jeudi 30 janvier 2025

Commémoration des quatre-vingts ans de la libération d’Auschwitz, billet d’humeur

 

Cette commémoration de l’ouverture du camp de la mort d’Auswitch est un véritable scandale et une honte. Pourquoi ? Essentiellement parce que d’un évènement historique, l’Occident en a fait un spectacle son et lumière. La honte est que la Russie n’ait pas été invitée à ces célébrations, alors que c’est l’Armée rouge qui a libéré ce camp et ses annexes : « Le camp d'Auschwitz est libéré par la 100e division (général Krassavine) de la 60ème armée du front de Voronej de l'Armée rouge, renommé « Premier front d'Ukraine » après la libération de l'Ukraine, le 27 janvier 1945. Les camps souches d'Auschwitz I et Auschwitz II - Birkenau sont libérés par ces soldats dans le cadre d'une offensive sur la rive gauche de la Vistule. Ils y pénètrent vers 15 heures à la suite de combats qui font 66 morts parmi les Soviétiques. 7 000 déportés, maintenus dans le camp, survécurent jusqu'à la libération. Les soldats soviétiques ont découvert sur place environ 600 corps de détenus, exécutés par les SS pendant l'évacuation du camp ou morts d'épuisement ». Les Allemands, les Américains et même les Polonais étaient aux premières loges, alors que les Allemands avaient la première responsabilité de ces camps et que les Polonais avaient collaboré. Vous noterez que cette fantaisie s’est passée au moment où Trump avançait bêtement, comme à son habitude, que les Russes avaient aidé les Américains à gagner la guerre contre le nazisme. En vérité c’est bien l’inverse, les Américains ont aidé les Russes à vaincre Hitler essentiellement parce qu’ils avaient peur que l’Armée rouge conquière la totalité de l’Allemagne. Tout le monde sait ça, on connait la suite, comment les Américains ont remis au pouvoir en Allemagne, le personnel politique le plus corrompu avec le nazisme. Ce moment était historique, à la fois parce que c’était la fin de l’Allemagne hitlérienne, et parce qu’elle découvrait d’horreurs qui avaient été organisées et exécutées par des êtres humains dont l’humanité s’en était allée. Remarquez que le dénigrement du rôle des Russes avait commencé dès la fin de la guerre en mettant en scène les exactions de l’Armée rouge, meurtres et viols, en en grossissant les chiffres, tandis qu’on passait sous silence les mêmes faits de l’armée américaine en Allemagne, mais aussi en France[1]

Le but de ces mensonges grossiers est assez simple, en évinçant les Russes de ces commémorations, on donne un rôle central aux Etats-Unis, et par un glissement sémantique ahurissant, on fait comme si les Russes représentaient une nouvelle forme de nazisme à combattre, ce qui revient à dire qu’il faut renforcer l’OTAN et continuer à armer l’Ukraine. C’était là la raison de la venue de Zelensky à ces cérémonies, lui qui, par ailleurs, célèbre les bandéristes à grands coups de casquette, alors que cette même crapule bandériste a collaboré directement à l’extermination des Juifs en Ukraine. Le spectacle était rehaussé par la présence de 49 chefs d’États ou de leurs représentants, et de 300 survivants de cette ignominie. Il est malheureux que ces Juifs survivants se soient prêtés à cette fantaisie. Mais pour eux la manœuvre était sans doute obscurcie par leur volonté de témoigner une nouvelle fois, avant que de s’éteindre, on peut les comprendre. Cependant, rien ne sert de célébrer la libération d’Auschwitz si c’est sur la base d’un mensonge honteux. 

