lundi 21 juin 2021

Elections, abstention, la lente agonie d’un système politique

 

Les commentateurs vont pleurnicher sur l’abstention en disant que c’est un attentat contre la démocratie. C’est une erreur, une abstention de cette ampleur ne veut absolument pas dire que les Français ne sont pas pour une forme de démocratie, mais qu’il conteste le système tel qu’il est. Cet effondrement de la participation n’est pas quelque chose de nouveau, il s’inscrit dans une tendance lourde qui date d’une trentaine d’années, on croit de moins en moins que les élections vont changer quelque chose. C’est le drame de la post-démocratie.  Les politiciens sont incapables de présenter des programmes attrayants pour inciter les électeurs à se rendre aux urnes. Pour des tas de raisons, ils ne sont plus capables de les leurrer ! Par paresse, parce qu’ils avaient autre chose à faire les électeurs déléguaient leur pouvoir à des politiciens. Il est vrai que dans le temps les candidats ressemblaient un peu à ceux qui votaient pour eux. Par exemple on trouvait beaucoup d’ouvriers ou d’anciens ouvriers comme candidats du Partic communiste, Maurice Thorez faisait acte de candidature en tant que fils du peuple. Mais aujourd’hui les politiciens sont des professionnels, ils connaissent les ficelles du métier, et ce faisant, ils ne sont plus vraiment en contact avec ceux qu’ils sont censés représenter. On parle de plus en plus souvent d’un divorce entre la classe politique et le reste de la population. C’est assez généralisé, mais c’est encore plus marqué en France. Depuis l’élection malencontreuse de Macron en 2017 on va de record d’abstention en record d’abstention, quelle que soit l’élection considérée. 

 

Il y a une crise du politique en France et celle-ci est très importante. En effet qu’est-ce que ça veut dire de discuter du score de la liste de Thierry Mariani qui ferait en PACA 34% des électeurs quand ceux-ci se sont abstenu à 70% ? Moins de 10% des électeurs inscrits ont choisi cette liste, ses poursuivants font encore bien moins. Mariani et le RN ne représentent rien en PACA, mais les autres encore bien moins ! Les politiciens s’en moquent car ce qui compte c’est d’abord qu’ils aient le poste, quelles que soient les conditions dans lesquelles ce poste est obtenu. Parce que le poste permet de mettre la main sur une manne financière et du pouvoir. Ils vont venir discuter cinq minutes de la crise de la démocratie, puis ils passeront à autre chose et affirmeront que les électeurs les ont élus et qu’il est normal qu’ils appliquent leur programme. Cette petite crapule de Macron a agi de cette manière, il a laissé les choses se faire, mais même avec la gauche castor construisant des barrages au Front National, il n’a pas convaincu un électeur sur deux de voter pour lui. Cependant fort de son élection peu démocratique, et peu représentative de ce que sont les Français, il a prétendu qu’il avait été élu pour faire des réformes brutales et violentes contre les plus pauvres et les plus faibles. Cette cuistrerie a engendré le mouvement des Gilets jaunes qui ont montré qu’on pouvait faire de la politique autrement qu’en votant. L’abstention a donc une signification politique, c’est un acte de protestation contre un système qui ne convient pas. Comme le dit l’opinion publique, voter pour la droite ou la gauche, c’est du pareil au même et rien ne s’améliore. Discuter du résultat des élections du dimanche 20 juin, ce n’est pas égrener les succès du RN, des LR ou de la gauche, mais c’est comprendre d’abord l’abstention. Certes les scores du parti présidentiel sont encore bien plus faible proche du néant, ceux de la FI également, mais enfin les pseudos vainqueurs ne doivent pas se réjouir trop vite. Ils vont être compris comme illégitimes, c’est déjà le cas pour Macron, et ce mouvement va s’amplifier. Plus il y aura d’abstentionnistes et plus d’électeurs rejoindront ce parti de refuznik . On s’attend déjà à un très fort taux d’abstention pour la présidentielle de 2022. Il y a un effet boule de neige qui ressort du fait que les abstentionnistes maintenant sont décomplexés et se revendiquent pour ce qu’ils sont, en rébellion contre le système politique. Dimanche soir sur les réseaux sociaux, de nombreux Français se réjouissaient de ce résultat. N’oublions pas que quand les Gilets jaunes ont mis en avant le RIC, près de 80% des Français approuvaient cette mesure[1]. Darmanin parlait dimanche soir d’une crise de la démocratie, c’est vrai, à condition qu’on s’entende sur ce que ça signifie. 

