mardi 25 avril 2023

Donald Trump et les risques de guerre civile aux États-Unis

  

Ces derniers jours, on entend globalement deux choses à propos des Etats-Unis. D’abord que Donald Trump est inculpé comme une vengeance des démocrates qui instrumentalisent la justice pour l’empêcher de se représenter en 2024 aux élections présidentielles, et que s’il l’avait emporté en 2022, il aurait été moins guerrier que Biden. Lui-même prétendait au mois de février 2023 que s’il avait été élu à la place de Biden, il n’y aurait jamais eu de guerre en Ukraine[1]. J’ai des amis qui pensent un peu comme ça. Mais mettre l’espoir en Trump est complètement erroné. D’abord parce que même si l’électorat de Trump est très radicalisé, comme on dit aujourd’hui, Trump n’est pas populaire aux Etats-Unis, il l’est seulement dans son camp et ça ne suffit pas. Lui-même avance que 80% des Américains sont avec lui ! On n'est pas obligé de le croire. Le graphique ci-dessus montre que la popularité de Trump est relativement basse, elle est même plus basse que celle de Biden que nous voyons dans le sondage ci-dessous. On a beau dire que Joe Biden est gâteux, ce qui est sans doute vrai, il est moins détesté que Trump. Ce dernier passe son temps à dire qu’il est victime d’un complot permanent, des élections qu’il a perdues aux procès qu’on lui faits. Le dernier procès portait sur des relations avec des prostituées. Il est accusé d’avoir utilisé des fonds de sa campagne électorale pour payer une actrice pornographique, 130 000 $, pour qu’elle taise ses relations avec lui. En vérité ce procès c’est l’arbre qui cache la forêt. Il y en a d’autres bien plus importants qui devraient commencer à arriver pour un jugement à partir de janvier 2024[2]. 

Popularité de Joe Biden en avril 2023 

Pour croire en Trump, comme homme de paix, il faut vraiment avoir la mémoire courte. Même si effectivement il n’a pas déclenché de nouvelles guerres, il en a entretenu un certain nombre, en Syrie ou en Afghanistan par exemple – il a critiqué d’ailleurs vivement Biden pour le départ catastrophique des troupes américaines dans ce pays. Je rappelle aussi que Trump s’il ne voulait pas déclencher de guerre en Ukraine contre la Russie, était partant pour un conflit militaire dur avec la Chine, c’est ce que raconte l’ouvrage de Bob Woodward et Robert Costa, Peril[3], ouvrage curieusement non traduit en français. Les auteurs de ce livre rapportent que le général Milley qui avait des doutes sur la santé mentale de Trump, avait envisagé de contrarier ces initiatives guerrières, ce qui pose des questions sur le fonctionnement « démocratique » de ce pays, puisqu’un militaire, quoiqu’on en pense, n’a aucun titre pour définir la politique guerrière de son pays, en bien comme en mal.  Mais durant le mandat de Trump, les Etats-Unis ont continué à armer l’Ukraine pour préparer la guerre, et l’abominable Victoria Nuland avait toujours ses entrées à la Maison Blanche. Parmi les causes de la large défaite de Trump qui, ne l’oublions pas, était lors de son élection de 2016 déjà un président minoritaire en voix, en 2021, il y avait les inepties des Républicains qui envisageaient de revenir sur le droit à l’avortement.

  

