jeudi 2 juin 2022

Une nouvelle fusillade au Texas et le commerce des armes

  

Une horrible fusillade vient d’endeuiller le Texas, le bilan est de 23 victimes, dont 19 enfants, deux enseignants, une grand-mère et le tueur, un latino du nom de Salvador Ramos qui était semble-t-il âgé de 18 ans. L’émotion est plus que légitime. Mais ce type de tuerie est tellement récurrent qu’on n’y fait presque plus attention. Cette fois c’est un latino, ce n’est pas un suprémaciste blanc, ce qui montre que ces meurtres ne sont pas le résultat d’une idéologie d’extrême-droite, il s’agit d’un mal beaucoup plus profond. Mais les enfants morts sont les mêmes, ce n’est pas l’œuvre d’un fou, une pièce rapportée au système démocratique américain, c’est une tuerie exemplaire de ce que sont, de ce qu’ont toujours été les Etats-Unis. Une ONG avançait au moment de la tuerie d’Uvalde, qui s’est passée 10 jours seulement après celle de Buffalo, que jamais il n’y avait eu autant de tueries de masse aux Etats-Unis qu’en 2022, il y en a eu exactement 222[1] ! L’année 2022 sera probablement un grand cru en matière de tueries de masse. On peut presque parler de guerre civile. Regardons les choses froidement, les Etats-Unis sont un pays extrêmement violent, ils sont nés dans la violence et l’entretiennent, non seulement chez eux, mais ils l’exportent chez les autres. Ce qui ne les empêche en rien de faire la morale au monde entier pour apporter la paix et la démocratie. Mais avant de faire la morale aux autres, il faut toujours balayer devant sa porte. Quand j’étais jeune, je lisais dans le journal – on n’avait pas de télévision, et encore moins de réseaux sociaux – les assassinats réguliers de noirs américains perpétrés par le genre Ku Klux Klan. C’était un spectacle de choix qui attirait du monde. On allait voir pendre des nègres comme on allait au cinéma. C’était un spectacle saignant, un peu comme la corrida, du reste les Klanistes se déguisaient pour exercer ce rôle de démons à qui on avait lâché la bride sur le cou. L‘Amérique qui avait fait venir des Africains en esclavage, aimait bien les assassiner aussi, histoire de justifier le fait qu’on les ait fait venir pour s’en amuser. Pourquoi s’en prendre au peuple à la peau noire ? C’était en réalité la continuation du génocide des Amérindiens comme on dit aujourd’hui. Ceux-là avaient la peau rouge, et en les tuant, en leur volant leurs terres, leur culture et leurs racines, on ne les tolérait plus que pour amuser les touristes avec des costumes et des danses folkloriques. Comme on le comprend la violence aux Etats-Unis a toujours été mise en spectacle. Je ne suis pas amérindien, mais cette cause très oubliée surtout en Europe où on se range derrière la bannière américaine de l’OTAN pour faire la guerre par ukrainiens interposés à la barbarie russe, m’a toujours choquée, aussi loin qu’il m’en souvienne, et d’abord je dirais dans les westerns anti-indiens, avec John Wayne comme figure « héroïque » principale de ce massacre honteux. 

Spectacle dans le Sud des Etats-Unis auquel on assistait en famille jusque dans les années soixante 

Aujourd’hui qu’il n’y a plus beaucoup d’hommes à la peau rouge, et que les noirs risquent un petit peu moins leur peau – encore que l’affaire George Floyd a relancé ce débat résiduel – la nouvelle cible de la haine américaine, en dehors des Russes et des Chinois, ce sont les gosses, les écoliers. Pourquoi les tue-t-on ? Contrairement à ce que nous dise les éditorialistes des deux côtés de l’Atlantique, ce n’est pas le commerce des armes qui tue. C’est à l’inverse ce qui justifie le commerce des armes. La société américaine est une société violente fondée dans ses principes sur le meurtre et le vol. Les contestataires sont périodiquement éliminés, d’une manière ou d’un autre. S’il n’y a jamais eu de mouvement ouvrier puissant dans ce pays que Marx pensait être le premier qui passerait au socialisme, ce n’est pas que l’envie en manquait, mais c’est que ce mouvement naissant a dû faire face à des meurtres de masse. Aurait-on oublié que l’Amérique d’aujourd’hui est la continuation de ces meurtres ? Vous me direz que tout cela n’a rien à voir avec des meurtres dans des écoles. Et je vous répondrais que vous vous trompez lourdement. En cultivant la haine de soi et la haine de l’autre, ces tensions justifie le commerce des armes et son usage comme solution à toutes les frustrations. Mais alors pourquoi s’en prendre à l’école ? Parce que les meurtriers qu’ils soient latinos ou suprémacistes blancs, reflète l’effondrement du système éducatif étatsunien. Il y a cent ans, les Etats-Unis misaient tout sur l’éducation, ils produisaient en masse des intellectuels, des ingénieurs, des mathématiciens, des médecins. Aujourd’hui ils ne produisent plus que des traders et des avocats tous plus cupides les uns que les autres, tous peu soucieux du bien public, mais habités forcément d’une violence prédatrice qu’ils exercent par personne interposée. 

