vendredi 16 février 2024

Les buts de guerre de la Russie et la situation sur le front ukrainien

  

Allemagne 

L’armée ukraino-otanienne est sur le front en très grande difficulté même le journal otanien Le monde l’admet. C’est pourquoi elle en est à faire des coups dans la mer Noire ou contre les civils de Belgorod. À la fin du mois de décembre 2023, une quarantaine de civils russes ont été tués dans un bombardement délibérément criminel[1]. Cela ne se remarquerait pas si par ailleurs la crapule journalistique, Le monde, Libération, LCI et j’en passe ne réclamait pas à cor et à cris que Poutine soit jugé en tant que criminel de guerre. Le ministre de la défense britannique, le sombre Grant Shapps, a fustigé la livraison de missiles nord-coréens à la Russie, disant que « ce crime ne serait pas impuni », peut-être que ce bouffon va aller lui-même arrêter Kim Jong-Un ? La folie des grandeurs submerge les vieux débris de feue la puissance diplomatique et militaire de l’Angleterre. Bien entendu Le monde rapporte cette fantaisie langagière, tout en trouvant normal que le Royaume Uni qui officiellement n’est pas en guerre avec la Russie, envoie quelques missiles pour bombarder la Russie, et monte des coups foireux contre la Crimée ou contre les gazoducs reliant l’Europe à la Russie. Les Occidentaux, ce n’est un secret pour personne, rechignent maintenant à fournir des munitions pour que la fantaisie zelenskienne continue, le Congrès des Etats-Unis ayant bloqué son aide pour longtemps, les faucons américains tentent de faire payer la note de leur folie par leurs domestiques européens, il faut voir comment le petit coq Attal, transformé en un chien de guerre devant l’Assemblée nationale, a avancé l’idée qu’il fallait se battre jusqu’au bout pour « nos valeurs ». En attendant, les pays alliés qui fournissent les munitions ont dépêché des conseillers pour dire aux Ukrainiens de se calmer un petit peu sur la consommation de munitions[2]. À cela il y a trois raisons, la contre-offensive ukrainienne du printemps dernier a lamentablement échoué, elle a consommé des munitions et des hommes sans aucun résultat tangible, au contraire, elle s’est encore un peu plus affaiblie. Ensuite, il y a le fait que tout simplement les Occidentaux ne peuvent plus suivre la concurrence avec la Russie : ils n’en n’ont pas les moyens. Et enfin, il y a le fait que l’OTAN et les Américains ont sous-estimé le potentiel du complexe militaro industriel russe qui fournit massivement les munitions et le matériel dont a besoin l’armée sur le terrain pour tenter de faire encore illusion. Après des F16 Zelensky demande maintenant des bombardiers pour attaquer la Russie en profondeur, tuer quelques civils et bien sûr « défendre nos valeurs ». ne jamais oublier ce leitmotiv ! 

Los Angeles 

Le jeu entre Zelensky, l’OTAN et les Etats-Unis consiste à se renvoyer la responsabilité de cette débâcle ruineuse. Pour Zelensky qui a démissionné son chef d’État-major Zaloujny qui contestait ouvertement la stratégie suivie[3], officiellement les difficultés proviennent des avares Occidentaux qui ne fournissent pas assez d’armes et d’avions pour battre les Russes, alors que les « bons » Ukrainiens se battent pour eux et pour « nos valeurs ». Pour l’OTAN se sont les Ukrainiens qui n’ont pas bien appliqué les recettes de la gagne contre la Russie, à cause de leurs disputes incessantes et de leur entêtement imbécile. Pour les Etats-Unis, l’OTAN et l’Ukraine sont responsables de cette gabegie. Ces disputes sont maintenant dans la phase où elles montrent qu’il n’y a aucune perspective au moins à court terme pour que cet étrange attelage puisse gagner quoi que ce soit. Bien au contraire on s’attend qu’Avdiïvka tombe d’ici aux élections présidentielles en Russie. Ce qui sera sans doute une défaite majeure et un tournant. En effet Avdiïvka est considérée comme une des places fortes les mieux défendue du monde, mais en outre c’est un verrou qui défend le territoire pour éviter que les Russes déferlent sur le Sud et c’est pourquoi les Ukrainiens sont sommés de défendre ce bastion jusqu’à la mort[4]. 

