mercredi 31 août 2022

La mort de Gorbatchev

   

Mikhail Gorbatchev est décédé à l’âge de 91 ans. Les réactions ont été totalement asymétriques en Occident et en Russie. Pour les premiers ce « grand homme d’Etat » a permis de faire rentrer la Russie dans le rang de la mondialisation en démantelant l’URSS et d’avancer vers une paix mondiale. Pour les seconds, c’est celui qui a livré la patrie à ses ennemis. Mais quand on regarde avec un peu de recul, on s’aperçoit que ce fut un marché de dupes et que la principale erreur de Gorbatchev a été de faire confiance aux Américains. Il faut le redire ici Gorbatchev a confié avant de mourir que les Américains lui avaient promis de ne pas étendre l’OTAN au-delà de ce qu’ils contrôlaient déjà dans leur Empire, c’est-à-dire jusqu’à l’Allemagne réunifiée. Il est important de faire ce rappel parce que dans l’histoire des relations diplomatiques, les Américains apparaissent comme le peuple le moins fiable qui soit, un peuple sans honneur et sans parole. Y avait-il à cette époque une autre voie possible que celle de la Pérestroïka ? Il est bien difficile de le dire. Ce qui est certain c’est que cette politique à ouvert la voie à des réformes radicales qui ont été mises en œuvre directement par les équipes de l’Américain Jeffrey Sachs, réformes qui provoquèrent l’effondrement du PIB russe de 45%, avec toutes les conséquences sur la population russe qui a diminué radicalement. Les équipes américaines n’en étaient pas revenues de rencontrer si peu de résistance à leur plan lugubre d’expérimenter une économie de marché pure et dure comme jamais il n’en avait existé auparavant. Cette politique criminelle qui a vu s’allier la canaille de l’Occident à la crapule de la Russie a été ensuite mise en œuvre et approfondie par l’ivrogne corrompu Boris Eltsine, une fois que Gorbatchev a été évincé parce que manifestement il trainait les pieds pour continuer à piller le peuple de Russie, voire même à démanteler l’URSS dont l’éclatement allait alimenter des guerres nombreuses et meurtrières.  

Le PIB russe a baissé de 45% consécutivement aux réformes américaines 

L’idée qu’on vendait à l’époque était la suivante, quel qu’en soit le coût humain il fallait passer directement à l’économie de marché, tout privatiser, arrêter de financer les retraites, etc. Au cœur même du parti socialiste en France, il y avait plusieurs tendances, ceux qui voulaient suivre la voie gorbatchevienne d’une transition plus lente – Mitterrand était pour, notamment parce qu’il voyait d’un mauvais œil la montée en puissance de l’hégémonie américaine – et ceux qui voulaient assumer la méthode américaine de la terre brûlée. La première conséquence visible de ce démantèlement a été une catastrophe démographique, les vieux sont morts par millions. Mais tout cela a permis la création d’oligarques qui ont pu mettre la main sur les ressources du pays et devenir milliardaires. Jeffrey Sachs lui-même a été banni de l’université où il enseignait parce qu’il avait profité de sa position de réformateur en chef pour s’enrichir et enrichir ses proches et sa famille. Eltsine avait déménagé des sommes immenses aux Etats-Unis où il comptait ensuite passer le reste de ses jours. C’est seulement avec l’arrivée de Poutine au pouvoir que la Russie a commencé à sortir la tête de l’eau. Certes le pays avait été profondément transformé, il n’était plus question de socialisme, mais le pays a repris sa marche en avant pour retrouver sa fierté. Du reste la nostalgie de la puissance russe d’avant la Pérestroïka est tenace, elle est encore visible dans le soutien massif que les Russes apportent à la guerre en Ukraine, ou même encore dans le Parti communiste russe qui est aujourd’hui la principale force d’opposition à Poutine à la Douma, les libéraux façon Zelensky ou Navalny n’ont pas de réelle existence en dehors de celle que leur permet le soutien de la CIA. 