Le spectacle son et lumière, s’il a fait de la place à des témoignages poignants, était monté un peu comme la cérémonie des Jeux Olympiques, il ne manquait que Céline Dion pour pousser une chansonnette. Les participants ont marché en rang d’oignon, le visage fermé – ils en ont l’habitude – le pas lourd et cadencé. Macron et son épouse, tous les deux avec leur perruque chauffante, ont essayé de se pousser du col avec la complicité active de Paris match et de BFMTV. Histoire de faire croire qu’ils existent encore au-delà des murs de l’Élysée. Il faut cependant se souvenir que dans la propagande moderne, ce qui compte c’est moins le message que la façon d’occuper l’espace médiatique en prenant la pause. C’est comme un mauvais film, mais les mauvais films marchent assez souvent ! En vérité la question de la Shoah, au lieu de faire l’objet d’un spectacle télévisé, devrait ressortir des cours d’histoire dans le secondaire, mais on sait que des minorités ethniques et religieuses agissantes s’y oppose d’une manière ou d’une autre. Ces fantaisies médiatiques éloignent les populations de s’intéresser à ce sujet, sa banalisation par des politiciens dévalorisés n’aide en rien au développement de la conscience, cette cérémonie ressemblait un peu à ce rassemblement pour la réouverture de Notre-Dame-de-Paris, ou à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Dans cette société du spectacle, tout est transformé en une sorte de marchandise qu’on découpe à la demande selon le calendrier politique du moment.    

Auschwitz est par ailleurs devenu un lieu touristique très recherché. Le gouvernement polonais nous informe : « Dorénavant Auschwitz I peut être visité de 10 heures à 15 heures uniquement en groupes et avec un guide. Les touristes, ne souhaitant pas participer à un tour organisé, peuvent également visiter le camp, mais seulement de 8 heures à 10 heures et de 15 heures jusqu'à la fermeture du musée »[2]. C’est bien dérisoire que cette ignominie devienne un objet touristique au même titre que la visite du Louvre, de celle de Notre-Dame-de-Paris ou de Disneyland. Plus d’un million de Juifs sont morts dans ce cas, et chaque année c’est plus d’un million de touristes qui viennent visiter ce musée.  

Il reste des images de l’ouverture de ce camp de la mort par l’Armée rouge. Celle-ci a été accueillie dans la joie et avec une grande émotion par les malheureux déportés survivants. De nombreux soldats russes pleuraient en voyant ce désastre produit par un pays qui se disait au plus haut en matière d’éducation. Ces photos se passent de commentaire.

 

 

Léa Bibergal apparaît sur cette photo prise quelques semaines après la liberation d'Auschwitz. Le groupe exhibe un fanion de l'Armée rouge - archives familiales famille Sapir


[1]J. Robert Lilly, La face cachée des GI's. Les viols commis par des soldats américains en France, en Angleterre et en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, Payot, 2008.

[2] https://www.pologne.travel/fr-be/quoi-visiter/musees-et-galeries/auschwitz-%E2%80%93-nouvelles-regles-pour-visiter-le-musee#:~:text=Dor%C3%A9navant%20Auschwitz%20I%20peut%20%C3%AAtre,%C3%A0%20la%20fermeture%20du%20mus%C3%A9e.

dimanche 26 janvier 2025

Poucette, Les vraies jeunes filles, Gallimard, 1955.

 

C’est le premier et le dernier livre de Poucette, Nicola Ortiz née en 1933 et décédée en 2006. Publié en 1955, l’action de ce « roman » se situe plutôt en 1952. C’est une sorte d’autofiction qui prend comme milieu Saint-Germain-des-Prés. Poucette est une jeune cannoise, dix-huit ans à l’époque de ce roman, issue d’une famille aisée – c’est sa proximité avec Guy Debord d’ailleurs qui lui aussi montera à Paris depuis Cannes. Il fallait donc que ces jeunes gens s’ennuient férocement dans cette ville touristique pour se risquer à l’aventure germanopratine. Elle va donc nous compter par le menu ses histoires de fesses, de son dépucelage jusqu’à l’élimination de son « régulier », un nommé Jacky. Elle déplore dès son arrivée que le « quartier » n’est déjà plus ce qu’il était et note qu’un certain nombre de ces figures s’en éloignent. Guy Debord déménagera avec ses amis vers la Montagne Sainte-Geneviève, mais elle retournera à Cannes pour se lancer dans une carrière de peintre, avec plus ou moins de succès. Si Poucette reprend les antiennes de l’émancipation féminine et de ses difficultés, son livre reste celui d’une déception : Paris n’est pas à la hauteur de ses aspirations. Aurait-il pu l’être ? Il semble bien que non. La trajectoire de ce livre est celui d’une forme d’amendement. Cette débauche plus ou moins assumée – tout le monde couche avec tout le monde – va être rejetée par elle après qu’elle en ait fait une expérience aussi profonde que malheureuse. Si elle dévoile les ambiguïtés de cette démarche, elle se pliera volontiers à des rôles déjà écrits ailleurs, soit comme femme émancipée, soit comme femme soumise, elle n’arrive pas, et elle le dit, à en sortir.  