Malheureusement pour ceux qui croient en Trump, il semble que le mal soit plus profond, et qu’un changement de figure ne suffira pas. Les Etats-Unis sont confrontés à deux problèmes. D’un côté il y a les Républicains qui sont voués à rester dans l’opposition encore de longues années, parce que leurs idées sur la vie civile ne correspondent pas à l’état réel du pays, s’étant mis à dos la jeunesse et les femmes du pays. Malgré un leader à moitié gâteux, les Démocrates ont très bien résisté à la poussée des Républicains aux élections de mid-term de 2022. D’un autre côté, les Démocrates apparaissent comme dépendant des lobbies du complexe militaro-industriel comme de la Bourse et des GAFAM. Ce pays déchiré entre des aspirations contradictoires, d’un côté les wokes du parti Démocrate, de l’autre les Évangélistes de Trump, est décrit par certains comme au bord de la guerre civile. La question de l’Ukraine est le cadet des soucis des Américains. Trump a essayé d’en parler, dans l’indifférence la plus totale il y a deux mois. Son électorat est plus intéressé par l’avortement, la chrétienté at d’autres fantaisies du même genre que par le devenir de l’Empire à l’échelle de la plan ète. Dans le contexte actuel, et malgré tout ce qu’on peut dire de mal sur les Démocrates, Trump n’a quasiment aucune chance d’être élu à nouveau, non pas parce que l’État profond conspirerait contre lui, mais parce que ses idées ne sont pas adaptées à l’Amérique d’aujourd’hui. Ce refus de l’admettre a poussé non seulement les Républicains à nier leurs défaites, mais à penser que seule la violence pourra être une solution pour eux. La tentative de prise du Capitole en janvier 2021 – même si elle était plutôt bouffonne et vouée à l’échec – a indiqué des tendances qui ne trompent pas. L’idée d’une guerre civile est maintenant un thème de réflexion aux Etats-Unis, plus de 40% des Américains pensent qu’une guerre civile est possible dans un avenir assez proche[4]. Ce simple fait montre au minimum l’inquiétude des Américains quant à la trajectoire de leur pays. 

 

La question qui se pose est de préciser les raisons d’une guerre civile. La première grande guerre civile s’est appelée Guerre de Sécession. C’est le bon mot. S’il y a des tendances à la sécession, c’est bien que chaque partie n’imagine pas continuer à vivre avec l’autre. On sait déjà que le Texas est avancé dans son idée de devenir indépendant, soit de se séparer du reste des Etats-Unis. Il possède un parti indépendantiste très actif, et cet État a été un de ceux qui ont le plus lutté pour ne pas reconnaître la défaite de Trump, c’est également là que Kennedy a été assassiné. Et d’ailleurs il y a toujours un noyau très actif pour ne pas reconnaitre la défaite des États du Sud dans cette première guerre civile qui dura de 1861 à 1865. Les États dits Républicains aujourd’hui sont également des États où les citoyens sont armés, abonnés aux sanglantes tueries qui préfigurent la guerre civile, ils pourraient bien recommencer. Mécaniquement, l’idée d’une guerre civile vient à ceux qui se pensent opprimés et qui ne se reconnaissent pas dans les institutions. C’est une défaillance de la démocratie. Les tendances à la guerre civile se manifestent si les belligérants ne pensent pas pouvoir régler leurs différents autrement que par les armes. Il semble que si cela existe aux Etats-Unis d’une manière exacerbée, c’est aussi le cas dans les autres pays occidentaux, à commencer par la France. Mais dans tous les cas, au moins depuis l’élection de Trump, c’est la fin d’un modèle, économique, social et politique. Les Etats-Unis sont un pays à la dérive qui n’ont plus que la force de fomenter des mauvais coups chez leurs alliés. C’est un pays fracturé dont les morceaux ne visent même plus à se rassembler. Les Etats-Unis ne sont pas le seul pays qui vise la sécession. Après tout n’est-ce pas ce qui s’est passé dans le Donbass en 2014, quand leurs habitants ont constaté qu’il était impossible de vivre sous la férule de Kiev ? De partout dans le monde se manifeste des tendances à l’autonomie, la Catalogne par exemple qui ne veut plus être espagnole. L’Ecosse aussi qui manifeste des idées d’indépendance régulièrement. 

