dimanche 15 octobre 2023

A qui profite les crimes du Hamas ?

  

La guerre déclenchée par le Hamas sur le territoire d’Israël est un désastre sur à peu près tous les plans. La manière de s’attaquer aux enfants aux nouveau-nés aux femmes, aux vieillards rappelle les pogromes de l’ancien temps, ceux qui se pratiquaient dans l’Ukraine de Bandera et de Petlioura.  Essayons d’aller un peu au-delà de l’émotion que les opérations terroristes du Hamas a engendrée. Personne ne pense que le Hamas, quelle que soit la haine que ses combattants manifestent envers les Israéliens et les Juifs en général, ait conçu cette attaque tout seul. On a beaucoup parlé de l’Iran qui leur aurait fourni des armes et un soutien logistique, notamment en matière de surveillance électronique. Le Qatar a été désigné aussi comme un des principaux sponsors du Hamas. On a dit également que ce désastre était la conséquence des défaillances dans les services de renseignement israélien. Tout cela n’est pas faux, mais ne suffit peut-être pas. Les crimes du Hamas déstabilisent Israël et montrent sa vulnérabilité, mais cela ne profite pas, loin de là, aux Palestiniens de Gaza qui vont souffrir des déplacements forcés et de la répression de l’armée israélienne. Ils revivent 75 ans après l’exode organisé en 1948 lors de la création d’Israël. Le Hamas est clairement l’ennemi du peuple palestinien en ce sens que si son offensive n’a aucune chance d’aboutir à la fin d’Israël, elle ne peut pas plus travailler à améliorer le sort des Palestiniens de Gaza qui vivaient déjà dans la misère de l’aide internationale et sous la férule du Hamas. L’Iran prétend ouvrir maintenant un deuxième front, probablement par Hezbollah interposé au nord d’Israël, à partir des bases qu’il occupe au Liban. En-a-t-il les moyens ? Et puis, on pourrait dire qu’une défaite de grande ampleur du Hamas arrangerait bigrement à la fois le Hezbollah et le Fatah dont il est le premier ennemi. Également la question qui se pose est de savoir si l’Iran est prêt à en découdre avec Israël directement, alors que ce pays est en voie d’intégration dans l’ensemble international des BRICS. 

On a dit que cette attaque meurtrière allait obligatoirement entraver les rapprochements entre Israël et les pays du Golfe, et donc que c’était tout le bénéfice pour l’Iran en grande difficulté à l’intérieur de ses frontières. Mais il y a un autre grand bénéficiaire de cette décomposition d’un processus de paix au Moyen-Orient, ce sont les Etats-Unis. En effet, depuis la guerre en Syrie, et progressivement, les Etats-Unis se sont fait éjecter de la zone. L’Arabie saoudite leur a tourné le dos, s’alliant aux BRICS et acceptant une sorte de paix avec l’Iran. C’est donc pour les Etats-Unis une occasion rêvée de revenir dans la course en se posant comme défenseur d’Israël qui, ces derniers temps, regardait vers la Chine. Les Russes sont plutôt ennuyés par ce conflit qui justement risque de les entraîner à leur corps défendant à prendre parti. Comme la Chine, ils ont renvoyé Israël et le Hamas dos à dos demandant des négociations et un cessez le feu. Surtout en année électorale, c’est pain béni pour Joe Biden qui se pose en ultime rempart face à la barbarie du Hamas, surtout après les imbécilités de Trump qui n’a rien trouvé de mieux que de critiquer Israël pendant que ce pays comptait ses morts. Israël n’était pas préparé a-t-il dit, mais il a ajouté aussi que le « Hezbollah » était intelligent[1] ! 

