mardi 14 mars 2023

Quelques petites vérités simples sur la réforme des retraites

  

Blocage du rond-point de la Motte, à Rouen, lundi 13 mars 2023 

Pour rejeter la réforme des retraites, nous n’avons pas besoin de cinquante arguments, de tonnes de chiffres et d’un argumentaire très compliqué. D’autres comme l’économiste Michaël Zemmour ont montré qu’il y avait des possibilités moins brutales et moins mortifère pour préserver les équilibres. Attention de ne pas confondre Michaël Zemmour avec Éric Zemmour l’ignorant qui lui soutien la réforme de Macron et des fonds de pension, ce qui ne nous étonne pas, car nous l’avons identifié dès le début comme un agent du grand capital, un menteur et un fourbe soutien de l’oligarchie[1]. Je ne prétendrais pas d’être ici très original, beaucoup a été dit, je voudrais seulement insister sur quelques points qui me paraissent importants et irrécusables. Je crois que l’opinion publique l’a déjà compris au fur et à mesure que les ministres de Macron nous expliquaient les bienfaits de cette réforme régressive.

 

1. La réforme n’a aucune urgence, les caisses de retraite sont en excédent.

Les caisses de retraites sont aujourd’hui excédentaires, pour l’Agrirc-Arrco, cet excédent s’est monté à 2,6 milliards d’euros en 2021 et à 3,7 milliards en 2022[2]. Globalement le COR nous dit que l’excédent est en 2022 de 3,2 milliards d’euros. C’est d’autant plus vrai que le fond de réserves des retraites (FRR) créé par Lionel Jospin conservaient par devers lui plus de 200 milliards d’euros[3] 

2. Calculer le déficit des caisses de retraite sur le long terme n’a aucun sens.

La crapule gouvernementale, habituée à ce que ses mensonges soient relayés par les médias aux ordres, disent que certes il y a des excédents, mais que ces excédents fondraient comme neige au soleil si on calcule une hausse de la productivité du travail de 1% et un chômage à 7%. Elles disparaitraient en 2037. Or, la hausse de la productivité du travail est toujours au moins de 2% l’an sur le long terme. Sur les dernières années, entre 2005 et 2019, la productivité du travail a augmenté de 2,4% par an à l’échelle mondiale et de 4,9% en 2020[4]. Donc quand on prend pour base 1% de hausse annuelle pour expliquer que ce 1% ne suffira pas à équilibrer les comptes des retraites, on prend un chiffre qui n’a aucun fondement empirique, qui sort du chapeau. Mais le plus grave n’est pas là dans ces calculs d’apothicaires. Il se trouve dans le fait que d’ici une quinzaine d’années personne n’est capable de prédire ce que sera l’économie, globalement et dans le détail. Déjà prédire à 5 ans est hasardeux, à la fois parce qu’on ne peut pas appréhender l’effet de la Guerre en Ukraine, et celui du réchauffement climatique. 

 

3. Les transferts de fonds du travail vers le capital sont la cause des déficits des caisses de la sécurité sociale

Les caisses de retraites sont abondées à 80% par des cotisations sociales, c’est-à-dire par des salaires différés. Ici on peut trouver des financements pour les retraites de deux façons, soit en revenant sur les mesures que les gouvernements successifs ont prises pour alléger le coût du travail, mesures qui se sont révélées complètement inefficaces, soit en augmentant les salaires, puisque les cotisations sociales sont proportionnelles aux salaires. Les tendances de long terme montrent que les déficits de la sécurité sociale et donc des caisses de retraite ont été patiemment construits, c’est ce qu’on voit sur le graphique suivant, puis ensuite, une fois ces déficits actés, on avance qu’il faudra les financer, soit en travaillant moins longtemps soit en déremboursant des prestations santé. Mais dans tous les cas, il s’agit bien d’une baisse des salaires indirects, et c’est ce qui va alimenter la hausse des dividendes distribués, donc les inégalités[5].

