Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et malgré les
très nombreux travaux des historiens, on continue à trimbaler des idées fausses
sur la Résistance. L’excellent ouvrage de l’historien Pierre Laborie qui
malheureusement nous a quitté il y a quelques années maintenant, tentait
d’expliquer pourquoi on s’est acharné en France à dénigrer systématiquement la
Résistance[1].
La critique du résistancialisme venait d’abord de ceux qui n’y avait pas
participé, et donc aussi des anciens pétainistes qui aimaient bien cette idée
selon laquelle la quasi-totalité de la population française était un ramassis
de collaborateurs, ces idées ont été largement le fonds de commerce de Michel
Audiard dont le flirt avec la collaboration et l’antisémitisme ne font aucun
doute[2].
L’autre idée majeure était de faire croire que l’épuration avait été sauvage et
désordonnée, souvent menée par des résistants de la 25ème heure. On
a fait même semblant de rire aux facéties d’Arletty qui, accusée de
collaboration horizontale avec un officier de l’armée d’occupation s’en était
tirée en avançant : « Mon cœur est français, mais mon cul est
international »[3],
c’était une très grande amie de l’effroyable Céline dont elle ne pouvait
ignorer le profond antisémitisme et les orientations nazies. Elle ne fut même
pas tondue. L’historienne Annie Lacroix-Riz dans un ouvrage récent, passionnant
et très documenté, a montré pourtant que l’épuration avait été pour des raisons
confuses et multiples assez peu large, les mêmes juges qui condamnaient au nom
de l’application de la loi les Résistants, se retrouvèrent en effet à juger des
collaborateurs. Son livre s’intitule La non-épuration en France : de
1943 aux années1950[4].
Si certains personnages emblématiques furent fusillés, beaucoup échappèrent. La
carrière de crapule de Maurice Papon qui pourtant organisa la déportation des
Juifs du Sud-Ouest est un exemple des plus parlants. Mais on pourrait en citer
d’autres. Par exemple Céline qui après avoir suivi le chemin de Sigmaringen, la
merde au cul, bénéficia d’une mansuétude d’un tribunal militaire qui le
blanchit. Beaucoup de ceux qui ont échappé à l’épuration ont bénéficié de ce
qu’on est bien obligé de regarder comme une solidarité de classe.
D’autres idées aussi lugubres et fausses ont tenté de faire
croire que les communistes avaient été des collaborateurs, attendant l’attaque
de la Russie pour entrer en résistance. Alain Guérin a lui aussi a fait litière
de cette fable[5]. Même si
ce fut dans un grand désordre, parce que les communistes étaient pourchassés
bien avant l’arrivé de Pétain au pouvoir, ils commencèrent ç s’organiser
dès le mois de juin 1940.
Comme on le comprend ce dénigrement lâche et pitoyable de la Résistance a d’abord des raisons politiques. La Résistance est déjà prévue de longue date puisque dès 1932, la Banque de France met en place un plan d’évacuation de son stock d’or, afin qu’il ne tombe pas dans les mains des nazis. En mai 1940 ce plan est mis effectivement en place. Cela gênera considérablement les nazis puisqu’ils seront régulièrement à cours de liquidité pour financer leur expansion, et ce qui les amènera d’ailleurs à accélérer le pillage de l’Europe[6].
Mais ce rappel n’est pas le but du livre de Vittori, c’est
juste histoire de faire comprendre le contexte. Une histoire d’honneur, est
une galerie de portraits de résistants. Le but est de montrer que ces hommes et
ces femmes qui se sont engagés au péril de leur vie venaient d’horizons
différents. Ce qui à mon sens est déjà le reflet d’un large soutien de la
population française au mouvement de la Résistance. Evidemment il n’était pas
toujours facile de résister concrètement. L’Occupation allemande a duré quatre
ans. Et après la défaite de juin 40, il fallait s’organiser, ce qui prend du
temps, trouver des camarades sûrs, définir des cibles. Les mouvements de
résistance étaient divers, les uns faisaient du sabotage, d’autres de la
propagande, du renseignement et certains se préparaient à la lutte armée.
L’armée de l’Armistice réduite à l’état de symbole, pourtant inféodée à Vichy,
s’appliquait à récupérer des armes et à les cacher aux nazis, beaucoup de
militaires croyaient d'ailleurs de bonne foi que Pétain n’était pas vraiment gâteux, mais
qu’il rusait et qu’il allait prendre la tête de la reconquête[7].
Evidemment, contrairement à ce que fait semblant de croire le malheureux Eric
Zemmour qui a de terribles lacunes en histoire, il n’en fut rien et au lieu de
soulager les Français et les Juifs, il les livra aux Allemands, les premiers
étant affamés et les seconds carrément raflés et livrés aux camps de
concentration. D’ailleurs le fait qu’heureusement de très nombreux Français
soient venus en aide aux Juifs pourchassés par Vichy montre toute l’étendue de
la Résistance. Mais les Allemands ont rapidement compris l’ampleur du problème,
après un moment de sidération, la Résistance s’est trouvée comme un poisson
dans l’eau. Ils abandonnèrent les sourires pour mettre en place une
politique de terreur, avec otages fusillés, et autres brimades. Du reste les
souffrances et les privations comme conséquence de l’Occupation ne pouvaient
pas disposer favorablement Les Français à la collaboration. S’il est évident
que des collaborateurs il y en a eu beaucoup, beaucoup trop, ils étaient très
loin d’être une majorité. Le nombre de fusillés par les Boches dès 1940 pour
actes de sabotages indique évidemment que ceux-ci savent très bien qu’ils ne
sont pas les bienvenus et qu’ils sont haïs. Mais le fait que ces exécutions
interviennent si tôt prouve évidemment que la résistance a commencé dès le
lendemain de la défaite. Être obligé de rappeler ces banalités de base est
lamentable et montre que toute une frange de l’intelligentsia qui sévit dans les
médias ou qui commet des livres abuse de sa position privilégiée pour
entretenir le défaitisme.
