jeudi 20 janvier 2022

Mauvaises nouvelles de l’Europe et de son économie

 

Les candidats à la magistrature suprême font tous un effort incroyable pour éviter de parler de ce qui les gêne aux entournures, c’est-à-dire de l’efficacité ou non de l’Union européenne et de la monnaie unique. L’ignoble Macron qui a hérité pour six mois de la présidence du Conseil de l’Union européenne, s’est empressé de se faire remarquer en mettant le drapeau de l’Union européenne sous l’Arc de Triomphe, ne comprenant pas que ce geste ignoble qui démontrait sa volonté de soumission et rappelait les heures sombres de l’histoire avec les drapeaux à croix gammée qui flottaient sur Paris, avouant indirectement que nous étions dans la situation d’un pays occupé avec la disparition du drapeau français. Certes, la France n’est pas occupée officiellement par des militaires avec des casques, des tanks et des fusils. Elle est occupée de loin par une armée de bureaucrates qui, en travaillant pour l’oligarchie financière, militent pour une nouvelle forme institutionnelle qui émergerait dans la disparition de la nation française et sous la direction d’une Grande Allemagne. On a souligné le fiasco de la politique européenne sur le plan de la politique étrangère[1] et sur le plan de la situation économique et sociale[2]. La crise du COVID et ses difficultés dans sa gestion n'ont fait que confirmer ce que nous disions. Le problème principal et immédiat de l’Europe, au-delà de ses mésententes, est que l’ensemble des pays qui la composent, se sont endettés lourdement pour poursuivre une politique de vaccination de toute la population qui a fait la preuve de son inefficacité pour sortir de la pandémie. 

 

Déjà nous voyons l’Allemagne se débattre avec la faible relance de son économie en 2021, ce qui pourrait conduire ce pays à redevenir l’homme malade de l’Europe, ce qu’il était avant l’introduction malencontreuse de la monnaie unique[3]. Mais ce pays qui prétend commander à l’Europe entière et lui faire la leçon vient de changer de gouvernement et a annoncé que la nouvelle politique économique qu’il imposerait à la zone euro serait en priorité le remboursement de la dette, c’est une des conditions pour que le très néolibéral Christian Lindner participe de l’improbable coalition entre le SPD, les Grünen et le FPD. Mais ce que l’économie européenne craint le plus c’est une remontée des taux directeur de la BCE pour combattre l’inflation. On constatait qu’à la suite de la FED, les taux s’étaient brusquement redressés en Europe ces dernières semaines[4], ce qui tendait à démentir les propos de l’incompétente Christine Lagarde qui annonçait en novembre dernier que non seulement l’inflation allait ralentir, mais qu’en outre les taux ne remonteraient pas[5] ! En matière de prévision à court terme, on peut faire tout de même mieux. En décembre dernier, j’annonçais au contraire que l’inflation allait continuer, non seulement à cause de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières, mais aussi à cause des revendications salariales qui, paradoxalement, se sont affermies durant la crise sanitaire un peu partout dans le monde[6]. 

 

