le plus souvent le vide du contenu de la littérature moderne. Récemment on a salué la disparition de Milan Kundera, rappelant au passage pourtant que son style était plus proche du classicisme que de formes échevelées d’aujourd’hui.

[3] Dans cette famille, ils étaient collaborateurs de père en fils. Jean de Baroncelli qui écrivait dans Je suis partout, fut par la suite un des piliers de la critique cinématographique pour Le Monde, journal habitué à recycler les collaborateurs antisémites comme Alfred Fabre-Luce.

Henri Barbusse, Le feu, journal d’une escouade, Flammarion, 1916

  C’est non seulement l’ouvrage de Barbusse le plus célèbre, mais c’est aussi l’ouvrage le plus célèbre sur la guerre – ou le carnage – de...