Les candidats à l’élection présidentielle sont totalement à
côté de leurs souliers. Ils parlent volontiers de souveraineté, de
réindustrialisation de la France, mais ne sont pas capables de prendre à leur
compte des sujets qui pourtant seraient très bien vu des électeurs. On peut en
donner quelques-uns :
– la renationalisation des autoroutes, le scandale perdure
d’une hausse des prix continue qui s’apparente à un racket par des sociétés
privés de ce qui a été produit par le bien commun, deux candidats seulement ont
repris cette idée, Marine Le Pen et Arnaud Montebourg, le dernier nommé a
depuis abandonné[1] ;
– la nationalisation des EPHAD, où les taux de rentabilité
d’Orpea ou de Korian sont honteux et ne peuvent se réaliser que sur la peau des
plus vieux, dans des conditions indignes. C’est d’autant plus indigne que ces
EPHAD sont largement financés par les Conseils régionaux ou la Sécurité
sociale, soit de l’argent public. Aujourd’hui on se focalise volontiers sur
Orpea, mais ce sont l’ensemble des sociétés privés qui gèrent ces boutiques qui
sont en cause ;
– enfin il est dérisoire de parler de réindustrialisation
comme le font tous les candidats, sans parler de la souveraineté de la monnaie
et sans parler de la maitrise de la question énergétique. Il faut revenir sur
l’idée de concurrence à la manière européiste dans la gestion de l’énergie. Il
faut donc sauver EDF qui est massacré à l’envie par les Traités européens et
que le gang Macron vise à démanteler. Il en va non seulement de l’indépendance
énergétique de la France, mais aussi du pouvoir d’achat des Français.
Je ne jugerais pas ici du bien-fondé ou non de la politique nucléaire d’EDF[2], mais plus prosaïquement de la politique gouvernementale actuel envers ce qui fut une institution de l’après-guerre et qui fut un succès dans le sens économique du terme. On a donc parlé à nouveau d’EDF ces derniers temps. Le gouvernement a poussé consciencieusement et avec méthode EDF à la ruine. Et le cours de son action s’est effondré[3]. Ce qui la rend très bon marché pour les potentiels acquéreurs qui visent à long terme la privatisation complète comme on l’a fait pour Gaz de France. Il est très probable que les sociétés privées ne mettront pas la main sur le nucléaire, c’est trop ruineux, elles préféreront laisser à l’Etat la responsabilité de produire, et se contenteront de distribuer, sans même acquérir le réseau de distribution. Utiliser le bien public pour faire des gras bénéfices, c’est la logique de la forme néolibérale du capitalisme moderne. Si un fort lobby animé par le lobbyiste en chef Edouard Philippe notamment pousse au redéploiement de la production nucléaire, ce n’est pas sans raison, et ce n’est clairement pas pour des idées d’indépendance énergétique nationale puisque ces entreprises seront probablement des multinationales contrôlées par des capitaux étrangers. On va regarder les mécanismes qui poussent EDF à la ruine.
Depuis de longues années les personnels d’EDF protestent contre le démantèlement de leur entreprise
La ruine d’EDF, entreprise qui ressort pourtant du bien
commun, a été organisée en deux temps : dans un premier temps on a découpé
la société en plusieurs entités différentes, la production, les infrastructures
de distribution et la gestion[4].
C’est la même tactique qui a été mise en œuvre pour détruire la SNCF. Ce n’est
pas officiellement une privatisation, mais c’est la possibilité de miner
l’entreprise de l’intérieur. La seconde étape consiste à obliger EDF à vendre
son électricité à un prix inférieur à son coût de production pour permettre à
des entreprises du secteur privé de faire de gras bénéfices[5].
Cela au nom de la concurrence prônée officiellement par la crapule
bureaucratique et corrompue de Bruxelles. Il va de soi que cela n'est possible
qu’avec la complicité de notre classe politique, fausse gauche et vraie droite
confondues. Comme l’explique Aurélien Bernier, la farce des énergies
renouvelables permet de continuer dans ce sens. Les énergies dites
renouvelables sont produites par des sociétés privées qui engrangent de fortes
subventions de l’Etat ou de la Commission européenne au nom de la lutte contre
le réchauffement climatique. Mais là, EDF est au contraire obligé d’acheter
cette énergie à un coût supérieur à celui qu’elle le revendra ! L’obligation
faite à EDF de racheter cette énergie dont l’entreprise n’a pas besoin a
plusieurs conséquences :
– cela plombe évidemment le résultat d’EDF qui est ensuite
accusé d’être une entreprise mal gérée et donc on dira qu’il faut la
nationaliser pour la rendre rentable ;
– ensuite cela renforce les sociétés privées dont les
bénéfices sont clairement portés non par leur savoir-faire mais par la
protection qu’elles ont obtenues de la part de l’Etat et les subventions
qu’elles ont reçues de la Commission européenne ;
– enfin cela les mettra dans une position de force quand elles seront en position de racheter des pans entiers de l’opérateur historique. Ce qui est le plan à long terme. Ça ne coûtera pas trop cher puisqu’entre temps tout aura été fait pour en faire baisser la valeur. On pourrait même dire que c’est là le but visé par le gang Macron-Kohler, charger la barque d’EDF dans ses obligations afin d’en faire chuter la valeur en bourse et permettre aux sociétés privées de lui mettre la main dessus.