  

4. L’émergence des fonds de pension 

Malgré les mensonges du gouvernement qui prétend qu’il veut sauver les retraites par répartition – pour ceux qui ne seront pas morts avant – le Sénat, ce ramassis de vieux croutons corrompus, vient de voter un amendement pour pousser plus loin dans le sens des fonds de pensions[6]. C’est là un des véritables buts de la réforme des retraites. Le journal de la droite extrême, Le monde, constatait qu’à chaque réforme des retraites les fonds de pension progressaient[7]. Cette forme de retraite par capitalisation suppose que les retraités reçoivent le fruit de leur épargne dans les fonds de pension. Cette forme de retraite pose plusieurs problèmes. Le premier est que les petits salaires ne cotiseront pas et devront se contenter du minimum vieillesse. Ceux qui auront encore des bons salaires, cotiseront bien, et auront une bonne retraite – théoriquement – ce qui amplifiera les inégalités de revenus au-delà de la vie de travail. Le second point est que les fonds d’épargne-retraite sont placés sur les marchés boursiers, et les guignols comme Macron vous diront que grâce à ça on pourra accélérer le progrès en investissant dans les start-ups. Mais nous savons que la bourse est soumise à des soubresauts erratiques. Et quand les fonds de pensions s’effondrent, on en appelle à l’État pour payer les retraites ! C’est ce qui se passe régulièrement dans les pays anglo-saxons depuis au moins les années quatre-vingt-dix. Évidemment on peut toujours rêver et croire que les placements de l’épargne-retraite amèneront des gains extraordinaires et permettront aux plus vieux de partir en vacances au Bahamas et s’y payer des jeunes filles peu farouches. Mais la réalité empirique montre que périodiquement la bourse d’effondre – la prochaine crise boursière est d’ailleurs déjà là[8].

 

5. L’argument de la démographie

Le gouvernement avance très souvent ce qu’il prétend être une réflexion de bon sens. Soit, les populations vieillissant de plus en plus, il y a de moins en moins d’actifs par personne inactive. Et donc pour cette simple raison, il faudrait travailler plus longtemps. Cet argument est totalement faux pour au moins deux raisons. D’abord, la baisse de l’espérance de vie dans les pays « riches » a déjà commencé aux Etats-Unis, et cela, avant le COVID. Et donc si on anticipe une baisse de l’espérance de vie à court et moyen terme, l’argument de son allongement comme justification au travailler plus tombe, d’autant que l’allongement de la vie de travail au-delà de 62 ans aura forcément des conséquences directes sur l’espérance de vie dont la baisse s’accélèrera encore.   

Baisse brutale de l’espérance de vie à la naissance aux Etats-Unis 

Il y a à l’heure actuelle en France 8 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi, soit plus du quart de la population active. Ne serait-il pas plus judicieux de faire travailler ces chômeurs en répartissant mieux le travail ? Par exemple en abaissant la durée du travail. Comme on le voit l’idée de la clique stipendiée du gouvernement, est de faire travailler les salariés plus longtemps. C’est une inversion de la tendance historique qui fait de la baisse des durées travaillées un signe de progrès. Comme on le voit dans le graphique ci-dessous, la baisse de la durée du travail en France a été stoppée en 2005. Ce qui veut dire que les progrès de la productivité du travail ont été systématiquement confisqués par le capital. Dans son rapport de janvier 2023, OXFAM constatait que l’accroissement de la richesse produite n’avait pas profité aux plus pauvres, mais qu’au contraire cet accroissement avait été confisqué dans le but d’accroître encore les inégalités de revenus : depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté 63% des richesses produites, près de deux fois plus que le reste de la population mondiale[9]. Comme on le comprend on peut augmenter les durées travaillées soit en alourdissant les horaires hebdomadaires, soit en prolongeant la vie de travail. Karl Marx dans les Gründrisse (1857-1858) pensait que c’était là une forme régressive pour augmenter la plus-value et le profit. Si on suit son raisonnement, cette augmentation brutale serait donc le signe d’un déclin de ce système. Il devient ainsi évident que c’est bien dans la fin de la baisse des durées travaillées que les inégalités de fortune ont explosé. Je suppose que lorsque la réforme des retraites sera entérinée, Macron passera à la fin des 35 heures et à la dislocation du SMIC. Mais il peut être arrêté avant, et surtout, il ne faut pas se décourager, car une réforme qui est votée dans un sens, peut toujours par la suite être annulée. 

