vendredi 26 novembre 2021

Le marketing macronien de Zemmour


Je ne vais pas ici parler du pseudo-programme de Zemmour, je l’ai déjà fait longuement, trop longuement sans doute, comparativement au vide qu’il recèle[1]. Ni même à sa tactique qui consisterait selon certains à durcir le ton en jouant les pétainistes furieux, pour ensuite se poser en rassembleur des droites au second tour. Les derniers sondages montrent d’ailleurs qu’il n’a plus aucune chances d’arriver au second tour. Jean-Marie Le Pen s’est éloigné de lui pour retourner au soutien de sa fille, et un de ses principaux financiers, Charles Gaves, s’en est détourné également. Ce dernier sondage est intéressant parce qu’il montre que quand Zemmour baisse, mécaniquement Marine Le Pen améliore son score du premier tour, mais elle améliore aussi celui du second tour, ce qui tend à montrer que Zemmour est bien une candidature de division qui ne peut arranger que Macron. L’écart maintenant entre les deux candidats d’extrême-droite est maintenant très important, et il ne semble pas que Zemmour qui annoncera sa candidature le 4 décembre puisse le combler[2]. Ses fantaisies pétainistes n’ont pas vraiment plu et son obsession anti-migrant est vue maintenant comme une monomanie, même si les Français sont très largement contre la poursuite d’une immigration de masse et contre l’islamisation de la France. Mais aujourd’hui, je ne m’appesantirais pas sur le programme plus ou moins fumeux de Zemmour, je vais regarder concrètement comment il a démarché les électeurs Français. 

Sondage Elabe-BFMTV, 23 et 24 novembre 2021 

Je m’intéresserais ici à la mise en scène de ce vide, donc aux images qu’il nous renvoie, pour tenter de comprendre comment ça marche la politique en 2021, donc au marketing zemmourienne visant à fidéliser une clientèle sur une niche assez étroite cependant. Je suis frappé par la manière mimétique de la campagne de Zemmour en 2021 avec celle de Macron en 2017. Avec l’aide de Paris match qui vient de passer sous la coupe de son sponsor Boloré, il a développé le thème de l’eau, un peu comme si en venant de la mer il venait de nulle part, un homme neuf qui ne serait pas un vieux cheval de retour de la politique, tentant de masquer ainsi qu’en se lançant dans l’arène politique à un âge aussi avancé, il prépare en même temps sa retraite de cette classe de parasites. Le second thème de ressemblance est celui d’un couple fondé sur une grande différence d’âge. Macron s’exhibait avec une femme emperruquée et armée d’un dentier étincelant qui aurait pu être sa mère, Zemmour renverse la proposition, comme s’il voulait rétablir l’ordre : ici ce sera un homme âgé qui malgré son physique arrive à séduire une jeunesse qui pourrait être sa fille. Ça ressemble au comportement des mahométans qui répudient leur femme quand elle devient trop âgée pour en prendre une plus jeune, quasi-pucelle. Mais est-ce un retour au patriarcat ? Rien n’est moins sûr ! Brigitte Trogneux avait quitté son mari pour son élève des cours de théâtre – où reconnaissons-le il aura beaucoup appris – Zemmour quitte sa femme pour éduquer une jeunesse. Si on a dit que Brigitte Trogneux avait joué un rôle déterminant dans l’ambition présidentielle de son jeune mari, on peut dire la même chose de Sarah Knafo dans celle de son vieux « compagnon ». Et donc on retombe toujours sur les nouvelles valeurs d’un féminisme plus ou moins bien digéré dans un monde où les femmes ouvrent la voie. L’une est très vieille pour son mari, l’autre est bien trop jeune pour ce vieux barbon de Zemmour et sa carrure de moineau malade. 