Dès septembre 1940, les
Boches entreprennent de fusiller les Résistants
Bien entendu la Résistance était diverse, c’est ce que
montre Jean-Pierre Vittori. Dans son ouvrage on côtoiera des figures très
connues comme Lucie et Raymond Aubrac. Ceux-ci prolongeront le combat de la
Résistance en soutenant les mouvements de libération nationale en Indochine ou
en Algérie. Mais d’autres comme Hélie Denoix de Saint-Marc, à l’inverse
penseront que lutter avec l’OAS pour garder l’Algérie à la France était leur
devoir de patriote. La confrontation entre Jean-Pierre Vittori et le vieux
soldat est intéressante, l’auteur ne cache pas son admiration pour lui, bien
qu’il ait été à l’inverse un partisan de l’indépendance algérienne. La figure
du général de Gaulle plane au dessus de tout ça puisqu’il a sans doute encore
plus qu’un autre représenté l’esprit de résistance. Voilà ce qu’il dit :
« Qu’est-ce
qu’être gaulliste ? Je crois que c’est une chose dangereuse de faire
confiance à un homme d’une manière aveugle. Un homme peut se tromper… Je crois
qu’on peut servir une idée, mais je n’ai jamais servi un homme. Il s’est trouvé
aue q uand j’avais dix-huit ans, j’étais gaulliste. DE Gaulle signifiait,
personnifiait, l’idée de la libération qu’on retrouverait un jour ; il
personnifiait l’esprit d erésistance ; car si on ne doit pas faire confiance
à un homme à 100%, il est bon, de temps à autre, qu’un homme personnifie une
idée. Entre les deux la sagesse existe »
Parmi les hommes de droite qui furent des vrais résistants, il y a la figure énigmatique du colonel Paillole. Vichyste au début de l’Occupation, il met en place un service de contre-espionnage d’une redoutable efficacité qui l’amènera à exécuter et à faire exécuter des espions allemands ! Ce qui prouve que la mainmise de Boches laissait à désirer et qu’à Vichy trafiquaient de nombreux résistants qui penchaient du côté de Girault, de Pétain, voire même pour certains de de Gaulle. Paillole montre d’ailleurs que des vichystes convaincus n’hésitaient pas à collaborer avec des réseaux gaullistes et à les couvrir. Cela devrait d’ailleurs suffire pour qu’on ne ressorte pas l’idée stupide de Mitterrand qui n’aurait pas été un vrai Résistant parce que Pétain l’avait décoré de la Francisque. Les Résistants étaient aussi camouflés et travaillaient dans l’ombre, surtout à Vichy, pour organiser des réseaux, mais aussi pour espionner et transmettre des informations capitales pour les alliés.
Les femmes jouèrent un rôle
décisif dans la Résistance, y compris en prenant les armes
Tout cela s’est fait aussi avec pas mal de rancœurs. D’abord parce que le vieux monde continuait avec ses privilégiés et ses exclus. On voyait des Résistants de la 25ème heure, comme Maurice Papon qui est souvent cité assurer la continuité de l’administration avec le Vichy. Mais aussi parce que pour beaucoup les orientations du CNR n’avaient pas été suffisamment appliquées. Et puis ceux qui s’étaient battus les armes à la main, qui avaient risqué leur peau retournèrent à la vie civile, tandis que d’autres retrouvaient leur position de notable. Une partie des maires qui seront élus à la Libération furent des anciens pétainistes. Même chose pour les juges, on l’a dit, et les policiers. L’ordre était restauré. Roger Vollet lui insistera sur l’importance de la Résistance sur le plan militaire. En effet cette Résistance-là permit de ralentir le regroupement des forces militaires allemandes qui tentaient d’empêcher le débarquement en Normandie. Les Résistants, souvent mal équipés, inexpérimentés, non seulement faisaient dérailler des trains, mais ils harcelaient les Allemands. Les FFI n’étaient pas une poignée, mais des dizaines de milliers et le plus souvent ils avaient un grand sens du devoir. On estime que 15 000 soldats des FFI ont perdu la vie.
[1] Le
chagrin et le venin, Bayard, 2011.
[2]
« La vérité sur l’affaire Michel Audiard », Temps noir n° 20,
2017.
[3] On dit
que ce mot est apocryphe et serait dû à Henri Jeanson.
[4] Armand
Colin, 2019.
[5] Chronique
de la Résistance, Omnibus, 2010.
[6] Tristan
Gaston-Breton, Sauvez l’or de la banque de France, Le Cherche Midi,
2002.
[7] Pétain a
toujours été considéré comme un médiocre militaire par ses collègues Joffre et
Foch. Le premier avançait que c’était Nivelle qui avait gagné la bataille de
Verdun, et le second lui fit retirer le commandement général des armées pour
son manque de courage. Emmanuel Macron qui est à la fois stupide et ignorant ne
semble pas connaître tout ça, ce que devrait connaître en réalité tout élève
qui a son baccalauréat. Il a avancé bêtement que Pétain avait été un grand
soldat, alors que ses pairs le considéraient d’abord comme un intriguant et une
couille molle. https://www.lexpress.fr/actualite/politique/qu-a-vraiment-dit-macron-sur-le-marechal-petain_2046919.html
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