Raoul Vaneigem, Pourquoi je ne vote pas, Fabriano Rosaspina paper, 2019
Il y a quelques semaines j’expliquais pourquoi Mélenchon était un politicien comme un autre, mais sans doute encore plus médiocre tacticien que les autres et que la perspective qu’il soit présent au second tour de la présidentielle n’existait pas[1]. Il y a un mois les sondages donnaient Mélenchon aux alentours de 10%, soit la moitié de ce qu’il avait réalisé miraculeusement en 2017. J’expliquais cela en évoquant son tournant islamophile de 2019 et l’éviction des souverainistes de la FI. En se lançant très vite dans la course à la présidentielle il pensait sans doute prendre toute la gauche de vitesse et l’obliger ainsi à se rallier à lui, supposant que les autres partis dits de gauche n’auraient pas le choix. Mais il semble que ce soit raté. Les communistes ne sont pas disposés à lui servir la soupe, les écolos non plus, et les socialistes également. Et ce d’autant plus qu’il n’a plus aucune chance de gagner quoi que ce soit. Le voilà maintenant à racoler dans les cours des écoles ! Dans un tweet qui n’est pas passé inaperçu, Mélenchon a pris la défense du rappeur Booba. Cet individu qui représente la culture de la racaille et qui vit dans le luxe à Miami, aime jouer les délinquants primaires, insulter tout le monde. Il a été pris de multiples fois dans la démonstration de sa bêtise, mais aussi dans l’inconstance de ses prises de position que les médias aiment reprendre histoire de démontrer que les rappeurs ne sont pas des gens très sérieux. Un jour il crache sur les Palestiniens, un autre sur Charlie ou encore un autre jour sur ceux qui dénigrent Charlie. Il sait se faire mousser le pied de veau, comme on disait dans le temps, et utilise tous les petits incidents de parcours pour jouer les racailles. Quand il s’est pris de bec avec Patrick Quarteron, ce dernier a avancé que Booba – que nom – ne venait sûrement pas des quartiers difficiles comme il aime à le faire croire, mais d’une famille bourgeoise. Ses chansons, sans paroles et sans musique, semblent être écoutés par des adolescents désœuvrés qui trainassent dans les banlieues. Hanouna qui n’en est pas à une imbécilité près – mais dont l’émission est regardée – avait invité Booba pour faire la promotion de son disque, mais en face il avait invité aussi Jean Messiha. Ancien membre du Rassemblement National, donc réputé d’extrême-droite. Avec ça Hanouna savait qu’il y aurait un clash, ce qu’il recherchait tout comme Booba d’ailleurs qui après tout est là pour vendre sa soupe aigre et qui sait profiter de l’instant.
Donc voilà Jean
Messiha qui avance qu’il n’aime pas le « travail » de Booba, que ses
chansons sont racistes, misogynes et homophobes. Auparavant il avait cité des
paroles des chansons de Booba, ça donnait ça :
J’aime voir les CRS
morts
Quand je vois la
France jambes écartées, j’encule sans huile
La France un pays
libre ? Tu vas bouffer le calibre
C’était de
l’incitation à la haine, mais c’est permis puisqu’on doit supposer que Booba,
Elie Yaffa de son vrai nom, est un membre de la minorité raciale opprimée par
les blancs. Il va de soi que si un blanc écrivait quelque chose comme :
J’aime voir la
racaille des quartiers baignant dans son sang
Quand je vois
l’Afrique dégénérée je l’encule sans huile
L’Afrique un
continent libre ? Tu vas bouffer du calibre
Tous les bien-pensants
monteraient au créneau pour interdire ces horreurs, d’Eric Fassin à Edwy
Plenel, de Clémentine Autain à Obono. Il y a effectivement un déséquilibre dans
le traitement de la turpitude. Les uns ont le droit de l’afficher, les autres
non. On a déjà vu ça avec le racisme, celui des blancs est intolérable, celui
des noirs et des musulmans est normal et nécessaire, une saine réaction contre
l’ordre blanc.
