lundi 30 janvier 2023

Note sur le déclin de l’Occident et de sa culture

 

Il existe tellement de livre sur le déclin de l’Occident qu’on a du mal à mettre une date sur le début de cette glissade. L’idée a servi de support à l’ouvrage aussi allemand que célèbre, Le déclin de l’Occident, publié en 1918 pour le 1er tome et en 1922 pour le second, soit comme une conclusion de l’évolution de l’Allemagne. Son auteur Oswald Spengler a été critiqué de tous les côtés, par ceux qui comme Karl Popper avançait qu’il n’existait pas de lois de l’évolution historique, et donc qu’on ne pouvait pas parler de déclin, et par ceux qui niaient l’idée même de déclin parce qu’ils se raccrochaient à l’inverse au « progressisme » comme à une valeur universelle, une loi de la nature. Aujourd’hui cette idée de déclin de l’Occident prend une réalité matérielle évidente : depuis la Guerre en Ukraine, on se rend compte que l’Occident est non seulement encerclé par des pays qui lui sont hostiles et qu’il a longtemps dominés, mais en outre le déclin est évident sur le plan démographique, politique et économique. Ce bloc occidental ne vit que d’endettement pour pallier les effets de sa désindustrialisation. Cependant ce déclin de l’Occident a des résonnances sur le plan de la culture. La culture étant prise comme un ensemble de codes et de comportements, que ceux-ci s’incarnent dans la librairie, le cinéma, les articles de la mode ou les variétés. 

 

Cependant il est difficile de donner une date précise au déclin de l’Occident. Mais je dirais que sa manifestation apparait vers le milieu des années soixante. Deux phénomènes conjoints semblent devoir me donner raison. D’abord l’arrivée en masse des collants et donc consécutivement la fin des bas et des porte-jarretelles. Certes ces instruments existent toujours à l’état résiduel, mais les femmes massivement quand elles ne portent pas des pantalons, portent des collants. C’est un vrai regret, une uniformisation du monde. Mais plus encore il semble que le véritable objectif de la création et de la diffusion du collant, outre de faire du fric, ce soit de nous priver d’un érotisme patiemment amélioré au fil des derniers siècles. Nier le bas c’est nier la cuisse, et nier la cuisse c’est nier la femme ! C’est comme ça qu’on a abouti à la négation des sexes et à la théorie des genres qui nous fait tant de mal aujourd’hui. Cette fantaisie nous vient d’Amérique, dans les années cinquante un certain Allan Grant avait imaginé cette horreur. Ce n'est pas un hasard si cela accompagnait le retour du puritanisme dans les mœurs américaines, l’idéalisation de la famille et la chasse aux communistes ! Récemment on a réhabilité les films hollywoodiens dits « pre-code » pour leur célébration de la liberté. C’est-à-dire ces films qui avaient échappés à la rigueur de la censure qui allait se mettre en place sous la direction des ligues de vertu – remplacées aujourd’hui par des féministes dites radicales – et qui aboutira à ce qu’on appelle le code Hays en 1934[1]. Ces films évidemment n’auraient pas le même attrait et le même sens si les vedettes féminines les avaient tournés avec des collants ! 

Dorothy Mackaill dans le film Safe in Hell, 1931 

On ne s’en est jamais remis, et ensuite quand le cinéma a été libéré de cette censure tatillonne, on est tombé tout de suite dans l’effet contraire, c’est-à-dire dans la pornographie, genre cinématographique qui n’a pas laisser de réelles traces dans les mémoires. Dans It Happened One Night de Frank Capra, on voit Claudette Colbert qui fait du stop avec Clark Gable. Pour cela elle relève sa jupe pour mettre en valeur sa cuisse. Evidemment la même scène en collants serait tout à fait ridicule et sans valeur poétique ou érotique. Les films qu’on range dans la catégorie Pré-code ont beaucoup fait pour l’émancipation des femmes et pour l’éducation des hommes, on ne le dit pas assez. 

