samedi 16 juillet 2022

Michèle Tribalat, Immigration, idéologie et souci de la vérité, L'Artilleur, 2022

  

Discuter sereinement de l’immigration en France est une mission impossible. Il est quasiment interdit d’en contester les bienfaits aussi bien pour le pays émetteur que pour les pays d’accueil. Michèle Tribalat  est mise régulièrement au ban de la « bonne pensée » et a connu beaucoup de difficultés dans sa carrière de chercheuse. Elle est une démographe connue pour avoir été marginalisée au sein de sa propre tribu. Son péché est d’avoir combattu les discours lénifiants et rassurants sur la question de l’immigration, autrement dit de ne pas s’être placé sur le plan politique du combat contre les politiciens d’extrême-droite dont le fonds de commerce sont les dégâts consécutifs à l’immigration de masse. Dans ses travaux elle s’est élevée contre les universitaires qui confondent l’étude d’un sujet avec le militantisme. Mais ici elle ne développe aucune thèse particulière sur cette question épineuse qui empêche la gauche d’exister. Son propos est plutôt de montrer comment on travaille à l’université dans son domaine. Mais on pourrait dire que dans tous les autres domaines c’est un peu pareil. Tribalat est une femme de gauche qui fait son métier correctement et qui ne tripote pas les statistiques. Pour cela elle est décrite comme un suppôt de l’extrême-droite. La gauche est en voie de disparition, parce qu’elle s’applique à nier la réalité, aussi bien en ce qui concerne l’immigration qu’en ce qui concerne la laïcité. Mais cette cécité se range sous le parapluie des travaux d’universitaires peu scrupuleux, un peu fainéants et très malhonnêtes. Tribalat nomme clairement François Héran, professeur au Collège de France, il n’en est pas moins un clown. Du reste il n’est pas le seul pitre dans cette boutique, Pierre Rosanvallon, militant de la deuxième gauche CFDT, macronien de choc, en est un autre. Ce qui est intéressant dans le livre de Tribalat est qu’elle décortique comment ces idéologues sans rigueur intellectuelle aucune usent de l’arme ultime de l’argument d’autorité. L’idée est la suivante, ce que dit ou écrit Héran serait toujours très bon et excellent parce qu’il est en poste au Collège de France, et donc que s’il est arrivé jusque-là, c’est bien la preuve qu’il est le meilleur. Et quand les idées moisies d’Héran se heurtent à la réalité tangible, on va vous expliquer à l’aide d’un discours tortueux et paradoxal, que c’est parce que vous n’avez pas le niveau suffisant pour comprendre ce que vous croyez évident. Vieille ficelle des maîtres à penser. Les économistes nous font le coup depuis des décennies. Augmenter le SMIC c’est mauvais parce que ça tue l’emploie, ou le droit du travail en restreignant les licenciements pèse sur le chômage, ou encore plus cocasse, l’euro est excellent et sans lui la situation serait encore bien pire que ce qu’on peut observer. Bien avant de lire Tribalat j’avais une mauvaise opinion de ce cuistre, essentiellement parce que quand il discutait de l’immigration, il utilisait les flux ou les stocks selon ses besoins de démonstration. Par exemple, en mettant en avant la faible proportion de flux d’immigrés annuels en le rapportant à la population totale, cela lui permettait de dire qu’on surestimait le problème. Mais bien évidemment n’importe quel profane comprend que la démographie c’est une dynamique. Ce n’est pas un flux à un moment t rapporté à un stock de population issu de plusieurs générations successives. Masquer cela relève de l’escroquerie intellectuelle, car on ne croit pas Héran suffisamment stupide pour croire à ses propres idioties, mais cela ne l’empêche pas d’être publié dans Le monde, le journal de la mondialisation heureuse. En vérité il s’agit d’une forme de terrorisme intellectuel : la gauche étant coupée de classes qu’elle prétend défendre contre elles-mêmes, passe sous les fourches caudines d’une forme théorique néo-libérale qui ne dit pas son nom et qui vise à la dillution des nations dans une mondialisation qui serait gouvernée par des experts et par les lois du marché qui comme l’on sait donnent un optimum indépassable, sauf en cas de guerre, de monopole ou de catastrophe boursière ! 

