jeudi 31 décembre 2020
dimanche 27 décembre 2020
Brexit fin de partie, une double défaite pour l’Union européenne et pour Macron
Les négociations entre l’Union européenne et les Britanniques se sont soldées avec un accord final dont chacun s’est empressé de dire qu’il était à son avantage. Les libéraux sont comme ça, ils pensent être dans le sens de l’histoire et donc que la vie sociale, politique et économique va dans un seul sens, celui du progrès, bien que ce terme de progrès reste la plupart du temps particulièrement flou. Le cas de Jacques Attali, sans doute un des plus médiocres intellectuels de Cour, est emblématique. Toujours dans le déni, il pensait que le Brexit non seulement ne serait pas voté, mais qu’en outre il ne serait pas appliqué et que cela conduirait au suicide du Royaume Uni[1]. Il a ainsi bâti toute une théorie fumeuse pour nous expliquer que par-delà les volontés politiques, il y avait le marché qui crée des irréversibilités politiques et institutionnelles et parmi celles-ci il y aurait l’Union européenne dans quasiment tous les domaines. Jacques Attali est le champion toutes catégories de la prédiction erronée. Admettons que les lois du marché guident le monde. Mais il est assez évident que l’avenir du marché débridé et mondialisé conduit toujours à la crise et qu’on le veuille ou non la crise conduit inévitablement à un recul via les faillites et le chômage. Et donc il ne faut pas être bien malin pour comprendre que la mondialisation et ses excès conduisent forcément au retour de l’idée nationale et des frontières. Le Brexit n’est qu’une des expressions de la fin programmée de la mondialisation. En France et dans le reste de l’Union européenne on se garde bien de proposer un référendum sur la sortie ou non de ce « machin », c’est vrai depuis au moins 2005 et la défaite des européistes, et c’est encore plus vrai depuis la sortie programmée du Royaume Uni. Il est d’ailleurs très étonnant que nous puissions encore trouver à gauche des soutiens à l’Union européenne étant donné que celle-ci ne fonctionne que sur l’idéal de la concurrence, idéal qui est mauvais aussi bien pour les travailleurs, pour les services publics que pour l’environnement. Les lois du marché conduisent inexorablement à la diminution des droits des travailleurs. L’idéal de compétitivité exige aussi la braderie des services publics au secteur privé. Une des raisons qui avaient poussé Margaret Thatcher à démissionner c’est que les infrastructures britanniques s’effondraient au point de menacer le marché lui-même. C’est que le marché ne peut pas se passer de l’Etat. C’est d’ailleurs ce qu’a compris le néolibéralisme qui s’y entend à le piller.
Le libre-échange, valeur fondatrice de l’Union européenne, n’est pas une valeur socialiste, mais bien capitaliste, c’est ce que Marx avait compris[2]. Et depuis Friedrich List on sait que le libre-échange n’est profitable qu’à la partie la plus avancée[3]. Parmi les raisons qui ont décidé les Britanniques à sortir de l’Europe et à retrouver leur souveraineté, il y a le déficit récurrent de la balance commerciale, déficit qui n’est pas contrebalancé par des aides ou des subventions puisque les Britanniques versaient plus d’argent qu’ils n’en recevaient. Autrement dit la participation des Britanniques à l’Union européenne ne produit aucun gain : le libre-échange est un jeu à somme nulle, au mieux. La France est dans le même cas que le Royaume Uni et c’est bien pourquoi il y a chez nous un puissant courant anti-européen. N’oublions pas que quand nous avons un déficit commercial cela se traduit par des pertes d’emplois, toujours. Et donc évidemment ces pertes d’emplois ne sont pas perdues pour tout le monde puisque certains pays, au premier rang l’Allemagne, ont grâce à l’Europe et à l’euro des excédents très importants et qui ont tendance à s’accroître avec le temps. En somme les Britanniques se sont rendus compte que l’Union européenne ne leur était pas profitable – sauf à certaines franges particulières de la société – et ils en ont tiré les conséquences. Parmi les autres méfaits de la mondialisation, dont l’Union européenne est la pointe la plus avancée, il y a évidemment les problèmes créés par l’immigration massive et l’islamisation rampante de la société britannique. On sait que si le vote de classe a joué en faveur du Brexit, jusqu’à disqualifier pour longtemps le parti travailliste, la question de l’immigration a aussi été décisive, car pour le peuple, le libéralisme qu’il porte sur la circulation sans contrôle des marchandises, des capitaux ou des personnes est toujours une mauvaise chose. Contrairement aux idées loufoques de Jacques Attali, un traité quel qu’il soit peut-être dénoncé et remis en question. Cette illusion de croire qu’on peut se passer de la politique n’a aucun sens. Tôt ou tard celle-ci reprend le dessus.
On notera cependant que la peine des Britanniques à rester dans l’Europe a été partiellement compensée par le fait qu’ils ont gardé, comme la Suède et le Danemark, leur propre monnaie, la livre. C’est ce qui leur a permis d’avoir des performances économiques légèrement supérieures à celles de la France, conservant même une part plus importante de leur valeur ajoutée dans l’industrie. Le monde qui n’est jamais en retard pour faire la propagande pour l’Europe a prédit les pires calamités pour le Royaume Uni[4], comme s’il n’y avait pas de vie avant l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE puis à l’Union européenne. Ce journal s’est placé du côté de Michel Barnier, l’acclamant comme un vainqueur qui a su protéger les intérêts de l’Union européenne face à ces Britanniques qui réclamaient bien trop de ce qu’on pouvait leur donner. Il est difficile de faire mieux dans la désinformation. Si les négociations menées par Barnier ont traîné aussi longtemps, c’est particulièrement de sa faute. Encore qu’il n’en soit pas le seul responsable. Il a en effet mis énormément de hargne pour freiner le plus longtemps qu’il le pouvait le processus de divorce. La raison en était simple, il était poussé par Macron pour ce faire, celui-ci lui ayant fait miroiter qu’il pourrait obtenir le poste convoité de Président de la Commission européenne. Il a été lui aussi trompé parce que les Allemands l’ont lâché bien avant que les accords de sortie de l’Union soient finalisés, préférant la docile et sûre Von Der Leyen. Quelle était la mission de Barnier ? Elle était double, d’abord trainer en longueur en espérant un second référendum qui renverserait le précédent résultat, ça ne s’est pas produit. Ensuite il pensait pouvoir faire très mal à l’économie britannique, tellement mal que celle-ci ne s’en remettrait pas et que cela dissuaderait les éventuels prétendants à une sortie. Ces deux objectifs ont été ratés. Ils ont cependant indiqué quelle serait à l’avenir la bonne méthode pour prendre la porte : sortir d’abord, négocier ensuite ! On a vu que chaque fois qu’on discute trop longtemps avec la bureaucratie bruxelloise, on se met en difficulté. Ce fut l’échec de Tsípras qui pensait que grâce à la négociation il obtiendrait quelques miettes. Mais il n’a obtenu que le déshonneur d’avoir bradé son pays et l’Union européenne lui a craché dessus.
