Trump encourageant ses maigres troupes à attaquer le Capitole le 6 janvier
Tout ce que fait Trump tourne à la farce tragi-comique. Le 6 janvier tandis que les sénateurs s’apprêtaient à officialiser Joe Biden comme le 46ème président des Etats-Unis, quelques milliers de partisans du président sortant manifestaient autour du Capitole pour empêcher la certification. Ils y étaient encouragés par Trump lui-même qui comme un vulgaire agitateur antifa s’était perché sur une caisse pour haranguer une foule d’illuminés. Ils étaient plusieurs milliers venus des quatre coins de l’Amérique pour prêter main forte à Trump dans une ultime tentative désespérée de coup d’Etat. Mais ce coup d’Etat était mal préparé. Certes Trump avait trouvé un appui au Pentagone, Christopher Miller nommé à la tête de la défense le 9 novembre, qui avait décidé de refuser l’aide de la Garde nationale au maire de Washington. C’est évidemment ce qui a permis l’intrusion de quelques centaines de pseudo-barbares dans l’enceinte du Capitole, tandis que Trump continuait de se présenter comme le parti de la loi et l’ordre, la vieille rhétorique fasciste, sans les moyens qui vont avec. Dans le même temps on apprenait que les deux sièges restant à pourvoir en Géorgie pour le Sénat passaient aux Démocrates ce qui faciliterait la vie de Biden dans le futur.
Trump a tout perdu, la présidence, le Sénat, la Chambre. Ces défaites récurrentes l’ont rendu totalement fou, mais il faut dire qu’il avait déjà des dispositions en la matière. Tandis que la certification commençait, après que Pence et McConnell aient signifié à Trump qu’ils ne le suivraient pas dans sa tentative de renverser les résultats des élections, le Capitole était envahi, obligeant les forces de sécurité de faire usage de leurs armes. Une jeune femme Ashley Babbit a été tuée dans la confusion. Celle-ci venait de San-Diego en Californie, et elle paya du prix du sang les turpitudes de Trump. Ce décès lui appartient. Certes on peut toujours dire que cette jeune femme au passé militaire bien réel aurait avoir un peu plus de discernement dans ses actes, mais sans les échauffements trumpistes prônant la guerre civile pour imposer son pouvoir, elle serait encore en vie. Il y a eu aussi trois autres morts autour du Capitole[1]. Ces scènes de chaos cependant ont été relativement brèves, compte tenu du peu d’engagements de trumpistes sur le plan militaire. Cette brièveté en dit long sur la marginalité de ces apprentis en matière de coup d’Etat. On ne sait pas à quoi pensaient ceux qui ont poussé à l’action. Quoi qu’on en pense, un clup d’Etat ça se prépare et ça ne se réalise pas sans l’appui de groupes armés et structurés. Peut-être que Trump et ses amis croyaient que cette action entrainerait la foule dans la guerre civile. Ils nous ont habitué à tellement d’absurdité que rien ne peut plus nous étonner.
Ashley Babbit paiera de sa vie son trumpisme extrême
Le profil de ceux qui ont envahi le Capitole laisse songeur, certes ils manifestent un goût pour la violence, mais ils ont plutôt l’air de punks à chien que de rudes guerriers ou même de survivalistes. Une fois entrés dans les lieux, ils ont commencé à prendre des selfies d’eux-mêmes comme si c’était là l’apogée de leur combat incertain. On dit qu’il y avait beaucoup de QAnon dans cette affaire, mais il faut croire qu’ils n’étaient pas assez nombreux pour réaliser quelque chose de plus grand qu’une manifestation d’Antifas. Ils revendiquaient certainement une reprise en main du pays selon leurs normes pour lutter contre l’Etat profond, mais sans avoir d’idée sur ce qu’ils allaient pouvoir bien faire pour continuer la lutte jusqu’à la victoire. Ce faisant ils ont affiché deux choses, leur faiblesse stratégique et tactique et leur faiblesse numérique. Plus encore ils se sont déconsidérés encore un peu plus aux yeux de l’opinion. Même quand on est conservateur et pro-Trump il est difficile de se voir représenté par de tels énergumènes dont le comportement et le costume les apparentent plus à une caricature d’anarchistes décervelés qu’à des conservateurs allant prier le dimanche matin afin que Dieu protège l’Amérique.
