dimanche 24 décembre 2023

Hamit Bozarslan, Ukraine, le double aveuglement, CNRS, 2023

 

Je ne m’abaisserais pas à commenter ce livre, s’il n’était pas labellisé EHESS et CNRS. C’est en effet un simple ouvrage de propagande pour entretenir la guerre de l’Occident contre la Russie. Il répète platement le contenu de la propagande américaine, celle qui est reprise à longueurs de colonnes par les médias du type Cnews ou LCI. Première thèse, la guerre en Ukraine est une guerre non provoquée par l’OTAN et l’Occident. Ce mensonge est démonté directement par les Occidentaux eux-mêmes, c’est d’un côté George Friedman, un faucon américain influent qui dès 2015 expliquait comment les Etats-Unis allaient s’y prendre pour faire la guerre à la Russie, la couper de l’Europe et principalement de l’Allemagne, et éventuellement mettre la main sur les réserves de gaz et de pétrole[1]. Également s’est tenu à Prague en juillet 2022 une réunion chapeautée par les Américains de la CIA sous le couvert du NED pour expliquer comment les Occidentaux allaient faire exploser la Russie en plusieurs petits États faibles, et bien sûr mettre la main sur les ressources pétrolières ou gazières, vieille obsession anglo-saxonne[2]. Bozarslan fait mine de ne rien connaitre, et donc il ne posera pas la question de savoir pourquoi les accords de Minsk n'ont pas été respecté, et encore moins de savoir pourquoi l’OTAN a, contre ses promesses, continué à s’élargir à l’Est. Ce point est capital parce que ce propagandiste pro-américain fait comme si c’est la Russie qui s’est élargie jusqu’au frontières de l’OTAN !! 

 

Le second mensonge de Bozarslan est de dire que c’est Poutine tout seul qui a déclenché la guerre parce qu’il veut reconstituer à lui tout seul l’Empire des tsars. C’est un mensonge pour au moins deux raisons : d’abord parce que la guerre en Ukraine n’a pas commencé en 2022, mais au minimum en 2014 quand Kiev a lancé des attaques meurtrières contre le Donbass, c’est-à-dire contre sa population russophone. L’armée de Kiev avait alors reçu une mémorable raclée face aux insurgés du Donbass. Et depuis cette époque l’armée de Kiev au fur et à mesure qu’elle se réarmait sous la houlette de l’OTAN bombardait avec la régularité d’un métronome les civils du Donbass. Bozarslan néglige le fait pourtant bien documenté que les habitants du Donbass réclamaient l’intervention de la Russie. 

Victoria Nuland et Porochenko, sa créature 

Bozarslan pour lequel on ne peut avoir qu’un très grand mépris ne parle pas du coup d’État du Maïdan. C’est ce coup d’État qui a amené Porochenko au pouvoir à Kiev. Le problème est que Victoria Nuland, celle qui fait la politique des faucons en Ukraine depuis 2008 au moins, a elle-même avoué dans un enregistrement de son téléphone que ce coup d’État lui avait coûté 5 milliards de dollars[3] ! C’est à cette occasion qu’elle avait financé les groupes nazis ukrainiens. Après le coup d’État, c’est directement Washington qui a fait le gouvernement de Kiev, par exemple en nommant une américaine, Natalie Jaresko, au poste de ministre de l’économie. Élevée par l’Aspen Institute, comme la Meloni, la première loi qu’elle promulgua, après qu’on lui ait donné en express la nationalité ukrainienne, c’est de pouvoir vendre les terres agricoles ukrainiennes à des firmes étrangères, aujourd’hui un tiers de ces terres sont passées sous le contrôle des multinationales, Black Rock et Monsanto. Quand ce menteur de Bozarslan nous dit qu’il est essentiel de combattre la Russie militairement, il nous dit que c’est au nom de la démocratie. Or comme on vient de le voir la démocratie ukrainienne a bien du plomb dans l’aile. Cet idéologue s’est forgé un vocabulaire sur mesure : la Russie est une anti-démocratie, c’est-à-dire qu’elle ne pratique pas la démocratie mais qu’en outre elle vise à détruire les autres formes de démocratie. Ce dévoiement sémantique va lui permettre de reprendre l’argumentaire des Etats-Unis et de Zelensky : on ne soutient pas l’Ukraine seulement pour elle-même, mais on la soutient au nom de « nos valeurs » et parce que Poutine s’il gagne en Ukraine continuera à étendre son Empire ! Autrement dit l’OTAN et l’Ukraine se battent pour protéger l’Europe ! 