Claudette Colbert dans It Happened One Night 

Ensuite, sur le plan musical, il[jb1]  me semble que le déclin de l’Occident est marqué par l’apparition des Beatles qui ont représenté un Empire britannique qui n’existait qu’à l’état de souvenir. Auparavant on n’avait pas l’idée de débiter des sucreries sans importance avec des voix d’écouillés ou de hyènes malades. Certes, à côté de la musique sérieuse qui « élève l’âme » on chantait aussi des âneries, mais on n’avait pas la prétention de faire de l’Art avec un grand « A ». En outre on travaillait tout de même un petit peu la rime, on chantait avec une voix mâle… pour les garçons, même Charles Trenet. Pour dire la vérité, je ne m’en suis pas encore remis ! J’en suis toujours à me demander pourquoi ce groupe a eu autant de retentissement sur le plan mondial, donnant à l’Angleterre une aura qu’elle avait perdu dans les choses sérieuses. J’ai beau me dire que c’était la pointe avancée de la mondialisation, je n’en suis pas plus guère éclairé pour autant.

 

Donnons un exemple de la niaiserie profonde de ce type de poésie qui fut pourtant un énorme succès. 

She loves you, yeah, yeah, yeah

She loves you, yeah, yeah, yeah

She loves you, yeah, yeah, yeah, yeah

You think you've lost your love

Well, I saw her yesterday

It's you she's thinkin' of

And she told me what to say

John Lennon et Paul McCartney, She loves you, chanson diffusée en 1963.

Depuis cela a été de mal en pis. Aujourd’hui les nouveaux poètes sont des rappeurs semi-analphabètes dont les onomatopées ressemblent à ce que faisaient les lettristes dans les caves de Saint-Germain des Prés, sauf que les lettristes avaient un minimum de culture et surtout ils ne cherchaient pas à faire fortune. Un journaliste de Marianne a désigné récemment Booba et Kerry James comme les nouveaux Rimbaud de notre temps, on se doute qu’il n’a pas eu le temps de lire l’auteur d’Une saison en enfer, sinon il ne dirait pas de telles énormités[2]. Avec les Beatles on avait inventé la chanson minimaliste avec des rimes de mirlitons et des refrains simplets. Mais les rappeurs ont réussi le tour de force de produire des « chansons » sans paroles et sans musique ! On pourra toujours arguer que si l’Occident avait démissionné dans le secteur de la culture, c’est peut-être qu’il n’avait plus rien à dire ou encore qu’il avait perdu la maitrise de son destin. La mondialisation de la culture dans son affaiblissement continu ne doit pas laisser croire que l’Occident diffuse sa culture. C’est l’inverse, c’est parce qu’elle a perdu son pouvoir de fascination que la culture occidentale, dominée et produite par le capital américain, est justement en train de disparaitre, comme si ses géniteurs l’avait dissoute dans un bain d’acide ! 

Que des n°10 dans ma team négro

J’attends pas qu’ça tombe du ciel

Si t’es pas n°10 à Paname, t’es la banane du siècle

Là où j’opère, nombreuses seront les victimes

Booba, N° 10

En voilà une autre qu’on ne m’accuse pas de malveillance ou de juger sans savoir. 

