Les médias qui sont dans l’expectative, ont ressorti Dominique Galouzeau de Villepin du placard. Ils font comme s’il avait une vraie chance de devenir président de la République en 2027. Avant de dire pourquoi il n’a aucune chance de réaliser ce rêve moisi, on va revenir sur son parcours assez peu fameux en deux étapes. A l’origine, c’est un descendant d’une famille de grands bourgeois, c’est-à-dire habituée aux magouilles et au travail dans les couloirs, son père Xavier, était un sénateur au titre des Français de l’étranger. Il passera beaucoup de temps à l’étranger, et on le retrouvera même en Mai 68 en train de jouer les gauchistes d’opérette, c’était à la mode chez certains grands-bourgeois – je peux donner des noms si vous voulez, à commencer par Daniel Cohn-Bendit qui passera en quelques années de l’extrême-gauche et du communisme, à l’extrême-centre autoritaire et fascisant macronien. Mais pour faire carrière, il est bon de s’agréger à un parti qui, croit-on, aura du poids pour les élections. Donc en 1977 il s’inscrit au RPR, le parti des ripoux de Jacques Chirac. Et puis il se présente à l’ENA, il se retrouvera dans cette cuvée maudite, la promotion Voltaire, qui comptera dans ces membres des canailles du type François Hollande, Jean-Pierre Jouyet, ou encore Michel Sapin. En 1993 il va devenir le directeur de cabinet du sinistre Alain Juppé qui devient premier ministre, la droite ayant remporté les élections. Son dévouement à la cause de la droite et du capital va finir par le propulser au secrétariat général de l’Élysée, lorsque Jacques Chirac remporte en 1995 l’élection présidentielle.
C'est lui qui, en 1995, avait conseillé à Chirac l'idée loufoque de la dissolution ! A cette occasion, il s’était opposé à Alain Juppé, le premier ministre de l’époque, qui lui craignait d’affronter les urnes. En vérité la situation sociale était déjà difficile parce que Jacques Chirac après s’être fait élire sur l’idée de « réduire la fracture sociale » et celle de « la feuille de paye n’est pas la cause du chômage », reviendra là-dessus, en avançant que la dette publique était trop élevée et qu’il fallait mettre en place une politique austéritaire. L’idée stupide d’Alain Juppé était de « réformer » une énième fois la Sécurité sociale pour diminuer les droits des travailleurs et avancer vers la privatisation des dépenses de santé. Cela déclencha une mobilisation populaire énorme, et pour une fois les syndicats soutinrent la volonté populaire d’en découdre. On eut ainsi trois semaines de grève dure, quelques heurts avec la milice étatique. Mais surtout Chirac, prit de peur, retira le projet de Juppé qui mangea son chapeau et quitta son poste de Premier ministre, avant de se faire rattraper un peu plus tard par la justice pour avoir taper dans la caisse – les juges appellent ces malversations, une prise illégale d’intérêt. Il est vrai que la mobilisation, piquets de grève, assemblées générales, prenaient un tour quasiment insurrectionnel. Donc finalement après cet épisode, Chirac se convertit à l’idée d’une dissolution. Mal lui en pris, il perdit en 1997 les législatives au profit de la gauche « plurielle » emmenée par le pâle Lionel Jospin.
Manifestation et grève générale contre la réforme Juppé qui se disait « droit dans ses bottes
Ce dernier avait fait un certain nombre de réformes, notamment les trente-cinq heures, mais en compensation, il avait réalisé le plus grand nombre de privatisations de la Vème République. L’idée était de se mettre en conformité avec la doxa néolibérale de Bruxelles, et l’ancien trotskiste Lionel Jospin étant européiste, il n’avait rien à refuser au Grand capital qui commande par l’intermédiaire de la bureaucratie bruxelloise. Encore une alternance ! Une des réformes les plus importantes qui fut votée par une majorité soi-disant de gauche, ce fut la réforme du mandat présidentiel qui passa de sept ans à cinq ans, ce raccourcissement ayant pour but véritable de faire coïncider les élections présidentielle et législatives, et donc d’éviter autant que faire se peut les risques d’une nouvelle dissolution. On verra que la caractériel Macron passera outre cette logique et en dissolvant l’Assemblée nationale en 2024 ajoutera le chaos politique à l’instabilité. Les réformes de Jospin qui avait comme ministre de l’économie le priapique Dominique Strauss-Kahn, portèrent aussi sur l’entrée de la France dans la monnaie unique. Cette entrée, très mal négociée, amènera l’effondrement de la balance commerciale de la France, essentiellement parce qu’elle nous fera passer dans un régime de changes fixes qui empêchera les dévaluations pour compenser les pertes de compétitivité. On ne s’en souvient plus aujourd’hui, mais nous avions le choix d’entrer dans l’euro soit pour 1 € = 15 francs, 1 € = 10 francs ou encore 1 € = 6,55 francs. Cette dernière parité était la plus avantageuse pour l’Allemagne, elle équivalait pour nous à une forte réévaluation de notre monnaie. DSK avait d’être nommé au FMI pour service rendu au grand capital allemand, défendait cette parité mortelle qui, rapidement, va entraîner la balance commerciale française dans le gouffre comme nous le voyons ci-dessus. Peu de gens à droite comme à gauche ont protesté contre cette parité choisie, en dehors de la droite gaulliste des Seguin et Pasqua, mais sur ce point fondamental, Dominique de Villepin était aux abonnés absents. Or, comme le montre ce sinistre épisode, la monnaie est la clé de la souveraineté de la nation. L’extravagance de cette nouvelle parité a fait que nous avons perdu des pans entiers de notre industrie. DSK pensait – du moins il disait qu’il pensait – qu’une forte réévaluation de la monnaie française pousserait l’industrie français à se moderniser, s’orientant vers de nouvelles filières.