Syrsky et Zaloujny prenant la pose 

Cette tactique désastreuse ne risque pas de changer avec le remplacement de Zaloujny par Oleksandre Syrsky, un jusqu’au-boutiste qui a perdu dans les grandes largeurs la bataille d’Artiomovsk – Bakhmout – après avoir empêché le repliement des troupes ukrainiennes ce qui a coûté des dizaines de milliers de morts, alors que l’armée ukrainienne a de plus de mal à recruter et qu’elle sera sans doute incapable de recruter 500 000 nouveaux soldats comme la loi votée par la Rada le demande. Ce changement permet à Zelensky de reprendre lui-même la direction des armées. Contrairement à Zaloujny, « le boucher » Syrsky n’est pas populaire, sa tactique a engendré de nombreuses rébellions dans l’armée. Dès le 9 février 2024, Le monde signalait des manifestations contre le limogeage de Zaloujny. La question qui se pose alors est la suivante. Ce changement à la tête des armées en pleine débâcle va-t-il entraîner une nouvelle stratégie ? Zaloujny était hostile à la forme que la contre-offensive du printemps dernier à prise, il était aussi contre les formes prises par le recrutement forcé. En outre Zaloujny, c’est l’homme de l’OTAN, celui qui veut rendre obligatoire l’apprentissage de l’anglais par les Ukrainiens – la langue du maître. Il a été financé à hauteur d’un million de dollars directement par les Américains. Que fera Syrsky ? On sait qu’il est né russe, qu’il parle russe, qu’il a été élevé dans les standards militaires russes. Mais on sait aussi que sur le terrain il n’a eu pratiquement que des revers, il n’est pas aimé des soldats qui considèrent qu’il les envoie délibérément à la mort pour rien. Il est trop tôt pour dire que l’OTAN change de stratégie en changeant le chef de l’armée ukrainienne – bien que les incursions répétées en Russie contre les civils semblent signifier un retrait du terrain et une volonté de semer la terreur en Russie même. La conclusion de cette séquence est évidemment que les Ukrainiens sont divisés jusqu’au plus haut niveau militaire. Syrsky va -t-il continuer à défendre coûte que coûte Avdiïvka comme il l’a fait à Artëmovsk ? Mais a-t-il une autre tactique de rechange ?   

Adviidka en ruine 

Les Américains sont divisés, jusqu’au Pentagone, les uns pensent qu’il faut maintenant négocier, pour ne pas tout perdre, les autres voudraient aller plus loin, en usant de l’arme nucléaire – les Anglais sont aussi sur cette ligne. Cette division recoupe d’ailleurs en grande partie la bataille électorale entre les Républicains et les Démocrates qui s’annonce féroce dans l’année qui vient. Les va-t-en-guerre européens, le plus souvent des agents des Etats-Unis, comme von der Leyen, Borrell ou encore l’idiote Annalena Baerbock qui s’est fait élire comme écologiste et qui se révèle être la plus acharnée, veulent continuer à soutenir la guerre en travaillant à produire encore plus de munitions. Mais l’économie ne suit pas. L’Union européenne est en récession et la Banque Centrale Européenne veut imposer l’austérité, donc une diminution de l’endettement des États. Il y a donc une rupture entre la Commission européenne et la BCE. Von der Leyen aura du mal à faire accepter son programme guerrier, car si elle peut compter sur les pays baltes, sur la Finlande, ou encore la Suède, anciennement très complaisants avec les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, elle aura du mal à convaincre la Hongrie, et même l’Italie que la guerre en Ukraine empêche Poutine de conquérir Paris. Aux raisons d’austérité budgétaire vont s’ajouter l’absurdité du discours otanien selon lequel les Ukrainiens se battent pour nos valeurs. On se demande bien lesquelles. Trois solutions sont envisageables pour les Occidentaux sous la houlette des Etats-Unis. La première consiste à continuer en envoyant de l’argent et des armes, sans trop savoir à quoi cela pourra bien servir. C’est ce qu’espère arriver à faire Biden avant les élections de novembre 2024. Cette solution est contrariée par les Républicains pour plusieurs raisons, notamment pour ne pas satisfaire les desiderata de Biden sur le plan politique pour l’instant, et en outre. Il semble cette voie-là soit maintenant bouchée[5], mais il est douteux qu’une telle stratégie puisse avoir des résultats tangibles sur le terrain d’ici aux élections de novembre 2024. L’impopularité évidente de Biden ne donne pourtant pas l’assurance d’une élection facile pour Trump, pour l’instant les sondages sont très mitigés, et le vote des femmes comme des minorités ethniques pourrait encore une fois aux Démocrates de conserver la présidence. 

