lundi 26 octobre 2020

 

Fatiha Agag-Boudjahlat, Le grand détournement, Cerf, 2017 

 

Cet ouvrage a été écrit au moment de l’élection malheureuse de Macron, à une époque où celui-ci nous vantait les mérites de l’immigration de masse. Fatia Agag-Boudjahlat met ici en garde contre le déploiement d’un islamisme conquérant et politique. Elle attaque l’islam politique sous deux angles bien différents : d’abord stratégique, que veulent-ils, et ensuite tactique, comment avancent-ils. Dans la foulée, elle attaque directement tous les complices de cet islam politique, et ils sont nombreux, d’abord les néo-féministes qui combattent avec ardeur le patriarcat blanc chez nous, en France, mais qui restent désespérément silencieuses quand il s’agit de s’attaquer au voile qui est aussi une forme de patriarcat. Elle consacre un grand passage à cette question du voile dans la foulée de Chahdortt Djawann dont on ne dira jamais assez de bien de son ouvrage Bas les voiles ![1]. Il est en effet dérisoire de chasser le patriarcat dans les pays développés où les droits des femmes sont très avancés, et de le tolérer pour des populations qu’on juge finalement très peu avancées pour subir le dévoilement ! Je partage tout à fait cette idée avec Fatia Agag-Boudjahlat selon laquelle les féministes qui ménagent ainsi les islamistes ne sont pas des vraies féministes, mais des idiotes utiles. Et donc elle dénoncera cette supercherie selon laquelle le voile est un choix. Ce qui ne tient pas debout pour au moins deux raisons : d’abord parce que les fillettes sont voilées de plus en plus tôt, ensuite parce que « la communauté » est une pression suffisante pour imposer le voile. Elle décrit longuement l’enfermement pour ne pas dire la mise à l’écart des femmes voilées. C’est d’autant plus juste que le voilement n’est pas une tradition des musulmans des pays maghrébins, mais une importation des pays comme l’Arabie saoudite, et donc une marque récente d’une forme politique singulière. 

Le féminisme qui cesse d'être universaliste ne trahit pas seulement la cause des femmes orientales mais il revient à essentialiser les pratiques religieuses et à retirer à la gente féminine sa puissance.

  

Sur le plan de la tactique, les islamistes utilisent les processus juridiques, portant plainte pour ceci et pour cela, à tout bout de champ, et obtenant à la longue des résultats qui leur sont favorables, même si le plus souvent ils perdent leurs procès. Le but est évidemment de réformer le droit. Fatia Agag-Boudjahlat cite l’exemple du Canada et du Royaume Uni où des éléments religieux et communautaires sont déjà introduits dans le droit, comme par exemple sur la question de l’héritage qui est très défavorables aux femmes dans le droit musulman. Le passage du livre sans doute le plus original est de détailler précisément comment les islamistes radicaux se servent du droit et de la justice pour faire avancer leurs petites affaires. Ce qui veut dire qu’on doit en revenir à une laïcité des plus strictes.

 

C'est le paradoxe résumé par la loi de Moynihan le nombre de violations des droits de l'homme dans un pays est toujours une fonction inversement proportionnelle du nombre de plaintes pour violations des droits de l'homme reçues de ce pays. Plus le nombre de plaintes déposées est grand, plus les droits de l'homme de ce pays sont bien protégés.

 

L’autre point qui me semble important est ce mélange constant que les islamistes font entre islamophobie et racisme. La gauche et ses intellectuels se sont perdus dans ce combat obscur. Cette façon mensongère de représenter une religion qui par ailleurs est l’apanage d’un grand nombre de pays, du Maroc à l’Afghanistan, tend à faire des signes religieux qui envahissent l’espace public, de simples traits culturels traditionnels, et donc d’en occulter le caractère politique. Mais évidemment le hijab ou la burka ne sont pas des « vétures » traditionnelles des pays maghrébins, pas plus que de l’Egypte. En s’abritant derrière une tradition qu’on voudrait importer en Occident, on renforce le pouvoir d’exclusion des femmes du reste de la société. Et bien sûr on retombe sur le rôle central du contrôle du corps féminin par les mâles dominants. Cette manière d’exclusion est la perpétuation des inégalités de genre et à ce titre c’est condamnable d’un point de vue républicain, mais plus généralement par tous ceux qui veulent lutter contre les inégalités et qui pour cela se disent de gauche. 