Rapidement l’euro va rencontrer deux problèmes. D’abord le différentiel du taux d’inflation entre les Etats-Unis et l’Union européenne – ou la zone euro – plombe l’économie européenne et particulièrement l’économie allemande. Ce différentiel fait que les prix des produits américains sont meilleur marché en Europe et que, vice versa, les prix des produits européens sont trop élevés pour le marché américain. Comme l’essentiel de la croissance économique allemande est fondé sur l’exportation, cela explique pour une grande partie pourquoi l’économie allemande patine à l’heure actuelle. Le deuxième problème est qu’une remontée des taux va renchérir fortement le prix de la dette et que cela va faire rentrer certains pays dont la France dans le cercle infernal de l’austérité lorsque la crise du COVID sera terminée. Il faudra rembourser réclame le nouveau ministre des finances allemands et Bruno Le Maire, en bon petit collaborateur de l’Allemagne, acquiesce à ses désiderata. Il bombe le torse et annonce « je serais intraitable sur le remboursement de la dette française » [7]. Il ne connait évidemment rien à l’économie et ne comprend pas que ce qu’il propose aux Français est un scénario à la grecque. En effet, le différentiel de la dette entre la France et l’Allemagne conduirait dans le cadre d’une politique d’austérité pour satisfaire aux critères de Maastricht révisés à un abaissement radical du niveau de vie des Français et probablement à une hausse du chômage et une baisse du PIB. La raison est assez simple, même un idiot la comprendrait, mais pas Bruno Le Maire, en restant dans le cadre l’euro et en s’engageant à rembourser la dette, la France ruinerait son économie qui est principalement tirée par la demande[8]. Dès lors qu’on rentre dans une logique d’austérité, la demande s’effondre et l’économie avec. On ne peut pas rembourser la dette sans dévaluer la monnaie fortement, mais on ne peut pas dévaluer la monnaie en restant dans l’euro. Autrement dit ce qu’il faudrait faire pour retrouver des couleurs et des marges de manœuvre, c’est dévaluer le franc par rapport au mark, mais cela est impossible dans le cadre de la monnaie unique. Il est incohérent ou catastrophique de mettre en place une politique de remboursement de la dette sans dévaluation de la monnaie. Cela ne s’est jamais fait, aussi loin qu’on peut remonter dans les statistiques des dépenses publiques[9]. Comme on le voit la perspective de rembourser la dette est une très mauvaise nouvelle et va rendre le maintien de la France dans la zone euro très difficile. 

 

L’année 2021 qui a vu un rebond très net de la croissance française, sans que pour autant on revienne au niveau de 2019, s’est accompagnée d’un déficit record pour le commerce international. Macron aura ainsi battu le record du déficit public, mais aussi le record du déficit commercial, ce qui n’est pas banal. La France souffre donc de ce qu’on appelle les déficits jumeaux, elle cumule de forts déficits publics avec de forts déficits commerciaux. Si Macron bat des records en matière de déficit commercial, cela vient du fait que nous avons une croissance tirée par la demande, et comme nous ne produisons plus assez de bien de consommation courante, nous achetons plus que nous vendons à l’étranger. Tous les politiciens de bas étage, y compris le sinistre Zemmour, vous le diront, il faut réindustrialiser la France. Mais pourquoi nous sommes nous désindustrialisés ? Essentiellement pour deux raisons :

– la première est l’adhésion du pays à un libre-échange débridé et donc à la mondialisation, celle-ci devait nous apporter la prospérité, l’emploi, et la fin des déficits publics, on a eu exactement le contraire. C’est le malheur de notre temps ;

– la seconde vient de ce que nous avons abandonné notre monnaie nationale pour intégrer les rigidités du taux de change avec nos voisins, notamment l’Allemagne. Qui était avant l’introduction de l’euro notre partenaire commercial principal pour les exportations et les importations. Concrètement cela veut dire qu’à cause de l’euro qui est une monnaie forte, nous vendons nos produits industriels trop chers sur les marchés internationaux.  

Un déficit commercial important, et le notre l’est, signifie essentiellement que nous importons des produits finis et qu’en contrepartie nous exportons du travail. Ce qui explique que le taux de chômage, quoi qu’on en dise dans les allées du pouvoir, reste très élevé aujourd’hui, le nombre des personnes à la recherche d’un emploi est aujourd’hui officiellement aux alentours de 6 millions inscrits dans les statistiques de Pôle emploi[10], et encore ne compte-t-on pas les personnes qui ont renoncé à s’y inscrire, ceux qui sont en formation – environ 300 000 – ou ceux qui sont au RSA – environ 2 000 000[11]. En ajoutant tous ces chiffres on obtiendrait une population de 8,3 millions qui serait potentiellement en quête d’un emploi. Face à ces 8,3 millions de personnes inemployées, il y aurait seulement 135 000 emplois non pourvus effectivement, alors que l’impayable Castex nous dit que ce chiffre s’élèverait à 300 000 unités[12]. Comme le comprend 135 000 postes non pourvus face à 8,3 millions de personnes inemployées c’est dérisoire et rend loufoque la sortie de Macron, « je traverse la rue et je vous trouve un travail »[13]. 

