lundi 7 mars 2022

Esquisse d'un programme pour une France souveraine

  

Le concept de souveraineté est équivalent à celui de liberté, ce n’est pas seulement Victor Hugo qui le rappelait, mais ce sont aussi les écrivains du XVIIIème siècle. C’est ce que rappelait Roger Vaillant qui se voulait l’héritier de ces mêmes écrivains : « J'entends par souverain, le souverain de soi, ce qui implique une réflexion, un mûrissement et un équilibre entre soi et la société, ce qui au passage est impossible dans une société de lutte des classes. »[1]. C’est à partir de cette souveraineté qui implique un choix librement consenti que se construit une société souveraine. Si cette idée s’est incarnée à partir de la Révolution française dans le cadre spatial de la nation, c’est parce que ce cadre réuni en lui-même les conditions d’une souveraineté individuelle. On a parlé alors de peuple souverain, unifié dans un même espace qui forme une continuité culturelle, linguistique, géographique et civilisationnelle. C’est le peuple souverain en marche. Le Maréchal Vauban a été sans doute un des premiers à théoriser les frontières naturelles, selon lui c’était une manière d’assurer la paix avec ses voisins et d’en finir avec des guerres incessantes qui ruinaient l’économie[2]. Fleuves, mers, montagnes définissaient l’espace borné d’une civilisation. Il est facile de voir que la nation française est, avant même d’être peuplée une forme unique en son genre : c’est un hexagone, et l’hexagone est bien la forme spatiale parfaite puisque c’est la seule figure qui peut cohabiter avec d’autres hexagones sans perte d’espace, à la manière des nids d’abeilles, ou à la manière des loups qui parcourent leur territoire en suivant les contours d’un hexagone. L’avantage de la forma hexagonale est qu’elle limite les distances à partir du centre. Cette belle construction naturelle doit-elle être dissoute dans une autre forme spatiale sans détermination, ni contenu ? D’autant que la France est un cas unique d’un hexagone régulier. Cette régularité ne l’empêchant pas d’ailleurs d’être extrêmement diversifié sur une surface finalement relativement étroite. 

 

Cette particularité qui est apparu au moment de la Révolution Française et que des forces obscures et jalouses ont tenté de détruire, en a fait un exemple pour le monde entier pour son art de vivre et sa finesse d’esprit comme de son esprit de rébellion contre ceux qui veulent restreindre les libertés. Les forces qui lui ont été hostiles sont principalement nos voisins d’outre-Rhin, mais aussi ceux qui ont été tout au fil de l’histoire leurs alliés, que ce soit les émigrés, les collaborateurs, le Maréchal Pétain ou encore les fondateurs de l’Europe institutionnelle, le louche Jean Monnet par exemple. L’expansion industrielle et le capitalisme financier ont été les fers de lance de ce grand malheur. Parmi les forces hostiles on peut désigner l’industrialisation galopante et la marchandisation qui en découle. Dans une seconde phase, c’est le progrès technique qui fut l’outil principal de sa destruction et un véhicule pour le contrôle étatique. Certains ont pensé à tort que les progrès du numérique rapprocheraient les hommes entre eux et augmenteraient les capacités de circulation de l’information. C’est l’inverse qui a été démontré. Le numérique sert d’abord et avant tout au contrôle social au profit de la marchandise. L’exemple du vaccin censé aider à lutter contre le COVID a servi de véhicule pour tester de nouvelles formes de contrôle social qui en arrive même à se passer de la police, on fait jouer le rôle de délateur à des patrons de restaurant ou de bar ou encore aux propriétaires des salles de cinéma. 

 