Macron évidemment a fanfaronné comme à son habitude, il ne sait faire pas grand-chose d’autre, arguant que grâce à la fermeté et à l’union du reste de l’Europe contre l’ennemi britannique il aurait gagné une guerre difficile « l’unité et la fermeté européennes ont payé »[5]. Oubliant au passage que les Britanniques ont été souvent aux avant-postes de la lutte contre la tyrannie allemande. C’est faux, cet accord est une défaite en rase campagne pour lui et pour Merkel, et une victoire pour le camp souverainiste, qu’il soit britannique ou autre. L’Union européenne est perdante sur au moins deux points : d’abord sur le fait que le Royaume Uni abondait le budget européen pour un niveau net de 7 milliards d’euros. Or ce manque va se répercuter inévitablement sur les subventions que la Commission européenne distribue vers les pays de l’Est comme la Pologne et la Hongrie. C’est seulement parce qu’elle achète à prix d’or les gouvernements de ces pays qu’elle peut continuer à développer son programme, mais qu’en sera-t-il dans les années qui viennent ? Bien avant la conclusion du Brexit, la Pologne manifestait déjà des tentations de se séparer de l’Union européenne. Cela veut dire que la Commission de la faible Von Der Leyen va encore plus de mal à imposer sa politique d’immigration de masse dans les pays membre du Groupe de Visegrad. Le second point est que les Européens ont parié sur le fait que la croissance économique du Royaume Uni s’écroulerait. Comme je l’ai dit au début de ce billet, il n’y a pas plus de raison pour que l’économie s’écroule dans ce pays plutôt qu’en Europe. C’est même l’inverse. Dans la mesure où l’Union européenne entretenait un commerce excédentaire avec le Royaume Uni, une sortie des accords ne peut que lui être défavorable. Theresa May avait commencé à développer un plan de réindustrialisation de son pays. La sortie effective de l’Union européenne devrait accélérer ce mouvement y compris grâce à des relocalisation ou des IDE. Contrairement à ce que certains avaient prédit en 2016, au prétexte que la confiance ne serait plus là, la croissance britannique ne s’est pas effondrée et s’est maintenue. Même si le contenu est difficile à connaître, il fait près de 2000 pages tout de même, il ne semble pas que fondamentalement la position du Royaume Uni sera celle d’une île isolée comme font semblant de croire certains députés européiste[6] ! On continuera à circuler et à commercer avec ce pays, même si ce sera un petit peu moins. En outre les sommes que les britanniques récupéreront en ne participant plus au budget commun permettront de réinvestir comme l’ont promis Theresa May puis Boris Johnson dans les services publics qui ont été très dégradés depuis les mandatures de Margaret Thatcher puis de Tony Blair. Sur le plan commercial, c’est un autre camouflet pour l’Europe, les Britanniques, cela n’a pas encore été trop discuté, ont ainsi obtenu exactement ce qu’ils voulaient, un accord de libre-échange pour les marchandises, sans obligation aucune, alors justement que les équipes assez incompétentes de Barnier menaçaient de mettre des taxes et des quotas en veux-tu en voilà pour gêner le Royaume Uni[7]. Également les Britanniques ont obtenu une victoire capitale sur les équipes de Barnier en refusant d’adhérer à la tutelle de la Cours européenne de justice dont on connaît les travers anti-démocratiques et autoritaires poussés jusqu’à l’absurde[8]. En échange ils ont accepté, mais ce n’est pas un mal pour eux finalement, des normes de production plus contraignantes sur le plan sanitaire et environnemental.
Le problème du Royaume Uni est ailleurs. Bien que l’accord ait ménagé l’Irlande en ne rétablissant pas une frontière effective, les tentations indépendantistes risquent de reprendre de plus belle. L’Ecosse va réclamer son indépendance. La première ministre Nicola Sturgeon a avancé que c’était le moment, puisque tout le monde est sous le choc de remettre sur le tapis l’indépendance de son pays[9]. Cet opportunisme prétend ne pas attendre de voir ce que donnera concrètement le Brexit car en effet celui-ci risque de démontrer aussi ses vertus. Les Ecossais qui ont toujours souffert de la domination de l’Angleterre, pensent qu’ils seraient mieux lotis dans le cadre de l’Union européenne. Il va de soi que l’Union européenne soutient cette idée qui affaiblirait le Royaume Uni. Tout ce qui peut démontrer que sortir de l’Union européenne est puni d’une manière ou d’une autre est bon pour la propagande européiste. C’est un peu la boîte de Pandore, le souverainisme risque aussi de faire des dégâts ailleurs qu’au sein de l’Union européenne.