Chômeurs inscrits à Pôle emploi

6 000 000

Personnes touchant le RSA

2 000 000

Personnes en formation

300 000

Total des personnes sans emploi

8 300 000

Sous-emploi en France à la fin de 2021 

Mais laissons ces calculs de côté. Si je rapporte seulement ces 6 millions de chômeurs à la population active évaluée à environ 30 millions de personnes par l’INSEE[14], j’obtiens un taux de chômage de 20%, au lieu des 8,1% du taux de chômage tel qu’il est défini par le BIT et tel qu’il est repris par Macron et son gang pour tenter de donner un bilan un peu flatteur à son sinistre quinquennat[15]. Et encore on ne prend pas en compte ici les entreprises qui n’ont pas encore licencié parce qu’elles ont reçu des aides importantes de l’Etat, mais ça devrait venir vers le mois de mars 2022. L’apparente bonne tenue de l’économie française en 2021 est en réalité l’image d’une économie sous perfusion des dépenses publiques et masque un chômage structurel persistant. C’est-à-dire exactement l’inverse de ce que disait vouloir faire Macron lorsqu’il a été élu malencontreusement. Tout part en réalité d’un déficit commercial trop important. Si vous regardez le tableau sur le déficit commercial, vous constaterez qu’il s’est aggravé de plus en plus depuis l’introduction de l’euro en 2000, après une longue période de quasi équilibre entre 1980 et 2003. Ce déficit commercial extravagant, jamais vu auparavant, est la rançon payée à la monnaie unique. 

Evolution des bilans de l’Eurosystème, de la FED et la BoJ (en montant et en % du PIB) Source : BCE, FED, BoJ, Eurostat 

Le déficit commercial français devrait pourtant inquiéter, mais l’argent facile qui a été déversé sans retenue depuis que Mario Draghi avait été nommé à la tête de la BCE – ce transformiste fut ensuite nommé, évidemment sans être élu, à la tête du gouvernement italien, et son titre de gloire sera sans doute d’avoir mis en place une dictature sanitaire sans avenir dans son pays – et puis ensuite avec le développement de la crise du COVID. Ça se traduit par une explosion du bilan des banques centrales, comme on le voit ci-dessous, car en rachetant des actifs, celles-ci ont créé de la monnaie qu’il faudra bien détruire un jour, soit par de l’inflation, soit par des faillites. On s’attend d’ailleurs à ce qu’il y ait une nouvelle crise financière dans très peu de temps pour résorber cet excédent de monnaie en circulation. Cette situation difficile fait qu’il sera impossible de gérer à la fois l’inflation et la dette à l’échelle de l’Union européenne. Seul un retour à la souveraineté monétaire le permettrait. Cette souveraineté monétaire ne peut s’exercer que dans deux cas :

– soit dans le cadre national stricto sensu ;

– soit dans le cadre d’une Europe fédérale dont personne ne veut vraiment.  

 

Comme on le constate dans le tableau ci-dessus, le rebond de la croissance économique n’a pas permis de retrouver le niveau de 2019 dans les pays européens, contrairement à la Chine ou aux Etats-Unis. Le problème n’est pas tant que cette croissance soit faible, mais plutôt qu’elle n’a été possible qu’à cause des liquidités injectées massivement dans les économies. Dans ces conditions, les perspectives sont très floues, les envolées de la bourse qui sont surtout des investissements spéculatifs, masquent difficilement le ralentissement des investissements productifs et des investissements publics. Le ralentissement des investissements était d’ailleurs déjà sensible avant la crise sanitaire, il est d’autant plus apparent aujourd’hui[16], même si certains secteurs semblent tirer leur épingle du jeu, surtout ceux qui sont largement subventionnés directement ou indirectement par l’Etat, par exemple l’industrie pharmaceutique boostée par le COVID[17], ou les investissements dans les énergies renouvelables, ou encore quelques start-up[18]. Les économistes qui ont parié sur le redéploiement de l’économie à partir de ce nouveau modèle du green washing, sont extrêmement dépités. Les investissements européens ne seront pas suffisants pour atteindre une neutralité carbone d’ici 2030. Autrement dit cette volonté de neutralité carbone affichée – dont on peut discuter la pertinence puisqu’il se veut compatible avec l’idéal d’une croissance forte et soutenue – ne sera pas compatible avec l’idéal fumeux du remboursement de la dette ! 