Et donc voilà les deux clowns face à face chez Hanouna, ce qui est effectivement leur place. Dès que Messiha commence à expliquer pourquoi il n’aime pas Booba, celui-ci, n’arrivant manifestement pas à répondre, le fait virer du plateau au motif qu’il avait un bouton rouge pour le faire ! Tout cela ce sont des clowneries bien entendu. Mais là où cela devient plus cocasse, c’est que Mélenchon s’immisce dans ce combat d’idiots. Ce faisant il attire l’attention sur lui-même, car évidemment les chansons de Booba sont racistes, homophobes et antiféministes. Mais que Booba traite les femmes de putes et de salopes, ça ne dérange pas les néo-féministes qui suppose qu’il est normal que les femmes s’allient au rappeur puisqu’ils ont tous subi l’oppression du patriarcat ! On trouve ça chez la malheureuse Marie Debray[2]. L’intersectionnalité rend con et permet à tout un chacun de faire étalage de son ignorance et de sa bétise. C’est un fait. On sous-entend que sans les blancs et leur maudit colonialisme, colonialisme que le père de Booba est cependant venu chercher de lui-même en France en quittant le Sénégal, Booba n’emploierait pas ce vocabulaire, qu’il serait bien plus poli avec les femmes et les membres de la police ! Il est donc absout du seul fait de la couleur de sa peau qui est son passeport ! Il représente pourtant tout ce que les féministes disent détester, l’exhibition de ses muscles, de ses tatouages, il parle des armes à feu comme un prolongement de l’exhibition de sa virilité, etc.
Mélenchon a choisi d’approuver la conduite de Booba qui se permet de censurer Messiha. Sans doute pense-t-il que la jeunesse le remerciera de son soutien au rappeur en 2022. Mais outre que la jeunesse qui écoute Booba ne se déplace pas pour voter, ce tweet de Mélenchon a eu déjà l’effet inverse. En effet en disant que Booba avait eu raison de virer Messiha, comme s’il était le patron, il approuve l’idée de censure et donc d’éviter le débat. C’est la preuve d’une dérive sectaire confirmée qui le ramène vers les pratiques des groupuscules de type trotskiste ou maoïste. Dans l’affaire celui qui a le beau rôle c’est Messiha. Ce haut fonctionnaire qui vient effectivement du Front National, mais qui en a été chassé pour des raisons obscures, avait commencé par soutenir Jean-Pierre Chevènement. A l’inverse évidemment Mélenchon vient du groupuscule trotskiste OCI dont il a hérité la posture rigide, mais ce qui ne l’empêche pas de changer d’opinion comme de chemise, passant du trotskisme u « socialisme » rocardien, de l’Union de la gauche au souverainisme soft, d’une laïcité intransigeante, à un soutien ouvert à l’Islam, d’un appui remarqué à Charlie, au dénigrement ensuite de celui-ci, l’associant sans précaution à l’extrême-droite qui a le dos bien large. Ultimes errements dans cette carrière dérisoire, le voilà en défenseur de Booba et par contrecoup légitimant le rap comme une vraie pratique artistique devant laquelle nous devons nous incliner si nous voulons être modernes ! Macron s’était plié à ces grimaces – je n’ose pas dire singeries – lors d’une misérable fête de la musique à l’Elysée, c’était le 21 juin 2018, quelques mois avant que n’explose la révolte des Gilets jaunes[3].
Dans cette querelle un
peu imbécile qui disqualifie tout le monde et principalement ceux qui regardent ce genre d'émission, je ne me rangerais pas cependant à un soutien à Messiha. Car en
effet celui-ci savait très bien dans quelle galère il allait se retrouver. Mais
cet épisode de la comédie ridicule des hommes politiques est intéressant en ce
sens qu’elle met en avant deux faits !
- d’abord
l’opportunisme outrancier de Mélenchon, mais cet opportunisme est sans finalité
réelle car au contraire il l’enfonce encore plus qu’il ne l’aide dans sa
course à la présidentielle ;
- ensuite qu’on fasse
d’un individu comme Booba dont le niveau culturel peut être qualifié d’un degré
d’importance nulle un arbitre des causes politiques en dit long sur la
décomposition du cirque politique en France.
Mais reconnaissons-le, Booba a du talent, c’est un très bon « commercial » qui a le sens de son public. Il sait gérer sa petite boutique au moindre coût en utilisant toutes les ficelles du marketing pour faire le buzz.
Pendant que Mélenchon déconne avec les émissions d’Hanouna, celle où il est invité et celle où il s’invite par tweet interposé, il ne s’intéresse pas vraiment à la réalité du terrain. La situation économique et sociale est catastrophique, et les futurs chômeurs qui vont se compter par million dès que la bouée du sauvetage du chômage partiel leur sera retirée, vont voir leurs revenus fondre comme neige au soleil. De partout ce sont des charrettes qui se préparent, et plus particulièrement en province. L’abominable Borne, ministre du travail, qui se qualifie de femme de gauche, vient d’acter la baisse des revenus des chômeurs, on parle de plus de 800 000 personnes qui verront leurs allocations diminuer[4]. Cette femme d’une hypocrisie sans borne se fend dans un tweet de son soutien sans faille non pas aux travailleurs mais aux grandes entreprises du CAC40, montrant qui compte pour ce gouvernement. Cette indécence mollement dénoncée par les syndicaux qui ne sortent plus de leur coma prolongé, semble moins intéressante pour Mélenchon à commenter que les bêtises de Booba chez Hanouna. C’est pourtant sur la question du chômage que l’été sera explosif. A l’inverse Montebourg fait une campagne de terrain, au ras des préoccupation des Français, au lieu de tweeter des pitreries sur des émissions douteuses, il a encore le temps de ravir la place de meilleur candidat de la gauche d’ici à 2022, même si ces catégories de gauche et de droite sont très dévalorisées, justement à cause de politiciens comme Mélenchon, l’idée générale de ceux qui se réclament de la gauche est qu’il faut limiter le pouvoir des patrons et consolider les droits des travailleurs, et pour le reste les pitreries de la pensée WOKE ne les concernent pas vraiment. Ce qui explique qu’il y ait de moins en moins de Français se revendiquant de la gauche[5].