 

Quand on regarde le parcours de Macron et de Zemmour on est frappé également par le fait que ce sont deux ratés, le premier à raté deux fois le concours d’entrée à Normale Sup, le second a raté deux fois celui de l’ENA, se contentant d’un diplôme médiocre de Sciences Po, mais il s’est rattrapé par personne interposée puisque Sarah Knafo l’a réussi finalement au deuxième coup à sa place. Macron et Zemmour étant sans parti, après s’être rapprochés par opportunisme, l’un d’un PS déjà fatigué, et l’autre de LR, il leur a fallu contourner cet obstacle, le premier a siphonné le Parti Socialiste sans vergogne du côté des strausskhaniens, le second, par l’intermédiaire toujours de Sarah Knafo, a commencé de siphonner Les Républicains et le  Rassemblement nationale du côté de Marion Maréchal et Robert Ménard. Zemmour colle ainsi au modèle macronien de campagne électorale par le haut puisqu’il n’a pas de relais dans le pays en dehors de son carnet d’adresses parisiennes. Il est vrai que s’il a recruté du côté des Républicains, c’est parce que ce parti est aussi en totale décomposition, sa politique ne présentant guère de différence avec celle de Macron. Zemmour et Knafo se sont dit qu’ils pouvaient facilement prendre ce parti et profiter de sa confusion. On dit que Sarah Knafo a commencé à travailler les recrutements pour Zemmour dans la sphère politique en février 2019[3]. Comme Zemmour et Macron en 2017, Sarah Knafo, en bonne commerciale, possède un carnet d’adresses énorme, Henri Guaino l’aurait beaucoup aidée à le confectionner. Elle a même rencontré l’incontournable Jacques Attali qui se croie encore un destin d’éminence grise, pour démontrer que le contenu importe bien moins que la manière de le vendre. 

De jeunes imbéciles de la moyenne bourgeoisie prêts à s’engager derrière n’importe quel aventurier 

Zemmour, ou plutôt Sarah Knafo, a décidé de piller de façon systématique toutes les petites ficelles marketing de Macron en 2017. Sans doute les équipes de Zemmour croient que les mêmes actions engendrent les mêmess résultats. Les jeunes qui soutiennent Zemmour aujourd’hui, très bon chic bon genre, semblent être exactement les mêmes que ceux qui soutenaient Macron en 2017. Des clones ! Le sourire niais, bien nourris, bien coiffés, les JAZ – Jeunes Avec Zemmour – succèdent au JAM – Jeunes avec Macron. C’est carrèment du plagiat ! On voit bien que ces jeunes-là ne sont pas des enfants d’ouvriers. Ces JAZ et ces JAM sont destinés à nous faire croire que Zemmour et Macron préparent l’avenir pour nos enfants et que la jeunesse s’implique sérieusement dans ce combat obscur. Mais dans les deux cas, ils ressemblent plus à des jeunes giscardiens égarés qu’à des rebelles désireux de renverser la table dans un mouvement de fond sociétal. Pour rappel le patron des jeunes giscardiens, c’était le vieux Jean-Pierre Raffarin qui fut par la suite un des premiers ministres les plus ridicules et les plus inutiles de la Vème République, bien que la concurrence soit rude et qu’in fine Jean Castex soit apparu. En tous les cas, on va vendre des tee-shirts, des petits autocollants ce qui améliorera la cagnotte de certains soutiens intéressés. 

La tournée des jeunes giscardiens en 1981 

Vous me direz que plus personne ne se souvient de Giscard, et donc encore moins des jeunes giscardiens qui sont devenus maintenant très vieux, métier pour lequel ils avaient déjà des dispositions, mais ce qui est frappant c’est comme on dit le choc des images plutôt que le poids des mots. Zemmour ne peut guère jouer de son physique, il est encore bien plus laid que Macron qui pouvait faire illusion avec ses dents blanches et ses sautillements juvéniles. Il va donc tenter de jouer les dessalés par personne interposée. Habitué à l’outrance calculée, il est probable que dans les mois qui viennent quand la campagne sera vraiment lancée, il aille de plus belle dans ce sens lorsqu’il sera invité sur les plateaux télévisés pour faire croire qu’il est différent.   