 

Si on admet que l’Union européenne est globalement dirigée par l’Allemagne, il faut se souvenir que ce pays est, comme l’Italie, contrôler en réalité par Goldmann & Sachs. Officiellement classé à gauche parce que le SPD est devenu le premier parti lors des dernières élections au Bundestag, il faut prendre en compte que le principal conseiller d’Olaf Schoz est le sinistre Jörg Kukies, un ancien de Goldmann & Sachs, comme Mario Draghi[19]. C’est lui qui sera en charge des question économiques et des questions européennes dans le nouveau gouvernement en orientant les choix d’Olaf Schoz. Il était déjà sous la tutelle d’Angela Merkel secrétaire d’Etat chargé de l’Europe et des Marchés financiers. L’importance de ce personnage, tout acquis au libéralisme financier débridé, fait qu’il y a peu de chance pour que les orientations de l’Union européenne sur les critères de Maastricht et leur application ne change. Outre-Rhin, malgré l’arrivée au pouvoir d’une soi-disant gauche, rien n’a changé. C’est la continuité qui prédomine. On peut même parler d’immobilisme. Ce sont tout de même les équipes de Goldmann & Sachs qui ont conduit la Grèce à la ruine, aussi bien en l’aidant à entrer dans la zone euro, en maquillant les bilans, qu’en l’enfonçant au moment de la mise en place du vaste plan d’austérité décidé en 2015 par l’Allemagne qui a pu piller ce malheureux pays tranquillement, sans même que Macron ou Hollande ne trouvent rien à y redire, et avec l’aide du traitre Tsípras qui a bafoué la volonté populaire qui s’était exprimé dans le référendum[20]. Le cas grec doit être rappelé parce qu’on a vu en 2015 que plus un pays se couchait devant les exigences boches, et plus les boches le méprisaient et accéléraient son pillage. On a le même cas de figure avec Macron, plus celui-ci se plie aux exigences de l’Allemagne et plus celle-ci lui demande encore plus de gages, plus elle le méprise et le traite comme un employé qu’elle pourrait bien, si l’envie la prenait, renvoyer. Les Allemands n’ont jamais respecté que la force, dès qu’ils sentent de la faiblesse chez un partenaire ils s’engouffrent dedans. On l’a vue avec l’humiliation subie par Macron lors du Traité d’Aix-la-Chapelle en 2019 quand le pseudo-président de la République a avalé les couleuvres les unes après les autres[21]. Mais on a vu à l’inverse qu’Angela Merkel avait beaucoup plus d’égard pour la Russie de Poutine qui lui a tenu la dragée haute. A l’inverse de Macron, Poutine ne s’est pas déplacé à Aix-la-Chapelle, c’est Merkel qui a été au Kremlin. 

 

Depuis au moins Giscard d’Estaing, la France a une diplomatie déplorable, elle accepte à peu près tout de son partenaire allemand qui exige toujours plus sans rien donner. Mitterrand avait eu quelques velléités de s’opposer à l’Europe allemande, puis il a cédé en 1983 et ce fut sa plus grande honte. Ainsi on peut dire que la puissance économique de l’Allemagne est due à trois facteurs :

– d’abord au fait que les Allemands n’ont jamais payé leurs dettes de guerres, ni en 1920, ni en 1946. On a souvent dit que c’était la lourdeur des dettes imposées à l’Allemagne par le Traité de Versailles qui avait engendré la monstruosité nazie. C’était un peu la thèse de Keynes[22]. Mais cette thèse ne tient pas debout comme l’a montré le Français Etienne Mantoux qui a démontré deux choses[23], la première est que le Traité de Versailles n’écrasait pas dans ses exigences l’économie allemande, au contraire, mais aussi que ce même Traité n’avait jamais été respecté par les Allemands. La même partie s’est jouée en 1945. Les dettes de guerre des Allemands ont été purement et simplement effacées par les Américains, et le pillage de l’or grec par les nazis n’a même pas été soulevé par Tsípras lors de sa capitulation sans condition devant les exigences boches[24].

