jeudi 23 juin 2022

Zakhar Prilepine, Ceux du Donbass, chroniques d’une guerre en cours, Editions des Syrtes, 2018.

   

Ce livre a été écrit bien avant le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, il porte plutôt sur le conflit entre l’Etat ukrainien qui passe son temps à recycler des nazis avec l’argent des Américains et de l’Europe, et les habitants du Donbass qui sont entrés en rébellion contre Kiev. Il m’a été conseillé gentiment par l’attentive Claire Fourier, par ailleurs auteur. Je ne connaissais pas Zakhar Prilepine. J’avais tort évidemment. D’abord c’est un homme engagé, je veux dire physiquement. Ce n’est pas un client des plateaux télévisés. Quand le conflit a été déclenché en 2014 par Kiev contre les populations russophones, il s’est engagé pour défendre ce qui allait devenir les républiques autonomes du Donbass. Comme disait Roberto Saviano – un autre chauve dont la tête avait été mise à prix par la Camorra – dans La bellezza e l'inferno. Scritti 2004-2009[1], il n’y a aucun intérêt à écrire quoi que ce soit, si on ne risque pas sa peau. En 2016, alors que Prilepine combattait dans le Donbass, il a obtenu le grade de commandant dans l’armée de la République Populaire du Donetsk. Il y a encore quelques années, Prilepine avait pignon sur rue en France, on le saluait comme un des plus importants auteurs russes. Il est douteux qu’il puisse encore venir en France faire des conférences sur le Donbass dans l’épouvantable déferlement d’hystérie qui s’abat sur tous ceux qui ne sont pas alignés sur la propagande otanienne et américaine et qui ose encore parler la langue russe. La canaille bureaucratique de l’Union européenne l’a banni de son territoire en février 2022, devançant ainsi les desiderata des Américains qui veulent censurer tout ce qui pourrait s’apparenter à une critique de leur politique impérialiste. Même s’il est qualifié du titre du plus grand écrivain russe de sa génération, Les Américains s’en moquent bien, et les valets  de l’OTAN comme Ursula von der Leyen, tout autant, la littérature, la poésie, ça ne les intéressent pas. D’un certain point de vue qu’il soit ostracisé par cette engeance-là, est plutôt un titre de gloire par les temps qui courent. En tous les cas, ce livre est indispensable pour savoir de quoi on parle à propos du Donbass et de la guerre qui a suivi les évènements de 2014-2015, jusqu’à aujourd’hui. Il revient sur la racine du mal. 

Prilepine en 2018, donnant une conférence en France 

Ce livre traite exclusivement des années 2014-2015, bien qu’à la fin il avance sur les années 2016-2017, simplement pour expliquer que les bombardements ukrainiens meurtriers ne cessent pas, mais il annonce ce qui sera plus tard devenu une guerre entre les Etats-Unis et la Russie par Ukrainiens interposés. Peu importe le nombre d’Ukrainiens et de russophones du Donbass qui mourront dans cette guerre, l’OTAN a pour but de mettre la Russie à jouer et interdit à Zelensky qui n’a aucune marge de manœuvre de négocier quoi que ce soit. Prilepine jugeait déjà à cette époque le conflit inévitable entre la Russie et l’OTAN. Il est très populaire en Russie, bien qu’il ne soit pas aligné sur Poutine, bien au contraire, il est communiste, c’est tout dire. Et sa popularité qui s’appuie sur une critique virulente des Russes qui rêve d’une démocratie consumériste à l’Américaine, montre d’ailleurs que les soi-disant démocrates russes qui rêvent de rejoindre le camp progressiste occidental ne sont qu’une toute petite minorité agissante. C’est un national-bolchévique. Admirons le portrait que Le monde, le journal de tous les pouvoirs comme on disait en 1968, sous la plume du confusionniste Nicolas Weill en trace en mars 2018 : « Il faut donc s’efforcer de percer une double couche de stéréotypes, celle de nos préjugés sur la Russie et celle nourrie par les « nazbol », les nationaux-bolchévistes d’Edouard Limonov, dont Zakhar Prilepine a été proche, pour lever l’énigme de ce gaillard déroutant, né en 1975, aux apparences rugueuses, à l’allure de videur, condescendant parfois, chaleureux à l’occasion, écrivain prodige, sans doute l’un des plus marquants de la Russie actuelle, comme lui-même le pense sans trop de fausse modestie. » avec beaucoup de condescendance[2]. Nazbol, ça ne plait pas trop à la pensée lisse et mondialiste des Occidentaux, et si en plus Prilepine a été proche de Limonov, le jugement est déjà là, prêt à être imprimé et exécuté. Ni Le monde, ni Nicolas Weill, ne se rendaient compte à cette époque que nous étions entrés de plain-pied justement avec le conflit interne à l’Ukraine, dans la voie de la démondialisation et donc du retour des nations comme agissant pour leur propre compte. Car au fond c’est bien cela l’enjeu de la guerre en Ukraine, construire une gouvernance mondiale impossible sous la houlette des Etats-Unis, avec l’OTAN comme chien de garde pour aboyer comme dit le Pape contre les récalcitrants, même si c’est au prix d’un conflit mondial, voire d’un conflit nucléaire. Quand je vois les enragés qui en France poussent à la guerre contre la Russie en réclamant des armes pour les Ukrainiens pour un conflit qui ne nous concerne pas directement, ni même indirectement, je mesure combien aussi bien les intellectuels que les politiciens se sont effondrés sur eux-mêmes, s’étalant bêtement dans leurs vomissures[3]. La droite est certes dans son rôle quand elle soutient les efforts de l’impérialisme américain, mais il fut un temps où la gauche se reconnaissait d’abord en France dans son opposition aux entreprises de l’OTAN en Europe. Même ce vieux réflexe elle l’a perdu et devient ainsi encore plus inexistante que par le passé. 