Ce nouveau contrôle social a amené à parler d’une perte de souveraineté de la France en matière de production de vaccin. La perte de la souveraineté ne se trouvait pas du tout dans l’incapacité à produire le vaccin, mais plutôt dans l’obligation de s’y soumettre et dans la traque que cela a entraîné. Le peuple a été à cette occasion privé de ses libertés fondamentales de décision. Plus encore qu’auparavant on a traité les Français comme des enfants qu’il fallait vivement orienter. On leur a ôté leur capacité de décider au nom d’une volonté supérieure qui serait représentée par le gouvernement qui lui aurait une sagesse de décision pour nous, alors que Macron et ses gouvernements ont largement failli, mentant sur à peu près tout. Cette infantilisation fait de nous des demi-citoyens, c’est cette perte de souveraineté qui avait été dénoncée par les Gilets jaunes, bien plus sans doute que le simple prix de l’essence. Et c’est cette souveraineté qui est revendiquée toutes les semaines Une nation sans individus souverains ne peut pas être une nation souveraine. Quand dans la devise de la République française on a écrit Liberté, Egalité, Fraternité, cela veut dire que la République ne peut pas exister sans des individus souverains capables de maîtriser leur existence. En ôtant aux individus leur liberté de décider de se faire vacciner ou non, le principe d’égalité est aussi consécutivement violé puisqu’on affirme que certains, Macron, Castex ou Véran, sont supérieurs dans leur capacité de réflexion aux simples citoyens. La suite a montré que ces gens-là ne savaient rien du tout et ne répétait que des éléments de langage qui avaient été fabriqués par des marchands de vaccin en vue de s’enrichir. En outre l’obligation vaccinale dissimulée derrière des interdictions d’accès à telle ou telle partie de la vie sociale sous des prétextes hygiéniques foireux, divise la population, ceux qui possèdent le pass-vaccinal par exemple ont des droits supérieurs à ceux qui ne le possèdent pas. Quant à la fraternité il suffit de voir comment les non-vaccinés sont traités par des médiatiques pour comprendre que ce concept n’a plus de sens, s’il n’en a jamais eu. Le semi-idiot Raphaël Enthoven écrit, le soir du 31 décembre dernier, sur son compte tweeter « Bonne année à tous, sauf aux antivax, qui sont vraiment soit des cons, soit des monstres. » 

 

La souveraineté d’une nation ne peut reposer que sur la souveraineté des individus. Elle n’est pas abstraite. Sur le plan politique l’idée de souveraineté est à la mode, sans doute parce que l’Union européenne et l’euro sont des échecs, beaucoup de politiciens parlent de souveraineté, mais sans savoir ce que cela veut dire, ou plutôt ils en parlent avec l’idée de masquer le problème. Partons de cette idée générale selon laquelle la souveraineté de la France serait de rendre le pouvoir au peuple et que ce pouvoir s’émancipe :

– des pouvoirs financiers dominants, qu’ils œuvrent dans la finance, dans le numérique ou dans la pharmacie ;

– que les services publics qui ont été bradés pendant les quarante dernières années redeviennent la propriété des Français dans leur ensemble ;

– que les institutions politiques françaises ne dépendent plus d’entités aussi opaques que supérieures à elles.

La souveraineté ne peut s’exercer que dans le cadre de la nation parce que les formes fédérales comme celles de l’Union européenne et de ses différentes boutiques, sont éloignées des décisions des individus. On ne sait pas ce qui se passe à Bruxelles. Par exemple personne ne sait comment les marchés entre Pfizer et la Commission européenne ont été passés et à quel prix. 

Souveraineté monétaire 

A partir de là on peut tenter d’élaborer un programme pour les présidentielles. Programme d’ailleurs, disons-le, totalement incompatible avec le mode de fonctionnement des institutions qui ne sont plus démocratiques depuis longtemps. Si revendiquer le drapeau français en lieu et place de l’horrible torchon européen est un symbole, il y a d’autres réalités bien plus importantes. Il ne peut pas exister de souveraineté pour une nation si celle-ci utilise une monnaie extérieure à elle-même. Quand la France utilise l’euro, c’est exactement comme si elle utilisait le dollar ou le Bitcoin. Elle n’a pas le contrôle de son émission, ni de son cours, et cela pèse forcément sur son économie. L’euro est ce qu’on appelle une monnaie forte, c’est-à-dire dont le cours ne reflète pas la productivité de la France. Le cours nous est imposé depuis Francfort. Mais cette perte de souveraineté monétaire se traduit par un déficit commercial qui nous rend encore plus dépendant de l’étranger : c’est une sorte de double peine. Tous ceux qui parlent de souveraineté de la nation sans parler de nationaliser la monnaie ont un cadavre dans la bouche et ne sont que des souverainistes en carton. En renationalisant la monnaie, on décide à partir des besoins de la nation de contrôler et d’équilibrer la balance commerciale. Donnons un exemple. Si nous revenons au franc, notre monnaie aura une certaine valeur par rapport à l’euro ou par rapport au mark si la zone euro éclate. Lorsque notre déficit commercial augmentera, de manière mécanique le franc diminuera de valeur, rendant plus chères les importations et moins chères les exportations. Outre que ce mouvement, selon la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande, rééquilibrera la balance commerciale, il facilitera la relocalisation des activités sur le territoire. Tout cela créera facilement entre un et deux millions d’emplois. Deux autres avantages sont attendus d’une sortie de l’euro : une renégociation de la dette français qui sera libellée en francs et qui pèsera bien moins lourd sur les finances publiques, mais aussi un resserrement des inégalités en faveur des revenus des salariés et au détriment des plus riches.   

