vendredi 19 février 2021

La possible candidature de Montebourg est morte et enterrée

  

Montebourg à Lannion avec les ouvriers de Nokia 

Montebourg parie depuis longtemps sur le fait que la mondialisation n’a pas d’avenir et que toutes les raisons convergent pour revenir au cadre national comme définition de l’action politique. Et donc il a fait irruption sur la scène électorale sur le thème du souverainisme. Comme je l’ai dit dans un billet récent, c’est sur cette question que l’élection présidentielle va se jouer[1]. Même Macron s’en est rendu compte qui fait semblant d’être lui aussi pour la souveraineté de la France. Mais cet aventurier parle pour ne rien dire, puisqu’il a signé le traité d’Aix-la-Chapelle le 22 janvier 2019 qui est un abandon de pans entiers de cette même souveraineté au profit de l’Allemagne sous le couvert de l’Union européenne[2]. Ce traité maudit s’il est poussé jusqu’au bout de sa logique sera une forme de rétrocession de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne sous couvert de développer une Europe des Régions au détriment d’une Europe des Nations, avec même la possibilité à terme de faire passer l’armée française sous commandement allemand. Evidemment la crise sanitaire a mis en lumière la dépendance de la France pour les masques ou les vaccins du marché international. Sanofi a été incapable de trouver un vaccin, malgré les millions que l’Etat lui a fourni, l’Institut Pasteur de même. Dans tous les domaines de l’industrie la France est dépassée. Dans les conditions présentes, on ne peut même plus avancer que les recettes du tourisme – place que Bruxelles a assignée à la France dans la division du travail à l’échelle européenne – compensent plus ou moins le déficit de la balance commerciale. Il est devenu clair que la dépendance de la France par rapport aux marchés internationaux est perçue comme un problème de première importance par les Français eux-mêmes. 

Sondage Yougov 28 janvier 2021 

La crise sanitaire a révélé l’incompétence du gouvernement et de Macron. Un sondage très récent nous montre qu’à peine un petit tiers de l’électorat croit que Macron sera réélu, tandis qu’au contraire la moitié considère qu’il ne le sera pas. Cependant quand dans me même sondage on demande si les candidats potentiels, Mélenchon, Marine Le Pen ou Arnaud Montebourg feraient mieux, ils ne le pensent pas. Autrement dit Macron a un avantage certain sur ses concurrents potentiels parce qu’il est là, déjà en place, présent du matin jusqu’au soir, et qu’il a donné des gages au bloc bourgeois qui s’accommode très bien de ses fantaisies[3]. Les concurrents de Macron semblent trop opportunistes et trop politiciens pour susciter l’envie. Comme je l’ai dit, il semble que sans choc important, on s’achemine vers une abstention record. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’un sondage Harris – bien que ce soit la boutique la moins fiable en matière de sondages politiques – donne Marine Le Pen à 48% et Macron à 52% au second tour[4]. Ce sondage avance qu’une majorité d’électeurs de gauche ne se précipiterait pas pour sauver Macron. Au contraire une partie de ceux-ci voterait même pour MLP, ne serait-ce que pour punir le locataire actuel de l’Elysée de toutes ses avanies, et puis aussi il faut bien le dire pour tenter de limiter l’immigration et l’expansion islamiste. Pour être vraiment populaire Marine Le Pen devrait avoir un programme social et économique plus orienté vers la réduction des inégalités, mais on sait qu’elle n’est pas prête à cela[5], ce qui d’ailleurs n’irait pas du tout avec son désir elle aussi de rester dans l’Union européenne et dans l’euro. Elle n’a pas tiré manifestement les leçons du Brexit. 

Montebourg se trouve à la croisée des chemins, et si l’annonce de sa candidature possible a suscité dans un premier temps de l’intérêt, cet intérêt semble s’être rapidement refroidi. Il a mis l’accent sur la dépendance accrue de la France pour sa survie, pour son économie, vis-à-vis du reste du monde, que ce soit la Chine, ou l’Allemagne. Cette dépendance matérielle induit forcément à terme une limitation de la politique extérieure du pays. On le voit avec les pays comme la Russie qui subissent des sanctions économiques, ou qui simplement sont victimes d’un effondrement du cours des matières premières. Même s’ils résistent, ils se trouvent dans la tourmente, on a vu le Venezuela être pratiquement emporté par une tentative de coup d’Etat parce que l’effondrement du cours du pétrole a engendré une pénurie de biens de consommation courante que le pays importait de l’étranger. Ce pays n’a dû sa survie qu’à l’incompétence notoire de Trump dans la conduite du coup d’Etat qui avait choisi le médiocre aventurier Gaido pour le représenter. De même lorsque Montebourg nous dit que la souveraineté de la France n’est pas une question de clivage gauche-droite, on ne peut que le suivre. Dans une interview donnée à L’Obs du 4 février 2021, il définit les priorités de la France pour 2022, il parle d’une réforme des institutions, d’une refondation du capitalisme pour faire diminuer les inégalités, d’investir pour orienter l’agriculture et l’industrie vers quelque chose d’acceptable pour l’environnement, mais aussi de lutter contre l’islamisme et de faire passer la France avant l’Europe. On peut dire que ce programme est dans l’air du temps et ne souscrit pas de critique fondamentale. Mais dans un second temps, Montebourg nous explique qu’il n’est pas un frexiter, ce sont les termes qu’il emploie – comme s’il s’agissait d’un gros mot – et donc qu’il ne veut pas sortir de l’euro, il veut rester dans l’Union européenne. Ce n’est pas le tout de dire qu’on ne veut pas sortir du cadre européiste, encore faut-il dire pourquoi, ce dont il s’avère incapable aujourd’hui. 