– ensuite aux aides généreuses des Américains pour la reconstruction du pays, avec l’idée que cela pouvait être utile à contenir la poussée expansionniste de la Russie communiste[25]. Cette poussée ressortait selon moi plus du fantasme que de la réalité. Mais les Allemands ont su jouer de celle-ci.

– enfin, et il ne faut pas l’oublier, cette puissance s’est reconstituée avec l’aide des différents gouvernements français, y compris sous de Gaulle, ce fut évidemment le piège de la construction européenne emmenée par de potentiels collaborateurs comme Jean Monnet[26] ou Robert Schuman[27] qui avaient rêvé avant la guerre et pendant l’occupation à une grand Europe unifiée sous la houlette de l’Allemagne. Mais évidemment plus l’Allemagne a obtenu de la France des concessions, plus elle en a demandé de nouvelles. Après avoir obtenu les avantages de la monnaie unique, l’Allemagne y étant entré en dévaluant le mark, tandis que la France réévaluait le franc, elle a obtenu un durcissement des critères dits de convergences qui aggravaient la position des économies du sud de l’Europe et renforçaient celle de l’Allemagne et de ses provinces, les Pays-Bas et l’Autriche[28]. Et puis elle a obtenu encore plus avec Macron et l’ignoble Traité d’Aix-la-Chapelle. Ce n’est évidemment pas la première fois dans l’histoire de France que des politiciens pourris vont à la rencontre des desiderata de l’Allemagne et même au-delà, comme Pétain l’avait déjà montré, presque toujours contre la volonté populaire des Français. Mais les Français ne sont pas les seuls à avoir dans leur rang une fraction de la population travaillant à la destruction de la nation. Keynes lui-même était pro-allemand, un peu antisémite et surtout anti-français et tant que les Allemands s’appliquaient à détruire et à piller la France, ce n’était pas un vrai problème pour lui, cela permettait de renforcer la place de l’Angleterre dans le monde. Cela en devint un avec l’attaque de l’Allemagne sur l’Angleterre et les bombardements sur Londres. 

 

Ces rappels historiques sont très nécessaires parce que si officiellement selon le catéchisme européiste c’est la paix, il convient de rappeler que le commerce c’est la continuation de la guerre par d’autres moyens. C’est ce que les auteurs mercantilistes français avaient pleinement compris au seizième siècle. On ne peut pas d’un côté critiquer le mercantilisme allemand et de l’autre lui donner des armes pour prospérer. Il est évident que si la France sort de l’euro au moment même où l’économie allemande commence à avoir des difficultés sérieuses sur les marchés chinois et américain, l’Allemagne rentrera dans le rang et redeviendra une puissance de second rang. Militer pour l’Union européenne, qu’elle soit celle-là ou une autre, c’est travailler pour la gloire de l’Allemagne et le rabaissement de la France dans tous les domaines. Macron qui n’aime pas les Français, prétend que la France peut se fondre dans l’Union européenne. Il milite pour une dissolution de la nation dans un ensemble assez confus plus ou moins fédéral. Si intellectuellement on peut admettre ce projet comme cohérent, dans la réalité sa réalisation se heurte à deux obstacles majeurs :

– d’abord le fait que l’Allemagne ne veut pas se dissoudre, c’est pour cela qu’elle maintient la supériorité de sa constitution sur les traités européens ;

– ensuite que les nations européennes sont culturellement, géographiquement et historiquement, toutes très différentes, et que vouloir les dissoudre reviendrait à détruire la culture patiemment construite au fil des siècles. 

