Je me suis toujours méfié de Proudhon, partageant avec Marx l’idée qu’il était par nature intellectuellement limité. Il a eu une grande influence sur les socialistes de son temps, bien plus que Marx d’ailleurs. Je n’ai jamais compris pourquoi les anarchistes en faisaient une sorte de totem. Certes il avait écrit Qu’est-ce que la propriété ? un pamphlet qui avait le mérite de remettre en question les ressorts de celle-ci[1]. Et Marx l’avait salué en son temps, mais c’est bien insuffisant pour en faire un penseur de première force. À côté quel fatras ! « Les Juifs, race insociable, obstinée, infernale. Premiers auteurs de cette superstition malfaisante, appelée catholicisme, dans laquelle l’élément juif furieux, intolérant, l’emporte toujours sur les autres éléments grecs, latins, barbares, etc., et fit longtemps les supplices du genre humain. » Il note dans son journal le 26 décembre 1847 : « Le juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l’exterminer. » Pierre-Joseph Proudhon était bel et bien raciste. Il ne s’en prenait pas seulement à une religion, mais il s’en prenait à une race qui serait irrémédiablement mauvaise. Ce n’est pas sans raison qu’il inspira l’extrême droite d’Edouard Drumont, Charles Maurras ou encore des suppôts de la collaboration du Cercle Proudhon. Certains ont voulu minimiser ce racisme antisémite en disant que c’était un peu la faute de Marx qui l’avait vexé en critiquant vertement son ouvrage Philosophie de la misère[2]. Pour moi cet argument est stupide qui ne peut pas justifier quoi que ce soit.
Proudhon n’était pas à une stupidité près. Marx disait qu’il
n’avait rien compris à Hegel. C’est vrai, mais sur le plan de la pratique de la
vie quotidienne il était également limité. Dans La Pornocratie ou les
femmes dans les temps modernes, Pierre-Joseph Proudhon écrit : « Je
regarde comme funestes et stupides toutes nos rêveries d’émancipation de la
femme. Je lui refuse toute espèce de droit et d’initiative politique. Je crois
que, pour la femme, la liberté et le bien-être consistent uniquement dans le
mariage, la maternité, les soins domestiques, la fidélité de l’époux, la
chasteté et la retraite. » (…) « L’égalité politique des
deux sexes, c’est-à-dire l’assimilation de la femme à l’homme dans les
fonctions publiques, est un de ces sophismes que repoussent non pas seulement
la logique, mais encore la conscience humaine et la nature des choses. » Il
conseille aux femmes : « Soyez donc ce qu’on demande de
vous : douce, réservée, renfermée, dévouée, laborieuse, chaste,
tempérante, vigilante, docile, modeste, et nous ne discuterons pas vos mérites.
Et que l’énumération de tant de vertus ne vous effraie pas : c’est toujours
la même au fond qui vous revient : soyez ménagères, le mot dit tout. »[3] Ce
type de stupidité classe Proudhon du côté de « la science islamiste ».
À son époque dans les milieux prolétariens et révolutionnaires, il y avait fort
heureusement des hommes et des femmes bien plus avancés que lui. Là non plus on
ne cherchera pas une excuse dans l’époque ou le milieu dont il était issu. Proudhon
en son temps était déjà dépassé. Il s’était marié avec Euphrasie Piégard qu’il
appréciait aussi parce qu’elle ne savait ni lire ni écrire, ce qui la rendait
dépendante de son mari. De ce point de vue la femme de Marx, Jenny von
Westphalen était bien plus émancipée que la femme de Proudhon !
[1]
Publié en 1841à la librairie de Prévot et constamment réédité jusqu’à nos
jours.
[2]
Marx avait rédigé directement en français Misère de la philosophie, publié
en 1847 chez Frank et Vogler, un ouvrage polémique avec beaucoup de mauvaise
foi !
[3] Pierre-Joseph
Proudhon, La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, A.
Lacroix et Cie., 1875.
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