 

L’autre façon d’exister, c’est de saturer les unes de magazines. Peu importe qu’il n’y ait rien dans ces publications, le titre suffit et l’illustration transformera un illustre médiocre – un banquier d’affaire ou un éditorialiste – en un personnage politique de premier plan. Peu importe qu’on dise du mal de vous puisque vous êtes visible et présenté comme un candidat majeur pour les élections de 2022. Dans ce match, si Zemmour et Sarah Knafo ont bien joué le coup avec les médias, comparativement à Marine Le Pen, Macron conserve cependant une longueur d’avance parce qu’en faisant semblant d’occuper sa fonction, on ne voit que lui, matin, midi et soir sur les chaines de télévision en continu. Comme pour l’instant on ne décompte pas les temps de paroles, c’est tout bénéfice. En coulisse on commence à s’apercevoir de manœuvres singulières par exemple avec Bolloré qui non seulement en sous-main finance Zemmour, avec quelques autres, mais qui est en train de mettre de l’ordre dans deux piliers des médias dominants où il est devenu le maître, Paris Match et le Journal du dimanche. C’est je crois le sens du limogeage d’Hervé Gattégno. Ces deux organes furent en leur temps les piliers de la campagne de Macron. Ils vont probablement lui échapper et compléter le rôle que va jouer Cnews dans le développement d’un trumpisme à la française porté par Zemmour, concurrençant BFMTV et même Jean-Marie Le Pen sur  sa droite. 

  

Les affiches de campagne de Zemmour et de Macron sont prêtes, elles sont assez semblables, sur un fond noir, elles ont abandonné les couleurs bleu, blanc et rouge plus traditionnelles. C’est frappant. Les deux semblent se marquer à la culotte en célébrant d’une certaine manière le deuil du pays. Ces deux croquemorts ne respirent pas la joie de vivre. On dit que l’affiche de Macron est une copie de Netflix, ce n’est pas certain, il est possible qu’il ait copié Zemmour, à moins que ce ne soit l’inverse ! Zemmour pense que la France n’ayant pas changé depuis 2017, ou du moins que son état ait empiré, il peut reprendre sans crainte et sans scrupule les mêmes arguments tactiques que Macron. Il parie sur une forme centrale de dégagisme d’a             rrière-saison qui perdurerait depuis 2017 et qui l’épargnerait lui, parce qu’il n’a jamais été aux affaires. Certes le poids des médias, du moins celui de leurs couvertures sera importants, mais par exemple l’engagement des « jeunes » pour Macron ou Zemmour sera rapidement ringardisé par le public lui-même qu’on cherche à atteindre. Du point de vue des éléments de langage nous aurons une opposition frontale : Macron va déblatérer sur son bilan, en montrant combien il a été habile et bon pour vaincre la pandémie et soutenir d’une main ferme l’économie, et Zemmour concentrera ses attaques sur la question des migrations et de l’Islam. Il y a là une volonté manifeste de stériliser le débat politique. Zemmour ne se risque pas à parler de la gestion de la pandémie, ni même d’économie, et Macron se fait discret sur l’immigration. Les rôles sont distribués selon une sorte de division du travail, mais tous les deux sont d’accord pour ne pas remettre en question fondamentalement l’Union européenne et l’euro. N’est-ce pas là le principal ? Il est d’ailleurs tout à fait possible qu’au-delà des différences de programmes minuscules, que les Français soient attirés par une sorte de match sur le plan de la rhétorique, parce que ce sont deux personnages qui ont la réputation, usurpée sans doute mais ce n’est pas la question, d’être de bons débatteurs et de beaux parleurs, capables de tenir le crachoir pendant des heures sans rien dire, en répétant mécaniquement toujours les mêmes slogans. Leurs outrances calculées sont souvent similaires dans la forme, et peuvent donner l’impression qu’ils savent quelque chose, alors qu’ils sont ignorants par nature. Ils ont travaillé la théâtralisation de leurs provocations, et surtout à ne jamais répondre aux questions embarrassantes autrement que par d’autres questions développées longuement, afin de faire oublier qu’ils n’ont pas répondu à la première ! 