Les Britanniques ont donc franchi l’ultime étape de la sortie. Ils ont créé un précédent dans la logique de dissolution de l’Union européenne. Ils ont donc mis un terme à l’idée selon laquelle l’histoire ne pourrait aller que dans le sens d’une intégration toujours plus grande des marchés dans la dissolution des entités nationales, vers un monde sans frontières[10]. Le Royaume Uni était entré dans le cirque européen en 1973, ils en sortent 47 ans plus tard, après avoir d’ailleurs refuser d’adopter la monnaie unique, démontrant par ce simple fait que l’Union européenne n’a pas su convaincre les britanniques de son utilité : l’idée générale était que le coût de demeurer dans l’Union était finalement bien plus élevé que les avantages y afférant ! Certains européistes considèrent qu’il sera plus facile d’avancer sans eux qu’avec eux. Mais on suppose qu’ils diront cela chaque fois qu’un pays membre se retirera de ce cirque. En 2011 on parlait déjà de mettre à la porte la Grèce, puis les Allemands se sont dit que tout de même en gardant ce pays dans l’Union il serait plus facile de le piller. Car il ne faut pas se faire d’illusion, la politique européenne se fait à Berlin et non pas à Bruxelles. Si on voit très bien comment Merkel a mis en place un gouvernement de l’Union européenne sous la direction de Berlin, on ne voit pas qu’elle est la dissidence ce Von Der Leyen ou même de Macron avec cette logique. Macron qui n’a peur de rien a twitté « l’Europe avance et peut regarder vers l’avenir, unie, souveraine et forte »[11]. Il est stupide de parler de souveraineté de l’Europe puisque ce n’est ni une nation, ni un peuple, à peine un marché, mais en outre se féliciter qu’un des pays membres parmi les plus importants la quitte pour dire que l’Europe avance c’est plutôt fort ! C’est un peu comme décréter que le groupe parlementaire des LREM se renforce au fur et à mesure que les députés le quittent !
[1] https://www.businessinsider.fr/jacques-attali-brexit-royaume-uni-suicide-2019
[2] Karl
Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848.
[3] Friedrich
List, Système national d’économie politique, 1841.
[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/26/accord-sur-le-brexit-amer-soulagement_6064549_3232.html
[5] https://www.lefigaro.fr/politique/emmanuel-macron-se-felicite-de-l-accord-post-brexit-l-unite-et-la-fermete-europeennes-ont-paye-20201224
[6] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-le-royaume-uni-va-etre-isole-les-relations-avec-l-europe-seront-difficiles-s-inquietent-des-deputes-francais_4234363.html
[7] https://www.lesechos.fr/monde/europe/brexit-londres-est-parvenu-a-repliquer-la-quasi-totalite-des-accords-commerciaux-europeens-1276524
[8] https://www.dhakatribune.com/opinion/op-ed/2020/12/26/op-ed-brexit-deal-done
[9] https://www.leparisien.fr/international/apres-le-brexit-la-tentation-de-l-independance-en-ecosse-26-12-2020-8416166.php
[10] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2020/12/retour-sur-la-question-des-frontieres.html
[11] https://www.ouest-france.fr/europe/grande-bretagne/brexit/brexit-pour-emmanuel-macron-l-unite-et-la-fermete-europeennes-ont-paye-7100020
mercredi 23 décembre 2020
Théories du complot, causes et conséquences
Les théories du complot existent depuis très longtemps, sans
doute parce qu’elles fascinent ceux qui se livrent à leur développement comme
ceux qui les suivent, mais aujourd’hui, elles sont tellement déchaînées
qu’elles fracturent la société dans tous les sens et rien ne semble pouvoir
freiner leur expansion. Trop souvent elles sont analysées comme de simples
aberrations de l’esprit et non comme un élément structurant de la vie politique.
Les récentes élections américaines et la tentative de coup d’Etat de Trump ont
mis en lumière la profondeur que ces théories peuvent atteindre. Si nous
suivons les trumpistes dans leur folie furieuse, nous comprenons que Trump a
perdu les élections, on, pas parce qu’il était mauvais, mais parce que le vieux
Biden avait monté une fraude à grande échelle dans laquelle se trouvaient
impliqués Hugo Chavez – bien qu’il soit mort depuis sept ans maintenant –
George Soros (le repoussoir parfait), les communistes, les sectes
satano-pédophiles et j’en passe. Cette liste s’est allongée au fur et à mesure
que les juges, l’Attorney general et la Cour Suprême récusaient la fraude
massive et géénralisée. Si ces gens souvent proches de Trump ne voulaient pas
reconnaitre ce complot, c’était bien la preuve que celui-ci existait puisque les
complotistes démocrates avaient infiltré toutes les institutions pour voler le
résultat promis à Trump désigné comme une sorte de preux chevalier descendu
parmi nous pour combattre le dragon. Peu importe que les personnes porteuses de
cette idée aient transformer les Etats-Unis en une sorte d’asile d’aliénés
géante, peu importe si les leaders de la diffusion de cette idée de complot
sont des escrocs notoires qui sont tous en difficulté avec la justice. Peu
importe tout ce que vous pourrez dire, vous demanderez des preuves ? Ils
vous diront que c’est bien connu du monde entier. Cette dérobade couvre
évidemment ce profond désarroi de ne comprendre rien, et c’est pourquoi les
théories complotistes prospèrent outre-Atlantique. C’est aussi un business
tranquille pour peu qu’on ait le « talent » de se positionner sur ce
marché singulier.
Cette folie a gagné maintenant l’Europe. On trouve même des
trumpistes français, à droite comme à gauche qui reprennent cette idée loufoque
selon laquelle la fraude a été massive sans broncher. D’autres théories du
complot de grande ampleur fleurissent actuellement, par exemple en ce qui
concerne les vaccins, on ne se contente pas d’être contre la vaccination pour
des effets secondaires plus ou moins connus, mais on suppose que le virus du
COVID-19 a été créé soit pour dépeupler la planète, soit pour nous obliger à
nous faire vacciner de façon à ce qu’on se fasse implanter des puces invisibles
qui nous contrôlerons et nous réduirons en esclavage, soit pour enrichir Big
Pharma sur notre compte. Alex Jones un escroc notoire très proche de Trump
développe ces thèses sur son site Infowars qui est suivi par des
centaines de milliers d’Américains. Il fait suivre ces analyses d’un appel à la
rébellion, donc à la guerre civile pour sauver l’Amérique du communisme, et
lui-même des tracas de la justice qui le poursuit dans plusieurs dossiers
copieux. Les médias dominants aux Etats-Unis s’appliquent à démontrer que les
thèses qu’Alex Jones développe sur Bill Gates sont totalement sans fondement,
mais les croyants n’en ont cure. Que les grands médias veuillent démasquer
cette bêtise à front de taureau est au contraire la preuve que Jones a raison
et qu’on cherche à le persécuter. Les complotistes cependant sont assez bien
aidés par l’antipathie que dégagent naturellement des gens comme George Soros
ou Bill Gates.