Campagne de recrutement en Ukraine 

La seconde solution consisterait à geler le front militaire, solution à la coréenne, qui permettrait à l’Occident d’endormir la Russie et de se reprendre, de se réarmer pour réattaquer un peu plus tard la Russie après avoir intégré l’Ukraine à l’OTAN. Il est à peu près certain que les anglo-saxons qui visent à démanteler la Russie depuis au moins deux siècles ne renonceront pas à cette idée ruineuse.  Cette solution qui est privilégiée par les pays Baltes et la Suède risque en réalité de faire éclater l’Union européenne et peut-être même l’OTAN. En tous les cas elle parait assez difficile à mettre en œuvre du moins dans le court terme, pour la financer, il faudrait que l’économie occidentale sorte de son état de léthargie et que la baisse des salaires réels qui engendre un grand mécontentement en Europe cesse, mais ce n’est pas pour demain, puisque au contraire la Commission européenne a décidé non seulement d’accroitre son aide à l’Ukraine, mais aussi d’appliquer les vieilles recettes de l’austérité pour financer son effort de guerre au détriment des citoyens européens. La troisième solution serait d’envoyer directement des soldats étatsuniens et européens sur le front, au motif qu’il faut sauver l’Ukraine qui n’arrive plus à recruter de la chair à canon[6]. Mais ça aussi, ça semble très compliqué, même si le vieux Biden était réélu, si par miracle la justice américaine empêchait Trump de se représenter. C’est d’ailleurs pour ça que les éditorialistes du Monde, la guerrière Sylvie Kauffmann en tête réclament que Trump soit interdit des élections[7]. C’est un sujet important, parce que si Trump ne peut pas se présenter, il est très probable que les Etats-Unis plongeront dans un chaos sans fin, voire une guerre civile, en tous les cas de grosses difficultés pour les faucons à maintenir une aide élevée à Zelensky. 