Mais il faut s'indigner et refuser de mettre sur le même plan celui de l'identité socioethnique, les origines latines et afro-américaines des deux premières femmes, et la pratique religieuse de la dernière. Cela revient à naturaliser la religion et à en faire un facteur ethnique. On ne choisit pas d'être latina, afro-américaine, ou blanche, en revanche on choisit d'être musulmane comme on choisit la façon dont on pratique sa religion.

 

 

Les cibles de Fatia Agag-Boudjahlat sont nombreuses, elle fustige tout naturellement les mensonges des boutiques comme le CCIF, mais aussi leurs soutiens dont elle dénonce la condescendance. Ces intellectuels nombreux qui règnent sans partage sur Sciences Po ou sur les départements de sociologie dans les universités et qui suppose que si on défend le voilement, c’est parce que les Musulmans au fond sont plus attardés dans leur développement que les Occidentaux !! C’est bien ce que ça veut dire quand on suppose que si l’école autorise les accompagnatrices voilées, ou si à la plage on autorise le burkini, c’est une première marche vers l’émancipation féminine des musulmanes. Fatia Agag-Boudjahlat s’attaque donc à des figures comme Judith Butler dont les misérables rejetons se nomment Alice Coffin ou Pauline Harmange. Elle touche un point fondamental, en effet, on peut se demander pourquoi ces gens de « gauche » ont rompu avec l’universalisme, et se sont mis à défendre des pratiques religieuses mortifères. On peut l’expliquer par le désir de se montrer compatissant, de protéger le faible, donc de se désigner à soi-même comme plus élevé. Ce n’est pas un hasard si cette attitude fait florès dans les groupuscules dits d’avant-garde qui veulent toujours enseigner au peuple ce sui est bon pour lui. Je passe volontiers sur ce qui est plus connu, l’opportunisme politique qui fait que tel Benoît Hamon est un élu d’une circonscription fortement islamisée. On en trouve des comme ça à droite comme à gauche. Ici ils financent une mosquée, là ils mettent des horaires spécifiques à la piscine pour aider les musulmans radicaux à séparer les femmes des hommes et du reste de la société. Tout y passe, elle critique aussi Mélenchon qui à cette époque n’avait pas fait son tournant islamophile. Elle le dénonce comme Macron d’ailleurs pour leur légèreté à vouloir décider de ce qui est le bon islam et le mauvais islam, arguant que la politique doit se préoccuper de séparer les religions de la sphère publique et ne pas rentrer dans une discussion sur l’essence de la religion. 

C’est un petit livre de combat très argumenté et convaincant, écrit en 2017, il prend une actualité lugubre dans le contexte actuel. Très bien écrit et percutant, je ne peux pas dire que je sois d’accord avec tout ce qu’elle dit, ou plutôt, il faudrait rattacher cette question délicate avec les effets de la mondialisation et des retraits constants des Etats nationaux face à un droit qui de plus en plus s’imprègne d’une logique anglo-saxonne. Il serait aussi intéressant de relier tout cela à la question démographique, car non seulement les immigrés qui importent l’islam chez nous sont de plus en plus nombreux, mais ils progressent plus vite que les Français plus anciennement installés dans notre pays. Cela a des conséquences terribles, non seulement parce que les possibilités économiques d’intégration se réduisent de plus en plus, mais aussi parce que le poids du nombre renforce l’idée communautariste. Nous sommes à une époque singulière où les droits des femmes reculent de partout, par exemple, en Pologne ou aux Etats-Unis le droit à l’avortement est restreint, remis en question. Les Islamistes participent de ce moment de régression. Ici ce sont les intégristes catholiques, là les évangélistes qui sont à la manœuvre, et bien sûr les islamistes chez nous, au Canada, au Royaume Uni. Les hommes politiques ont une lourde responsabilité en n’ayant pas défendu la laïcité. Et quand nous voyons Macron et Hakim El Karoui tenter de modifier la loi de 1905, on peut craindre le pire pour l’avenir. La liste des complicités est très longue dans ce délitement, ça va de l’Observatoire de la laïcité des très controversés Jean-Luc Bianco et Nicolas Cadène, au laxisme du Conseil d’Etat qui fait dériver le droit français, en passant par cette cohorte de sociologues plus ou moins bourdieusiens qui se sont donner pour mission de défendre les musulmans comme les damnés de la terre. Ce sont ces compromissions qui font qu’aujourd’hui nous sommes sans doute au bord de la guerre civile, même si, consécutivement à l’émotion des Français, les islamistes vont sans doute mettre une pédale douce à leurs revendications.




[1] Gallimard, 2004. https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2004-2-page-208.htm

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