La bonne question est de savoir pourquoi les thèses complotistes ont-elles un aussi grand succès alors que manifestement elles sont construites sur du vent ? Le site Conspiracy watch passe son temps à démonter ces théories complotistes, en regardant ceux qui y adhérent comme de simples imbéciles[1]. Ce n’est pas faux, mais c’est très insuffisant, on pourrait tout aussi bien renvoyer de la même manière l’ensemble des croyants, chrétiens, musulmans, juifs, ou autres à un manque flagrant de pensée rationnelle. Lordon soutient fort justement que si les théories complotistes fleurissent comme jamais, c’est d’abord le résultat d’une dévalorisation continue des paroles institutionnelles[2]. Dans cet effondrement de la parole institutionnelle, il y a deux phénomènes, le premier est cette idée selon laquelle il faut apprendre à penser par soi-même et donc douter de tout ce qu’on nous raconte. Dans ce sens la pensée scientifique parait elle aussi participer d’une sorte de « complot » destinée à nous contraindre. C’est une manière détournée de critiquer la technologie. Parmi les théories complotistes, on trouvera de nombreux développement sur les méfaits de la 5G par exemple ou des compteurs Linky, ou encore sur le fait que des accidents nucléaires soit cachés, ce qui n’est pas sans fondement.
Et puis, il y a que les gouvernements, la presse, nous ont
tellement habitués aux mensonges répétés que par principe on ne les croit plus.
On se souvient d’Agnès Buzyn avançant que le risque que le COVID-19 s’installe
chez nous était proche de zéro, avant d’ajouter plus qu’elle avait tout fait
pour prévenir la pandémie[3].
Autrement dit nous avons le choix entre une théorie officielle et officialisée
par les médias dominants et une théorie développée par des semi-fous,
intéressés par sa propagation dans le but de faire fortune ou d’alimenter les
tensions sociales. Les « décodages » qu’on trouve vie Le monde ou
Libération sont très souvent peu convaincants, et pire encore ils
semblent être là pour conforter une théorie vaseuse. La première raison d’une
croyance dans une théorie du complot est bien que des complots il y en a eu, il
y en a et il y en aura encore. Regardons le tableau ci-dessous. On voit qu’il
mêle tout et n’importe quoi. Par exemple en France 16% des personnes
interrogées pensent que l’homme n’a jamais été sur la lune, 9% pensent que la
terre est plate. Il est facile de voir que ces croyances ne sont pas de même
nature que celles qui avancent qu’il y a une collusion entre le gouvernement et
l’industrie pharmaceutique ou qu’il y a un grand remplacement, ou encore que la
CIA a été impliquée dans l’assassinat de Kennedy. Dans le second groupe nous
avons un taux d’adhésion entre 48 et 55 %. Mais il faut dire que cela repose
aussi sur des faits. La collusion entre les laboratoires et les gouvernements
est avérée, bien que cela ne veuille pas dire que ce sont les laboratoires qui
s’amusent à créer des virus pour se faire de l’argent. La théorie du grand
remplacement est alimentée par le fait que des quartiers entiers deviennent des
territoires perdus de la République c’est visible à l’œil nu[4].
En vérité dans le développement des théories du complot il y a bien autre chose encore. Il y a une forme d’impuissance politique qui se manifeste. « A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire » disait Orwell dans 1984. Orwell qui est malheureusement récupéré maintenant par les complotistes. Et donc dès qu’on se trouve désemparé devant un mensonge officiel, alors on s’empare d’une théorie loufoque comme d’un acte révolutionnaire au nom de la vérité. Par exemple une partie des Américains qui soutiennent Trump pensent que celui-ci se bat dos au mur contre l’oligarchie. Ils ne réfléchissent pas au simple fait que celui-ci appartient lui-même à l’oligarchie la plus corrompue. Ils ne tiennent pas compte même du fait qu’il aura été le plus grand menteur de tous les temps en politique, alors que pourtant sur ce terrain la concurrence est pourtant rude[5]. Mais justement c’est là qu’il devient intéressant parce qu’en mentant ouvertement il soude derrière lui les croyants, plus il ment, plus il les soude, plus il fait apparaître ceux qui combattent ses théories complotistes comme des gens qui ont quelque chose à cacher. Autrement dit si les Américains, gens crédules par principe, adhèrent facilement aux théories du complot – même d’ailleurs si celles-ci se contredisent l’une l’autre – c’est parce qu’ils pensent qu’ainsi ils produisent une réflexion et qu’ils retrouvent une autonomie politique. On pourrait ainsi qualifier les adeptes des théories du complot comme des révolutionnaires paresseux. Très mécontents de la société dans laquelle ils vivent pour des raisons multiples et variées, ils se rabattent vers des discours qui confortent leurs aigreurs et qui en même temps les paralysent pour agir puisqu’en effet si la vie sociale et politique est dominée par des sectes pédo-satanistes surpuissantes, il n’y a pas de possibilité d’y échapper. Les complotistes adorent les discours de violence, par exemple pour les conséquences des élections perdues par Trump, ils en appellent à la loi martiale et à un coup d’Etat. Ils répandent même que ce coup d’Etat est déjà en marche et programmé parce que Trump a vu beaucoup plus loin que tout le monde ! Le 19 décembre, on a fait état d’une réunion houleuse à la Maison Blanche où certains affidés de Trump, dont le délinquant Michael Flynn récemment sorti de prison par la grâce du président battu, ont tenté de lui forcer la main pour qu’il accomplisse un coup d’Etat et réorganise une nouvelle élection[6]. Mais il semble que cette forme de fascisme ne soit pas compatible avec les Etats-Unis et Trump y aurait renoncé. S’il avait accéder à cette demande, il aurait entraîné les Etats-Unis dans la guerre civile avec la quasi-certitude de perdre. On voit que dans ce cas-là le développement des thèses complotistes aurait servi de justification du coup d’Etat, un peu comme l’incendie du Reichstag qui servi à Hitler de prétexte pour suspendre les libertés et établir une dictature. Mais dans la réalité les trumpistes sont très peu nombreux pour s’engager réellement dans une guerre civile, heureusement sans doute. Ils préfèrent paresser devant leur ordinateur à lire les dépêches de The epoch times en buvant leur café, du reste même les manifestations programmées pour aider Trump dans sa tentative de coup d’Etat n’ont pas mobilisé grand monde. C’était autre chose au moment de la Guerre du Vietnam.