 

Renationaliser les secteurs clés de l’économie 

Les privatisations ont été un des éléments-clés du déclin de l’économie française. Elles étaient basées sur deux choses, d’une part une canaillerie où on a vu les hauts fonctionnaires corrompus aider les amis qui les rémunèreraient très bien en les embauchant, profiter de ces braderies exceptionnelles. C’est le cas de la vente scandaleuse d’Alstom par Macron, vente qui profita aussi au mari de sa concurrente Pécresse, il encaissa au passage plusieurs millions et on lui donna un bon poste bien rémunéré chez Général Electrique. Toutes les privatisations se traduisent par des pertes aussi bien pour l’Etat que pour les usagers. Macron prétendant retrouver une souveraineté industrielle a annoncé qu’il fera racheter, s’il est réélu, les turbines qu’il a vendu 600 millions à General Electric, 1,2 milliards d’euros ! Le vol du bien public se fait dans les deux sens, à la vente, via des commissions, et au rachat via de nouvelles commissions, plus les bénéfices que fera General Electric. Pour l’électricité, on a vu comment le gouvernement procède avec méthode à la ruine d’EDF[3]. La question de la privatisation des autoroutes est bien connue, le gouvernement a vendu à des amis des réseaux autoroutiers qui génèrent des taux de rendements tellement extravagants que les investissements de ces firmes privées, Vinci entre autres, ont été amortis en 20 ans alors que leur bail roule sur 99 ans et alors que les péages augmentent constamment et sans raison autre que d’engraisser l’actionnaire[4]. On a bradé le bien public. Lorsque le gouvernement de Macron a lancé son programme de privatisation d’ADP il y a eu une vraie levée de boucliers et on a vu à ce moment-là que les Français étaient hostiles à cette braderie qu’ils comprenaient comme telle. La justification théorique est que la concurrence c’est excellent et que ça fait baisser les prix, et donc que cela est bon pour le consommateur. Mais en réalité il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de concurrence car la plupart de ces exemples se trouvent être des monopoles naturels. A l’endroit où passe une autoroute on ne peut pas en construire une deuxième qui concurrencerait la première ! C’est cette raison qui faisait dire à Léon Walras qu’on devait nationaliser toutes les activités où une concurrence ne peut pas exister[5]. Prenons le cas d’EDF, le réseau, les éléments de la production et de transport de l’électricité ont été produits par l’Etat, c’est-à-dire par l’impôt et donc par le peuple. Pour faire croire à une concurrence entre EDF et d’autres boutiques comme Engie par exemple, on ne laisse pas Engie ou autre développer leur propre réseau et leurs propres entreprises de production d’électricité. Non, on oblige EDF a vendre en dessous du prix de production à une entreprise qui fera circuler cette électricité sur le réseau d’EDF et qui au passage prendra un bénéfice ! Cette privatisation indirecte fait émerger des firmes qui finalement ne font que de la facturation et rien d’uatres, mais aussi elle aboutit à un transfert de fonds publics vers le secteur privé, soit une ponction sur les finances publiques. Mais en outre elle empêche l’opérateur historique de mener une politique cohérente en matière de production, de prix et d’indépendance énergétique. 

 

Nous proposons donc de nationaliser au moins les secteurs stratégiques suivants, sans indemnité préalable eut égard les revenus indus qui ont été retirés de leur privatisation. Par secteurs stratégiques nous entendons les secteurs essentiels à notre souveraineté, secteurs sans lesquels il est impossible de déterminer une politique économique indépendante de celles des autres nations :

– les entreprises d’électricité et de gaz qui fonctionnent en réseau ;

– les entreprises de distribution et de traitement des eaux, où les marges sont extravagantes parce qu’elles se trouvent en situation de monopole ;

– les entreprises prédatrices qui se sont greffées sur le réseau de la SNCF et donc de réunifier le réseau pour lui donner une nouvelle cohérence stratégique et tarifaire ;

– les entreprises autoroutières qui freinent au maximum la rénovation du réseau et qui plombent le pouvoir d’achat des Français. Faire cesser ce scandale serait déjà une preuve de moralisation de la vie publique ;

– les EHPAD dont les récents scandales sont une honte consécutive à la privatisation des soins pour les personnes âgées. La nationalisation de ces établissements de torture est d’autant plus justifiée qu’une large partie des financements des séjours est assurée par des fonds publics, soit les Conseils Régionaux, soit la Sécurité Sociale.