Les assaillants prennent le contrôle du Capitole et Jack Angeli plastronne déguisé en chamane
Malgré l’interruption de la séance de certification des votes, le Congrès a pourtant confirmé l’élection de Joe Biden. Ce qui a démontré l’inanité des tentatives d’obstruction désordonnées de Trump. Faisant fi de tout ce qui c’était passé, y compris les morts, Trump a finalement concédé le 7 janvier que la transition se ferait entre lui et son successeur le 20 janvier, autrement dit qu’on n’aurait pas besoin de le déloger à coups de pied dans le cul pour qu’il s’en aille. Il a fait cette déclaration alors que la veille il disait que jamais il ne renoncerait. Ce comportement pour le moins irrationnel va avoir des conséquences terribles. D’abord parce que ce qui s’est passé au Capitole a fini d’écœurer une très grande partie des Républicains. Par cette manière constante de mettre de l’huile sur le feu, Trump s’est finalement exclu lui-même du parti Républicain. Même la chaîne trumpiste Fox news empilait les déclarations de Républicains qui n’avaient pas de mots assez durs pour condamner l’ancien président[2]. On parlait d’infamie, mais la veille certains membres du Congrès avaient avancé le 25ème amendement pour démettre Trump pour cause de sédition. Les Républicains ont perdu la présidence mais aussi la Chambre et le Sénat. Ce qui veut dire qu’ils vont en rendre Trump responsable. Ils ont commencé à le faire. Bien sûr il est évident que les Républicains qui se sont prêtés à cette palinodie de dénoncer des élections soi-disant truquées portent une lourde responsabilité par leur lâcheté[3]. Croyant qu’en soutenant Trump ils brossaient leurs électeurs dans le sens du poil, ils n’ont pas anticipé sa chute et la leur par extension. « Ceux qui choisissent de continuer à soutenir son dangereux pari en s'opposant aux résultats d'une élection légitime et démocratique seront à jamais considérés comme complices d'une attaque sans précédent contre notre démocratie » a résumé Mitt Romney qui veut reprendre en main le parti Républicain. Il visait là ceux qui comme Ted Cruz ont pensé que cette infamie ne se payerait jamais. Les informations qui proviennent de la Maison Blanche sont alarmantes car elles laissent entendre que Trump est au bord de la folie et peut faire n’importe quoi, tel Néron, pour achever son mandat et se faire remarquer comme le président étatsunien le plus loufoque qu’on ait vu. Pour cette raison des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche ont commencé à envisager sérieusement l’utilisation du 25ème amendement pour se défaire de ce poison violent.
Quoiqu’il y ait eu quatre morts dans cette sinistre parodie
de coup d’Etat, la défaite définitive est pour Trump, tant elle a démontré que
les soutiens ultras n’étaient finalement pas si nombreux et très peu organisés,
sans projet véritable autre que de semer le désordre. Dès le lendemain matin de
l’émeute, de nombreux conseillers de la Maison Blanche, et non des moindres,
donnaient leur démission, laissant Trump seul avec ses démons[4].
Cet épisode final d’une présidence
chaotique montre à quel point des institutions politiques qu’on croyait solides
peuvent s’effondrer rapidement lorsqu’un homme manifestement dérangé en récupère
malencontreusement les clés. Est-ce que cela entraînera une réforme en
profondeur de ces mêmes institutions ? Je ne le crois pas parce que cela
voudrait dire que les partis dominants, Républicain et Démocrate, perdent leur
hégémonie sur le plan électoral. Certains trumpistes « de gauche »
pensent que Biden ne sera pas mieux. Mais en réalité il ne s’agit pas de savoir
si nous sommes en accord ou non avec la politique qui sera mise en place, il s’agit
de dénoncer une forme de coup d’Etat. La différence entre un coup d’Etat et une
révolution c’est que cette dernière ne peut avoir lieu que quand le peuple se
révolte massivement contre la confiscation du pouvoir par une oligarchie, mais
le trumpisme est juste l’inverse, c’est une manœuvre destinée à conserver le
pouvoir dans les mains d’un homme qui a perdu la tête.
[1] https://www.leparisien.fr/international/femme-morte-au-capitole-ashli-babbitt-tuee-apres-un-tir-de-la-police-etait-une-ancienne-militaire-07-01-2021-8417718.php
[2] https://www.foxnews.com/politics/james-mattis-statement-trump-capitol-protests
[3] https://in.reuters.com/article/us-usa-election-hawley/missouri-senators-home-state-paper-hawley-has-blood-on-his-hands-idUSKBN29C0IU?fbclid=IwAR30YaL683kQF9ZuLSdsii6Yuur5lxQjhcCgFCNuxhwXN9aJuNWgYo9Ywus
[4] https://www.foxnews.com/politics/white-house-sees-resignations-over-capitol-building-riots
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