Les Proud boys sont peu
nombreux pour mener une guerre, heureusement
A première vue le complotisme actuel s’apparente à une régression intellectuelle, une incapacité à analyser des phénomènes sociaux, économiques et politiques complexes. Et en effet, cela s’accompagne d’une régression du niveau scolaire principalement dans les pays occidentaux qui ont fait une mue vers le néolibéralisme, tandis que les mêmes tests dans les pays asiatiques indiquent une progression nette[7]. Mais ce défaut éducatif n’est pas suffisant pour expliquer cet engouement pour les théories complotistes. C’est un peu comme si on avait longtemps mis un couvercle sur cette possibilité et que maintenant tout le monde se lâche dans cette forme nouvelle de créativité. Gavin McInness, le leader des Proud boys est ouvertement raciste et nazi. Et cette position en marge le fait connaître et lui permet de mener un business florissant via les réseaux sociaux. Mais dans la réalité, s’il prône la violence, il n’a pas beaucoup de troupes prêtes à le suivre sur ce chemin scabreux. Alex Jones est sur la même ligne très symboliquement enragée. Ces théories pour violentes qu’elles soient ne mènent pas à grand-chose sur le plan concret, au contraire elles confortent les consommateurs dans leur passivité. Au fond elles sont le symétrique des mensonges officiels : les uns nous disent tout va bien, tout est sous contrôle, les autres, tout va mal, le monde s’effondre. Elles sont là non pas pour combattre les mensonges mais par leur extravagance, elles les confortent. Elles ne dénoncent pas les complots, elles les appellent. Ces tendances qui existent depuis que l’homme sait écrire, sont maintenant amplifiées par les réseaux sociaux sur lesquels l’information comme la désinformation ne sont pas filtrées. Là où Trump a innové et de beaucoup, ce n’est pas tellement qu’il ait menti plus qu’aucun autre président avant lui, c’est qu’il s’est placé en même temps des deux côtés de la barrière, il a fait du mensonge d’Etat dont il était le garant à la fois un instrument de propagande, mais aussi un objet de haine en prétendant combattre l’Etat profond, comme si cela était possible qu’en tant que chef de l’Etat sensément le plus puissant de la planète, il se devait de le combattre comme une sorte de Moloch, comme s’il n’appartenait pas lui-même de par sa fortune, de par sa naissance et de par sa fonction à l’oligarchie ! Le complotisme est toujours une avancée de la décomposition d’un système.
Les trumpistes aiment jouer
avec l’idée de pédophilie qui serait l’apanage de l’Etat profond
Le succès des thèses complotistes reposent largement sur leur grande simplicité. A un problème quelconque on désigne un ennemi tapis dans l’ombre qui guette le moindre de vos faux pas. Cela a deux avantages, d’abord d’être compréhensible par à peu près n’importe qui, ensuite de donner la satisfaction à ceux qui adhéreront à cette « théorie » de découvrir quelque chose de cacher, et donc d’être à leur tour des initiés. Le développement inattendu des thèses complotistes de ces dernières années a eu un résultat surprenant, celui de ramener la thèse du complot juif, aussi criminelle soit-elle, à une dimension qui va au-delà de l’antisémitisme. Elles font apparaitre l’antisémitisme comme une théorie complotiste parmi tant d’autres et dévoile en quelque sorte son fondement. Bien sûr de très nombreux complotistes continuent à amalgamer Soros, Rothschild et quelques autres avec un complot juif destiné à dominer la planète, mais ils sont en train de devenir minoritaires : plus le complotisme devient massif et moins le complot juif a d’importance. Il est vrai que Trump en se déclarant soutien inconditionnel d’Israël a quelque peu fait baisser le poids de l’idée selon laquelle les Juifs sont toujours dans les mauvais coups. Aujourd’hui ils sont officiellement remplacés par les sectes pédo-satanistes ou bien entendu les enfants sont sacrifiés à des cultes sexuels orgiaques. C’est une reprise en mineur de la thèse selon laquelle les Juifs sacrifient les enfants non-Juifs pour leurs rituels. Le fait que Jeffrey Epstein ait été impliqué dans des scandales sexuels avant de se suicider – ou d’être suicidé c’est selon l’idée qu’on se fait de l’étendue du complot – bien sûr est souvent mis en avant. Certains ont même avancé que Trump avait libéré des caves des centaines d’enfants enlevés et abusés. Cependant les complotistes ne sont pas vraiment des révolutionnaires épris de liberté, ils sont partisans d’un ordre policier, de faire le ménage par tous les moyens, donc d’épurer ceux qui se révèlera irréformables. En ce sens ils sont dans la ligne des dictatures nazi et stalinienne qui désignait tout opposant comme un individu complotant contre le régime et par voie de conséquence contre la patrie ! On a vu ça dans l’Allemagne nazi, dans la Russie de Staline, dans la Chine de Mao ou encore au Cambodge avec Pol Pot. Le complotisme est une autre façon d’élargir la notion de trahison à tout ce qui conteste le pouvoir en place sans donner d’explication précise, toute justification- est superflue.