Puis, en 2002, Jospin perdit les élections présidentielles, il avait complètement sous-estimé la candidature de Jean-Marie Le Pen, et comme il avait un bon bilan sur le plan de l’emploi et de la croissance, il a négligé d’autres facteurs importants, comme celui de la sécurité, pourtant c’est sur cette question qu’en 2001, la gauche perdit les élections municipales. Mais Jospin, très mauvais stratège, a fait l’impasse sur une campagne de premier tour et sur le thème de la sécurité. Il fut donc éliminé, et Chirac put emporter à l’issue du « barrage au Front national » très largement une élection sans enjeu. Cela permit à Villepin de revenir dans le jeu. Il devint donc ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Raffarin – un autre drôle celui-là. a ce poste il se fit remarquer par un discours particulièrement virulent à l’encontre des Etats-Unis à la tribune de l’ONU, disant que la France ne participerait pas à une guerre en Irak. Ce fut son heure de gloire. Il essaie d’en toucher encore aujourd’hui les dividendes.
Après, cela, il devint ministre de l’intérieur, ce qui montrait ses ambitions présidentielles pour la suite. Il ouvrit des multiples chantiers. Il remplaçait Sarkozy à ce poste, avec qui Chirac était fâché. Tout y est passé, le contrôle de l’immigration, la lutte contre la drogue, l’organisation de l’Islam en France, thème sur lesquels il n’a eu strictement aucun impact comme on peut le mesurer avec le recul d’une vingtaine d’années. En 2005 l’événement important c’est le référendum sur le TCE, avec Chirac, Villepin se prononce pour le « oui ». Mais le clan du oui est battu à plates coutures. Et donc Villepin va devenir Premier ministre. Que va-t-il faire ? Visant à respecter les consignes de Bruxelles, il va privatiser à outrance – donc faire profiter les amis des amis de la Pampa – au prétexte de désendetter l’État. À cette époque, la dette publique est évaluée à 67% du PIB, soit, en pourcentage presque la moitié de ce qu’elle est aujourd’hui, après les ravages de la politique Macron qui décidément aura échoué en tout, sauf à augmenter les revenus des très très riches ! Ceux-là ne sont jamais rassasiés des privatisations. Ils en veulent encore aujourd’hui d’ailleurs. Contrairement à une idée répandue, ce n’est pas Jospin qui a le plus privatisé en France ces dernières décennies, mais Chirac et ses premiers ministres.
Villepin qui bouffonnait il n’y a guère sur le thème « j’ai imposé à Chirac ma nomination au poste de Premier ministre ». En fait pensait que grâce à cette fonction, il deviendrait le candidat naturel de la droite. Cependant il avait en face de lui un candidat moins stupide sur le plan tactique. Villepin va faire deux erreurs majeures. D’abord il ne s’occupe pas du parti chiraquien, à l’époque l’UMP, il laisse Sarkozy s’en emparer, et celui va commencer à critiquer Chirac, histoire d’apparaitre comme une possible alternance. Mais encore plus stupidement Villepin lance au nom de la lutte contre le chômage le fameux CPE – Contrat Première Embauche. Ce sera son tombeau politique. En effet cette mesure est une alliance entre l’idiotie et l’erreur de politique économique. Ce CPE est en fait une resucée du SMIC-jeune que le sinistre Balladur avait voulu mettre en place lorsqu’il était Premier ministre. Instaurer un SMIC à deux vitesses, ça n’était pas passé avec Balladur qui perdit d’ailleurs les élections présidentielles en 1995 à cause de son arrogance et de la mise en avant de ce sujet scabreux. Villepin qui devait avoir une mémoire de poisson rouge, n’a pas fait attention à cela. Il est donc reparti pour imposer cette imbécilité inique. L’obsession des bas salaires est particulière à la droite française, cupide et arrogante. Donc avec cette histoire de CPE, Villepin a déclenché des grandes manifestations qui l’ont obligé à retirer son projet idiot. On a avancé que c’était Sarkozy qui avait soufflé l’idée du CPE à cet imbécile de Villepin, justement pour l’enfermer dans un cercle vicieux dont il ne pourrait sortir ! Les chiraquiens étaient presqu’aussi fort que Macron pour se faire détester et générer des puissantes mobilisations contre eux. Incapable de se présenter dans une bonne situation aux élections présidentielles de 2007, il va utiliser ensuite son carnet d’adresse en fondant une société de conseil, Villepin International, ce qui lui rapportera énormément d’argent. Il traficote avec les pays du Golfe, toujours ce fameux syndrome pro-arabe, mais aussi avec la Russie[1], comme le fera également l’affairiste François Fillon, son successeur au poste de Premier ministre. Il va revenir sur la scène politique, après un purgatoire de 18 longues années, en se faisant passer pour « un diplomate », référence à son passé de ministre des affaires étrangères. Il va prendre pour prétexte la guerre déclenchée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et se faire le porte-parole de la cause palestinienne.
