dimanche 27 décembre 2020

Brexit fin de partie, une double défaite pour l’Union européenne et pour Macron

  

Les négociations entre l’Union européenne et les Britanniques se sont soldées avec un accord final dont chacun s’est empressé de dire qu’il était à son avantage. Les libéraux sont comme ça, ils pensent être dans le sens de l’histoire et donc que la vie sociale, politique et économique va dans un seul sens, celui du progrès, bien que ce terme de progrès reste la plupart du temps particulièrement flou. Le cas de Jacques Attali, sans doute un des plus médiocres intellectuels de Cour, est emblématique. Toujours dans le déni, il pensait que le Brexit non seulement ne serait pas voté, mais qu’en outre il ne serait pas appliqué et que cela conduirait au suicide du Royaume Uni[1]. Il a ainsi bâti toute une théorie fumeuse pour nous expliquer que par-delà les volontés politiques, il y avait le marché qui crée des irréversibilités politiques et institutionnelles et parmi celles-ci il y aurait l’Union européenne dans quasiment tous les domaines. Jacques Attali est le champion toutes catégories de la prédiction erronée. Admettons que les lois du marché guident le monde. Mais il est assez évident que l’avenir du marché débridé et mondialisé conduit toujours à la crise et qu’on le veuille ou non la crise conduit inévitablement à un recul via les faillites et le chômage. Et donc il ne faut pas être bien malin pour comprendre que la mondialisation et ses excès conduisent forcément au retour de l’idée nationale et des frontières. Le Brexit n’est qu’une des expressions de la fin programmée de la mondialisation. En France et dans le reste de l’Union européenne on se garde bien de proposer un référendum sur la sortie ou non de ce « machin », c’est vrai depuis au moins 2005 et la défaite des européistes, et c’est encore plus vrai depuis la sortie programmée du Royaume Uni. Il est d’ailleurs très étonnant que nous puissions encore trouver à gauche des soutiens à l’Union européenne étant donné que celle-ci ne fonctionne que sur l’idéal de la concurrence, idéal qui est mauvais aussi bien pour les travailleurs, pour les services publics que pour l’environnement. Les lois du marché conduisent inexorablement à la diminution des droits des travailleurs. L’idéal de compétitivité exige aussi la braderie des services publics au secteur privé. Une des raisons qui avaient poussé Margaret Thatcher à démissionner c’est que les infrastructures britanniques s’effondraient au point de menacer le marché lui-même. C’est que le marché ne peut pas se passer de l’Etat. C’est d’ailleurs ce qu’a compris le néolibéralisme qui s’y entend à le piller. 

Le libre-échange, valeur fondatrice de l’Union européenne, n’est pas une valeur socialiste, mais bien capitaliste, c’est ce que Marx avait compris[2]. Et depuis Friedrich List on sait que le libre-échange n’est profitable qu’à la partie la plus avancée[3]. Parmi les raisons qui ont décidé les Britanniques à sortir de l’Europe et à retrouver leur souveraineté, il y a le déficit récurrent de la balance commerciale, déficit qui n’est pas contrebalancé par des aides ou des subventions puisque les Britanniques versaient plus d’argent qu’ils n’en recevaient. Autrement dit la participation des Britanniques à l’Union européenne ne produit aucun gain : le libre-échange est un jeu à somme nulle, au mieux. La France est dans le même cas que le Royaume Uni et c’est bien pourquoi il y a chez nous un puissant courant anti-européen. N’oublions pas que quand nous avons un déficit commercial cela se traduit par des pertes d’emplois, toujours. Et donc évidemment ces pertes d’emplois ne sont pas perdues pour tout le monde puisque certains pays, au premier rang l’Allemagne, ont grâce à l’Europe et à l’euro des excédents très importants et qui ont tendance à s’accroître avec le temps. En somme les Britanniques se sont rendus compte que l’Union européenne ne leur était pas profitable – sauf à certaines franges particulières de la société – et ils en ont tiré les conséquences. Parmi les autres méfaits de la mondialisation, dont l’Union européenne est la pointe la plus avancée, il y a évidemment les problèmes créés par l’immigration massive et l’islamisation rampante de la société britannique. On sait que si le vote de classe a joué en faveur du Brexit, jusqu’à disqualifier pour longtemps le parti travailliste, la question de l’immigration a aussi été décisive, car pour le peuple, le libéralisme qu’il porte sur la circulation sans contrôle des marchandises, des capitaux ou des personnes est toujours une mauvaise chose. Contrairement aux idées loufoques de Jacques Attali, un traité quel qu’il soit peut-être dénoncé et remis en question. Cette illusion de croire qu’on peut se passer de la politique n’a aucun sens. Tôt ou tard celle-ci reprend le dessus. 