– dans le même ordre d’idée on peut aussi renationaliser la Sécurité sociale, c’est-à-dire faire disparaître les mutuelles et les complémentaires. C’est le bon sens même puisqu’en démultipliant les organisations qui gèrent ce secteur on multiplie les parasites. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est un débat qui est à l’ordre du jour. Olivier Véran avait lancé l’idée d’une Grande sécu, évidemment tout dépendra du reste à charge et des modalités de son financement, mais il est étonnant que les candidats dits de gauche ne se soient pas emparés de cette idée[6] 

 

Travail et emploi 

La souveraineté doit déboucher sur une autre forme d’emploi et de travail. Aujourd’hui, les profits sont élevés et les salaires sont relativement bas, compte tenu des dépenses incompressibles des plus pauvres. Mais cela est la conséquence d’un système économique mondialisé fondé sur la concurrence entre les travailleurs du monde entier.

Ce système est à bout de souffle. Partons du chômage. Macron a beau se gargariser de bons chiffres en la matière, disant que le chômage serait au plus bas depuis quinze ans, à peine supérieur à 7%, si on y regarde de plus près, ce n’est pas vrai. 

Population active

 

30 millions

Personnes inscrites à Pôle Emploi

 

6 millions

Personnes en formation

 

300 000

Total des personnes sans emploi

6,3 millions

Le taux de chômage réel est donc de plus de 20%. Et encore je ne prends pas en compte les 2 millions de personnes qui sont inscrites au RSA, une partie étant peut-être inscrite à Pôle Emploi. Le chômage est au moins trois fois plus important que ce qui est annoncé. Faisons rapidement litière d’une autre ineptie selon laquelle il y aurait beaucoup d’offres d’emplois inoccupées. Une étude récente de Pôle emploi avance qu’il y aurait entre 255 000 et 390 000 offres d’emplois abandonnées faute de candidats[7]. Si on convertit en temps plein cela ramènerait la fourchette entre 180 000 et 273 000. Et encore beaucoup de ces emplois sont des contrats de très courte durée. Mais admettons que l’offre soit de 300 000 emplois, on voit qu’on est loin du compte et que le taux de chômage véritable reste autour de 20%. Il y a une grosse pénurie d’emplois. Et cette pénurie est d’autant plus forte que le pays ne se protège pas des productions qu’il pourrait effectuer lui-même et qu’il importe. La France, jadis un des premiers exportateurs de produits agricoles, a renoncé à produire des quantités de fruits et de légumes, de céréales suffisantes pour assurer son autonomie. Il n’est pas raisonnable d’importer des produits agricoles qui viennent de loin – donc qui aggrave le réchauffement climatique – et qu’on pourrait très bien produire chez nous. Les écologiques inconséquents d’EELV avancent que les produits locaux c’est très bon pour la planète, mais en même temps ils défendent l’Union européenne qui, à travers le grand marché, allonge les circuits de distribution et accélèrent la division du travail. Donnons un chiffre approximatif, si nous convertissons l’agriculture à des normes bio, et que nous n’importons plus que les produits qui ne peuvent pas être fabriqués chez nous, on créerait entre 600 000 et 1 millions d’emplois selon qu’on reste dans le cadre européen ou qu’on en sorte[8]. 

 

On avait fait le calcul il y a quelques années, une sortie de l’euro, un retour au franc créerait rapidement entre 1,5 et 2 millions d’emplois à structure productive inchangée[9]. Ces créations d’emplois sont nécessaires, non seulement parce que le chômage est massif comme nous l’avons dit, mais parce que la robotisation galopante qui se répand aussi bien dans l’industrie que dans les services va encore détruire des millions d’emplois dans un avenir assez court. Pour combattre cela, nous devons abaisser le temps de travail. En effet, alors que les salaires restent bas, et malgré la hausse régulière et continue de la productivité du travail, les durées travaillées ne baissent plus depuis une bonne vingtaine d’années. Autrement dit cette situation est le résultat d’une confiscation des gains de productivité en faveur des capitalistes. Cette situation n’a pu être que la conséquence de l’accélération de la concurrence à l’échelle planétaire et plus particulièrement dans l’Union européenne, concurrence qui s’est traduite par une déflation salariale, tordant le partage de la valeur ajoutée dans le sens du capital. Cette déflation s’est manifestée de plusieurs façon :

– une non-augmentation des salaires en fonction des gains de productivité du travail, ce qui a entraîné des problèmes d’asséchement de la demande ;

– une non-diminution des durées travaillées qui n’ont pas bougées depuis vingt ans comme le montre le graphique ci-après, ce qui est une situation assez inédite ;

– et enfin une baisse des cotisations sociales patronale assortie d’un recul de l’âge de départ à la retraite.