Le monde pleurnichant sur la bouderie des Français 

Evidemment les commentateurs préfèrent disserter sur les minuscules pourcentages d’électeurs qui ont voté pour Pécresse ou pour Mariani. Pourtant les raisons du refus de voter doivent être analysées sérieusement. Contrairement à ce que pense Le monde les Français sont très logiques. En s’abstenant massivement, ils condamnent un système fait de professionnels de la politique. Ils apparaissent interchangeables, sans idée, encore plus bêtes que les électeurs. En PACA Mariani et Muselier vont s’opposer pour le second tour des Régionales. Ils viennent tous les deux du même parti, de cette droite dure, affairiste et européiste. Mais il se trouve pour autant des idiots utiles à gauche qui regrette que la gauche se maintienne pour le second tour, hurlant qu’il est urgent de faire barrage au fascisme. Cette gauche-là n’a plus qu’à disparaître, même pas capable d’avoir quelques élus. En 2015 la gauche avait fait voter pour Muselier. Qu’en a-t-elle retiré ? A peine un crachat de la part de Muselier. Evidemment les grandes manœuvres pour 2022 vont commencer. Celui qui a le plus perdu dans ces élections, c’est Macron. Non seulement son parti de bras cassés arrive dernier du peloton, il fait 11,2% des 38% qui ont été voté aux régionales, soit 4,25% des électeurs. Je crois que jamais par le passé un parti au pouvoir n’a fait un score aussi faible, même le Parti socialiste sous Hollande. La France Insoumise fait un score de groupuscule gauchiste, avec 4,2% des 38%, soit 1,6% des électeurs qui se sont déplacés pour voter pour les amis de Mélenchon. Cette décomposition du système politique français nous fait entrer dans une zone d’instabilité très grande. Vu le score de Xavier Bertrand dans les Hauts de France, Macron n’est plus assuré d’arriver deuxième derrière Marine Le Pen. Certes pour cela il faut que Xavier Bertrand rallie à lui Les Républicains. Mais c’est tout à fait possible. Ces résultats annoncent aussi autre chose, si Macron ou Marine Le Pen étaient élus, il est probable qu’ils seraient incapables de réunir une majorité de gouvernement sur leur nom. 

Estimation des votes au niveau national, Ipsos Steria 

Rien ne sert de culpabiliser les électeurs, s’ils ont boudé les urnes, c’est que l’offre politique pour parler comme les économistes n’était pas attractive. 70% des électeurs inscrits, je ne parle même pas des réfractaires qui refusent de s’inscrire sur les listes électorales, ont refusé de se prêter à ce jeu. C’est bien qu’ils ne trouvent pas les candidats suffisamment honnêtes, compétents et en accord avec ce qu’ils désirent. Je l’ai dit ci-dessus, Macron porte une lourde responsabilité dans la dévalorisation des fonctions électives. Arrogant et menteur, il a passé quatre années à martyriser les Français au nom de sa fonction de domestique du Grand Capital. Mais surtout il a donné l’image d’un imbécile au pouvoir. Pour quelle raison les Français voteraient-ils pour des candidats qui apparaissent comme encore plus incompétents qu’eux ? 

Sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions/Radio France/LCP-AN Public Sénat 

Le dernier enseignement à retirer de cette fantaisie électorale est que le Front National en devenant le Rassemblement national et en abandonnant un discours anti-européiste et anti-euro[2] pour racoler quelques crapules anciennement sarkozystes s’est magistralement planté. Marine Le Pen apparait comme une aussi mauvaise tacticienne que Mélenchon. Ces deux politiciens ont fait un moment illusion en avançant des idées de rupture fondées sur la défense de la souveraineté et de la laïcité, mais ils ont manqué de consistance et de souffle pour apparaître exactement pour ce qu’ils sont des petits magouilleurs sans envergure. Ce sont les électeurs de ces deux candidats de 2017 qui apparemment se sont le plus abstenus. Mélenchon ne semble pas comprendre que le score des Insoumis aux élections régionales et départementales le met hors-jeu définitivement. Hier soir il a tenté une diversion, en réclamant une commission d’enquête, puis en appelant à faire barrage au Rassemblement National du haut de son score microscopique. 


Remarquer enfin que ce sont les classes les plus défavorisées qui se sont le moins dérangées pour aller voter. ce qui signifie deux choses, d'abord que les partis de gauche sont incapables de les représenter, et ensuite que ce sont ces mêmes classes qui sont le plus lucides sur la canaillerie de la classe politique. N'oubliez pas que ce sont elles qui ont donné les gros bataillons pour le mouvement des Gilets jaunes.
Sondage Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions/Radio France/LCP-AN Public Sénat 


[1] https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-le-referendum-dinitiative-citoyenne/

[2] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/02/a-lextreme-droite-la-debandade-face.html

4 commentaires:

  1. " Cette cuistrerie a engendré le mouvement des Gilets jaunes qui ont montré qu’on pouvait faire de la politique autrement qu’en votant. L’abstention a donc une signification politique"

    Vous m'expliquerez à quel endroit les GJ ont fait de la politique plus que vous et moi en consommant notre carte bleue.
    Ce "donc" définitif, indépendamment de frôler la manipulation, ne dis rien sur ce qui se passe.
    Tout le monde peut faire dire n'importe quoi au GJ. De là a en tirer un bilan politique? bof, sociologique sans doute oui.Nos concitoyens gâtés sont plus attentifs à la 5G et la compo de l'équipe de France de foot, qu'aux toits des écoles qui s'effondrent sur des gamins qu'on retrouvera bientôt dans la rue faute de les avoir respecté quand c'étaient des mioches multicolors.
    Les GJ ont ils votés pour le RIP pour le rachat d'ADP ? non. C'était un acte politique ? non.
    Nous sommes des enfants gâtés, accrochés à nos comptes Amazon Prim et NetFlix. Nous pouvons zapper devant la tv, nous pouvons changer d'écran dans nos smartphone ? Et bien nous faisons pareil avec notre personnel politique. Las.

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    1. J'ai suffisamment participé au mouvement des Gilets jaunes pour être certain qu'il s'agissait bien d'un mouvement politique d'une forme un peu nouvelle qui trouvait sa logique en avançant. les deux entraves au mouvement des GJ ont été la répression féroce évidemment, mais aussi que des formes partisanes tentaient de les phagocyter. Les Gilets jaunes n'avaient pas pour principale préoccupation leur abonnement Amazon Prime.

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  2. Pour alimenter le débat :
    l'abstention n'est pas le silence
    Le 20 juin, il n’y a eu que des perdants. Un urgent changement de régime politique.



    Il n’y a pas de vainqueurs des élections départementales et régionales du 20 juin, car nul ne peut se prévaloir d’un résultat obtenu alors que presque 67 % des électeurs n’ont pas voté (69,15% en Île-de-France, 70,38 % dans le Grand Est, 75,78 % en Seine-Saint-Denis…), soit 30 millions sur 47,7 millions d’électeurs inscrits. Mais il y a de nombreux perdants
    la suite ici:
    http://www.berthomeau.com/2021/06/jean-francois-collin-enfonce-mon-petit-clou-l-abstention-n-est-pas-le-silence.html

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    1. je ne suis pas éloigné de cette analyse. Mais il faut ajouter que ce n'est pas le système qui est en cause, c'est plus profond que cela, c'est l'idée de délégation des pouvoirs Dès lors que l'abstention atteint de tels niveaux c'est un acte politique qui condamne la médiocrité sans borne de toute la classe politique

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