Catastrophe démographique en Russie suite à la Perestroïka 

Personne en Russie ne pleurera Gorbatchev, mais il nous semble erroné de tout mettre sur le compte de cet homme d’Etat. Son échec est d’abord celui d’un peuple très divisé, ou plutôt d’une classe politique qui tirait dans tous les sens du fait de sa corruption, et bien entendu les Américains ont joué sur cette division. On a vu, juste avant qu’Eltsine se lance dans la destruction de l’Etat pour le profit de quelques-uns, Gorbatchev signer des accords bidons avec le mauvais acteur de série B, Ronald Reagan, qui se flattait par ailleurs d’avoir mis la Russie à genoux en lançant son programme ruineux de Guerre des étoiles, programme que les Soviétiques ne pouvaient pas suivre. Mais cette humiliation n’avait pourtant rien à voir avec la réalité. Le système soviétique était à bout de course depuis des années, et beaucoup avaient anticipé son effondrement, même si on n’y avait pas mis de date. Le problème de la classe politique soviétique et donc de Gorbatchev a été de ne pas avoir su proposer une solution alternative à celle proposée par les Américains. Il n’a par ailleurs rien dit de la guerre en Ukraine, se contentant de dire que l’OTAN et les Américains lui avaient promis verbalement de ne pas « aboyer aux portes de la Russie » comme le dit si joliment la Pape François. Naïveté ou lassitude face à une situation catastrophique dont il avait hérité, il va de soi que Gorbatchev a fait une erreur majeure, sous-estimant la rancœur des Etats-Unis qui visaient de mettre au pas la Russie comme ils l’ont fait avec l’Ukraine en propulsant les nazis sur le devant de la scène – souvenez-vous de ce chiffre, un tiers des terres agricoles ukrainiennes sont la propriété de multinationales américaines, ce qui veut dire que si l’Ukraine rejoignait l’Union européenne, ces multinationales américaines se trouveraient arrosées par les subventions de la PAC, payées par les impôts des européens ! 

Gorbatchev et Reagan signent le traité sur les armes nucléaires à portée intermédiaire 

Poutine a présenté ses condoléances à la famille de Gorbatchev d’une manière sobre comme on dit. Cela résume sans doute le sentiment profond de la majeure partie de la population russe. Présenté en Occident comme un homme de paix parce qu’il a signé le traité de désarmement de l’URSS, il a obtenu le prix Nobel de la paix, un prix éminemment politique qui a systématiquement soutenu dans ses attributions une politique antisoviétique, notamment en le donnant à des dissidents comme Sakharov. Gorbatchev avait un autre défaut, il aimait les honneurs et se faire photographier avec les dirigeants occidentaux, comme s’il avait quelque influence sur eux. Ça le flattait, mais ça n’empêchait pas les Russes de souffrir profondément de la Pérestroïka et de ses suites. Les Russes l’amalgament souvent à tort au très corrompu Eltsine. Ayant été le dernier dirigeant de l’URSS avant sa dissolution, il n’aura rien maitrisé du tout, pour des raisons très compliquées, il aura subi les événements d’humiliation en humiliation et ne laissera que très peu de traces dans l’histoire de son pays. Aucune honte ne lui aura été épargnée, en 1997, on le vit vendre son image pour quatre sous à Pizza Hunt qui se servit de lui pour son petit commerce. Peut-être est-ce cette image qui en dit le plus long sur l’incompétence de Gorbatchev. C’était déjà une fin misérable avant son propre décès qui allait intervenir un quart de siècle après. On pourra toujours opposer cette image à celle de McDonald champion de la bouffe pourrie à l’américaine, abandonnant le territoire russe, comme chassé par Poutine. Un sondage récent avançait que seuls 7% des Russes avaient du respect pour Gorbatchev, ça correspond en somme à ceux qui sont tentés par le libéralisme à la manière américaine ou européiste.

Publicité pour Pizza Hunt

L'unanimisme suspect de la presse internationale pour l'homme qui a ouvert la porte au capitalisme sauvage en Russie doit interpeler toutes les cervelles bien faites. La gauche l'appelait Gorby ou Gorbi dans un élan de familiarité qui au fond indique bien de quel piédestal le dirigeant d'un pays jadis puissant était tombé. la plupart des journaux occidentaux s'étonnent que les Russes lui gardent une rancune tenace. Mais la décomposition de l'Empire soviétique s'est faite dans le sang et les larmes, c'est un devoir de mémoire que de le rappeler. 



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