Dans le kibboutz de Beeri, Israël compte ses morts 

On ne sait pas quelles sont les intentions du Hamas, veut-il que les troupes israéliennes rentrent dans Gaza pour les piéger et faire un massacre ? Veut-il que les Israéliens massacrent des grandes quantités de Palestiniens pour finir de déconsidérer l’État hébreux dans l’opinion internationale ? Ailleurs on réenclenche l’idée d’une négociation qui aboutirait forcément à la création de deux États. Il y a encore quelque mois cette idée était considérée comme dépassée. Qui a la capacité de parrainer une telle solution ? Certainement pas les Etats-Unis ni l’ONU, peut-être la Turquie qui s’est rapproché ces dernières années d’Israël pour contrecarrer les velléités expansionnistes de l’Iran. N'oublions pas que récemment les Turcs et les Israéliens ont collaboré pour parrainer un plan de paix pour l’Ukraine dont l’Occident n’a pas voulu. Les dissensions qui ne manqueront pas d’éclater entre l’Arabie saoudite et l’Iran risquent également de compromettre ou de ralentir le mouvement d’élargissement des BRICS. Là encore on voit bien que se sont encore les Etats-Unis qui profiteront d’un Iran revanchard et jusqu’auboutiste. Comme on le comprend le drame qui se joue en Israël et à Gaza a des retombées plus lointaines en termes de politique internationale. Israël en s’orientant vers un processus de paix avec les États arabes s’émancipait d’une tutelle américaine trop voyante. L’État hébreux ne peut pas apparaître dans cette région uniquement comme la pointe avancée de l’Empire étatsunien. Il y avait trois options pour Israël, la première consistant à geler la situation tout en continuant la colonisation. Netanyahou a clairement échoué dans cette voie en privilégiant les alliances électorales circonstancielles à la confection d’un plan de paix sérieux sur le long terme. On peut parler même de suicide. La seconde voie, c’est celle d’un État binational. Celui-ci ne peut pas être à l’ordre du jour parce que la méfiance est beaucoup trop grande. La troisième est celle de deux États sécurisés. Cette idée qui a la faveur du moment est cependant difficile à réaliser, non pas sur le papier, parce qu’on peut procéder assez facilement à des échanges de territoires, les plans sont près. Mais les obstacles sont toujours politiques, j’en vois deux principalement : d’abord le Hamas n’en voudra jamais, il disparaitrait dans la paix, ensuite pour l’instant les Palestiniens n'ont pas les capacités politiques de gérer un véritable État souverain et démocratique et d’œuvrer à son développement. L’évolution positive de ce conflit vers la négociation viendra peut-être de l’opinion israélienne qui est très critique vis-à-vis de la politique de gestion au jour le jour du gouvernement actuel. On a vu les ministres de ce gouvernement d’incapables se faire insulter et apostrophés directement sur le terrain quand ils ont tenté de se rendre auprès des populations choquées. 

 

Gaza sous les bombes 

Ce rapide tour du problème, bien incomplet d’ailleurs, n’incite pas à l’optimisme. Cependant il montre que dans cette guerre c’est bien plus qu’un simple face à face entre les Palestiniens et les Israéliens qui se joue. En attendant, les Israéliens comme les Palestiniens de Gaza souffrent dans leur chair et n’en voient pas la fin. Tandis que les Israéliens pleurent leurs morts, les Gazaouis s’exilent par centaines de milliers, voire un million, n’obéissant pas aux injonctions du Hamas  qui aimerait bien qu’il y ait un bain de sang pour qu’Israël endosse le costume du criminel. L’Égypte a semble-t-il ouvert ses frontières. On ne peut que souhaiter que cet ultime affrontement ouvre la voie à un processus de paix sérieusement pensé.

 

Addendum, la guerre des cartes, un peu d’histoire

 

Comme nous allons le voir, il est complètement illusoire de croire que la question de fonds posée par la cohabitation de Juifs israéliens et d’Arabes musulmans pourra se régler en avançant que les uns étaient là avant les autres, en effet les mouvements de peuplement de la Palestine sont fort complexes et ne peuvent être compris en disant que des Juifs venus de l’étranger sont venus troubler une paisible communauté palestinienne. Le premier point à prendre en considération est que ce qu’on appelle la Palestine, c’est le résultat d’un découpage administratif résultant de la défaite en 1918 de l’Empire Ottoman qui était allié avec l’Allemagne dans la Première Guerre mondiale : les Britanniques administrèrent suite à un accord avec les Français, la Palestine, et les Français s’installèrent au Liban et en Syrie. Ce qu’on appelle encore aujourd’hui la Palestine n’a jamais eu d’existence réelle autrement que du fait de ce découpage, elle n’a jamais été, du moins avant 1967, l’émanation de la volonté d’un peuple de faire une nation. Il faut bien comprendre qu’un peuple émerge le plus souvent comme une nation du fait d’une guerre, et c’est la Guerre des Six jours qui a commencé à mettre en place un nationalisme palestinien. Il faut en tenir compte bien entendu, et cela veut dire qu’il faut envisager deux États, bien que les Palestiniens soient peut-être encore plus divisés que les Juifs sur ce qu’il faudrait faire pour arriver à la paix.