Je noircis des feuilles blanches à l’encre d’ébène

A l’encre de mes peines

Je m’époumone sous la fureur du vent

Mes mots s’envolent comme des nuages mouvants

On me tue chaque jour dans la langue de Molière

Je rends chaque coup dans la langue de Césaire

Poète noir, je chante ma solitude

J’habille des espoirs que l’aube dénude

Kery James, Poète noir

Pour le cinéma, c’est plus clair, c’est quand la Nouvelle Vague est apparue que le savoir-faire minimal de la technique cinématographique a commencé de disparaître, et avec lui le style et la grammaire de cet art. Là c’est le début des années soixante. Certes par la suite on a continué à faire des films, et même parfois de très bons films, mais globalement il y a eu, comme dans la chanson, un relâchement de la discipline technique qui a conduit à une fainéantise qui ne pouvait qu’amener à la disparition de cette forme d’art, au motif que n’importe qui pouvait faire de l’art que ce soit dans le cinéma ou la peinture. Depuis cela ne fait que s’effilocher, et les films français ou même américains intéressants se comptent dans une année sur les doigts d’une main, et encore, j’exagère, c’est sans doute moins. A tout ce mouvement de dégénérescence on peut trouver des explications, comme la marchandisation de la culture qui pour élargir son marché utilise deux facteurs : d’abord le rabaissement du haut vers le bas dans un souci de rendre plus compréhensible les messages, ensuite l’obsolescence programmée des vêtements, des livres, des films et des vedettes d’un spectacle toujours en quête de renouvellement. Mais les raisons qu’on peut avancer qu’elles soient juste ou fausses ne disent rien sur le moment et l’endroit où le monde a basculé d’une forme triomphante, conquérante et ascendante, vers une forme rabougrie de faible intensité. Peut-être que la raison est le fait que les industries culturelles après avoir permis à la masse d’accéder à la culture, se sont éloignées des formes populaires, c’est-à-dire faites pour le peuple par des gens issus de lui. Dans cette transformation on peut y voir aussi le résultat de l’émergence de la classe moyenne et l’étiolement progressif de la classe ouvrière qui au fond avait une idée plus élevée de la culture.

 

Dans les lettres il est encore plus facile de cibler le déclin de l’Occident. Voici Annie Ernaux, prix Nobel de Littérature 2022, après Bob Dylan en 2016 ! En quelques décennies on est passé d’Albert Camus à Annie Ernaux ! Cette femme qui étale ses lugubres gémissements depuis une bonne quarantaine d’années et qu’on a poussée sous les feux des médias en faisant croire qu’elle avait quelque chose à dire, possède une rigidité d’esprit d’un adjudant de caserne dont le vocabulaire tient sur le dos d’un timbre-poste, elle a la mentalité d’un pion de lycée tatillon, façon Petit Chose. D’une manière assez haineuse elle nous renseigne sur ses frustrations, et ses aigreurs d’estomac, et même ses premières règles. La voici qui nous explique dans son discours de récipiendaire du Nobel pourquoi elle écrit : « J’écris pour venger ma race et venger mon sexe »[3]. On dirait du Booba dans le texte ! Imaginez à l’inverse un blanc cisgenre, membre du RN disant qu’il veut venger sa race, au lieu du prix Nobel on lui donnerait sans doute un billet pour Fresnes ou pour la Santé sous la pression des nouvelles ligues de vertu. Vous me direz que c’est très facile de la mettre en question tant sa bêtise est incomparable, il suffit de piocher. La voici qui met en scène ses vieilles rancœurs comme autant de raisons d’écrire : 

« Très vite aussi, il m’a paru évident – au point de ne pouvoir envisager d’autre point de départ – d’ancrer le récit de ma déchirure sociale dans la situation qui avait été la mienne lorsque j’étais étudiante, celle, révoltante, à laquelle l’Etat français condamnait toujours les femmes, le recours à l’avortement clandestin entre les mains d’une faiseuse d’anges. Et je voulais décrire tout ce qui est arrivé à mon corps de fille, la découverte du plaisir, les règles. »

En voilà un programme joyeux ! Ces gémissements n’étaient pourtant pas partagés dans les années soixante par les femmes qui vivaient leur émancipation en revendiquant plus de justice et d’équité. Elles avaient un peu plus d’entrain et ne se laissaient pas pour autant marcher dessus. Annie Ernaux a décidé de cocher toute les cases de la stupidité dite de la gauche progressiste d’aujourd’hui, voici qu’elle défend, comme on s’y attend, le voile dans un article pour Libération : « C’est reconnaître dans celle qui choisit de le porter la revendication visible d’une identité, la fierté des humiliés ».[4] Ecrire comme ça, c’est franchement simplet et plat, n’importe quelle Sandrine Rousseau aurait pu dire de même, et donc on aurait peut-être pu lui donner le prix Nobel également. Le pire n’est pas tant dans ses prises de position politico-médiatiques que dans leur présentation des plus sommaires. Elle revend sa misère passée en la débitant en rondelles au chaland qui s’en contentera. Mais qui peut lire des âneries pareilles ? Tout ça manque cruellement de dignité, et en ce sens elle est bien de son temps. 