On notera cependant que la peine des Britanniques à rester dans l’Europe a été partiellement compensée par le fait qu’ils ont gardé, comme la Suède et le Danemark, leur propre monnaie, la livre. C’est ce qui leur a permis d’avoir des performances économiques légèrement supérieures à celles de la France, conservant même une part plus importante de leur valeur ajoutée dans l’industrie. Le monde qui n’est jamais en retard pour faire la propagande pour l’Europe a prédit les pires calamités pour le Royaume Uni[4], comme s’il n’y avait pas de vie avant l’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE puis à l’Union européenne. Ce journal s’est placé du côté de Michel Barnier, l’acclamant comme un vainqueur qui a su protéger les intérêts de l’Union européenne face à ces Britanniques qui réclamaient bien trop de ce qu’on pouvait leur donner. Il est difficile de faire mieux dans la désinformation. Si les négociations menées par Barnier ont traîné aussi longtemps, c’est particulièrement de sa faute. Encore qu’il n’en soit pas le seul responsable. Il a en effet mis énormément de hargne pour freiner le plus longtemps qu’il le pouvait le processus de divorce. La raison en était simple, il était poussé par Macron pour ce faire, celui-ci lui ayant fait miroiter qu’il pourrait obtenir le poste convoité de Président de la Commission européenne. Il a été lui aussi trompé parce que les Allemands l’ont lâché bien avant que les accords de sortie de l’Union soient finalisés, préférant la docile et sûre Von Der Leyen. Quelle était la mission de Barnier ? Elle était double, d’abord trainer en longueur en espérant un second référendum qui renverserait le précédent résultat, ça ne s’est pas produit. Ensuite il pensait pouvoir faire très mal à l’économie britannique, tellement mal que celle-ci ne s’en remettrait pas et que cela dissuaderait les éventuels prétendants à une sortie. Ces deux objectifs ont été ratés. Ils ont cependant indiqué quelle serait à l’avenir la bonne méthode pour prendre la porte : sortir d’abord, négocier ensuite ! On a vu que chaque fois qu’on discute trop longtemps avec la bureaucratie bruxelloise, on se met en difficulté. Ce fut l’échec de Tsípras qui pensait que grâce à la négociation il obtiendrait quelques miettes. Mais il n’a obtenu que le déshonneur d’avoir bradé son pays et l’Union européenne lui a craché dessus. 

 

Macron évidemment a fanfaronné comme à son habitude, il ne sait faire pas grand-chose d’autre, arguant que grâce à la fermeté et à l’union du reste de l’Europe contre l’ennemi britannique il aurait gagné une guerre difficile « l’unité et la fermeté européennes ont payé »[5]. Oubliant au passage que les Britanniques ont été souvent aux avant-postes de la lutte contre la tyrannie allemande. C’est faux, cet accord est une défaite en rase campagne pour lui et pour Merkel, et une victoire pour le camp souverainiste, qu’il soit britannique ou autre. L’Union européenne est perdante sur au moins deux points : d’abord sur le fait que le Royaume Uni abondait le budget européen pour un niveau net de 7 milliards d’euros. Or ce manque va se répercuter inévitablement sur les subventions que la Commission européenne distribue vers les pays de l’Est comme la Pologne et la Hongrie. C’est seulement parce qu’elle achète à prix d’or les gouvernements de ces pays qu’elle peut continuer à développer son programme, mais qu’en sera-t-il dans les années qui viennent ? Bien avant la conclusion du Brexit, la Pologne manifestait déjà des tentations de se séparer de l’Union européenne. Cela veut dire que la Commission de la faible Von Der Leyen va encore plus de mal à imposer sa politique d’immigration de masse dans les pays membre du Groupe de Visegrad. Le second point est que les Européens ont parié sur le fait que la croissance économique du Royaume Uni s’écroulerait. Comme je l’ai dit au début de ce billet, il n’y a pas plus de raison pour que l’économie s’écroule dans ce pays plutôt qu’en Europe. C’est même l’inverse. Dans la mesure où l’Union européenne entretenait un commerce excédentaire avec le Royaume Uni, une sortie des accords ne peut que lui être défavorable. Theresa May avait commencé à développer un plan de réindustrialisation de son pays. La sortie effective de l’Union européenne devrait accélérer ce mouvement y compris grâce à des relocalisation ou des IDE. Contrairement à ce que certains avaient prédit en 2016, au prétexte que la confiance ne serait plus là, la croissance britannique ne s’est pas effondrée et s’est maintenue. Même si le contenu est difficile à connaître, il fait près de 2000 pages tout de même, il ne semble pas que fondamentalement la position du Royaume Uni sera celle d’une île isolée comme font semblant de croire certains députés européiste[6] ! On continuera à circuler et à commercer avec ce pays, même si ce sera un petit peu moins. En outre les sommes que les britanniques récupéreront en ne participant plus au budget commun permettront de réinvestir comme l’ont promis Theresa May puis Boris Johnson dans les services publics qui ont été très dégradés depuis les mandatures de Margaret Thatcher puis de Tony Blair. Sur le plan commercial, c’est un autre camouflet pour l’Europe, les Britanniques, cela n’a pas encore été trop discuté, ont ainsi obtenu exactement ce qu’ils voulaient, un accord de libre-échange pour les marchandises, sans obligation aucune, alors justement que les équipes assez incompétentes de Barnier menaçaient de mettre des taxes et des quotas en veux-tu en voilà pour gêner le Royaume Uni[7]. Également les Britanniques ont obtenu une victoire capitale sur les équipes de Barnier en refusant d’adhérer à la tutelle de la Cours européenne de justice dont on connaît les travers anti-démocratiques et autoritaires poussés jusqu’à l’absurde[8].  En échange ils ont accepté, mais ce n’est pas un mal pour eux finalement, des normes de production plus contraignantes sur le plan sanitaire et environnemental. 

