mercredi 29 novembre 2023

Encore et toujours la censure

  

Le ministre des affaires étrangères danois, Lars Lokke Rasmussen, le ministre de la justice, Peter Hummelgaard, et le vice-premier ministre, Jakob Ellemann-Jensen, à Copenhague, le 25 août 2023 

On ne peut pas travailler au changement politique, sociale et économique en subissant les désinformations récurrentes des médias mainstream. C’est pourquoi nous devons dénoncer avec constance et fermeté toutes atteintes à la liberté d’expression. Celle-ci est un droit reconnu par la Charte des Nations Unies : « Article 19. Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » Cet énoncé a beau relevé du droit bourgeois, il est constamment bafoué en Occident, où on se targue pourtant de défendre l’État de droit et la démocratie. La censure est le fondement du fascisme que par ailleurs les « démocrates » prétendent combattre. Tous les jours les politiciens trouvent de nouvelles raisons d’interdire ceci ou cela. À la fin du mois d’août, le parlement danois a présenté une loi pour[1] interdire la dégradation des livres religieux. Ceux qui persisteraient dans cette voie seraient frappés de lourdes amendes. Cette manière de faire est typique des pays nordiques, Danemark et Suède qui tentent de mettre en place cette censure pour deux raisons :

La première est la lâcheté face aux offensives islamistes visant à modifier les composantes des institutions occidentales en imposant leurs valeurs, pour cela ils joueront la comédie des offensés ;

La seconde est moins visible, ces sociétés ont longtemps été des modèles de conformisme et de puritanisme, en jouant le jeu des islamistes, ils en reviennent ainsi à leurs fondamentaux. 

L’ignoble Vera Jourova 

L’Union européenne est en difficulté pour justifier sa politique de guerre à outrance contre la Russie. Elle tente donc d’empêcher qu’un débat s’installe sur cette question. Elle ne supporte pas qu’on entende le point de vue des Russes, ou le point de vue de ceux qui contestent le narratif américain. Seront du reste qualifié de poutiniens, tous ceux qui n’adoptent pas le point de vue atlantiste[2]. Évidemment si la Commission européenne tente de censurer ceux qui contestent l’idée que l’Ukraine représente le camp du bien et la Russie le mal absolu, c’est parce que le soutien des Européens pour faire la guerre à la Russie s’effrite de plus en plus. Les propositions de Vera Jourova montrent que la Commission va étendre le droit de censure en le confiant au secteur privé, c’est-à-dire principalement aux GAFAM. Je rappelle que la Commission européenne a déjà interdit les médias russes du type Sputnik ou Russia Today, violant l’article 19 de la Charte des Nations Unies, et se moquant complètement du fait qu’officiellement l’Union européenne n’a pas déclaré la guerre à la Russie – du reste elle ne le pourrait pas puisque cette usine à gaz n’est qu’un conglomérat de pays qui, même s’ils sont dans une position de soumission aux intérêts de Washington, sont « souverains » sur le plan juridique. Les réseaux sociaux sont déjà très censurés par les GAFAM au nom du bien. Mais les nouvelles dispositions fascisantes de la Commission réclament plus ! Et ce toujours plus va très certainement dériver vers un contrôle de toutes les positions alternatives, par exemple des appels à manifester. Le 3 octobre s’ouvre le procès de militants anarchisants, ils sont accusés de terrorisme. Comme le dit l’hypocrite journal Le Monde, ces accusations reposent sur des bases très fragiles, la police ayant simplement planqué un micro pour espionner ces militants[3] qui ont dit tout le mal qu’ils pensaient de la police et de Macron. C’est la              tendance du jour, ne plus tenir compte de la vie privée des gens, les espionner jour et nuit jusqu’à ce qu’ils disent quelque chose qui déplait pour les accuser de terrorisme. Évidemment le terme de terrorisme étant très vague, cela laisse la porte ouverte à l’arbitraire le plus total[4]. Mais qu’on espionne en planquant des micros ou qu’on espionne en se servant de la complaisance des GAFAM, cela ne change rien au fond : c’est de censure dont il s’agit. Toute parole non conforme risque d’être interprétée comme du terrorisme et conduire à un procès, une exclusion ou une censure. 