Les champs d’éoliennes détruisent l’environnement au nom de la protection de celui-ci, c’est l’image hideuse du progressisme
Cette idée totalement fausse d’une fausse concurrence a été vendue aux populations en avançant que la privatisation de l’électricité ferait baisser les prix pour les consommateurs qui y gagneraient ainsi en pouvoir d’achat. Plus le mensonge est gros et plus ça passe. Nous savons que dans tous les pays où les réseaux de distribution d’énergie ou d’eau qui se trouvent en quasi-monopole de fait sur un marché donné, les prix ont augmenté fortement pour les consommateurs. On le voit dans le graphique suivant, et on rappelle que c’est exactement depuis 2010 que le démantèlement d’EDF a commencé. Entre 2010 et 2020, le coût de l’électricité pour le particulier a augmenté de 40%, et il est prévu qu’il augmentera encore de 40% entre 2020 et 2030, mais ça sera peut-être plus. En tous les cas en 2030, entre 2010 et 2030, le coût de l’énergie augmentera au moins de 230%, selon un calcul qui reste assez optimiste ! Et évidemment ce n’est pas la misérable aumône du chèque énergie de 100 € qui y changera quoi que soit. Cette évolution projetée de la hausse des prix de l’électricité part du constat que l’électricité en France est moins chère que dans les autres pays européens[6]. Essentiellement parce qu’EDF, entreprise nationalisée, a maintenu pendant longtemps des prix sans souci d’engraisser ses actionnaires, et que l’entreprise possède un parc de réacteurs nucléaires important. Il vient alors à l’idée de la canaille capitaliste que si on alignait les prix français sur le prix moyen en Europe, on pourrait faire de gras bénéfices, à condition qu’EDF soit privatisé complètement. L’électricité est en effet une dépense contrainte à laquelle on ne peut échapper, sauf à s’en aller vivre dans les bois. Il semble que le gouvernement n’ait pas compris le mouvement des Gilets jaunes.
La troisième façon de ruiner EDF c’est aussi le sous-investissement de l’Etat dans le parc nucléaire, malgré les alertes de défaillances à répétition sur les réacteurs[7]. Bien que Macron se soit déclaré tardivement pour le nucléaire, prétendant que c’est une énergie propre – il fait l’impasse sur les déchets – son gouvernement n’a rien fait pour assainir et améliorer l’état des centrales. En tant qu’actionnaire principal il était de sa responsabilité de travailler à la sécurisation. Au mois de janvier dernier, 10 réacteurs sur 56 étaient à l’arrêt[8]. Soit 20% du parc. Ce qui a obligé EDF d’acheter de l’électricité à l’Allemagne qui la produit avec du charbon ! Ce problème grave souligne d’abord l’absence de politique énergétique du gouvernement et de Macron. Certes il n’est pas le premier, Sarkozy et Hollande l’ont précédé sur ce terrain, mais cela souligne la difficulté d’avoir une politique énergétique basée sur le nucléaire. C’est non seulement dangereux, mais c’est aussi ruineux pour l’entreprise historique. Ces arrêts intempestifs sont estimés à 1 million d’euros par jour de perte et dans une fourchette comprise entre 5 et 10 milliards d’euros. La facture est salée, et l’indépendance énergétique de la France s’éloigne encore un peu plus. C’est d’autant plus difficile pour EDF que l’Etat lui demande – campagne électorale oblige – pour alléger la facture des ménages de ne pas augmenter le prix du kilowatt de plus de 4%. Comme on le voit, que ce soit voulu ou non, le gang Macron-Kohler a travaillé à la ruine d’EDF, et donc indirectement à celle des Français les plus modestes en dépouillant l’Etat et en laissant les prix augmenter. La seule voie aujourd’hui pour sortir de cette situation terrifiante est de renationaliser entièrement EDF et d’éliminer la fausse concurrence ruineuse imposée par les bureaucrates corrompus de la Commission européenne. Mais encore faudrait-il penser la politique énergétique dans le cadre d’un projet économique national qui viserait autre chose que le maximum de profit et qui tenterait de diminuer la facture énergétique en proposant autre chose que le droit à la mobilité.