François Héran, tripatouilleur de chiffres et ennemi préféré de Tribalat 

Tribalat démonte cette malhonnêteté qui au fond s’apparente à la position de Jean-Paul Sartre quand, pour expliquer que les ouvriers ne pouvaient pas entendre une vérité blessante pour eux, il avançait : il ne faut pas désespérer Billancourt. Les universitaires à la Héran – il y en a bien d’autres, Hervé Le Bras par exemple, un autre démographe moralisateur, qui est fait du même bois, ou encore le clown Julien Brachet qui s’est donné pour mission de convertir les hérétiques qui osent penser que l’immigration massive pose des problèmes importants – s’appliquent à dire que leurs contradicteurs ne sont pas qualifiés pour les contredire ou qu’ils ne sont motivés que par l’idéologie fascisante. Ils refusent le plus souvent le débat et même les répliques aux stupidités qu’ils ont pu écrire. Dénonçant une sociologisation de la démographie qui tourne à la discussion de café du commerce, Tribalat démontre que pour faire tenir leurs thèses fumeuses, ces démographes trichent à qui mieux mieux, faisant semblant d’avoir oublié les fondamentaux méthodologiques de la statistique. Elle décortique l’usage qui est fait de la notion de taux de fécondité, ou encore les projections aberrantes qui font qu’automatiquement les taux de fécondité des femmes immigrées qui viennent d’Afrique allaient forcément baisser. Cette méthode qui consiste à prendre un trend en le fondant sur des hypothèses instables prouve qu’elle ne peut mener qu’à l’erreur et qu’à la sous-estimation de la réalité. Cette critique s’adresse toujours à ce même Héran dont les errements systématiques confirment l’insuffisance autant que la bouffonnerie. Quand celui-ci définit sa méthode pour faire des projections qui sont censées rassurer l’opinion, essentiellement des semi-intellectuels, Tribalat reprend cette méthode et l’applique au passé, montrant un écart très important entre les prédictions et la réalité observée : qu’aurait prévu la méthode d’Héran si on l’avait adopté en 1982 pour prédire le nombre des immigrés en 2015 ? Il se révèle que la méthode prédictive de François Héran est totalement défaillante, il se serait trompé du simple au double ! Selon la dméarche hypothético-déductive la plus élémentaire, une modélisation qui conduit à des erreurs de prévision aussi importante est disqualifiée à jamais. Et donc si cette méthode est mauvaise pour les années 1982-2015, elle est aussi plus que douteuse pour les années 2015-2050 et ne peut pas servir de fondement à une projection sérieuse aujourd’hui. La vérité ce n’est pas seulement qu’Héran n’est pas très intelligent, cela se sait tout autour de lui, mais c’est qu’il camoufle sa bêtise derrière la nécessité de ne pas discriminer les migrants, de ne pas donner des armes à l’extrême droite, il l’avoue parfois et ses disciples encore plus bêtes que lui, aussi. Mais cela a-t-il quelque chose à voir avec l’exposition de la réalité ? Car au fond c’est là le nœud du problème, des gens comme Héran, comme Hérou dans un autre registre qui lui s’active ouvertement à violer les lois de son propre pays avec la bénédiction du Conseil d’Etat, comme Le Bras et quelques autres, considèrent qu’ils ont pour mission première de venir en aide aux immigrés qu’ils doivent protéger contre des menaces assez peu clairement identifiées. Ce n’est même plus la vision qu’on avait comme chez Alain Badiou des immigrés ou des musulmans comme le nouveau prolétariat, les damnés de la terre qui vont initier une révolution communiste, mais c’est l’idée d’un catholicisme militant en faveur d’une population qu’ils considèrent comme des sortes de sous-hommes dont il faut guider les pas, tout en rejetant les pauvres autochtones qui, à demi idiots ne peuvent que se laisser berner par l’idéologie de l’extrême-droite. Mais ce qui peut se comprendre chez Herrou comme une forme de militantisme teinté d’idéologie religieuse, ne peut être admis chez des chercheurs qui prétendent à la scientificité de leurs travaux. Voici ce que cela donne ci-dessous sous forme de graphique. L’ensemble de ces points de vue milite pour l’abolition des frontières et des nations, donc pour la mondialisation et une « gouvernance » mondialiste qui va avec. Avec en arrière-plan que les frontières ne servent à rien d’autre qu’à faire des guerres, ou que la terre n'appartient qu’à Dieu, donc à personne et que chacun a bien le droit de s’installer où il le veut. Si l’idée d’une mondialisation heureuse peut sur le plan philosophique se comprendre, dans la réalité elle ne correspond qu’à une négation de l’histoire humaine, c’est pourquoi elle est compatible avec l’idée de fin de l’histoire telle qu’elle a été développée par Fukuyama[1]. 