 

L’Europe est à la pointe de la censure quelle organise en Europe avec la patience de l’araignée, et Thierry Breton est le prophète de malheur de cette tendance liberticide. Dès les débuts de la guerre entre la Russie et l’OTAN, elle a banni des réseaux Internet la possibilité d’accéder aux sources russes d’information, sous le prétexte que celles-ci ne seraient pas conformes à la vérité, tandis que de répéter bêtement les nouvelles propagées par le bras armé de l’Empire et ses valets, serait œuvre de salubrité publique. Elon Musk s’est fait de la publicité en prétendant qu’il laisserait tout le monde déconner sur twitter lorsqu’il en serait devenu le patron. Mais l’Europe voudrait qu’il devienne aussi un censeur officiel. Et donc ça fait des mois que l’ignoble Breton menace Musk de censurer son réseau, rebaptisé X, et donc de le bannir de l’Europe dans son entier. La dernière fantaisie de Breton le censeur a pris prétexte de la guerre terroriste du Hamas en Israël. Breton trouve que sur X – anciennement Twitter – il y a des fausses nouvelles, et qu’en outre Elon Musk ne censure pas les contenus et les images violentes. Et il y en a à la pelle[5]. Donc cette canaille de Breton menace. Mais pourquoi veut-il censurer ? Certes il veut montrer qu’il existe. Mais au-delà il y a à la fois le fait qu’il ne faut pas montrer des Palestiniens agir comme des bêtes féroces, parce que l’Union européenne soutient financièrement les Palestiniens contre Israël, et aussi parce qu’il suppose que les Européens ne sont pas assez adultes pour comprendre les images violentes qu’ils voient et donc qu’il faut les protéger d’eux-mêmes ! les réseaux sociaux dominants ont mis une chappe de plomb sur les images de la sauvagerie du Hamas, il faut faire des tours et des détours pour les trouver. Facebook est un modèle en ce sens. Systématiquement les images violentes de ce conflit sont bannies et ceux qui les mettent se trouvent enfermés rapidement dans un cachot numérique. Pour Thierry Breton, le numérique qui a permis le développement des réseaux sociaux ne doit pas servir à faire entendre un son de cloche autre que celui qui chante les louanges de l’Union européenne. Cela doit rester un instrument pour accroitre la fluidité du marché et un outil de contrôle social. La fable de la désinformation est destinée à masquer que l’information doit être sous le contrôle de l’Empire et non pas des dissidents. Qui définira la désinformation ? Un menteur comme Thierry Breton ? Un semi-idiot comme Bruno Le Maire qui nous dit que l’économie russe est en voie d’effondrement ou BHL qui nous assure que l’attaque du Hamas contre Israël est un coup des Russes ?

 

La censure n’est pas seulement un viol des principes les plus élémentaires de la démocratie, c’est également un viol de l’intimité et donc une atteinte à l’intégrité des individus. D’une manière plus traditionnelle le Haut Conseil à l’Égalité s’attaque aux sites pornographiques, soi-disant pour protéger les mineurs d’eux-mêmes[6] ! Évidemment il est plutôt compliqué pour ces sites de vérifier avec exactitude l’âge de ceux qui consultent ce genre de connerie. Cette censure pose deux problèmes. Le premier est qu’il s’agit toujours d’augmenter le contrôle et donc de continuer à violer l’intimité des personnes, parce que pour interdire aux enfants de regarder des films de cul, il faut contrôler qui les regarde ! Et donc les adultes seront aussi fliqués pour cela. Le second problème est qu’on suppose que d’exposer des gosses à des films pornographiques est plus dangereux que de les exposer à des jeux vidéo stupides ou à des publicités pour manger des MacDo. Ce n’est pas que je sois pour l’industrie pornographique, bien au contraire, cette forme de marchandisation du sexe est en réalité très représentative de ce qu’est le capitalisme dans sa phase terminale. Mais nous retombons toujours sur ces mêmes problèmes :

– d’abord on suppose que les individus sont totalement irresponsables, que ce soit les enfants ou les parents, et donc que seule la trique les éloigne de la tentation des mauvaises pensées ;

– ensuite, on suppose ayu que ceux qui définissent les règles n’ont pas d’autres intentions que celles de faire le « bien » ! Or ce que nous voyons, c’est que dès qu’une censure est mise en place pour telle ou telle « bonne raison », elle fait tache d’huile et contamine d’autres sujets. Je l’ai répété à plusieurs reprises, la lutte contre la censure est la mère de toutes les batailles politiques. 