Le cours de l’action EDF était en 2008 au-dessus de 75 €, elle était tombée à la mi-janvier à moins de 8 €, son cours a été divisé par dix
Les candidats qui se présentent à l’élection d’avril
prochain ne sont pas pressés de se prononcer sur ce qui se passe. Ce serait
pourtant le devoir d’un homme d’Etat que de se positionner sur l’indépendance
énergétique de la France autant que sur le pouvoir d’achat des Français rongé par
la hausse des prix des énergies. Longtemps on a été fiers chez nous d’EDF, de
la SNCF et de la Sécurité sociale. Et puis on a laissé faire, on a réagi
mollement aux attaques contre ces institutions qui facilitaient au fond la vie
des plus pauvres. Les syndicats n’ont pas été à la hauteur, se croyant protégés
suffisamment par leur statut de quasi-fonctionnaires. Il serait temps de
retrouver le sens du bien public. Dans une interview au Parisien, Roussel,
candidat du parti communiste, se dit partisan du nucléaire pour éviter une
écologie punitive, mais il ne dit pourtant rien du tout sur la nationalisation
rampante d’EDF, ni ce qu’il faudrait faire pour la contrer[9].
Cependant le gouvernement a pris soin par la voix de Bruno Le Maire d’annoncer
que peut-être on renationaliserait EDF pour un coût de 5 milliards[10].
Et il est vrai qu’avec la dette de 41 milliards que l’entreprise se traine,
elle ne pourrait pas tirer plus d’argent que cela. L’avantage serait double, d’abord
l’entreprise ne serait plus cotée en bourse. L’Etat lettrait alors de l’argent
pour renflouer l’entreprise, avec l’idée de la revendre un peu plus tard débarrassée
de ses dettes. Cela changerait-il beaucoup pour les usagers ? C’est possible
si ceux-ci venaient à crier un peu trop fort. Que ce soit Le Maire qui ait
avancé cette idée montre à quel point elle est dans l’air. Et puis il faut bien
qu’il fasse semblant de faire quelque chose en période électorale. Nous sommes
depuis 2008 dans une longue suite de crises économiques, les renationalisations
sont dans l’air. Elles pourraient apparaitre comme la seule possibilité de
maintenir une paix civile menacée. Au Royaume Uni l’an dernier on a procédé à
une renationalisation des chemins de fer[11].
Ce qui est déjà le constat de l’échec de ce processus qui soi-disant devait
permettre grâce à la concurrence de faire baisser les prix. C’est un nouveau
caillou dans la chaussure de la Commission européenne qui ne voit que dans la
lorgnette de la concurrence pure et parfaite, même si celle-ci ne se trouve pas
sur un terrain concurrentiel !
[1] https://www.lavoixdunord.fr/1068755/article/2021-09-13/nationalisation-des-autoroutes-une-promesse-de-campagne-qui-couterait-tres-cher
[2] L’Union
européenne vient ce classe le gaz et le nucléaire comme des énergies
vertes ! On aura tout vu.
[3] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/prix-controles-par-l-etat-production-etranglee-edf-s-ecroule-en-bourse-jpmorgan-conseille-la-recapitalisation-901965.html
[4] https://www.monde-diplomatique.fr/2021/11/BERNIER/64005
[5] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/crise-de-l-energie-l-etat-impose-a-edf-de-vendre-plus-d-electricite-nucleaire-a-prix-casse-901946.html
[6] https://selectra.info/energie/electricite/prix/europe
[7] https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/03/centrale-du-tricastin-le-gouvernement-avait-ete-alerte_6112160_3244.html
[8] https://reporterre.net/Ils-sont-tres-angoisses-EDF-face-aux-pannes-de-reacteurs-nucleaires?fbclid=IwAR1TIHkhJChx2arnl4kbVnvbVNkUUVos_eGTNSbgEkgUXVMMwfktlryjmhk
[9] https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/fabien-roussel-avec-jadot-et-melenchon-le-prix-de-lelectricite-va-doubler-voire-tripler-26-01-2022-7NPCP5OQUBFBTMKI6OCUL4L3XY.php
[10] https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/02/15/toutes-les-options-sont-sur-la-table-bruno-le-maire-n-exclut-pas-une-nationalisation-d-edf_6113769_823448.html?fbclid=IwAR2Jf2iaXZJLl00kzw7oEQ5Ao54ebaay_lChgslv5ZfZC1_WVEMC3o9STnA
[11] https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/21/le-plus-grand-changement-ferroviaire-depuis-vingt-cinq-ans-au-royaume-uni-l-etat-reprend-le-controle-des-trains_6081008_3234.html
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