 

En attendant, Zemmour prend l’air de plus en plus sinistre, mais il est bien présent sur les unes des magazines. On voit cependant apparaître ces derniers jours une petite différence de style, tandis que Macron après s’être fait refaire les mèches continue de sourire niaisement à un avenir radieux, Zemmour se présente avec la figure sombre et fermée. Cette allure de croquemort, très étudiée et posée, cherche à faire oublier son physique ingrat et à le présenter comme un annonceur de catastrophes, donc quelqu’un qu’il nous faut écouter au risque de subir les pires déboires pour notre civilisation. On l’avait comparé à Gargamel, c’est plutôt au croquemort de Lucky Luke qu’il fait penser. Mais au fond la démarche est similaire à celle de Macron, chacun met en avant son physique pour être en accord avec le message qu’on veut faire passer, l’un parle de la mondialisation heureuse et décarbonée grâce au développement du nucléaire en souriant d’un sourire plein de dents, et l’autre de la catastrophe imminente du grand remplacement, faute de transformer des Mohamed ou des Mamadou en des Jean ou des Louis, en fermant la bouche pour ne pas qu’on remarque sa dentition défectueuse. Comme on le comprend c’est le même message, mais le candidat l’adapte à son propre physique. Même si les Français sont très pessimistes quant à leur avenir, les sondages nous montrent année après année que la France est le pays développé le plus pessimiste du monde[4], il est peu probable qu’ils veuillent se reconnaitre dans une figure aussi sinistre que celle de Zemmour qui les renverrait à leurs névroses et surtout qui ne leur ouvrirait aucune porte de sortie raisonnable. 

Les croquemorts sont de sortie 

Sans doute me suis-je prononcé trop rapidement sur la candidature de Zemmour en pensant qu’il ne ferait pas un bon résultat, c’est-à-dire que j’ai sousestimé tout le cirque qu’il peut y avoir au-delà du programme électoral, et en effet, si on se réfère au programme proprement dit des candidats, pour peu qu’on y ait réfléchi, on ne se déplacera pas pour aller voter. Zemmour a réussi le lancement de sa campagne. Mais Zemmour et Macron ont compris que dans cette conjuration des imbéciles, dans le cadre d’une démocratie parlementaire en voie d’effondrement, qu’il fallait plutôt assurer le spectacle et surtout ne pas être sérieux sur le plan des idées. Ce n’est pas un hasard si Dieudonné, antisémite notoire, multirécidiviste et humoriste sinistre, soutient Zemmour. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir un Français d’origine juive sépharade, secondé par une juive faite du même bois, énarque de surcroit, devenir le meilleur champion de l’antisémitisme et de la critique des institutions de la République ! Mais c’est un très bon atout publicitaire, parce qu’on sait que les antisémites et les antisionnistes de profession, aiment bien s’appuyer sur des Juifs certifiés d’origine pour justifier leurs fantasmes. D’ores et déjà on sait que l’abstention aux élections de 2022 va être très haute, malgré la multiplication probable des candidatures de diversion, ce qui peut peut-être signifier une prise de conscience. Autrement dit nous avons connu trois étapes dans l’élection présidentielle depuis 1981 :

– l’élection de François Mitterrand fut la dernière élection d’adhésion, même si les espérances de ses électeurs furent cruellement trahies ;

– ensuite, à partir de 1988 on a voté contre celui qu’on voulait voir partir, celui qu’on détestait le plus, sans adhérer à telle ou telle figure. Cela fut encore plus évident en 2017, où Macron ne réussit même pas à récolter sur son nom 40% des électeurs inscrits sur son nom au second tour de la présidentielle ;

– la troisième étape est celle du désintérêt radical pour ce cirque, on a beau détester Macron ou Zemmour ou Marine Le Pen, on a encore moins envie de sauver l’un ou l’autre. Et l’une des raisons est que le vide de leur programme et la médiocrité de leur tactique sont devenus beaucoup trop visibles.

La même mise en scène en 2022 et 2017 avec les jeunes

 

Zemmour est après Macron celui qui bénéficie le plus de couvertures de magazines, mais il innove en mettant en scène avec la complicité de Closer la grossesse de Knafo


[1] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/10/eric-zemmour-juif-honteux-negationniste.html et https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/09/eric-zemmour-la-france-na-pas-dit-son.html

[2] https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/sondage-bfmtv-presidentielle-marine-le-pen-progresse-et-creuse-l-ecart-avec-eric-zemmour-en-baisse_AN-202111240423.html

[3] « Derrière Zemmour, l’indispensable Sarah Knafo », Le monde daté du 17 octobre 2021

[4] http://www.slate.fr/story/205868/francais-pessimisme-post-covid-etude-ipsos-opinion-espoir-faible

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