 Palio Di Siena (Italian Horse Race Cityscape)

Il y a donc une vérité dans ce roman, celle-ci n’est pas forcément factuelle, et on doute que le Grand Charles vers qui elle se tourne finalement ait vraiment noyé le fameux Jacky dont elle n’arrive pas à se débarrasser par elle-même. C’est le portrait d’une jeune révoltée qui tente de s’émanciper de sa famille et de ses codes et qui au fond va trouver cela complètement vain et se ranger. Elle décrira d’ailleurs beaucoup de ses amis comme suivant cette voie, après avoir jeté leur gourme, ils rentrent dans le rang : Michel se marie, et le Grand Charles cesse de boire, tandis qu’elle rentre bien gentiment à Cannes. Cette parabole explique en quelque sorte pourquoi Saint-Germain-des-Prés a disparu en tant que quartier singulier. On retrouve un peu de cette ambiance de Modiano, Dans le café de la jeunesse perdue, titre emprunté à Guy Debord, sauf que Modiano lui en fait une forme de rêverie sur ce que le monde pourrait être, livré à la jeunesse et à ses troubles. En situant son histoire dans les années soixante, il l’élève au niveau du mythe. Alors que Poucette débarrasse Saint-Germain-des-Prés de sa mythologie et de ses postures pour en revenir à la banalité de la vie de Bohème. Comme Guy Debord elle vivait à l’hôtel grâce aux subsides de ses parents. Mais elle abandonnera rapidement ce combat obscur, n’ayant guère de ligne de conduite, ou peut-être moins de gout pour les alcools forts. C’est en quelque sorte le journal de la jeunesse vaincue, celle qui se range et qui veut oublier les errements de sa jeunesse pour passer à la vraie vie ordinaire, celle qui s’occupe d’avoir une place dans la société telle qu’elle est. 

 POUCETTE née Nicola Ortis POUCETTE (1935-2006), peintre, des - Lot 447

L’ouvrage est bien écrit, avec à la fois de la nostalgie et suffisamment de cynisme amer pour qu’on s’y intéresse, et il est curieux qu’elle ne s’en soit tenue qu’à l’écriture de celui-ci. La pointe est acérée. Au passage on y croisera une certaine Nicky qui est sans doute un portrait décalé de la fameuse Kaki qui se défenestrera en 1953 et que Poucette décrit comme une droguée. On y reconnaitra aussi cette façon de cette jeunesse à conspuer les flics et les curés. Poucette ne fréquentait pas Chez Moineau, mais plutôt La Pergola chez le fameux Gaby. À travers ce qui peut paraitre comme un simple confusionnisme, on décèlera tout de même une revendication pour la liberté illimitée, sans qu’on sache très bien à quoi celle-ci peut s’employer. Et évidemment le quartier comme on disait alors, apparaissait aussi comme une sorte de laboratoire informel d’une quête vers une vie nouvelle. En dehors de peindre, on retrouve son nom en avril 1952 sur le tract Fini le cinéma français, un « manifeste » pour un cinéma lettriste, au côté des noms de Guy Debord, Isidore Isou, Dufrêne ou encore Serge Berna. Il est assez peu probable qu’elle se soit cependant occupée de cinéma. Mais cela veut dire qu’elle connaissait et fréquentait les lettristes, même si c’est de loin.

Fini le Cinema Francais [1952] | Situationniste Blog

La classe politique dans son dernier dessous

  Évidemment ce n’est pas d’aujourd’hui que la classe politique française compte des crapules et des imbéciles, mais il me semble que nous...