Dans le cadre d’une véritable souveraineté retrouvée – et contrairement à ce que propose Zemmour avec le vieux slogan de travailler plus pour gagner plus emprunté à Sarkozy – nous pouvons proposer une baisse de la durée hebdomadaire du travail à 32 heures par semaine. Ce qui n’est pas possible dans le cadre concurrentiel de l’Union européenne à cause des différences de salaires minimum entre les différents pays de l’Union européenne, mais ce qui rééquilibrerait le partage de la valeur entre le capital et le travail. C’est devenu tellement évident que le président de la Caisse des dépôts et des consignations, autre chose qu’un appareil de propagande gauchiste tout de même, a alerté sur cette dérive[10] 

 

Les services publics comme élément de souveraineté 

Un des buts d’une souveraineté retrouver devrait être un redéploiement des services publics. Sortons rapidement de la fable selon laquelle on pourrait faire mieux avec moins de fonctionnaires. Cette idée stupide avancée par Rocard, reprise par Sarkozy, Hollande et Macron, a démontré amplement sa nocivité. La crise du COVID a révélé la grande misère de la santé publique, victime de cures d’austérité réclamées par Bruxelles et mises en scène par Castex déjà du temps de Sarkozy. Il n’y a pas assez de lits d’hôpitaux ouverts – et au contraire on en a encore fermé en 2021. Mais il y a encore pire, la France qui jadis avait un des meilleurs systèmes de santé, ne produit plus assez de médecins. Tout le monde connaît la pénurie de généralistes, mais cette pénurie touche aussi les spécialistes, par exemple les gynécologues, les ophtalmologues, les dermatologues sont en quantités très insuffisante. Cette pénurie est la conséquence à la fois d’un système de formation totalement dépassé et stupide, et de l’effondrement de l’hôpital public qui empêche les étudiants en médecine à apprendre leur métier à l’hôpital. Du reste en général c’est tout le système éducatif en France qui s’effondre, les résultats le montrent[11].  De nombreuses raisons expliquent cet effondrement, les réformes incessantes de l’Education nationale qui disparaissent après chaque changement de ministre. Le problème est maintenant ancien, mais quand on voit que dans de nombreuses matières il y a plus de postes à pourvoir que de candidats, on ne peut plus dire qu’il s’agisse encore d’un concours. Les salaires sont très peu attractifs, en France les enseignants sont bien moins payés qu’en Espagne pays pourtant réputé moins riche que la France si on se fie au niveau du PIB par tête. Mais il y a bien d’autres choses, dans certains cas le métier d’enseignant est devenu un métier à risque, voir l’assassinat du malheureux Samuel Paty. Or ces difficultés qui ne sont heureusement pas toujours aussi dramatiques que celle rencontrées par Paty, la maigreur des salaires n’attire plus les meilleurs éléments, et pour recruter il faut rabaisser le niveau d’exigence. On ne peut pas avoir de bons élèves sans bons professeurs, mais dans certains quartiers c’est franchement devenu très difficile. L’évolution franchement ubuesque des programmes est aussi pour beaucoup dans cet effondrement. Parmi les causes qui ont construit cette grande misère de la santé et de l’éducation, il y a cette incessante demande de la Commission européenne qui n’a qu’un horizon idéologique, réduire toujours plus les dépenses publiques. Ce dogme empêche de faire des choix raisonnables sur le long terme. C’est aussi à cela que doit permettre de répondre un retour à la souveraineté de la nation : définir les objectifs des services publics sur le long terme sans rester corseter dans une stricte logique comptable qui empêche de prévoir. La crise du COVI a démontré le délabrement de l’hôpital public, mais cela n’a pas changé les orientations de Macron et celles de la plupart des prétendants à sa succession. Ces services publics sont du reste considérés par la Banque mondiale, le FMI ou même l’OCDE, comme des infrastructures qui interviennent dans la productivité globale des facteurs[12]. 