Un des phénomènes importants dans le complotisme et qui est
rarement souligné, c’est pourtant l’esthétisme particulière qui l’accompagne
dans son imagination créative. Il utilise à la fois des slogans simples et en
même temps mystérieux – par exemple dans l’usage détourné des symboles de la
Franc-maçonnerie. La pieuvre est présente pour montrer à quel point le danger
est important, car une pieuvre a plusieurs tentacules et les couper tous n’est
pas un travail facile car elles repoussent au fur et à mesure. C’est le mythe
de la Méduse et de Persée, il faut frapper à la tête, la décapiter si on veut
s’en débarrasser. Mais frapper la tête n’est-ce pas aussi d’une certaine
manière vouloir aussi s’écarter de la connaissance et de la rigueur que cela
implique ? Revenir à des formes instinctives de prises de position ? Comme on le voit ci-dessus, l’image de la pieuvre qui
renvoie au complotisme si elle a été véhiculée d’abord par l’extrême-droite,
n’est pas seulement l’apanage de celle-ci. On a utilisé ce terme pour représenter
la mafia qui a forcément un pouvoir occulte. La France Insoumise de Mélenchon
dans un confusionnisme extrême l’a utilisée aussi comme si elle entendait
libérer l’Europe – il n’est donc plus question d’en sortir – d’un lobby
forcément complotiste. Eux-aussi nous demandent d’ouvrir les yeux comme
n’importe quel disciple de QAnon.
Mais il y a une certaine poésie ches les complotistes, à condition de ne pas les prendre au sérieux bien sûr. Ils récréent une vérité alternative, c’est du domaine des contes de fées, peuplés de perosnnages malfaisants qui perdent l’ultime bataille. Leur langage c’est celui de l’Apocalypse ou des films de zombies. Ils jouent à se faire peur, après l’effondrement à cause de nos péchés, viendra le recommencement sur la base d’un ordre vertueux fondé sur les vertus supposées d’un ordre nouveau. C’était évidemment la rhétorique nazie qui avait largement utilisé ce besoins de pureté des masses qui ont l’impression de vivre dans la fange et de patauger dans une vie sans avenir. La question du virus et du vaccin qu’on a créé pour tenter de vaincre la pandémie amène les complotistes à refaire surgir la figure du savant fou qui de la figure fictive du docteur Frankenstein à celle bien réelle du docteur Mengele ravive les peurs d’une manipulation à grande échelle pour transformer l’humanité en quelque chose de peu acceptable.
Evidemment le 18 décembre il
ne s’est rien passé !
[1] https://www.conspiracywatch.info/
[2] https://blog.mondediplo.net/paniques-anticomplotistes
[3] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/direct-coronavirus-la-direction-generale-de-la-sante-tient-une-conference-de-presse-a-19h15_3794499.html
[4] Emmanuel
Brenner, Les territoires perdus de la Républiques, Editions des milles
et une nuit, 2002.
[5] https://www.rtl.fr/actu/international/etats-unis-donald-trump-a-depasse-la-barre-des-20-000-mensonges-7800667836
[6] https://edition.cnn.com/2020/12/19/politics/trump-oval-office-meeting-special-counsel-martial-law/index.html
[7] https://www.linternaute.com/actualite/education/1310839-pisa-2022-le-dernier-classement-et-les-resultats-de-la-france-mis-en-perspective/
samedi 19 décembre 2020
Nouvelles manifestations contre la loi sécurité globale dans toute la France
Strasbourg le 19 décembre
2020
Samedi 19 décembre on a encore manifesté dans toute la France.
Les Gilets jaunes s’étaient annoncés pour cette journée. Le thème était le
retrait de la loi Sécurité globale, et il est vrai que les Gilets jaunes depuis
plus de deux ans maintenant sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut pour aux
violences policières. Aux Gilets jaunes s’étaient joints d’autres petits groupes,
comme Attac par exemple. Ce ne fut pas une très grande journée de mobilisation,
mais il est tout de même singulier que depuis que Macron a été élu, ça
manifeste avec constance pratiquement tous les samedis, malgré la répression et
malgré les conditions rendues difficiles par le COVID-19 et le confinement. Cette
mobilisation relativement faible montre cependant que la colère des Français
est toujours bien présente, tandis que Macron est à son tour à l’isolement pour
cause de COVID-19, avec la plupart de ses convives qu’il avait invités à
partager des agapes à plus de 6 autour de la table et bien sûr sans masque et
sans gestes barrières ! Cela ne peut qu’exaspérer encore un peu plus
contre lui qui semble dire faites ce que je vous dit mais ne faites pas ce que
je fais. Sur les réseaux sociaux on a moqué le gouvernement et Macron, comme d’habitude,
un peu plus que d’habitude. Mais on a moqué aussi l’ineffable Jérôme Salomon qui
est venu faire la leçon en disant que pour Noël, si on le pouvait pour les
réunions familiales, il valait mieux manger dehors[1] !
On se prend à penser que les SDF ont finalement beaucoup de chance puisque non
seulement ils mangent dehors, mais en plus ils profitent du bon air de la nuit.
Encore que cette affaire n’est pas très claire puisqu’en théorie nous vivons avec
le couvre-feu parce que le COVID-19 semble comme Dracula sortir de sa boîte
plutôt la nuit entre 20 h et 6 h précisément. Vous me direz que les bêtises de
Salomon vaut bien la farce de Castex qui nous disait d’aller au ski mais surtout
de ne pas prendre les remontées mécaniques.
Brest le 19 décembre 2020
Tout cela fait apparaitre ce gouvernement comme bon à rien et même mauvais à tout. Incapable de définir une politique cohérente face à la pandémie, il mise tout sur la répression. Et pourtant après trois ans de répression aussi sauvage que continue, Macron en est au même point : les Gilets jaunes sont toujours là ! En dehors de la Résistance entre 1940 et 1945 et de la Guerre de cent ans, je ne vois pas quel autre mouvement aura duré autant. On peut toujours discuter du contenu de ces manifestations, où se retrouvent des Gilets jaunes, des gauchistes ou encore des indigénistes. Mais ce n’est pas une nouveauté de constater ce mélange des genres. Doit-on s’en désoler ou s’en réjouir ? C’est difficile à dire. Mais cela augure bien mal de ce qui va se passer en février lorsque le filet du chômage partiel n’existera plus et que les inscriptions au chômage vont s’envoler avec la multiplication des faillites. Il est très probable que le réveillon du Jour de l’An se passe très mal aussi pour cause de confinement.