Baisse des durées annuelles du travail en France

6. La réforme est anti-démocratique

 

A mon avis c’est là l’argument le plus décisif. Plus le gouvernement explique sa réforme, et plus l’opinion publique française la rejette. Elle est dénoncée par des économistes comme Philippe Aghion, professeur au Collège de France, mais aussi un de ceux qui avaient rédigé le programme de gouvernement de Macron en 2017. Même Jean Pisani-Ferry qui lui aussi a travaillé sur le programme de Macron, la juge négativement, il est pourtant un libéral bon teint. Plus encore, les Français se souviennent de Macron qui disait : « Si on fait une réforme comme d’habitude, comme on fait depuis 20 ans, et qu’on dit : on va décaler l’âge de départ à la retraite ? Je ne ferais pas ça. C’est profondément injuste »[10]. Il va de soi qu’un tel mensonge suffit à démontrer le caractère anti-démocratique de cette loi. Je passe sur le lugubre Olivier Dussopt qui en tant que socialiste luttait bec et ongles contre l’allongement de la durée de vie de travail et qui aujourd’hui défend son exact contraire. Peut on faire confiance dans la parole de gens pareils ? Et donc il vient que lorsqu’ils nous disent que la réforme est juste, on doit penser que c’est forcément le contraire. Mais il y a autre chose. En matière économique l’incertitude est toujours de mise. Et donc il n’y a pas de raison véritable pour que le gouvernement ait raison contre le peuple. C’est d’ailleurs le plus souvent l’inverse. Il n'y a pas de raison qu’un quarteron d’économistes formés à l’ENA ou rétribués par McKinsey produisent un meilleur raisonnement que des millions de Français intéressés par les conséquences de cette réforme pourrie. Quelles que soient les analyses qu’on peut faire, faire passer une loi rejetée par la très grande majorité de la population est la preuve que nous ne sommes pas en démocratie. « Démocratie » veut dire le pouvoir du peuple. On peut discuter autant qu’on veut mais quand près des trois quarts de la population est contre une loi, et qu’on la fait passer tout de même, nous sommes très exactement dans une dictature. Sous Macron qui est probablement fou, ce n’est pas la première fois que le gouvernement agit contre le peuple et spéciale contre les plus pauvres et les plus faibles, c’est une maniaquerie qui dévalorise la parole de ces gens quand ils prétendent défendre l’Ukraine au nom des valeurs démocratiques. Que la représentation nationale soit autant en décalage avec l’opinion des Français est inédit, et montre à quel point les institutions doivent être réformées en profondeur. 

 

La conséquence de tout ce qui a été écrit ci-dessus est que la mobilisation ne doit pas faiblir, qu’elle doit se réinventer pour faire échouer cette réforme antisociale. Les défilés ne suffiront pas à faire reculer Macron dont l’entêtement imbécile tient lieu de tactique politique, seuls les blocages, les grèves permettront d’en finir avec ce cuistre et sa perruque.


[1] https://www.cnews.fr/france/2023-01-11/eric-zemmour-ceux-qui-sont-pour-la-retraite-60-ans-sont-des-irresponsables-1309973

[2] https://www.bfmtv.com/economie/patrimoine/retraite/retraites-un-excedent-de-3-7-milliards-d-euros-attendu-a-l-agirc-arrco-en-2022_AD-202209230032.html

[3] https://www.liberation.fr/checknews/les-differents-fonds-de-reserve-des-retraites-pourraient-ils-financer-les-deficits-a-venir-20230109_UDRZH4G3ZBHFHJHN3HTIZDHEPI/#:~:text=Les%20diff%C3%A9rents%20fonds%20de%20r%C3%A9serve%2C%20de%20leur%20c%C3%B4t%C3%A9%2C%20cumulaient%2C,%2C%20ndlr%5D%2C%20estim%C3%A9e%20%C3%A0%2043

[4] https://ilostat.ilo.org/fr/why-would-labour-productivity-surge-during-a-pandemic/

[5] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/25/les-dividendes-verses-aux-actionnaires-atteignent-un-pic-en-france-au-deuxieme-trimestre_6139010_3234.html

[6] https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/retraites-le-senat-vote-un-amendement-pour-lancer-la-reflexion-sur-la

[7] https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/15/epargne-retraite-la-capitalisation-s-installe-a-bas-bruit-dans-les-pratiques-des-francais_6161857_3234.html

[8] https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/10/piegee-par-la-hausse-des-taux-la-silicon-valley-bank-au-bord-du-gouffre_6164888_3234.html

[9] https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2023/01/Davos_2023_french_full_report.pdf

[10] https://linsoumission.fr/2023/03/01/pepite-macron-contre-report-retraite/

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