Être un crétin n’est pas un obstacle sur le chemin de la gloire, c’est même un avantage 

La stupidité dans les lettres modernes ne s’arrête pas à un prix Nobel d’occasion, voici Francky Vincent fait – par quel mystère – Chevalier des Arts et des Lettres. On descend encore un cran plus bas. Cet amuseur professionnel est comme Annie Ernaux d’ailleurs accusé périodiquement d’antisémitisme[5]. A croire que c’est aujourd’hui une référence pour être décoré de quelque chose, peut-être même de la Légion d’honneur. Mais au fond ce n’est pas ça qui nous importe ici. Les thèmes de prédilection de ce méchant clown analphabète semblent être de parler de sa bite et du cassoulet qui fait péter ! Décorer un pétomane du titre de Chevalier des Arts et des Lettres pour accélérer la visibilité de la diversité, c’est inédit et rehausse à n’en pas douter la renommée de la France dans le monde ! On a beau dire que les décorations n’ont jamais servi à grand-chose, mais tout de même, là on ne fait même plus semblant. Veut-on nous faire croire que la culture c’est ça ? Que cette norme est normale ? Donnons quelques exemples de sa poésie. 

« Elle s'est foutue dans la bedaine du chili con carne, elle regarde la télé avec Hélène, elle ne fait que dégager... prout-prout, prout-prout, prout-prout », extrait de Tu pues du cul

Le nouveau Chevalier des Arts et des lettres insiste dans la même veine. Y’a pas de raison de ne pas exploiter un si riche filon. Il y a aussi ce monument de la langue française, Caca poule qui montre combien Francky Vincent est attaché aux floculations en tout genre. Ce garçon semble en être resté au stade anal. Mais il parait qu’il a du succès ! Ce qui nous fait un mystère de plus ! A côté de cet individu, Booba et Kery James ressemblent à des intellectuels à l’ancienne. 

« Dis-moi chérie ce que tu as dîné, ton pété dégage une odeur de cassoulet »

« Péter est une bombe qui sort entre deux montagnes, annonçant l'arrivée du général Caca » extrait de Caca Poule

 

Les poètes d’aujourd’hui nous semblent parfois un peu hermétiques. Le refrain suivant est répété plus de vingt-cinq fois dans cette « chanson » qui porte le titre bucolique de Tu veux mon zizi ? : 

« Tu veux mon zizi ?

(Oui, oui, oui, oui)

J'vais te le donner oui, oui, oui, oui »

A voir cet étalage de semi-vedettes dans les Arts et les Lettres, on comprend que cela ne pourrait pas se faire sans le matraquage incessant de la publicité qui le supporte. Mais si la culture subit de plein fouet cette logique de la filière inversée où la marchandise fabrique le besoin qu’on a d’elle, exactement comme dans le cas d’Annie Ernaux, c’est parce que non seulement ceux qui ont les moyens de la développer sont un peu limité dans leur approche de la vie et du réel, mais parce qu’ils ont compris la place de celle-ci dans le système de domination. L’industrie culturelle qui produit ce genre de marchandises a fait de la télévision et des médias dominants, les remplaçants d’une éducation en pleine déshérence, appauvrie volontairement afin de donner une image de normalité à la pauvreté intellectuelle de l’époque. Cependant je n’irais pas à dire que cette volonté manifeste d’abêtissement des masses est volontaire et calculée, car ceux qui la mettent en mouvement sont aussi stupides que ceux qui la consomment.


[1] Thomas Doherty, Pre-Code Hollywood: Sex, Immorality, and Insurrection in American Cinema, 1930-1934, Columbia University Press, 1999.

[2] https://www.marianne.net/culture/musique/on-a-lu-booba-et-kery-james-les-rappeurs-heritiers-des-poetes

[3] https://headtopics.com/fr/annie-ernaux-prix-nobel-de-litterature-2022-j-ecris-pour-venger-ma-race-et-venger-mon-sexe-32595649

[4] https://www.liberation.fr/debats/2019/03/13/soror-lila_1714852/

[5] https://www.ouest-france.fr/medias/television/tpmp/francky-vincent-porte-plainte-pour-diffamation-apres-avoir-ete-accuse-d-antisemitisme-dans-tpmp-5cf9b770-852b-11ed-9562-54a8c1ae3631


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