 

Voilà un vrai programme souverainiste ébauché à grandes lignes ! Pour le financer évidemment il faudra modifier la fiscalité suivant les deux règles suivantes :

– diminuer le poids de la fiscalité indirecte : TVA, TPP, qui pèsent plus particulièrement sur les ménages les plus pauvres, les plus riches consommant proportionnellement moins que les pauvres ;

– augmenter les impôts sur les revenus en augmentant la progressivité. Il y a à l’heure actuelle 5 tranches d’impositions sur les revenus, on peut passer facilement à 9 tranches et obtenir plus de justice fiscale. Cela se justifie théoriquement par le fait que les plus riches bénéficient beaucoup plus que les plus pauvres des services de l’Etat.

La TVA et l’impôt sur le revenu représentent ensemble 68% des recettes fiscales. On pourrait diminuer l’apport de la TVA de 10 points par exemple et augmenter celui de l’impôt sur le revenu de 10 points sans que cela fasse un scandale. Mais là encore cela sera difficile dans le cadre européen et libre échangiste, puisqu’en effet la libre circulation des capitaux empêche ce genre de mouvement. Les pauvres par le biais de la TVA peuvent être plus facilement taxés que les riches car ils ont moins de possibilités de faire circuler leurs revenus au-delà des frontières. 

 

Que devons-nous retenir de tout cela ? D’abord qu’il n’y aura pas de changement de politique sensible sans souveraineté monétaire. C’est cette souveraineté monétaire qui permet d’orienter un programme économique et social en faveur des plus pauvres. Elle n’est pas un but, mais elle est un outil. Ensuite que cette souveraineté qui s‘oppose forcément au libre é change n'est absolument pas synonymes de fermeture, mais elle permet de contrôler les orientations politiques et économiques de la nation et de ne pas dépendre des marchés mondiaux. Quand durant les Trente glorieuses, la France était dans une logique protectionniste, il était possible de voyager ou d’acheter des produits à l’étranger ou d’en vendre. La souveraineté n’est pas un confinement ! Et cela n’empêchait pas que la croissance économique fût forte. Plus l’économie s’est mondialisée, et plus la croissance est devenue faible, c’est le résultat naturel et attendu de la mise en concurrence avec les pays qui ont des coûts de main d’œuvre plus faibles et vers lesquels on a délocalisé. Si on n’est pas trop fainéant et si on a un peu de connaissances en économie, il n’est pas bien difficile de construire un programme cohérent dans l’intérêt des plus démunis. 


[1] http://frachetvailland.canalblog.com/archives/2013/01/31/26295335.html

[2] Kempf Olivier, « Le maréchal de Vauban, premier géopoliticien français ? », Stratégique, 2010/1 (N˚ 99), p. 33-50. DOI : 10.3917/strat.099.0033. 

[3] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2022/02/edf-mene-la-ruine-par-le-gouvernement.html

[4] https://www.marianne.net/economie/economie-francaise/scandale-des-autoroutes-comment-les-concessionnaires-ont-arnaque-des-milliards-a-letat

[5] Études d'économie politique appliquée : Théorie de la production de la richesse sociale, Pichon, 1898

[6] https://www.latribune.fr/economie/france/pour-ou-contre-faut-il-une-grande-securite-sociale-jean-charles-simon-economiste-face-a-eric-chenut-president-de-la-mutualite-904005.html

[7] https://www.ouest-france.fr/economie/emploi/chomage/les-offres-d-emploi-non-pourvues-ont-peu-d-impact-sur-le-niveau-d-emploi-selon-pole-emploi-468d976e-8a85-11ec-ae31-1f5ffe08b8d2

[8] https://reporterre.net/Chomage-On-peut-creer-600-000-emplois-dans-l-agriculture

[9] Moi-même je m’étais prêté à cet exercice et j’arrivais aux mêmes résultats que Jacques Sapir. Sapir partait de la réserve des changes et des écarts de productivité entre les pays européens, tandis que je recherchais l’équilibre du commerce extérieur comme horizon de la politique économique.

[10] https://www.leparisien.fr/economie/remuneration-le-patron-de-la-caisse-des-depots-denonce-des-salaires-trop-bas-par-rapport-aux-revenus-du-capital-16-02-2022-KYXA2RAXPRHKXNCBCYSPVT4K4Q.php#xtor=AD-1481423552

[11] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/12/05/01016-20171205ARTFIG00026-lecture-le-niveau-des-ecoliers-francais-ne-cesse-de-baisser.php

[12] https://www.foreignaffairs.com/articles/2018-06-14/human-capital-gap

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