Manifestation à Madrid contre l’OTAN le 27 juin 2022 

Cette propagande oublie deux choses, la première est que le caractère démocratique de nos démocraties occidentales reste à démontrer. On peut rappeler qu'en Russie les Russes peuvent voir LCI, chaîne ouvertement russophobe et va-t-en-guerre, tandis qu'en France pour accéder à RT ou Sputnik, il faut se munir d'un VPN comme le soulignait Hervé Carresse, la liberté de l'information est le premier pas vers la démocratie. Il suffit également de voir la France de Macron, pays où on bastonne et éborgne à tour de bras les récalcitrants et où même le parlement n’a plus aucun rôle. La seconde est que la Russie et Poutine ne semble pas avoir jamais manifesté l’intention de s’emparer de la totalité de l’Ukraine. C’est parler pour ne rien dire que d’avancer de telles élucubrations, élucubrations directement contredites par le fait qu’en mars 2022 les négociations entre les Russes et les Ukrainiens avaient quasiment abouti, mais l’Occident s’en est mêlé pour les faire capoter. Elles auraient pu aboutir au compromis suivant : une large autonomie pour les régions du Donbass et une neutralisation de l’Ukraine, soit qu’elle renonçât à entrer dans l’OTAN.  La modestie des forces russes engagées dans l’Opération spéciale à cette époque montre bien que la Russie n’avait certainement pas pour but d’occuper et d’annexer l’Ukraine. 

Négociations entre la Russie et l’Ukraine en mars 2022 sous l’égide de la Turquie 

Bozarslan se moque bien de tout cela, la réalité profonde du conflit ne le concerne pas, et il ne se risque pas à comparer l’état de la démocratie en Russie et en Ukraine, ni avec la Turquie, membre de l’OTAN, pays où il est né. Il s’obstine à laisser entendre que l’entreprise guerrière en Ukraine est seulement le résultat de la lubie anti-démocratique d’un homme seul, Poutine qu’il présente comme un homme en décalage avec son ex-Empire, voire avec sa propre société. il néglige bien entendu le fait que Poutine est soutenu par l’ensemble de la Russie à 85%, tandis que le soutien des Ukrainiens à Zelensky s’effrite gravement. On ne voit pas en quoi un pays dirigé indirectement par les Etats-Unis pourrait être qualifié de démocratique. Menteur pathologique, Bozarslan a un but : justifier les actions militaires des Etats-Unis et justifier aux yeux de l’opinion publique l’engagement guerrier de l’Union européenne. en lisant ce livre vous n’apprendrez rien de plus qu’en regardant LCI. Livre écrit à la va vite sur un coin de table – on le dirait rédigé par IA – il se résume à dire que Poutine « il est méchant » et qu’il faut se surarmer si on ne veut pas périr. Il serait sponsorisé par le lobby de l’armement que cela ne m’étonnerait pas. 

Livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine 

Chacun a bien sûr le droit d’écrire et de dire ce qu’il veut, je ne suis pas un censeur, mais on a le droit de dénoncer des misérables entreprises de propagande. Là où ça coince c’est quand le EHESS et le CNRS, institutions qui se voudraient honnêtes, labellisent cette misérable entreprise, faisant comme si cela lui donnait un parfum de scientificité et de sérieux. Même si Bozarslan n’est pas très intelligent, il s’est forcément rendu compte que de passer à une économie de guerre causera – et a déjà causé – des dégâts sur le plan économique. Les pauvres souffriront plus que les multinationales de l’armement. Les fantaisies de l’OTAN en Ukraine ont déjà coûté l’exil de millions de personnes et sans doute 500 000 morts. Mais au nom de la civilisation occidentale, Bozarslan s’en moque bien, il est bien au chaud dans son fauteuil de l’EHESS. Si vous lisez cet ouvrage, vous constaterez qu’il n’y a aucune solution proposée en dehors de faire la guerre et encore la guerre. Rien pour faire avancer la paix, tout pour faire la leçon aux Européens qui seraient frileux à l’idée de se lancer dans la guerre ! 

L’Europe dans sa continuité russophobe


[1] https://www.youtube.com/watch?v=QeLu_yyz3tc

[2] https://www.revueconflits.com/des-projets-pour-leclatement-de-la-russie/

[3] On peut entendre cet aveu dans le film Ukraine Under the Fire, le film d’Igor Lopatonok, produit par Oliver Stone en 2016.

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