 

Plus ordinaire la police vient de saisir les équipements du site Uptobox en France, travaille pour le capital. En effet, l' Alliance for Creativity and Entertainment (ACE) est à l'origine de la fermeture de ces services en ligne ! Pour mieux comprendre, il suffit de regarder quels sont les membres de cette alliance : Amazon, Sony Pictures Entertainment, Netflix Studios LLC, ou encore Paramount. Vous me direz que ce n’est pas beau de pirater, que cela prive les « artistes » de leurs droits. Mais en réalité cette lutte contre le piratage viole plusieurs droits des individus : d’abord celui de pouvoir diffuser ce que l’on a payé pour nos amis, ensuite, elle restreint l’accès à la culture qui ne doit plus passer que par le marché que celui-ci soit publicitaire ou autre. C’est donc, au-delà des questions des droits de propriété, une censure, et cette censure résulte forcément d’un espionnage des autorités de ce qui se passe sur la toile. 

 

L’université n’échappe pas à la censure. Annie Lacroix-Riz, historienne réputée pour ses ouvrages sur les origines étatsuniennes et nazis de l’Europe institutionnelle, vient d’en faire l’expérience. On lui a purement et simplement interdit de parler au Séminaire Marx au XIXème siècle qui se tient chaque année à la Sorbonne. Quel est le motif ? Elle est accusée de complotisme, crime aussi vague de flou. Et pourquoi est-elle accusée de complotisme pour avoir osé réintroduire le nom de Synarchie pour désigner une forme d’entente entre des hommes politiques, des grands patrons et des journalistes, entente visant à créer une « gouvernance » en dehors des règles de la démocratie parlementaire. Elle a tenté de démontrer que cette Synarchie existait aussi comme  un des piliers de la collaboration entre la France et l’Allemagne. J’apprécie beaucoup ses travaux dont j’ai rendu compte souvent sur ce blog. Je reconnais que sa démonstration sur l’existence d’une Synarchie n’est pas complètement convaincante, même si elle démontre à l’envie l’existence d’une conspiration emmenée par le patronat par-delà la frontière franco-allemande[7]. Mais la démonstration selon laquelle la Synarchie n’aurait jamais existé reste complètement à faire. En censurant Annie Lacroix-Riz, on vise deux buts : d’abord signaler que tous ceux qui seront taxés de complotisme en subiront les conséquences, ensuite que ce prétexte sert très bien à disqualifier les travaux très sérieux de l’historienne sur les origines mêmes de l’Union européenne. ce sont des universitaires qui se sont prêtés à ces combines malheureuses, et c’est cela le plus inquiétant car ça veut dire que la liberté de penser est aujourd’hui interdite à l’Université. 

Un militant du Hamas se prend en photo devant un char israélien détruit, le 7 octobre 2023. 