Salvador Ramos, le tueur âgé de 18 ans 

Ce pays est sans espoir, Trump avait raison, il faut l’enfermer derrière un mur très haut et empêcher ses soldats et ses banquiers de sortir, le monde ne s’en portera que mieux. Les belles âmes qui demandent périodiquement à Clinton, à Bush, à Obama, à Trump ou à Biden d’interdire les armes, oublient pourtant que cet accès des citoyens à un armement parfois très lourd est le symétrique du commerce des armes des Américains à travers le monde. C’est le complément du système militaro-industriel. A l’intérieur de leurs frontières les Etats-Unis poursuivent les guerres qu’ils allument aux quatre coins de la planète et qui leur rapportent beaucoup d’argent. C’est ce que Thomas Hobbes appelait la guerre de tous contre tous, c’est l’essence même du système libéral. Ainsi il vient qu’interdire le commerce des armes sur le sol étatsunien devrait être accompagné pour être crédible d’une désescalade des Etats-Unis dans la production et la vente d’armement. La rhétorique de la force que les Etats-Unis proposent au monde entier se transmet par contamination comme un virus à l’ensemble de ses territoires. Pour que les Etats-Unis commencent à évoluer enfin vers la civilisation et sortent de la préhistoire, il faudrait qu’ils commencent par réfléchir à rester chez eux, et ainsi ils pourraient s’occuper de recréer du lien social entre ses citoyens, ce qui peut-être permettrait à terme de ralentir cette course à la violence armée. Mais sortir d’une culture de la haine est une entreprise difficile, probablement au-dessus des forces de la classe politique américaine. En attendant les Etats-Unis nous offrent le portrait d’un pays totalement décérébré et en décomposition rapide face aux reculs de l’Empire. Je pense qu’il est impossible de distinguer cette maladie américaine de s’assassiner entre soi, d’avec l’agressivité de cette nation vis-à-vis du reste du monde. L’impuissance des gouvernements qui se succèdent aux Etats-Unis à mettre un terme à la progression de cette guerre civile larvée, en dit long sur la fin finale de cette nation qui s’est crue au-dessus de tout le reste du monde parce que chez eux tout le monde prie ! C’est le en même temps capitaliste, d’un côté on prêche la morale sur fond de religion, et de l’autre on produit des monstres que ceux-ci soient des tueurs en série, des militaires ou des politiciens. Et c’est ce pays qui voudrait unifier le monde sur ses valeurs morales ! Ils y arrivent partiellement. Et sans que nous ayons atteint encore le degré de déliquescence morale des Etats-Unis, nous suivons le même chemin, que ce soit pour aller faire la guerre en Ukraine ou pour produire des tueurs. Quand nous en manquons, et bien, nous les importons ! On ne reste pas trop longtemps sans qu’un islamiste assassine, ici un policier, là un vieillard juif handicapé[2]. On s’habitue à tout, et maintenant ces meurtres récurrents font partie de notre culture et de notre environnement. C’est bien ce que nous révèle le procès des attentats de 2015. 

 

A quoi bon juger si on est incapable de prendre des mesures pour que ces meurtres deviennent moins nombreux. L’idiot du village qui prétend être notre président nomme un semi-intellectuel racialiste, wokiste, à la tête du ministère de l’éducation nationale histoire de mettre encore un peu plus de l’huile sur le feu, et, ultime provocation, celui-ci s’en va visiter le collège où officiait le malheureux Samuel Paty. Son assassin n’avait pas besoin d’avoir le droit de porter ou d’acheter une arme, il lui suffisait d’un couteau de boucher bien affuté et du support d’une religion mortifère. Evidemment en se servant d’un simple couteau, il a limité de fait les dégâts et a été abattu avant de commettre d’autres meurtres, mais le résultat est le même, il était le produit de la haine, résultat d’une société fragmentée par la doxa néo-libérale qui fait de la guerre de tous contre tous l’alpha et l’oméga de son projet. 


[1] https://www.bfmtv.com/international/en-2022-aux-etats-unis-il-y-a-eu-plus-de-fusillades-de-masse-que-de-jours-depuis-le-debut-de-l-annee_AN-202205250239.html

[2] https://www.i24news.tv/fr/actu/france/1653065205-france-un-homme-juif-de-90-ans-defenestre-a-lyon

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