Prilepine dans les tranchées du Donbass 

Si Prilepine est un national-bolchevique comme il le dit péjorativement puisque le simple fait d’être nationaliste est déjà compris comme une tare, et qu’en plus être pour un égalitarisme communiste en est une autre, on ne sera pas étonné qu’il livre une analyse du conflit en Ukraine d’un point de vue de la lutte des classes. L’ouvrage se présente comme une sorte de reportage, allant à la rencontre des acteurs rebelles qui ont refusé de se plier aux oukases des néo-nazis qui viennent de Kiev. Ainsi à travers sa quête, il va opposer les Ukrainiens de l’Ouest, petits-bourgeois, taraudés par la pensée mondialiste et avides consommations, et les Ukrainiens de l’Est, prolétaires, mineurs, rudes dans les luttes, capables de prendre les armes pour défendre leurs droits et leur patrie. Il présente d’ailleurs les habitants du Donbass comme la pointe avancée de la Nouvelle Russie, celle qu’il appelle de ses vœux et qui serait une nouvelle forme de socialisme, soudé ici par la langue. « Je suis un écrivain russe, et en tant que tel j’ai un engagement envers les hommes et les femmes qui parlent ma langue » disait-il en France lors de la présentation de Ceux du Donbass. Ce livre est aussi la relation d’une amitié entre Prilepine et Alexandre Zakhartchenko, le dirigeant et guerrier de la République Populaire de Donetsk qui, après avoir échappé à plusieurs attentats fomentés par les nazis de Kiev, finira par être assassiné, vendu semble-t-il contre de l’argent, sans doute des dollars de la CIA, par un de ses gardes du corps[4].  Mais à l’époque où Prilepine construit son ouvrage en parcourant le Donbass, Zakhartchenko est encore bien vivant et se comporte en chef de guerre, car selon lui, il n’y a pas de solution autre que la guerre dans la mesure où les accords de Minsk I et II n’ont pas été respectés. 

L’enterrement de Zakhartchenko

Parmi les chocs que les russophones ont dû endurer, il y a eu bien sûr l’abrogation de la loi en 2014 qui permettait l’enseignement et la communication en russe, mais aussi, et on le sait beaucoup moins, l’abrogation d’une loi portant sur l’interdiction de faire de la propagande pour les nazis ukrainiens du type Bandera qui maintenant possède son avenue à Kiev, ou d’en réhabiliter leur rôle pendant la guerre quand ils travaillaient pour Hitler dans la chasse aux Juifs et aux Russes bien entendu qu’Hitler pensait pouvoir réduire en esclavage et faire travailler pour rien dans des fermes contrôlées par des serviles Ukrainiens. Le Point parle de Bandera comme d’un héros ukrainien controversé[5], ce n’est pas le cas, il n’est pas controversé du tout, il était juste nazi. Cette proximité du nouveau pouvoir de Kiev, soutenu par la CIA et issu de l’Euromaïdan, a entraîné tout de suite la méfiance d’Israël et explique pourquoi le corrompu clown de service Zelensky a été très mal accueilli à Jérusalem, surtout après les mensonges du pseudo massacre de Babi Yar qui s’est révélé être un faux grossier sur lequel la presse occidentale ferme pudiquement les yeux. 