Source Insee 

Le tableau ci-dessus montre qu’en dehors de la Chine, le principal du commerce de la France est avec l’Union européenne, dans un système de concurrence effréné. Or nous ne pouvons guère rétablir notre balance commerciale avec ces pays sans jouer aussi sur notre monnaie qui est un élément décisif de la souveraineté nationale. Montebourg ne veut pas sortir de l’euro, mais il n’explique pas pourquoi. Ceci appelle deux remarques, la première c’est que des pays comme la Suède ou le Danemark ont une croissance économique plus forte que celle de l’Allemagne alors qu’ils n’utilisent pas la monnaie unique, ou on pourrait dire parce qu’ils n’utilisent pas la monnaie unique. Regardons le graphique ci-dessous, les deux pays qui caracolent en tête pour le PIB par habitant sont la Suisse et la Suède deux pays qui n’utilisent pas l’euro. Mais par contre on sait que ces deux pays ont joué de la parité de leur taux de change pour protéger leur commerce extérieur et leur croissance. Nier l’usage positif qu’on peut faire de la monnaie nationale n’a aucune réalité économique, c’est s’en tenir au dogme de l’économie orthodoxe selon lequel la monnaie et neutre ou du moins doit être neutre. C’est penser évidemment que le libre échange est un facteur de croissance, alors que nous voyons que depuis 1975 le taux de croissance s’effondre au fur et à mesure que le marché mondial s’intègre. Ne pas vouloir sortir de l’euro et de l’Union européenne équivaut très exactement à s’insérer dans le moule de la logique libérale et de la mondialisation. Quand nous sommes dans un système de changes fixes comme c’est le cas dans la zone euro, cela veut dire que la concurrence ne peut plus se faire que par des gains de productivité. Ceux-ci s’obtiennent, soit par une modification de la fonction de production vers plus de capital et moins de travail, soit par une déflation salariale, c’est-à-dire d’une baisse du coût du travail soit en compressant le salaire, soit en baissant les « charges sociales ». C’est d’ailleurs parce que les travailleurs de l’Union européenne sont en concurrence entre eux, qu’on parle de « charges sociales » qui alourdissent le coût du travail et non plus de « cotisations sociales ». mais Montebourg qui jadis faisait son miel – c’est le cas de le dire – des travaux de Jacques Sapir sur la mondialisation semble maintenant avoir oublié ses enseignements. La position de Montebourg sur l’Union européenne tendrait à dire que le fait que le Royaume Uni en soit sorti est une calamité et que ce pays ne s’en relèvera jamais. Mais on fera remarquer que le Royaume Uni, contrairement à la France a réussi à produire un vaccin contre le COVID-19, et que les prévisions alarmistes concernant les conséquences d’un Brexit n’ont guère lieu d’être suivies. 

Ifrap 

Montebourg en vieux cheval de retour socialiste rejoint d’une manière détournée la vulgate libérale d’une forme de souveraineté dans l’Union européenne et la monnaie unique. Le voilà donc sur le terrain de Macron qui fut son calamiteux successeur à la tête du ministère de l’économie. Les sondages publiés dans L’Obs du 4 février montrent que si la possible candidature de Montebourg a suscité de l’intérêt, elle ne soulève pas l’enthousiasme. A mon sens cela provient de l’incohérence de ses positions : on ne peut pas être pour la souveraineté de la nation et en même temps pour l’Union européenne et la monnaie unique, c’est du Macron. Mais ce dernier peut dire à peu près n’importe quoi parce qu’il est dans la place et qu’il a le soutient de l’oligarchie et de ses journaux. Si la percée de Montebourg ne se réalise pas, il ne devra s’en prendre qu’à lui-même. L’époque n’est pas compatible avec les louvoiements de ce type. Certains me disent que Montebourg a cette position ambiguë pour ratisser large, c’est une erreur stratégique fondamentale car si les idées souverainistes sont comme le dit Montebourg lui-même majoritaire dans le pays, il ne sert à rien de laisser croire que ces idées peuvent se défendre en dehors du cadre national et d’une monnaie nationale. C’est une manière de berner l’électeur. Quant à moi, je ne fais une religion du vote, si aucun candidat ne convient je resterai à la maison à nourrir le parti de l’abstention, sachant d’expérience que la politique ne se fait pas forcément par la voie des urnes, c’est ce que nous avons vu avec le mouvement des Gilets jaunes par exemple. Il faut que les gens cessent de croire en l’homme providentiel et prennent un peu plus l’habitude de travailler directement à la transformation du vieux monde dans un sens positif. 


[1] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/01/leurope-et-leuro-dans-les.html

[2] https://www.vie-publique.fr/en-bref/20095-la-france-et-lallemagne-signent-le-traite-daix-la-chapelle

[3] https://www.linternaute.com/actualite/politique/2534320-sondage-presidentielles-2022-aucun-rival-ne-ferait-un-meilleur-president-qu-emmanuel-macron/

[4] https://www.nouvelobs.com/election-presidentielle-2022/20210127.OBS39456/un-sondage-donne-macron-et-le-pen-au-coude-a-coude-au-second-tour-en-2022.html

[5] https://www.revolutionpermanente.fr/Ce-lundi-Marine-le-Pen-se-reaffirme-contre-la-hausse-du-SMIC-une-des-principales-revendications-des

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