Sur ce graphique on voit clairement que l’euro a permis à l’Allemagne une croissance beaucoup plus forte que dans le reste de la zone euro et de la France 

L’histoire du monde nous enseigne au moins une chose, c’est que la volonté de guerre et de conquête, militaire ou commerciale est une constante. Et que face à cette donnée, toutes les tentatives pour constituer un Empire européen relativement stable se sont soldées par des échecs sanglants, c’est probablement cette volonté qui entraîna la chute de l’Empire romain, puis celle de l’Empire Carolingien, puis plus près de nous la chute de Napoléon et celle d’Hitler. Plus l’intégration européenne s’avance, et plus elle montre ses limites et ses impossibilités. Mais cette fuite en avant n’est commentée aujourd’hui par aucun des candidats aux élections présidentielles – je veux dire ceux qui auront la possibilité d’aller jusqu’au bout de leur rêve. Tous nous racontent qu’ils veulent une autre Europe, tout en nous affirmant qu’ils sont souverainistes. Ils ne se rendent pas bien compte que le parti souverainiste en France c’est environ 40% de la population. Et que la forme même de l’Union européenne, l’unanimité exigée pour sortir de cette usine à gaz interdit toute modification qui irait dans le sens contraire du projet libéral soutenu par les banques est les multinationales. On ne peut pas être contre la mondialisation, et même pour lutter sérieusement contre le réchauffement climatique et en même temps être pour l’Europe quelle qu’elle soit.

 

Position des différents candidats sur l’Europe

La plupart des candidats non seulement ne disent rien sur l’importance de l’euro dans la déconfiture de l’économie français ces vingt dernières années, mais ils ne semblent pas connaître quelque chose aux dysfonctionnements récurrents de l’Europe. Ils font comme si la « construction européenne » était un horizon indépassable de la volonté politique. Ils vont pinailler sur des détails qui le plus souvent ne remettent rien en cause. Si on comprend que pour la droite l’Union européenne qui défend la logique des marchés est compatible avec leurs idées de concurrence pure et parfaite et de démantèlement des services publics, comme de privatisations tout azimut, c’est plus difficile de comprendre cet engouement pour ceux qui se prétendent de gauche et qui sont supposés lutter contre la mondialisation et la marchandisation de tout et de n’importe quoi. Il faut rappeler une fois de plus qu’entre 1945 et 1983, c’était la droite libérale qui poussait pour construire l’Europe, la gauche dans son ensemble, socialiste et communiste, freinait des quatre fers. Au sein de la gauche socialiste, c’était plutôt la seconde gauche, cette droite avec un faux nez, emmenée par Rocard et à laquelle Mélenchon adhérait, qui travaillait à faire évoluer les esprits dans le sens d’une acceptation d’une Europe sociale-libérale, au sens qu’on donne aujourd’hui à ce terme et qui est si bien représenté par Macron.

 

Jean-Luc Mélenchon propose de désobéir au cas par cas aux oukases de la Commission européenne. Et il ajoute que les règles sur les limites du déficit budgétaire ne pourront pas être tenues. Sur ce dernier point il a raison, mais il ne semble ne rien connaître sur le rôle de la monnaie dans l’économie et donc l’importance de la monnaie unique

La sortie de l’euro n’est-elle plus d’actualité ?

Nous n’avons aucun intérêt au chaos économique et politique qui résulterait d’une position agressive de la France. Je ne vois pas comment on ferait, vu notre déficit du commerce extérieur. Prenons plutôt la question par l’autre bout : le statut de la Banque centrale européenne, la règle des 3 %, la dette. Vous croyez franchement qu’on reviendra au pacte de stabilité ? Non. En tout cas pas avec nous. Le monde, 19 janvier 2022

 

Le cocasse de la position de Mélenchon est qu’il nous dit qu’on ne peut pas sortir de l’euro à cause du déficit commercial. Mais si le déficit commercial est la rançon de la monnaie unique forte que l’Allemagne a voulue, on ne voit pas pourquoi on peut continuer à l’accepter sans que le déficit commercial ne s’aggrave. C’est une claire régression par rapport à son programme de 2017. Il abrite son revirement en disant que l’Europe n’est pas un produit fini et qu’elle peut encore changer. Outre que cela fait plus de trente années qu’on nous serine cette chanson, on voit qu’elle a toujours évolué en empirant dans le sens néo-libéral. Sur le plan de la gestion des migrations il milite comme Macron pour une répartition des migrants – combien peut-on en accueillir, on ne sait pas, un million, dix millions, cent millions – sous la houlette de l’Union européenne, ce que refuse beaucoup de pays européens, et ce qu’Hollande avait fort heureusement refusé en 2015.