Défilé à Kiev à la gloire du nazi Stepan Bandera 

Si on accepte l’analyse cohérente de Prilepine, cela veut dire que la guerre qui a lieu en ce moment, a commencé comme un soulèvement populaire dans le Donbass sur une base de lutte des classes contre le capitalisme mondialiste. Le peuple dans ces régions s’est « autonomisé », prenant directement le pouvoir, un peu à la manière des Gilets jaunes qui auraient réussi. Il s’ensuit que les forces répression ukrainiennes, soutenues à la fois par les nazis ukrainiens, par l’OTAN et la CIA, ont tenté de faire revenir à la raison les insurgés que Prilepine appelle les « séparés ». La suite on la connaît. Les forces gouvernementales de Kiev se sont révélées incapables de reprendre le pouvoir, huit ans de bombardements, des dégâts humains et matériels colossaux. A cette époque on n’a pas eu l’idée d’inviter à Cannes Zakharatchenko à parader, mais sans doute ne le voulait-il pas, et de fait son courage exemplaire n’était pas du goût des médias occidentaux, de l’OTAN et des Etats-Unis. On préfère nous faire croire que les nazis de Marioupol et leurs instructeurs otaniens sont les véritables héros de l’histoire, quelles que soient les exactions qu’ils ont commises par ailleurs et qui ne sont pas rapportées par les médias officiels. 

Les rudes mineurs du Donbass 

Le livre se présente comme une série de rencontres successives, des portraits de ceux qui ont érigé le Donbass en une zone rebelle qui ne veut pas obéir aux instructions de la mondialisation par la marchandise. Le style est excellent parce que Prilepine, s’il démontre ce qu’il affirme à la manière d’un puzzle qui finit par faire sens, avance son propre parti-pris. Il n’est pas dans le Donbass par hasard, il y est parce que le combat politique que ses habitants y mènent est aussi le sien. Il est du côté des rudes mineurs qui luttent contre le pouvoir de la canaille capitaliste installée à Kiev et soutenue par l’OTAN comme par l’Union européenne. L’armée qui s’est construite dans cette région sous la houlette de Zakhartchenko est d’abord une armée populaire, et si les Russes sont aujourd’hui venus à leur secours, leur combat n’est certainement pas téléguidé par Poutine. C’est probablement là que se trouve la clé du problème, la canaille mondialiste ne veut pas voir émerger de nouveaux Etats qui contrarieraient sa prétention à l’hégémonie mondiale. Et donc les « démocraties » libérales ne tiendront pas compte de la volonté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour Prilepine, dès 2014-2015, l’enjeu dans le Donbass n’est pas seulement de résister à la dictature de Kiev, mais de créer un nouvel Etat, donc sur d’autres bases politiques que celles proposées par Kiev, l’Union européenne et l’OTAN. C’est pourquoi les insurgés du Donbass, contrairement à ce que racontent les médias occidentaux, n’étaient pas des « pro-russes », activés, par Poutine pour reconstruire l’Empire des Tsars. Il faut partir de là, la guerre en Ukraine prend ses racines dans une révolte contre le pouvoir central de Kiev. Pour Prilepine, au début ce soulèvement embarrasse au contraire Poutine qui ne sait pas quoi en faire. C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’ouvrage publié par Oliver Stone, Conversation avec Poutine[6]. Du reste à la lecture de ce livre je m’étais demandé pourquoi Poutine avait mis aussi longtemps à réagir vraiment, et pourquoi l’avait-il fait seulement en 2022, même si bien sûr dès 2014 les Russes ont aidé la rébellion. La réponse est dans l’ouvrage de Prilepine. C’est parce que ce n’était pas son combat à l’origine. Ça le deviendra, je dirais, par la force des choses, suite aux multiples provocations de l’OTAN et des néo-nazis ukrainiens. Les débuts de la guerre, c’est une révolution contre la réaction europhile et néolibérale de Kiev, richement dotée et manipulée en sous-main par les Etats-Unis. Les révoltés du Donbass au début se battent presque les mains nues, sans armes, sans aide. Et pourtant, ils vont non seulement tenir tête à l’armée ukrainienne, beaucoup plus nombreuse et surentraînée, suréquipée. Ils gagneront cette première phase de la guerre. Prilepine insiste sur le fait que cette armée ukrainienne officielle n’a pas le moral, se bat très mal et n'arrive à rien, déserte plus souvent qu’à son tour edonnant ses armes aux soldats du Donbass. Il ne faut jamais l’oublier, en 2015, Kiev avait bel et bien perdu la guerre contre le Donbass. L’histoire se répète aujourd’hui, l’armée ukrainienne malgré une aide colossale des Américains, on parle de 50 milliards de dollars, l’appui d’instructeurs et de mercenaires appointés par l’OTAN et la CIA, subit revers sur revers, alors qu’en nombre elle est au moins aussi importante, si ce n’est plus, que les forces russes engagées aux côtés des forces de la RPD. Rappelons qu’en 2022, l’aide américaine à l’Ukraine de Zelensky est équivalente – sur le plan monétaire à l’équivalent du budget de la totalité du budget de l’armée russe ! Les fables sur l’héroïsme des soldats de l’armée ukrainienne sont seulement du vent, destinées à alimenter les fantasmes des occidentaux. Ce qui ne veut pas dire évidemment que certains Ukrainiens ne se battent pas bien, on sait que les néo-nazis jusqu’auboutistes n’ont peur de rien. Au mois de mai 2022, on a fait encore état de nombreuses désertions et du refus de continuer de se battre dans le nord du Donetsk pour contester la médiocrité des plans militaires proposés et imposés par l’OTAN par l’intermédiaire de Zelensky[7]. Mais il est très probable que de nombreux Ukrainiens entre 2014 et aujourd’hui aient émigré afin d’échapper à la guerre et à la conscription. Prilepine fait état de soldats de l’armée ukrainienne qui sont passés avec armes et bagages dans le camp des rebelles pour se désolidariser d’un projet qui au fond ne les concerne pas. C’est comme cela qu’il explique les premières méthodes pour armer les milices qui deviendront ensuite une armée, avant que les Russes envoient finalement de l’aide matérielle pour soutenir le Donbass. 