Paris le 19 décembre 2020
Evidemment les grands médias n'ont pas pris la peine de relayer ces informations, ils sont dans la position de l'autruche et feignent de ne pas voir, attendant que tout cela se passe, sans même se donner la peine d'analyser.
[1] https://fr.sputniknews.com/france/202012181044953951-manger-en-exterieur-a-noel-la-recommandation-de-jerome-salomon-qui-divise/
vendredi 18 décembre 2020
Macron, l’écologie et son référendum
Ainsi que le signalait Françoise Fressoz, la marraine de
Macron en politique si on veut, dans un articulet publié dans Le monde où
elle est payée pour définir la ligne politique du journal, le bilan de son
petit protégé sur le terrain de l’écologie est désastreux[1].
Parmi les actes effectifs qu’il a pris en faveur de la destruction de l’écosystème,
il y en a deux qui sont très emblématiques de ce qu’il est : d’abord la réautorisation
du glyphosate dans la culture de la betterave pour faire plaisir au lobby de
Bayer-Monsanto, et puis la ratification du CETA, je passe sur le fait qu’il a
fait basculer l’Union européenne vers la prolongation de l’utilisation du glyphosate
et que cela avait été antérieurement une des causes de la démission du pourtant
très conciliant Nicolas Hulot. De la même manière il soutient – comme le
lobbyiste Edouard Philippe – le secteur du nucléaire en disant que cette
énergie est très propre, sauf évidemment que la question des déchets n’a jamais
été réglée et n’est pas près de l’être[2].
Je ne parle même pas des décisions ignobles en faveur de la chasse et de la chasse
à courre. L‘impossible implication de Macron dans la lutte contre le réchauffement
climatique provient de deux choses :
– d’abord d’un manque de connaissances en matière de théorie
économique qui lui fait croire qu’en dehors de la croissance économique, il n’y
a pas de solution, et donc qu’il faut absolument augmenter les capacités
productives de la nation dans tous les domaines, produire de l’énergie « propre »
ce qui est un oxymore, produire plus dans l’agriculture pour qu’elle soit rentable,
etc. ;
– ensuite du fait qu’il est complètement prisonnier ou
complice, ce qui revient au même, des lobbies qui le financent et qui le
soutiennent.
Pour résumer Macron et la plupart des politicards sont prêts
à faire de l’écologie à condition que cela n’enraye pas la trajectoire de la
croissance et des profits. C’est ce qu’il veut dire lorsque devant la Convention
citoyenne il affirme « Les choix pris pour l'écologie doivent être acceptables
par les Français »[3].
Pour lui, les Français ce sont lui-même et les « décideurs » économiques.
Il reste dans le moule de la pensée dominante selon laquelle la croissance est
un impératif, ou encore qu’elle permettra, comme le prétendent certains
économistes, de financer la transition écologique. En disant cela il fait deux
choix :
– le premier est de mentir effrontément une fois de plus aux
Français, car il avait dit antérieurement qu’il appliquerait les
recommandations de la Convention citoyenne « sans filtre », or non
seulement il va récuser toutes les propositions qui ne lui plaisent pas, mais
il a aussi envoyé des experts surveiller les travaux de cette convention pour
tenter de les circonvenir et de les orienter vers ce que eux jugent possible de
faire ;
– le second de n’accepter qu’une forme de transition écologique qui serait celle d’un simple remplacement de techniques polluantes par des techniques moins polluantes mais qui viseraient toujours le même but d’augmenter la consommation. Donc on va faire de l’éolienne, ou on va financer le remplacement des automobiles diesel par des voitures électriques, avançant que cela créera de la valeur, des emplois et des profits, tout le monde serait gagnant. Mais nous savons maintenant que d’une manière ou d’une autre il n’y a pas d’énergie propre, ou de voiture propre[4], tout au plus déplace-t-on le problème.
Le piège de la Convention citoyenne s’est refermé sur
Macron. Celui-ci avait dans l’idée lorsqu’il a été malencontreusement élu de
libérer les forces du marché, privatiser tout ce qui pouvait encore l’être,
appuyer sur une majorité de Play mobil sans conscience qui voteraient tout et n’importe
quoi. Mais les Gilets jaunes ont soudainement fait leur apparition et ont
commencé à pourrir la vie de Macron et à enrayer l’expansion du néolibéralisme,
ce que ni les partis d’opposition, ni les syndicats n’étaient arrivés à faire. Cette
irruption spontanée a obligé Macron à revenir complètement sur son projet :
– d’abord il a dû trouver de l’argent pour satisfaire au
moins partiellement les revendications des Gilets jaunes, alors que jusque-là
il prônait un équilibre budgétaire douteux comme la règle incontournable de la
bonne gouvernance et une référence aux saines lois du marché qui
garantissent la prospérité et l’amélioration du sort des plus démunis. Il
prétendait appliquer sans filtre les recommandations de Bruxelles.
– ensuite il a dû, contraint et forcé, prendre en
considération les revendications de démocratie directe portées par les Gilets
jaunes. Cette revendication a encouragé la lutte contre la privatisation d’ADP
qui a lamentablement échoué. Mais l’idée de RIC – Référendum d’Initiative
Citoyenne – l’a engagé lors du Grand débat à promettre un référendum pour mimer
une parodie de consultation populaire.
Depuis cette période il cherchait donc un référendum qu’il
pourrait gagner facilement. Il pense maintenant tenir le bon bout en proposant
d’inscrire dans l’article 1 de la Constitution l’addendum suivant : « La
République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et
la lutte contre le dérèglement climatique. » L’idée stupide des
communicants cyniques qui entourent Macron est que personne ne pourra se
déclarer contre le climat et donc que la victoire sera aisée. En outre en
orientant les débats vers un référendum destiné à faire passer Macron pour un
écologiste permettront de passer sous silence le fait que lui-même n’a tenu
aucun de ses engagements sur le réchauffement climatique. Jadot, toujours prêt
à trahir une cause quelle qu’elle soit, s’est d’ailleurs précipité pour dire qu’il
voterait « oui », certes en y mettant les formes, mais il votera « oui »,
ce sera une sorte de soutien critique[5].