 

Valérie Pécresse est presqu’un clone de Macron. Elle ne s’attaque à la question européenne que sur le plan des symboles, étant europhile et « patriote », elle ne s’offusque pas du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe, mais de l’absence du drapeau français. On voit que la différence ne pèse guère. Comme Macron elle dit souhaiter une Europe puissance qui s’assume. Ces mots couvrent en vérité qu’on irait vers une diplomatie européenne chapeautant la diplomatie française, et qu’on aurait une armée européenne, deux institutions qui forcément incarneraient les desiderata de l’Allemagne, faute de pouvoir exister. Le monde, 19 janvier 2022.

 

Emmanuel Macron est bien sûr dans la continuité de sa soumission à l’Allemagne à qui il a tout donné ou presque au Traité d’Aix-la-Chapelle. Comme il se trouve qu’il est en même temps candidat à sa propre succession et qu’il préside en même temps le Conseil de l’Europe, il va tenter de se servir de se tremplin pour se faire passer pour plus européen que les autres, que ce soit Jadot, Hidalgo ou Pécresse, leur position est la même, celle de l’éternelle main tendue à l’Allemagne. Cependant comme l’opinion sait aussi pertinemment que l’opinion a des doutes sur l’efficacité de cette boutique dans tous les domaines, il va faire comme s’il critiquait l’Europe pour l’améliorer. Il a fait placarder 80 000 affiches avec le slogan Changer l’Europe pour faire avancer la France. En prolongeant une imposture qui dure depuis plus de trente ans, il ne s’engage à strictement rien, un peu comme quand Pécresse dit qu’elle veut une Europe puissance. Ce sont des mots et même pas l’ébauche d’un programme. 

 

Fabien Roussel est sur la même ligne que Mélenchon, il ne discute pas du poison qu’est l’euro pour l’économie française. Il appelle de ses vœux une réindustrialisation de toute l’Europe et un protectionnisme européen qui en réalité favoriserait forcément l’Allemagne du point de vue des avantages comparatifs. Il propose une « harmonisation des salaires entre les travailleurs européens et des droits sociaux en prenant comme référence le pays où le droit est le plus favorable ». Ce qui en effet romprait avec l’idéal de concurrence prôné par les traités européens, mais qui pour s’affirmer devrait automatiquement être ratifié par tous les pays européens. Or évidemment les pays de l’Est de l’Europe qui tirent bénéfice du faible coût de leur main d’œuvre, ne veulent pas en entendre parler. 

Salaire minimum dans l’Union européenne en 2019 

Éric Zemmour qui n’est qu’exactement le candidat du conformisme ambiant, lui, a annoncé qu’il ne voulait pas sortir de l’Europe et de l’euro. Il semblerait que cela lui vienne du fait qu’il pense que les Français sont attachés à ce hochet. Ce qui prouve qu’il manque un peu de couille. L’homme qui gère ses finances, du moins celles de sa campagne, Vincent Uher travaille d’ailleurs pour la Commission européenne. Il représente la Commission européenne devant la Cour de justice européenne contre les Etats récalcitrant comme la Hongrie par exemple[29]. Mais passons sur ce détail. Il fut naguère un partisan de la sortie de l’euro en 2013 quand c’était à la mode, en pleine crise de l’euro, mais depuis l’opportuniste s’est rangé. Souverainiste en carton, tendance Pétain, il propose lui aussi de s’accommoder aussi bien de la monnaie unique que des traités. Evidemment son erreur d’analyse est que si l’euro est le motif du rabaissement de l’économie française, alors il faut s’en débarrasser. Lui aussi comme Mélenchon propose qu’on désobéisse. Sur son site Zemmour2022.fr il n’y a rien du tout sur l’Europe, comme si cette institution était sans importance[30].


