Certains
à droite et à l’extrême-droite ont tendance à nous casser les oreilles avec les
juges rouges ou gauchistes qui travailleraient pour l’avènement du
marxisme-léninisme au pouvoir. Mais en fait non, la justice dans notre pays est
bien du côté d’un ordre social particulier, elle accompagne la mise en place d’une
société libérale sur le plan économique et répressive sur celui des libertés. Nous
venons de le voir une nouvelle fois dans le jugement inique de Perpignan[1]. Il s’agissait
de punir trois manifestants qui avaient secoué un petit peu un député macronien
– c’est-à-dire rien – Romain Grau, lors d’une manifestation contre le pass
vaccinal. Ce dernier, un avocat au parcours louvoyant, c’était le 22 janvier
dernier. On remarque tout de suite que dans le cas de ce député pleurnicheur il
n’a pas fallu plus d’une dizaine de jours pour régler le sort des malheureux
qui se sont fait piéger, alors que des affaires sérieuses et importantes peuvent
trainer pendant des années avant de trouver une issue. A l’inverse les homme
politiques, Sarkozy ou Fillon, par exemple, voient leurs procès pour des
malversations repoussés année après année, jusqu’à se demander pourquoi bien sûr
ils ne sont jamais définitivement jugés. Mais revenons sur cette affaire. Le 22
janvier donc une nouvelle manifestation – c’est la seule chose que sait
déclencher Macron depuis qu’il a été élu – contre les lois liberticides a eu
lieu. C’était à Perpignan, une ville où Romain Grau s’était présenté en 2020 aux
élections municipales et où il était arrivé bon dernier. Notez que cet
opportuniste est passé en une dizaine d’années du PS au parti centriste UDI,
puis il a été chez les Républicains, puis en 2017 cet instable sans avenir va chez
LREM, puis en 2018 il rejoint l’Alliance Centriste, depuis cette date-là il
magouille avec Christian Estrosi dans la structure La France Audacieuse. C’est un essuie-glace
plus qu’un homme de conviction, un peu à gauche mais pas trop, un peu à droite
sans le dire, bref de partout où il peut obtenir un petit fromage sans trop se
donner de mal.
Donnons
des détails sur cette fantaisie. D’abord lorsque Romain Grau, cet indigent
député qui a trouvé là le moyen de faire parler de lui, est conspué devant sa
permanence, il faut comprendre que c’est la réponse des manifestants à une
provocation. Cet ancien avocat, issu des rangs de l’extrême-centre, n’avait pas
besoin de sortir de sa permanence pour narguer les manifestants. Il a prétendu
qu’il voulait discuter avec les manifestants. C’est un premier mensonge. On ne
peut pas discuter avec quelqu’un qui ne sait rien, et peut-être même encore moins.
Son arrogance a mis les manifestants en colère qui l’ont insulté copieusement. Mais
on ne peut pas mettre en prison tous les Français qui injurient la canaille
macronienne. Ensuite, il a prétendu avoir reçu un méchant coup de poing. Mais de
ce coup de poing méchant on n’en a aucune trace. On a beau chercher sur
Internet, rien, aucune image, aucune vidéo, ne montre qu’il a reçu un coup de
poing, et bien sûr s’il avait été blessé, ce pleurnichard, n’aurait pas manqué
de faire photographier ses petits bobos, histoire de montrer qu’il existe. Certes
il a été injurié et certains manifestants l’ont menacé de mort. Mais c’est
assez fréquent dans le moment de la colère, et en outre, on ne peut pas juger
une intention en droit français mais plutôt des faits. C’est donc sur la base
de ce second mensonge que trois prolétaires ont été jugés un peu moins de 10
jours après ce lâche attentat contre la démocratie. Malheureusement
ils ont été dénoncés par les vidéos qui ont été tournées à l’occasion de cette
manifestation : ce qui nous montre bien l’usage disciplinaire que le
gouvernement et ses sbires peuvent faire du numérique.