L’oligarque Igor Kolomoïsky, financier de Zelensky et du Secteur Droit 

Le Donbass émerge comme un territoire autonome dans la rébellion victorieuse contre Kiev, il émerge contre l’Etat, obligatoirement comme une forme anarchiste de prise de pouvoir. Le modèle se rapproche de celui de la Catalogne libre, vanté par George Orwell, ce moment magique où le peuple se révolte et renverse les institutions pour imposer les siennes[8]. Prilepine montre comment le peuple, qu’il soit de gauche ou de droite, monarchiste, ou autre se constitue en entité, il chasse ses représentants et s’en choisit d’autres. Les insurgés tiennent face à l’armée ukrainienne, parce qu’ils ont l’appui de la population, ils sont comme un poisson dans l’eau. Cet ouvrage nous aide donc à comprendre l’origine de cette guerre. Avant de concerner les Russes proprement dits, c’est une sécession du peuple du Donbass. Bien sûr les Russes ensuite aideront, probablement parce qu’ils sont conscients aussi de leur intérêt sécuritaire qui va au-delà de celui du peuple du Donbass et qu’ils considèrent les habitants du Donbass comme des Russes. Les hommes qui vont faire la guerre ne sont pas des conscrits, ni des militaires de profession, dans le Donbass on n’oblige personne à s’enrôler, mais on s’enrôle par conviction. Ce n’est pas le cas de l’autre côté. A part les néo-nazis, les Ukrainiens se sont engagés plutôt mollement, beaucoup ont déserté, se sont expatriés – ce qui explique que plus du quart des Ukrainiens vivent en dehors de leur pays. Ce n’est pas une armée du peuple que veut commander Zelensky, il paye très chers les services de ses soldats. L’armée du peuple c’est celle du Donbass, même si aujourd’hui elle est aidée par la puissance russe. Une des raisons de l’invasion russe en février 2022, est que les forces ukrainiennes se massaient à la frontière du Donbass, afin d’en finir au mois de mars 2022 avec ses habitants si méprisés par le pouvoir de Kiev. C’est donc bien une guerre préventive et légitime dont il s’agit. Dès cette période, de nombreux Ukrainiens de l’Ouest sont d’accord pour abandonner le Donbass à la Russie. C’est ce que semblait aussi vouloir faire Zelensky lorsque les premières négociations ont eu lieu en mars dernier. Mais il est revenu sur cette idée, semble-t-il sous la pression des Américains et de l’OTAN. 