Le problème du Royaume Uni est ailleurs. Bien que l’accord ait ménagé l’Irlande en ne rétablissant pas une frontière effective, les tentations indépendantistes risquent de reprendre de plus belle. L’Ecosse va réclamer son indépendance. La première ministre Nicola Sturgeon a avancé que c’était le moment, puisque tout le monde est sous le choc de remettre sur le tapis l’indépendance de son pays[9]. Cet opportunisme prétend ne pas attendre de voir ce que donnera concrètement le Brexit car en effet celui-ci risque de démontrer aussi ses vertus. Les Ecossais qui ont toujours souffert de la domination de l’Angleterre, pensent qu’ils seraient mieux lotis dans le cadre de l’Union européenne. Il va de soi que l’Union européenne soutient cette idée qui affaiblirait le Royaume Uni. Tout ce qui peut démontrer que sortir de l’Union européenne est puni d’une manière ou d’une autre est bon pour la propagande européiste. C’est un peu la boîte de Pandore, le souverainisme risque aussi de faire des dégâts ailleurs qu’au sein de l’Union européenne. 

 

Les Britanniques ont donc franchi l’ultime étape de la sortie. Ils ont créé un précédent dans la logique de dissolution de l’Union européenne. Ils ont donc mis un terme à l’idée selon laquelle l’histoire ne pourrait aller que dans le sens d’une intégration toujours plus grande des marchés dans la dissolution des entités nationales, vers un monde sans frontières[10]. Le Royaume Uni était entré dans le cirque européen en 1973, ils en sortent 47 ans plus tard, après avoir d’ailleurs refuser d’adopter la monnaie unique, démontrant par ce simple fait que l’Union européenne n’a pas su convaincre les britanniques de son utilité : l’idée générale était que le coût de demeurer dans l’Union était finalement bien plus élevé que les avantages y afférant ! Certains européistes considèrent qu’il sera plus facile d’avancer sans eux qu’avec eux. Mais on suppose qu’ils diront cela chaque fois qu’un pays membre se retirera de ce cirque. En 2011 on parlait déjà de mettre à la porte la Grèce, puis les Allemands se sont dit que tout de même en gardant ce pays dans l’Union il serait plus facile de le piller. Car il ne faut pas se faire d’illusion, la politique européenne se fait à Berlin et non pas à Bruxelles. Si on voit très bien comment Merkel a mis en place un gouvernement de l’Union européenne sous la direction de Berlin, on ne voit pas qu’elle est la dissidence ce Von Der Leyen ou même de Macron avec cette logique. Macron qui n’a peur de rien a twitté « l’Europe avance et peut regarder vers l’avenir, unie, souveraine et forte »[11]. Il est stupide de parler de souveraineté de l’Europe puisque ce n’est ni une nation, ni un peuple, à peine un marché, mais en outre se féliciter qu’un des pays membres parmi les plus importants la quitte pour dire que l’Europe avance c’est plutôt fort !  C’est un peu comme décréter que le groupe parlementaire des LREM se renforce au fur et à mesure que les députés le quittent ! 


[1] https://www.businessinsider.fr/jacques-attali-brexit-royaume-uni-suicide-2019

[2] Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848.

[3] Friedrich List, Système national d’économie politique, 1841.

[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/26/accord-sur-le-brexit-amer-soulagement_6064549_3232.html

[5] https://www.lefigaro.fr/politique/emmanuel-macron-se-felicite-de-l-accord-post-brexit-l-unite-et-la-fermete-europeennes-ont-paye-20201224

[6] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/la-grande-bretagne-et-l-ue/brexit-le-royaume-uni-va-etre-isole-les-relations-avec-l-europe-seront-difficiles-s-inquietent-des-deputes-francais_4234363.html

[7] https://www.lesechos.fr/monde/europe/brexit-londres-est-parvenu-a-repliquer-la-quasi-totalite-des-accords-commerciaux-europeens-1276524

[8] https://www.dhakatribune.com/opinion/op-ed/2020/12/26/op-ed-brexit-deal-done

[9] https://www.leparisien.fr/international/apres-le-brexit-la-tentation-de-l-independance-en-ecosse-26-12-2020-8416166.php

[10] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2020/12/retour-sur-la-question-des-frontieres.html

[11] https://www.ouest-france.fr/europe/grande-bretagne/brexit/brexit-pour-emmanuel-macron-l-unite-et-la-fermete-europeennes-ont-paye-7100020

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