Je ne vais pas porter ici un jugement sur les actions terroristes du Hamas, ce n’est pas mon propos. Je veux juste montrer comment le journalisme s’accommode et réclame la censure. Le Monde est un fervent militant de la censure. Il ne lui plait pas que le monde entier puisse voir les atrocités commises par les terroristes du Hamas. Il critique donc le fait que ces images et vidéos affreuses puissent être visionnées sans que quelque dise ce qu’il faut en penser : « des vidéos et des photos d’atrocités se déversent sans filtre sur les réseaux depuis samedi »[8]. Quelles sont les raisons avancées pour soutenir la censure d’une réalité certes atroce, mais bien réelle ? Il y en a deux. La première est que le vulgum pecus n’est pas qualifié pour comprendre ce qu’il voit, il doit donc être guidé. C’est supposé que les plumitifs du Monde en savent un peu plus que le commun ! Vu les tonnes de contre-vérités déversées, il semble que ce soit exactement le contraire ! La deuxième raison est que le simple citoyen est trop impulsif, et donc il faut par exemple le protéger contre une condamnation sans nuances des criminels du Hamas. La censure sert donc à orienter les positions politiques des uns et des autres. En masquant les atrocités du Hamas, Le Monde poursuit sa politique pro-palestinienne. Ses journalistes supposent qu’en édulcorant la réalité brute, ils vont amener leurs lecteurs à penser correctement. Ci-dessous on voit une image que Le Monde ne veut pas montrer à ses lecteurs pour les protéger d’eux-mêmes. En vérité il y a une troisième raison qui pour les journalistes justifie la censure, c’est le fait de protéger ses lecteurs du spectacle d’une réalité trop violente, donc le laisser dans l’ignorance de la réalité du monde. Comme on le voit, il s’agit encore et toujours de considérer que le lecteur est à la fois un ignorant, et une sorte d’enfant qu’il ne faut pas choquer en le désespérant. Cette manière de présenter l’information soutient en vérité une autre idée : la politique ne peut pas être faite par le simple citoyen, mais par des experts, des spécialistes. Ce qui va de pair avec les circonvolutions de ce journal pour récuser avec constance qu’on puisse donner la parole au peuple par la voie d’un référendum. 

Voilà une image que Le Monde ne montrera pas à ses lecteurs et que vous ne verrez pas sur les sites dits "de gauche" 

Les images montrées par Le Monde font un grand étalage des dégâts causés par les bombardements israéliens, images très violentes et très explicites, mais on refuse de montrer les corps des martyres israéliens. Cette asymétrie est pensée clairement comme un soutien au peuple palestinien, laissant entendre que les crimes du Hamas sur le territoire d’Israël, ne sont que des débordements, certes condamnables, mais compréhensible par la situation des Gazaouis. Dans les commentaires fleuriront souvent et avec obstination le terme de « prison à ciel ouvert ». Terme qui ne correspond à rien, mais qui fait partie de la rhétorique du Hamas. La censure c’est donc trier ce que l’on montrera et le commenter en orientant le lecteur vers telle ou telle vision des choses. C’est bien pour ça que la censure doit être combattue même si la liberté d’expression conduit nécessairement vers des contradictions dans ce qu’on peut comprendre dans une situation difficile et compliquée. Les censeurs en général ont tendance à présenter les situations politiques d’une manière binaire, il leur faut un coupable ! Le Juif est désigné ainsi depuis la nuit des temps, et le Palestinien à l’inverse est désigné comme l’opprimé. 

Le Monde préfère publier les images des destructions des frappes israéliennes sur Gaza


[2] https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/26/desinformation-russe-l-union-europeenne-epingle-le-reseau-social-x_6191081_3210.html#:~:text=La%20Commission%20europ%C3%A9enne%20appelle%20l,durant%20une%20conf%C3%A9rence%20de%20presse.

[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/25/affaire-du-8-decembre-2020-le-proces-d-une-supposee-menace-terroriste-d-ultragauche_6190853_3224.html

[4] https://www.infolibertaire.net/affaire-du-8-decembre-lantiterrorisme-a-lassaut-des-luttes-sociales/

[5] https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/11/israel-palestine-bras-de-fer-entre-elon-musk-et-thierry-breton-sur-la-moderation-de-twitter_6193845_4408996.html

[6] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/26/pornographie-les-propositions-du-haut-conseil-a-l-egalite-pour-encadrer-les-pratiques-en-ligne_6191127_3224.html

[7] https://histoireetsociete.com/2023/10/12/censure-a-la-sorbonne-soutien-a-annie-lacroix-riz-declaration-du-secretariat-national-du-prcf-6-octobre-2023/ 

[8] https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/11/attaques-du-hamas-en-israel-un-flot-d-images-instrumentalisees-et-traumatisantes_6193855_3224.html

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