Ce sera d’autant plus payant pour Macron qu’une telle inscription dans la Constitution
ne garantirait rien du tout en termes d’action en la matière et ne modifierait
en rien les règles qui se concoctent d’abord à Berlin et ensuite à Bruxelles. Par
exemple, l’article 2 de la Constitution nous dit Son principe est :
gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Mais ce type d’affirmation
ne dit pas de quelle égalité il peut bien s’agir, et justement la manière de
gouverner de Macron, montre que c’est au contraire une oligarchie qui gouverne
contre le peuple. Jadot s’apprête donc à voter pour Macron, comme il l’a fait
en 2017, comme de nombreux « gens » de gauche l’ont fait pour éviter
le chaos, on connait la suite. Le premier but de la manœuvre est donc de court-circuiter
la Convention citoyenne pour le climat qui est très récalcitrante et qui ne se
prive plus de critiquer le comportement dilatoire de Macron[6].
Il nous présentera cette fantaisie référendaire comme l’apothéose de cette
convention vidée de son sens premier.
Macron a cependant une qualité, celle de ne douter de rien,
mais c’est aussi un défaut, car il n’a pas bien calculé les conséquences de sa
proposition de référendum. D’abord elle doit être approuvée dans les mêmes
termes à la fois par l’Assemblée nationale et le Sénat. Bien que la
majorité macronienne se soit considérablement effritée depuis trois et demi[7],
ce projet de référendum sera approuvé avec l’aide éventuelle des EELV. Il n’en
va pas de même pour le Sénat qui pourrait juger ce projet « dangereux et
inutile ». Selon le professeur Dominique Rousseau « Sur le fond,
cette réforme est totalement inutile car la protection de l’environnement et de
la biodiversité a déjà un rang constitutionnel. Le 31 janvier 2020, le
Conseil constitutionnel a validé l’interdiction de produire en France et
d’exporter des pesticides interdits par l’Union européenne. Par cette décision,
il a fait prévaloir la protection de l’environnement sur la liberté
d’entreprendre et le droit de propriété. Donc sur le plan juridique, réviser la
Constitution ne changera rien. »[8]
Mais supposons que ce projet arrive à son terme, il va y avoir une campagne
électorale qui va démontrer très facilement que ce projet n’est qu’une manœuvre
politicienne pour masquer l’inertie de Macron en matière de lutte pour la
défense de l’environnement. Ce qui veut dire que le peu d’appétence des
Français pour les élections se traduira sur ce thème du réchauffement
climatique par une abstention probablement énorme qui démontrera le peu de
sérieux de l’exécutif. Obtenir 60% pour le oui avec une abstention de 80% sera tout
autant un échec qu’une victoire du non. C’est d’ailleurs toujours un peu comme
ça avec Macron, ses coups de publicité se retournent le plus souvent contre
lui. Le Grand débat comme la Convention citoyenne sur l’environnement furent
des publicités ruineuses qui ne produisirent finalement absolument aucun changement.
Tout le monde le sait. Au mieux il bénéficiera de l’indifférence des Français,
au pire ils voteront contre lui.
Pour ma part je pense que la meilleure position est encore
de s’abstenir de participer à cette farce, sans même se déranger pour voter non.
On voit d’ici les belles âmes qui nous diront qu’on ne joue pas le jeu de la
démocratie, c’est exactement le contraire, en s’abstenant on refuse de
participer à ce jeu de dupe, à ce détournement de l’idée de démocratie. La démarche
est biaisée parce que la question n’a pas de sens et qu’elle n’émane pas du
peuple lui-même. On ne peut pas en même temps défendre l’idée d’une démocratie
directe, et admettre que seule une élite autoproclamée autant que corrompue
peut poser les questions. Je rappelle que non seulement les politiciens gauche
et droite confondues ont refusé de valider le vote référendaire de 2005 contre
le TCE, mais qu’en outre Macron et son premier ministre de l’époque, le
lobbyiste Philippe, ont refusé qu’on organise un référendum sur la vente au
secteur privé des biens de l’Etat en l’occurrence ADP – Aéroport de Paris. C’est
seulement la pandémie du COVID-19 qui a empêché ce pillage manifeste du bien
public. Déjà que les Français ont de plus en plus de mal à se rendre aux urnes,
l’initiative du référendum de Macron va sans doute les éloigner encore plus de
ce jeu sans objet. S’abstenir c’est refuser de déléguer son pouvoir de décision
à des hommes politiques de profession. Le combat pour un monde moins pollué et
un peu plus vivable ne passe pas par le vote de trois lignes dans la
Constitution.
[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/15/les-faibles-signaux-que-la-gauche-emet-suffisent-a-inquieter-les-macronistes-qui-font-tout-pour-ne-pas-perdre-l-electorat-social-democrate_6063395_3232.html
[2] https://reporterre.net/Les-contre-verites-d-Emmanuel-Macron-sur-le-nucleaire
[3] https://www.20minutes.fr/planete/2932151-20201214-ecologie-doit-etre-acceptable-francais-affirme-macron-devant-convention-climat
[4] https://reporterre.net/Non-la-voiture-electrique-n-est-pas-ecologique
[5] https://www.bfmtv.com/politique/referendum-climat-jadot-denonce-un-coup-politique-mais-fera-campagne-pour-le-oui_AV-202012150093.html
[6] https://reporterre.net/En-coulisses-le-gouvernement-a-dezingue-des-propositions-de-la-Convention-citoyenne-pour
[7] https://www.nouvelobs.com/politique/20201216.OBS37637/nouveau-depart-chez-lrem-la-deputee-fiona-lazaar-claque-la-porte.html
[8] https://www.liberation.fr/france/2020/12/15/referendum-pour-le-climat-une-reforme-inutile-au-service-d-une-operation-politique_1808713
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