Manifestation monstre contre le CPE
Villepin se croit un avenir. Mais il n’a comme soutien que celui de Kretinsky, le milliardaire propriétaire de l’hebdomadaire Marianne. Est-ce pour se lancer dans cette aventure que Kretinsky a changé de ligne éditoriale en virant Natacha Polony pour la remplacer par Eve Szeftel qui a l’échine plus souple[2] ? Peut-être dispose-t-il d’argent en provenance des pays du Golfe. Mais il n’a pas de parti. Je rappelle que ce malheureux garçon qui est dans sa soixante-douzième année n’a jamais été élu nulle part. Certes il y a l’exemple de Macron qui en 2017 s’est présenté à la présidentielle sans avoir jamais été élu, lui non plus. Mais à la grande différence, Macron avait l’appui enthousiaste des Etats-Unis et de la quasi-totalité de la presse mainstream française, du Monde à Libération, de L’Obs à L’express, du Figaro au Point, sans parler de l’engagement extravagant de la presse people qui nous avait vendu la pédophilie avérée de Brigitte Trogneux pour son ancien élève, comme s’il s’agissait là d’une histoire d’amour relevant de l’extraordinaire. Il a également comme ennemi Sarkozy qui ne lui a pas pardonné son implication dans l’affaire Clearstream dans laquelle un faux en écriture avait été utilisé pour le discréditer[3]. Pour une partie du capitalisme financier, Villepin apparaît comme une roue de secours possible, entendu que la classe politique française est particulièrement discrédité aujourd’hui. Certes on peut compter sur l’amnésie des Français qui ont oublié Villepin comme un Premier ministre acariâtre et autoritaire, pour ne retenir que sa sa posture vaguement anti-étatsunienne sans conséquence.
Marianne lance la campagne de Villepin
Ses alliés sont faibles, mais on y trouve l’homme du Qatar, Edwy Plenel, ancien trotskiste, antisémite virulent, puis propagandiste des Frères Musulmans. Considéré par l’establishment comme un électron libre, il est assez douteux qu’il puisse rallier beaucoup de gros poissons à sa candidature. En septembre dernier, il s’était fait remarquer à la fête de L’Humanité en défendant non seulement la cause palestinienne, mais aussi en disant du bien du Nouveau Front Populaire, histoire de se donner des airs de « gaulliste de gauche », ce qu’il n’est pas, son passé de premier ministre parle pour lui. Que le journal L’Humanité tente de donner du crédit à ce représentant du grand capital en dit long sur l’effondrement du PCF dont la base est clairement en rupture avec ce journal très bobo et sans guère de conscience de classe qu’il confond avec le soutien à la cause palestinienne. C’est sur ce point qu’il rejoint Villepin.
Il faut dégonfler cette vieille baudruche, non seulement parce qu’il n’a aucune chance de devenir président en 2027 – Mélenchon non plus d’ailleurs – mais surtout parce que c’est un souverainiste en carton. Si l’inconséquent Villepin était vraiment pour la souveraineté de la France, il proposerait sans barguigner la sortie de l’euro, de l’Union européenne et de l’OTAN. Mais il en est bien loin, comme toutes les fausses oppositions en France, c’est un frileux, sans doute assez fou pour qu’il se croit un destin. Et ces diatribes contre les Etats-Unis pour défendre la cause palestinienne ne saurait faire oublier qu’il est avant tout antisocial. Du reste, ce personnage fait clairement apparaitre que le soutien à la cause palestinienne n’a rien à voir avec la lutte des classes quoi qu’en dise Alain Badiou, mais plutôt avec un antisémitisme latent.