Comparaison à la réalité de ce qu’aurait été l’évolution du nombre d’immigrés d’Afrique hors Maghreb en France si la méthode de François Héran avait été testée rétrospectivement en 1982 pour imaginer leur nombre jusqu’en 2015. Sources : Insee et Nations unies

Au-delà de dénoncer ce moralisme tranquille et envahissant, il y a tout de même la question de savoir ce qui se passe quand les faits percutent aussi violemment les idées reçues. Il est évident que n’importe quel chercheur part d’idées préconçues, on ne peut pas faire autrement, mais il doit les remettre en question lorsque l’observation des faits les corrigent violemment. Cette démarche hypothético-déductive devrait être le minimum d’exigence. Mais en réalité si les sociologues ou les démographes new-look ne sont pas capables de corriger leurs idées à la lumière de la réalité c’est aussi bien à cause de leur fainéantise que de leurs positions militantes. On remarque d’ailleurs qu’au Collège de France dès qu’on aborde le domaine des sciences humaines, on n’a pratiquement plus que des militants, Michel Foucault, Pierre Bourdieu, et pire encore Pierre Rosanvallon, avec une détérioration du niveau intellectuel parallèlement. Cette posture militante est clairement un levier pour l’extrême-droite qu’elle prétend combattre. En effet en militant pour l’immigration de masse, les universitaires exercent une pression sur la gauche qui se coupe ainsi de son électorat naturel et laissent le champ libre aux idéologues d’extrême-droite qui peuvent facilement conquérir un public. On peut dire que tous ces gens qui s’appliquent au nom de leur savoir à nier la réalité de terrain, facilitent la tâche d’imbéciles semi-instruits comme Zemmour qui n’ont plus qu’à ramasser les voix d’électeurs en quête d’un discours moins lénifiant ou qui corresponde un peu plus avec ce qu’ils vivent dans leurs quartiers et ce qu’ils voient de leurs yeux. 

L’ouvrage est franchement polémique, et il y a un passage franchement hilarant sur le grotesque Héran qui considère que l’immigration c’est une donnée non-maitrisable comme le baby-boom ou le vieillissement de la population, ce que Tribalat appelle la naturalisation de l’immigration, et donc que les populations autochtones doivent s’adapter sans discussion sans broncher. « François Héran pousse l’analogie entre l’immigration, le baby-boom et les vieux qui vivent plus longtemps jusqu’à employer le verbe accueillir pour ces trois « surcroîts » de population, les mettant ainsi sur un pied d’égalité. À une époque où tout est construction sociale, l’immigration étrangère serait aussi naturelle que la natalité. Il faut s’adapter à l’une comme à l’autre. Ces millions d’habitants supplémentaires dus à l’immigration depuis la fin de la guerre auraient également, non pas contribué à reconstruire la France, mais l’auraient reconstruite à eux tout seuls, reconstruction qui, pour François Héran aurait apparemment duré jusqu’à aujourd’hui ! »



[1] Francis Fukuyama, La fin de l’histoire ou le dernier homme, Flammarion, 1992.

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