vendredi 18 décembre 2020

Macron, l’écologie et son référendum

  

Ainsi que le signalait Françoise Fressoz, la marraine de Macron en politique si on veut, dans un articulet publié dans Le monde où elle est payée pour définir la ligne politique du journal, le bilan de son petit protégé sur le terrain de l’écologie est désastreux[1]. Parmi les actes effectifs qu’il a pris en faveur de la destruction de l’écosystème, il y en a deux qui sont très emblématiques de ce qu’il est : d’abord la réautorisation du glyphosate dans la culture de la betterave pour faire plaisir au lobby de Bayer-Monsanto, et puis la ratification du CETA, je passe sur le fait qu’il a fait basculer l’Union européenne vers la prolongation de l’utilisation du glyphosate et que cela avait été antérieurement une des causes de la démission du pourtant très conciliant Nicolas Hulot. De la même manière il soutient – comme le lobbyiste Edouard Philippe – le secteur du nucléaire en disant que cette énergie est très propre, sauf évidemment que la question des déchets n’a jamais été réglée et n’est pas près de l’être[2]. Je ne parle même pas des décisions ignobles en faveur de la chasse et de la chasse à courre. L‘impossible implication de Macron dans la lutte contre le réchauffement climatique provient de deux choses :

– d’abord d’un manque de connaissances en matière de théorie économique qui lui fait croire qu’en dehors de la croissance économique, il n’y a pas de solution, et donc qu’il faut absolument augmenter les capacités productives de la nation dans tous les domaines, produire de l’énergie « propre » ce qui est un oxymore, produire plus dans l’agriculture pour qu’elle soit rentable, etc. ;

– ensuite du fait qu’il est complètement prisonnier ou complice, ce qui revient au même, des lobbies qui le financent et qui le soutiennent.

Pour résumer Macron et la plupart des politicards sont prêts à faire de l’écologie à condition que cela n’enraye pas la trajectoire de la croissance et des profits. C’est ce qu’il veut dire lorsque devant la Convention citoyenne il affirme « Les choix pris pour l'écologie doivent être acceptables par les Français »[3]. Pour lui, les Français ce sont lui-même et les « décideurs » économiques. Il reste dans le moule de la pensée dominante selon laquelle la croissance est un impératif, ou encore qu’elle permettra, comme le prétendent certains économistes, de financer la transition écologique. En disant cela il fait deux choix :

– le premier est de mentir effrontément une fois de plus aux Français, car il avait dit antérieurement qu’il appliquerait les recommandations de la Convention citoyenne « sans filtre », or non seulement il va récuser toutes les propositions qui ne lui plaisent pas, mais il a aussi envoyé des experts surveiller les travaux de cette convention pour tenter de les circonvenir et de les orienter vers ce que eux jugent possible de faire ;

– le second de n’accepter qu’une forme de transition écologique qui serait celle d’un simple remplacement de techniques polluantes par des techniques moins polluantes mais qui viseraient toujours le même but d’augmenter la consommation. Donc on va faire de l’éolienne, ou on va financer le remplacement des automobiles diesel par des voitures électriques, avançant que cela créera de la valeur, des emplois et des profits, tout le monde serait gagnant. Mais nous savons maintenant que d’une manière ou d’une autre il n’y a pas d’énergie propre, ou de voiture propre[4], tout au plus déplace-t-on le problème. 

Le piège de la Convention citoyenne s’est refermé sur Macron. Celui-ci avait dans l’idée lorsqu’il a été malencontreusement élu de libérer les forces du marché, privatiser tout ce qui pouvait encore l’être, appuyer sur une majorité de Play mobil sans conscience qui voteraient tout et n’importe quoi. Mais les Gilets jaunes ont soudainement fait leur apparition et ont commencé à pourrir la vie de Macron et à enrayer l’expansion du néolibéralisme, ce que ni les partis d’opposition, ni les syndicats n’étaient arrivés à faire. Cette irruption spontanée a obligé Macron à revenir complètement sur son projet :

– d’abord il a dû trouver de l’argent pour satisfaire au moins partiellement les revendications des Gilets jaunes, alors que jusque-là il prônait un équilibre budgétaire douteux comme la règle incontournable de la bonne gouvernance et une référence aux saines lois du marché qui garantissent la prospérité et l’amélioration du sort des plus démunis. Il prétendait appliquer sans filtre les recommandations de Bruxelles.

ensuite il a dû, contraint et forcé, prendre en considération les revendications de démocratie directe portées par les Gilets jaunes. Cette revendication a encouragé la lutte contre la privatisation d’ADP qui a lamentablement échoué. Mais l’idée de RIC – Référendum d’Initiative Citoyenne – l’a engagé lors du Grand débat à promettre un référendum pour mimer une parodie de consultation populaire.