Les Etats-Unis ont-ils la possibilité de renverser le cours des choses ? Peut-être qu’une défaite en Ukraine serait salutaire pour réveiller les Américains et s’engager dans une autre direction que celle d’une mondialisation sous leur direction avec le dollar comme totem. Un des paramètres qui rend le conflit civil probable est bien sûr la prolifération des armes à feu. Il y a 400 millions d’armes à feu en circulation sur le territoire ! De quoi tenir un siège ! Stephen Marche avançait aussi qu’un autre facteur de guerre civile tenait au fait que les shérifs sont des élus, et que bien souvent ils prennent le parti de leurs électeurs plutôt que celui de la loi[5]. Il avançait aussi que l’extrême-droite qui a infiltré l’armée et la police, était mieux préparée au conflit que l’extrême-gauche, mieux encore elle le souhaite. Face aux dangers qui s’accumulent dans les pays occidentaux, on à l’impression que la classe politique est formée de somnambules. Certes le monde est compliqué, et on s’est appliqué à le rendre encore plus compliqué, sa gestion est forcément difficile, mais si la guerre civile n’est pas sûre aux Etats-Unis, la guerre des classes n’a jamais été aussi présente en France comme aux Etats-Unis, elle peut déboucher du jour au lendemain dans une guerre civile sanglante. Il ne semble pas que les politiciens de droite comme de gauche en ait vraiment conscience.   

Les Etats-Unis donnent une image étrange d’eux-mêmes : voici donc qu’on prépare en douce un remake du match entre un grabataire qui a perdu la tête, et un vieux caractériel doublé d’un délinquant en col blanc des plus ordinaires[6]. Cette mascarade ne risque pas d’apaiser les tensions, au contraire, ces deux potentiels candidats semblent focaliser une haine inextinguible des deux camps. Quel que soit le gagnant, les Américains vont peut-être finir par se poser des bonnes questions. Qui gouverne dans ce pays ? Quels sont les objectifs ? Ce pays en décomposition avancée semble avoir transmis cette maladie de la division à tous les autres pays occidentaux. A l’heure où j’écris ces lignes, il est assez difficile d’imaginer que les élections de 2024 donneront une bouffée d’air frais à l’Amérique. La campagne de Joe Biden par contre pourrait retarder la fin de la Guerre en Ukraine et la possibilité d’une normalisation avec la Chine. Mais quel bilan pourra-t-il présenter ? Comme en France, le système électoral est tellement verrouillé – peut-être encore plus que chez nous d’ailleurs – qu’il est impossible qu’émerge dans ce pays un nouveau parti moins sclérosé que les deux partis qui se disputent le pouvoir depuis des décennies, sans que le pays arrive finalement à panser un peu de ses plaies. Remarquons qu’un pays très divisé peut parfois avoir recours à des actions militaires de grande ampleur à l’extérieur pour ressouder ses citoyens. Certains néocons rêvent de détruire la Russie, puis dans un second temps de déclarer la guerre à la Chine, alors que dans le contexte actuel rien ne permet de dire que les Etats-Unis auraient une chance de gagner ces guerres qui forcément auraient des effets ravageurs sur notre malheureuse planète[7].


[1] https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/guerre-en-ukraine-trump-fustige-biden-et-assure-qu-il-pourrait-regler-le-probleme-en-24h_AN-202302210274.html

[2] https://www.lefigaro.fr/international/dossier/tout-savoir-sur-le-proces-en-destitution-de-donald-trump

[3] Simon & Schuster, 2021.

[4] https://www.cnews.fr/monde/2022-08-30/etats-unis-plus-de-40-des-americains-pensent-quune-guerre-civile-est-probable-dans

[5] Stephen March, The Next Civil War, Avid Reader Press, 2022.

[6] https://www.lefigaro.fr/international/donald-trump-et-joe-biden-prets-a-s-affronter-de-nouveau-en-2024-20230424

[7] https://www.investigaction.net/fr/les-fuites-annoncent-la-defaite-de-lukraine/?fbclid=IwAR2W6OkH30eLN94xUy5oUj8JvTkwlyPrZ9ZAhgTErm_uIALwMw0tk3mPVY0

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