Toutes les images que nous avons nous montrent une manifestation un peu houleuse, mais finalement assez bon enfant. Par contre la canaille journalistique l’a monté aussitôt en épingle. C’est tout juste si on ne parlait pas de crime. Grau parlait d’ « une horde » qui l’aurait pourchassé, troisième mensonge éhonté. Qui sont les trois accusés ? D’abord ce sont des prolétaires, l’un est un ouvrier agricole de 41 ans, l’autre un électrotechnicien de 47 ans et le dernier un chauffeur routier de 35 ans. Ils sont tous les trois pères de famille. Des personnes ordinaires, de la graine de Gilet jaune, d’ailleurs sur la vidéo on en voit un qui a revêtu la fameuse parure. Un premier accusé a été condamné à 18 mois de détention et révocation d'un sursis de deux mois. Il est maintenu en détention. Un deuxième se voit condamné à 15 mois, avec également maintien en détention. Quant au troisième, il est condamné à 12 mois, sans maintien en détention, ce qui signifie que sa peine est aménageable par le juge d'application des peines. Il est de plus interdit à tous les trois de participer à une manifestation durant trois ans. Les réquisitions du procureur étaient de 24 mois pour chacun des accusés. On voit la disproportion entre ces peines et le fait que Kobili Traoré ait été reconnu irresponsable dans le meurtre de la malheureuse Sarah Halimi défénestrée. Ou la difficulté qu’il y a à juger le scandale de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille qui a causé plusieurs morts et où certains politiciens sont en cause[2]. L’enquête est en cours nous disait-on au mois de novembre dernier. Il y a donc objectivement une justice de classe, prompte à juger le prolétaire énervé par les carences manifestes du gouvernement, et lente, très lente, pour juger des crimes antisémites ou des politiciens. Les juges jugent en fonction de leur idéologie et pas seulement en fonction de ce que dit le code pénal. Ici on excuse le migrant pour son inadaptation, là on est conciliant avec les politiciens qui font traîner leurs affaires. Souvent la peine est étonnamment légère, voir les multiples procès de Claude Guéant[3] ou de Sarkozy. Mais le prolétaire n’y coupe pas. Si les juges travaillent de cette manière, c’est parce qu’au fond d’eux-mêmes ils ont peur du peuple, c’était déjà le cas de ceux qui jugeaient les Résistants sous Vichy et qui se montreront étonnamment bienveillants ensuite avec les pires collaborateurs. Eux aussi comme Macron pensent que les manifestants anti-pass sont des ignorants, des brutes qui ne méritent que la trique. Ce n’est pas un hasard si les juges tolèrent Cédric Herrou qui régulièrement enfreint les lois de la République[4]. Ce dernier est un jeune bourgeois qui joue à l’agriculture et dont le principal est de faire passer des migrants de l’Italie vers la France. Ça plait aux juges qui voient dans cette figure l’image biblique du Bon Samaritain. Mais les vrais prolétaires sont moins plaisants pour les juges, surtout s’ils se rebellent et revendiquent quelque chose qui remet en cause la suprématie de la classe au pouvoir.
« Ceux qui agresseront les élus ne seront pas traités comme les autres », avait dit la semaine dernière Éric Dupond-Moretti, alors qu’en tant que ministre de l’injustice il devrait savoir pourtant, lui qui a défendu les pires criminels, que la loi est censée être la même pour tout le monde. Au passage on notera que pour cette bousculade bégnine ce député sans foi ni loi, et sans envergure, a participé à cette judiciarisation de la vie politique ce qui au fond est un pas supplémentaire vers une forme de dictature qui ne veut pas dire son nom. Grau a démontré qu’il est incapable d’aborder la contestation politique autrement qu’en allant pleurnicher chez le juge.
« Laissez-les. Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Or, si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. » Jésus s’adressant aux Pharisiens
[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/02/01/agression-du-depute-romain-grau-trois-hommes-condamnes_6111802_3224.html
[2] https://www.laprovence.com/article/faits-divers-justice/6619093/drame-de-la-rue-daubagne-les-juges-font-le-point-de-lenquete.html
[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/21/sondages-de-l-elysee-claude-gueant-condamne-a-un-an-de-prison-dont-huit-mois-ferme_6110446_3224.html
[4] https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2021/03/31/symbole-de-l-aide-aux-migrants-en-france-cedric-herrou-relaxe-definitivement_6075129_1653578.html
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