Depuis cette période il cherchait donc un référendum qu’il pourrait gagner facilement. Il pense maintenant tenir le bon bout en proposant d’inscrire dans l’article 1 de la Constitution l’addendum suivant : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. » L’idée stupide des communicants cyniques qui entourent Macron est que personne ne pourra se déclarer contre le climat et donc que la victoire sera aisée. En outre en orientant les débats vers un référendum destiné à faire passer Macron pour un écologiste permettront de passer sous silence le fait que lui-même n’a tenu aucun de ses engagements sur le réchauffement climatique. Jadot, toujours prêt à trahir une cause quelle qu’elle soit, s’est d’ailleurs précipité pour dire qu’il voterait « oui », certes en y mettant les formes, mais il votera « oui », ce sera une sorte de soutien critique[5]. Ce sera d’autant plus payant pour Macron qu’une telle inscription dans la Constitution ne garantirait rien du tout en termes d’action en la matière et ne modifierait en rien les règles qui se concoctent d’abord à Berlin et ensuite à Bruxelles. Par exemple, l’article 2 de la Constitution nous dit Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Mais ce type d’affirmation ne dit pas de quelle égalité il peut bien s’agir, et justement la manière de gouverner de Macron, montre que c’est au contraire une oligarchie qui gouverne contre le peuple. Jadot s’apprête donc à voter pour Macron, comme il l’a fait en 2017, comme de nombreux « gens » de gauche l’ont fait pour éviter le chaos, on connait la suite. Le premier but de la manœuvre est donc de court-circuiter la Convention citoyenne pour le climat qui est très récalcitrante et qui ne se prive plus de critiquer le comportement dilatoire de Macron[6]. Il nous présentera cette fantaisie référendaire comme l’apothéose de cette convention vidée de son sens premier.

  

Macron a cependant une qualité, celle de ne douter de rien, mais c’est aussi un défaut, car il n’a pas bien calculé les conséquences de sa proposition de référendum. D’abord elle doit être approuvée dans les mêmes termes à la fois par l’Assemblée nationale et le Sénat. Bien que la majorité macronienne se soit considérablement effritée depuis trois et demi[7], ce projet de référendum sera approuvé avec l’aide éventuelle des EELV. Il n’en va pas de même pour le Sénat qui pourrait juger ce projet « dangereux et inutile ». Selon le professeur Dominique Rousseau « Sur le fond, cette réforme est totalement inutile car la protection de l’environnement et de la biodiversité a déjà un rang constitutionnel. Le 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a validé l’interdiction de produire en France et d’exporter des pesticides interdits par l’Union européenne. Par cette décision, il a fait prévaloir la protection de l’environnement sur la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. Donc sur le plan juridique, réviser la Constitution ne changera rien. »[8] Mais supposons que ce projet arrive à son terme, il va y avoir une campagne électorale qui va démontrer très facilement que ce projet n’est qu’une manœuvre politicienne pour masquer l’inertie de Macron en matière de lutte pour la défense de l’environnement. Ce qui veut dire que le peu d’appétence des Français pour les élections se traduira sur ce thème du réchauffement climatique par une abstention probablement énorme qui démontrera le peu de sérieux de l’exécutif. Obtenir 60% pour le oui avec une abstention de 80% sera tout autant un échec qu’une victoire du non. C’est d’ailleurs toujours un peu comme ça avec Macron, ses coups de publicité se retournent le plus souvent contre lui. Le Grand débat comme la Convention citoyenne sur l’environnement furent des publicités ruineuses qui ne produisirent finalement absolument aucun changement. Tout le monde le sait. Au mieux il bénéficiera de l’indifférence des Français, au pire ils voteront contre lui.  

Pour ma part je pense que la meilleure position est encore de s’abstenir de participer à cette farce, sans même se déranger pour voter non. On voit d’ici les belles âmes qui nous diront qu’on ne joue pas le jeu de la démocratie, c’est exactement le contraire, en s’abstenant on refuse de participer à ce jeu de dupe, à ce détournement de l’idée de démocratie. La démarche est biaisée parce que la question n’a pas de sens et qu’elle n’émane pas du peuple lui-même. On ne peut pas en même temps défendre l’idée d’une démocratie directe, et admettre que seule une élite autoproclamée autant que corrompue peut poser les questions. Je rappelle que non seulement les politiciens gauche et droite confondues ont refusé de valider le vote référendaire de 2005 contre le TCE, mais qu’en outre Macron et son premier ministre de l’époque, le lobbyiste Philippe, ont refusé qu’on organise un référendum sur la vente au secteur privé des biens de l’Etat en l’occurrence ADP – Aéroport de Paris. C’est seulement la pandémie du COVID-19 qui a empêché ce pillage manifeste du bien public. Déjà que les Français ont de plus en plus de mal à se rendre aux urnes, l’initiative du référendum de Macron va sans doute les éloigner encore plus de ce jeu sans objet. S’abstenir c’est refuser de déléguer son pouvoir de décision à des hommes politiques de profession. Le combat pour un monde moins pollué et un peu plus vivable ne passe pas par le vote de trois lignes dans la Constitution.


[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/15/les-faibles-signaux-que-la-gauche-emet-suffisent-a-inquieter-les-macronistes-qui-font-tout-pour-ne-pas-perdre-l-electorat-social-democrate_6063395_3232.html

[2] https://reporterre.net/Les-contre-verites-d-Emmanuel-Macron-sur-le-nucleaire

[3] https://www.20minutes.fr/planete/2932151-20201214-ecologie-doit-etre-acceptable-francais-affirme-macron-devant-convention-climat

[4] https://reporterre.net/Non-la-voiture-electrique-n-est-pas-ecologique

[5] https://www.bfmtv.com/politique/referendum-climat-jadot-denonce-un-coup-politique-mais-fera-campagne-pour-le-oui_AV-202012150093.html

[6] https://reporterre.net/En-coulisses-le-gouvernement-a-dezingue-des-propositions-de-la-Convention-citoyenne-pour

[7] https://www.nouvelobs.com/politique/20201216.OBS37637/nouveau-depart-chez-lrem-la-deputee-fiona-lazaar-claque-la-porte.html

[8] https://www.liberation.fr/france/2020/12/15/referendum-pour-le-climat-une-reforme-inutile-au-service-d-une-operation-politique_1808713

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