 

Depuis quelques jours, conséquemment à l’attaque du Hamas et à la riposte israélienne, on assiste à une guerre des cartes. Les cartes ci-dessus sont appréciées des pro-palestiniens parce qu’ils pensent que cela démontrerait que les « sionistes » ont pris les terres des Palestiniens. En réalité cela ne démontre rien du tout. D’abord parce qu’en 1946 la Palestine n’existait que comme un territoire – et non un État – sous l’administration britannique. La carte la plus à gauche parle d’implantation juives. Mais les Juifs étaient encore à cette époque très nombreux sur ce territoire, certes ils étaient opprimés par les musulmans, mais historiquement ils étaient là depuis la nuit des temps. Marx parle de leur misère à Jérusalem. Donc ils étaient bien là, même si périodiquement ils subissaient des pogroms. Lorsque les Juifs d’Europe centrale, de Pologne et de Russie commencèrent à migrer vers la Palestine, la communauté juive de Palestine était en voie d’extinction du fait des mauvaises manières que leur infligeaient les Arabes. Ils vivaient dans un état de soumission et de misère effroyable. Non seulement ils payaient l’impôt des dhimmis, mais on leur volait aussi leurs enfants pour en faire des musulmans ! Avant l’installation des sionistes, il n’y avait pas de paix, ni d’harmonie entre les Juifs autochtones et les Musulmans. C’est une fable que certains tentent de mettre en scène pour tenter d’expliquer l’origine des problèmes par la colonisation des sionistes, pièce rapporté sur un territoire sans problème. 

 

Ensuite la guerre de 1948 n’est pas une révolte des Palestiniens qui n’existaient pas en tant que peuple, mais une guerre déclenchée par les États arabes, notamment la Jordanie qui voulait rattacher la Cisjordanie à son royaume et l’Égypte qui ambitionnait alors de prendre Gaza. Les différentes guerres qui se sont succédées ont vu en effet les Territoires dévolus au futur État arabe de Palestine, par les accords de 1948 de l’ONU, rétrécir au fur et à mesure des refus des États arabes puis du Fatah, puis du Hamas de négocier sérieusement. L’élargissement du territoire contrôler par Israël est d’abord la conséquence de ce refus. La colonisation israélienne a Ensuite fait le reste. Cette colonisation qui a mythé complètement l’espace au détriment d’ailleurs de la sécurité d’Israël est la conséquence à la fois du refus Palestinien et de la droitisation continue d’Israël, mais aussi de la poussée démographique extraordinaire qui a eu lieu dans ce pays après la chute du mur de Berlin. La tricherie des propalestiniens occidentaux qui sont plutôt antisémites tend à présenter la misère des Palestiniens comme une simple spoliation d’une terre historiquement palestinienne. Cette tricherie occulte deux éléments importants : le premier est qu’entre 1875 et 1948, les Juifs qui se sont installés en Palestine ont racheté ces terres à des propriétaires arabes, le second c’est qu’à partir du dernier quart du XIXème siècle, période où les Juifs commencent à migrer vers la Palestine, l’Empire Ottoman qui avait la main sur ce territoire, va encourager et financer une migration de musulmans qui vont venir aussi s’installer là, venant de tout le pourtour de la Méditerranée, notamment d’Algérie – probablement consécutivement à la colonisation de l’Algérie par la France. Henry Laurens, pourtant propalestinien acharné, le montre dans le tome 1 de son Histoire de la Palestine[2]. Bien entendu cela ne peut pas excuser les mauvaises manières que les Juifs devenus Israéliens ont faites aux populations arabes. Il faut évidemment revenir sur l’idée qu’il y aurait originellement une population arabe et musulmane en Palestine. Celle-ci ne s’y est installé qu’à la faveur des conquêtes arabes. Avant celles-ci, les Juifs étaient installés sur un vaste territoire qui débordait d’ailleurs de la Palestine mandataire, vers la Cisjordanie et le Liban, comme le montre la carte ci-dessous. Les Philistins étaient un peuple d’origine grecque qui se localisaient dans la bande de Gaza, c’est eux qui ont donné le nom à la Palestine. Mais ils n’avaient rien d’arabe. 

 

Entre les deux guerres mondiales, la Palestine mandataire non seulement a échappé à la débâcle de l’économie mondiale, mais elle a connu un boom économique très fort. Cela a donné beaucoup de travail aux populations arabes qui sont venues souvent du Liban, de la Cisjordanie et de l’Égypte pour offrir leur bras et s’installer. L’économie était tirée par le Yichouv. Les salaires étaient deux fois plus élevés pour les Arabes que ce qu’ils étaient dans les autres pays arabes, ce sont donc des milliers d’Arabes musulmans qui vinrent aussi, s’installer sur ce bout de terre[3]. Jusque vers ce moment la Palestine était considérée comme un territoire très peu peuplé et sans avenir économique, délaissé d’ailleurs par les gros propriétaires fonciers arabes qui accablaient les paysans musulmans, ce qui ne pouvait pas se faire avec les Juifs nouvellement installés.



[1] https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1697089367-trump-monte-au-creneau-israel-n-etait-pas-prepare-netanyahou-m-a-decu

[2] La Question de Palestine, L’invention de la Terre Sainte, Fayard, 1999.

[3] Jacob Metzer, The Divided Economy of Mandatory Palestine, Cambridge University Press, 1998

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