Mélenchon n’a pas trouvé un mot à dire pour réfuter le simulacre de justice qui a permis à Edouard Balladur d’être innocenter. C’était pourtant important. En effet c’est la Cour de Justice de la République qui a acquitté l’ancien Premier ministre, or cette Cour est composé à parité de juges de professions et de politiciens – députés et sénateurs – qui par nature ne sont guère disposés à la sévérité. Il est probable qu’une juridiction de droit commun aurait entraîner la condamnation de cet escroc[6]. Parmi les réformes institutionnelles que le pays devrait réaliser, il y aurait lieu de supprimer ces juridictions d’exception qui définissent une justice à deux vitesses. Toujours dans les affaires juridiques, Mélenchon a surpris tout le monde en soutenant Sarkozy dans l’affaire dites des écoutes. Dans un tweet brumeux, il sous-entend que si les juges ont condamné Sarkozy c’est sur ordre de Macron lui-même. Ce tweet est idiot parce que Sarkozy n’avait ni aucune envie, ni aucune chance de se présenter à l’élection de 2022. Mais en outre il renforce l’hostilité de Mélenchon face à la justice. Ce qui n’est pas très démocratique, la justice étant, aux yeux des Français, encore l’institution la moins abimée de la République. Mélenchon se rend-il compte qu’en se comportant de cette manière il se trumpise ?
Un nouveau sondage
IFOP[7],
montre que la tactique de Mélenchon est en train de se transformer en un chemin
de croix pour la présidentielle de 2022.
Mélenchon y est comparé à Marine Le Pen, et les résultats montrent qu’il
est jugé aujourd’hui beaucoup plus inquiétant qu’elle, comme peu républicain,
très éloigné des préoccupations des Français, sans solution, et surtout sans
avoir la stature d’un président. Le résultat de ce dernier sondage montre que
Mélenchon paye ses errements politiciens, à tout le moins il apparait
incohérent et sans colonne vertébrale. A l’inverse Marine Le Pen mène relativement
bien sa barque, elle a bien avancé pour se « dédiaboliser » si on peut
dire en tentant de devenir la candidat d’une droite un peu soft contre Macron
qui va de plus en plus devoir faire le grand écart entre la droite extrême et
la gauche culturelle pour tenter d’être réélu. La logique voudrait que
Mélenchon se retire de la course à la présidentielle, ce qui libérerait des
énergies à gauche, mais il ne le fera pas, son calvaire ira jusqu’à son terme,
avant de prendre sa retraite. Tout cela renforce bien évidemment pour le moment
l’idée de nous abstenir, non pas que le vote soit par nature mauvais, mais
simplement parce qu’on ne peut pas voter pour des politiciens dont le programme
et le comportement ne ressemble à rien. Ce n’est pas avec cette engeance qu’on
changera le cours de l’histoire et qu’on entravera la marche triomphale du
capitalisme vers l’abîme !
[1] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/02/melenchon-senfonce-toujours-un-peu-plus.html
[2] https://www.20minutes.fr/culture/1892739-20160816-peut-etre-feministe-aimer-booba
[3] https://www.leparisien.fr/politique/l-etonnante-photo-du-couple-macron-lors-de-la-fete-de-la-musique-a-l-elysee-22-06-2018-7787934.php
[4] https://www.lindependant.fr/2021/03/02/assurance-chomage-au-1er-juillet-800000-personnes-verront-leurs-allocations-diminuer-9404000.php
[5] Dans une
étude en deux parties, le Pardem explique cette illusion qui consisterait à
croire que la gauche peut faire avancer les choses et qu’il faudrait voter pour
elle pour défendre les pauvres contre les riches, et les salariés contre le
capital. https://pardem.org/actualite/1110-demythifier-la-gauche-1-2
[6] https://francenewslive.com/la-justice-acquitte-edouard-balladur-mais-condamne-francois-leotard/162639/
[7] https://www.ifop.com/publication/les-traits-dimage-associes-a-jean-luc-melenchon-et-marine-le-pen-2/
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