[1] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/10/leurope-des-coups-de-poignard-dans-le.html

[2] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/01/leurope-et-leuro-dans-les.html

[3] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/14/l-economie-allemande-n-a-progresse-que-de-2-7-en-2021_6109493_3234.html

[4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/13/en-europe-la-remontee-des-taux-d-interet-suscite-l-inquietude_6109275_3234.html

[5] https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/general/christine-lagarde-croit-toujours-au-reflux-de-l-inflation-en-2022/630180

[6] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2021/12/linflation-va-continuer-et-accelerer.html

[7] https://www.trendsmap.com/twitter/tweet/1473572707828736001

[8] https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/en-france-et-en-europe-le-secteur-prive-tire-par-la-demande-retrouve-des-couleurs-887504.html

[9] Carmen Reinhart & Kenneth Rogoff, This Time Is Different – Eight Centuries of Financial Folly, ‎ Princeton University Press, 2009.

[10] https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication#

[11] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse/en-juillet-le-nombre-dallocataires-du-rsa-remonte-legerement#:~:text=Fin%20juillet%202021%2C%201%2C95,par%20rapport%20%C3%A0%20juillet%202020.

[12] https://www.lci.fr/politique/chomage-plusieurs-centaines-de-milliers-d-emplois-sont-ils-non-pourvus-faute-de-candidats-comme-l-a-regrette-emmanuel-macron-2201710.html

[13] https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2018/09/16/25001-20180916ARTFIG00043-macron-a-un-jeune-chomeur-je-traverse-la-rue-je-vous-trouve-du-travail.php

[14] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5391984?sommaire=5392045

[15] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5871518

[16] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/30/zone-euro-tres-peu-d-investissements-et-trop-d-epargne_5504353_3232.html

[17] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chimie-pharmacie/pfizer-compte-investir-un-demi-milliard-d-euros-en-france-sur-5-ans-et-s-allie-a-novasep-902100.html

[18] https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/11-6-milliards-d-euros-leves-en-2021-la-french-tech-explose-tous-ses-records-902080.html L’engouement pour les start up rappelle furieusement le même mouvement pour les entreprises du numérique vers la fin du vingtième siècle, engouement qui s’est traduit par une belle bulle boursière et la crise financière qui s’en est suivie. Lamfalussy Alexandre, « Les turbulences financières des années 2000-2003 », Reflets et perspectives de la vie économique, 2005/1 (Tome XLIV), p. 87-92. 

[19] https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/06/jorg-kukies-le-conseiller-tres-special-du-nouveau-chancelier-allemand_6108368_3234.html

[20] https://www.leparisien.fr/economie/en-direct-referendum-en-grece-les-bureaux-de-vote-sont-ouverts-05-07-2015-4919811.php

[21] https://www.asafrance.fr/item/traite-franco-allemand-analyse-critique-du-traite-franco-allemand-d-aix-la-chapelle-de-janvier-2019.html

[22] The Economic Consequences of the Peace, Harcourt, Brace & Howe, 1920.

[23] Etienne Mantoux, La paix calomniée, Gallimard 1946.

[24] https://information.tv5monde.com/info/grece-allemagne-athenes-rappelle-berlin-ses-factures-de-guerre-15751

[25] https://www.lemonde.fr/archives/article/1949/05/25/l-allemagne-grace-a-l-aide-americaine-va-t-elle-etre-amenee-a-rearmer-ou-a-s-entendre-avec-l-est_1917360_1819218.html

[26] https://blogs.mediapart.fr/raoul-marc-jennar/blog/141012/europe-d-etranges-peres-fondateurs

[27] https://www.upr.fr/dossiers-de-fond/la-face-cachee-de-robert-schuman/

[28] Diarra Souleymane, « Analyse rétrospective du respect des nouveaux critères de convergence de l’UEMOA », Revue d'économie du développement, 2016/1 (Vol. 24), p. 79-98.

[29] https://www.ladepeche.fr/2021/12/22/eric-zemmour-lhomme-qui-gere-largent-de-sa-campagne-travaille-pour-la-commission-europeenne-10008063.php

[30] Zemmour détaille son programme « écologique » sous la rubrique paysages et environnement. C’est pitoyable d’en être là en plein XXIème siècle. 

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