Arseni Pavlov, dit Motorola se marie en juillet 2014, il sera assassiné dans un attentat à la bombe

Selon moi, Prilepine analyse correctement l’enjeu de la bataille en opposant l’Ouest de l’Ukraine corrompu et accroché à la consommation des marchandises et l’Est qui aspire à des valeurs moins égoïstes et plus égalitaristes. C’est un enjeu civilisationnel. Dès lors que les habitants du Donbass retrouvent le chemin de l’autonomie par rapport à Kiev, ils vont retrouver aussi les raisons d’une meilleure solidarité et du partage. Au fond les tendances socialistes ne peuvent se manifester que dans la souveraineté d’une nation, le cosmopolitisme leurs sont contraires. C’est ce qui s’est vu plusieurs fois dans l’histoire en France, dans la grande révolution de 1789 par exemple qui débouchera sur la forme moderne de la nation, ou encore au moment de la Libération de la France avec le CNR, Conseil National de la Résistance. La mondialisation en imposant les formes individualistes de la vie sociale empêche l’émergence de l’idée de partage et d’égalité. Parmi les autres enseignements de l’ouvrage de Prilepine, c’est l’internationalisation du conflit, des deux côtés. Il n’est pas besoin d’insister sur l’apport des « conseillers » et instructeurs américains auprès du gouvernement de Kiev. Il rappelle que Victoria Nuland disposait de 50 milliards de dollars pour déstabiliser l’Ukraine, cela veut dire, acheter des consciences, mais aussi engager des mercenaires venant de tous les pays. Du côté du Donbass, il y avait de nombreux Russes engagés auprès de la RPD, mais comme le signale Prilepine, ils venaient souvent en voisins, en tant que membre des familles plus ou moins proches, par solidarité. Mais ils sont arrivés aussi d’autres pays plus ou moins proches de l’Ukraine. Aujourd’hui, on le sait, les faux engagés volontaires auprès de l’armée ukrainienne sont souvent des militaires de carrière démobilisés par souci tactique pour faire croire que l’OTAN n’intervient pas. L’avantage des populations russophones de l’Est est évidemment la détermination, cette détermination qui manque cruellement aux troupes ukrainiennes qui ne se sentent pas forcément concernées par cette guerre ruineuse. 

24 août 2014, les rebelles du Donbass défilent avec leurs prisonniers de l’armée ukrainienne 

Mais le plus important est que les révoltés du Donbass, les sécessionnistes ou encore les séparés, se soient retrouvés au-delà des clivages partisans, du type gauche-droite ou républicains-monarchistes. C’est en vérité tout le temps comme ça quand un mouvement populaire se met en mouvement, les clivages artificiels d’effacent. Ce fut le cas de la Commune de Paris, de la Résistance par exemple, et plus près de nous, du grand mouvement des Gilets jaunes. Quand cette guerre a été déclarée, financée par les Etats-Unis, elle s’est faite au nom de la démocratie dans sa forme la plus abstraite, mais en réalité c’était une contre-révolution du type de celle des Versaillais qui en 1871, avec l’appui des Prussiens détruisit les Communards et leur œuvre, ou encore l’EuroMaïdan s’apparente à une sorte de coup d’Etat du type de celui emmené par Franco en juillet 1936. Sauf qu’ici le soulèvement populaire du Donbass a trouvé un soutien solide du côté de la Russie. Sinon, il est probable que les rebelles eussent été exterminés depuis longtemps avec l’aide de l’OTAN et des missiles américains.  

Katerina Iouchtchenko, proche des néonazis ukrainiens, agent de la CIA qui épousa le futur président de l’Ukraine 

Le tour de force de Prilepine est de nous faire comprendre à travers des portraits pris sur le vif, combien la question de l’autonomie du Donbass, si elle est la réponse adéquate à la contre-révolution fomentée par l’OTAN et les Etats-Unis, est d’abord une révolution dans la forme, avec une mise au pas de l’oligarchie et une forme de redistribution des richesses, via des nationalisations. La première guerre du Donbass, celle de 2014-2015 a été gagnée par les rebelles et perdue par Kiev et l’OTAN. Prilepine pense que quand la cause est juste, elle ne peut être perdue. Du moins c’est ce qui explique pourquoi l’armée rebelle, une armée populaire, inférieure en nombre et en équipement a pu prendre le dessus sur les forces ukraino-américaines. Pour lui seuls les nazis ukrainiens avaient vraiment le cœur de se battre, mais leur défaut était d’avoir ni morale, ni principe. Prilepine décrit les prises d’otages, les attentats, la manière dont l’armée de Kiev se servait des boucliers humains, les tortures, tout ce qu’on retrouve aujourd’hui dans cette sale guerre, à Marioupol comme à Severodonestk pour tenter d’imposer la victoire par la terreur. En lisant cet ouvrage on comprend que Kiev ne se réconciliera jamais avec le Donbass, mais il faut être stupide comme un Américain pour croire que le peuple du Donbass puisse se soumettre. Certes il peut disparaitre, être génocidé, mais certainement pas soumis. Ceci explique qu’il ne peut y avoir que deux solutions aujourd’hui : soit les ukaino-otanistes exterminent le peuple du Donbass, soit ils négocient une partition de fait de l’Ukraine. 

Victoria Nuland la grande ordonnatrice de la politique américaine en Ukraine, de Bush à Biden en passant par Obama et Trump 

L’ouvrage, très bien écrit, direct et sans fioriture, est plein de sang, à la fois parce qu’il y a des morts et des blessés, mais aussi parce que le coup de sang du peuple du Donbass pousse à la guerre. L’idée est de fondée une nouvelle nation par le sang versé, que celle-ci rejoignent ensuite la Russie ou non. Prilepine n'a pas de mots assez durs avec « l’élite » moscovite qui veut adopter les « valeurs » de l’Occident, passant par perte et profit l’histoire et la culture du peuple russe. Ce n’est pas un hasard non plus si aujourd’hui l’Occident tente de chasser les russes du paysage culturel mondial. L’idée générale qui parcourt ce livre est celle de la quête de la liberté, et c’est par la guerre et dans la guerre qu’elle se trouve. C’est un ouvrage majeur, non seulement parce qu’il nous permet de mieux comprendre ce qui se joue dans le Donbass, mais parce qu’il est aussi une méditation sur la liberté véritable. 

Appel des mineurs du Donbass, juin 2014, traduit et publié par le site Initiative communiste


[1] Traduit en français sous le titre de La beauté et l’enfer, écrits 2004-2009, Robert Laffont, 2010.

[2] https://www.lemonde.fr/livres/article/2018/03/15/sous-la-cuirasse-de-zakhar-prilepine_5271144_3260.html

[3] https://www.lindependant.fr/2022/06/19/guerre-en-ukraine-le-chef-de-larmee-britannique-estime-necessaire-de-preparer-une-troisieme-guerre-mondiale-il-y-a-urgence-a-batir-une-armee-capable-de-vaincre-la-russie-10376187.php

[4] https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/08/31/alexandre-zakhartchenko-le-principal-chef-separatiste-ukrainien-tue-a-donetsk_5348729_3214.html Quand vous lisez ce genre d’article de propagande du Monde, attendez-vous d’abord à une tonne de salissures. La source du plumitif Benoît Vitkine étant d’abord le ministère ukrainien de la propagande, à savoir le ministère de l’intérieur qui travaille main dans la main avec la CIA.

[5] https://www.lepoint.fr/histoire/bandera-ce-heros-ukrainien-controverse-28-03-2022-2469961_1615.php

[6] Albin Michel, 2017.

[7] https://alawata-rebellion.blogspot.com/2022/05/assaut-sur-le-bastion-davdeevka.html

[8] Homage to Catalonia, publié en 1938, avait d’abord été traduit sous le titre de Vive la Catalogne libre en 1955, chez Gallimard.

2 commentaires:

  1. Ce Prilepine est un ultra-nationaliste, membre du parti national-bolchevik ...il doit être super-objectif ! Lol !

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  2. Bien sûr pour toi le seul qui est objectif c'est Zelensky, mais si tu avais lu le livre, tu saurais qu'il a été vivre et combattre dans le Donbass, mais en outre il ne prétend pas à l'objectivité, il rencontre des gens qui luttent contre Kiev et qui lui expliquent leur point de vue. Après tu peux en faire ce que tu veux

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