Tucker Carlson interviewant Poutine le 6 février 2024 

L’interview de Poutine par Tucker Carlson qui a une forte audience aux Etats-Unis chez les Républicains a été un très joli coup médiatique. Les journalistes occidentaux ont crié à la propagande, mais comme ils ne parlent pas de propagande quand Zelensky se répand pour alerter sur « nos valeurs », leur diatribe ne mord pas. Certes cette interview ne nous apprend rien, mais il est très probable qu’elle raffermisse le camp de la paix aux Etats-Unis et fasse apparaitre les démocrates comme des va-t-en-guerre décervelés, ce qui non seulement affaiblirait le camp Biden, mais renforcerait même chez les démocrates suivistes le camp du refus de cette entreprise désastreuse. Notez que cette interview intervient après que le journaliste Seymour Hersh ait dénoncé l’implication de la CIA dans le sabotage des gazoducs Nord Stream[8] qui jetait un doute sur les intentions réelles des Etats-Unis en Ukraine. La vérité procède pour émerger d’accumulations de faits, et cela mine finalement le narratif occidental. Face à la popularité de cette interview – 68 millions de vue dans la journée du 6 février 2024 – Benoît Vitkine, agent des Américains, a senti le danger et dans Le monde il a tenté de minimiser l’importance de ce discours. Il est tellement menteur qu’il en est à nier l’implication des services secrets occidentaux dans le sabotage de Nord Stream, le coup d’État mené en Ukraine par Victoria Nuland et même les affirmations conjointes de Merkel et Hollande disant que les accords de Minsk n’étaient là que pour gagner du temps, pour réarmer l’Ukraine et la préparer à la guerre[9]. Qui veut en Occident mourir pour Zelensky ? On oublie aussi que les armées de métier occidentales souffrent de difficultés à recruter du personnel. Les Ukrainiens eux-mêmes fuient le recrutement, pas par lâcheté, mais parce qu’ils ne savent pas vers quelle impasse on les emmène, et aussi parce qu’ils savent très bien que s’ils récupéraient le Donbass et la Crimée, ils ne récupéreraient jamais leurs habitants qui ont fait sécession et qui en aucun cas ne voudront redevenir ukrainiens. 

 

Tous ces errements qui montrent que l’Occident global n’avait pas correctement anticipé les difficultés de son entreprise de dépeçage de la Russie, ont finalement amené les stratèges russes à redéfinir leurs ambitions. Si le but de dénazifier l’Ukraine et celui d’empêcher son entrée dans l’OTAN n’ont pas évolué, il semblerait maintenant qu’ils ne se contenteront pas des seules régions du Donbass. Regardons la carte de l’Ukraine ci-dessus, en rose ce sont l’ensemble des régions russophones, cela représente un bon tiers de l’Ukraine officielle. Le nouveau but de la guerre serait donc de réunifier la nation russe, autrement dit d’intégrer à la fédération de Russie cet arc de cercle qui va de Kharkov à Odessa. Dans toutes ces régions les Russes savent qu’ils peuvent compter sur une population qui les soutiendrait globalement dans cette entreprise. Il est possible qu’ils se contentent du Donbass, de Kherson et d’Odessa car cela leur permettrait de boucler la Mer Noire et de faire échouer le plan anglo-américain dit des trois mers qui visait à installer une rupture définitive – comme si en politique le mot de « définitif » pouvait s’appliquer – entre l’Europe et l’Asie. S’il y a un an ces objectifs pouvaient paraître irréalistes, ils semblent maintenant à portée de main ce qui explique que les Russes ne veulent plus négocier quoi que ce soit, surtout pas avec les Occidentaux qui les ont sournoisement trompés aussi bien avec la promesse du ne pas élargir l’OTAN vers l’Est qu’avec les accords de MInsk. Pour les Russes, cela passe par une étape intermédiaire, celle de la destruction totale de l’armée ukrainienne. Il y a quelques mois, un chercheur – qui ne trouve pas grand-chose – Dimitri Minic, considérait que l’affaire était quasiment pliée et que « l’armée ukrainienne allait monter en puissance » puis récupérer le terrain perdu[10]. Ce visionnaire qui confond ses désirs avec la réalité du terrain, avançait cette curieuse idée pour tenter de rassurer l’opinion sur l’issue de la contre-offensive du printemps. Un visionnaire donc, alors que toute personne sérieuse savait déjà que non seulement les ukro-atlantistes n’avaient pas les moyens matériels de leurs ambitions, mais que la stratégie retenue avec l’aval de l’OTAN, traverser directement un champ de mines pour aller reprendre Sébastopol – vieille obsession – était véritablement suicidaire. Cette contre-offensive de printemps qui s’est enlisée complètement à l’automne a peut-être coûté à elle seule entre 100 000 et 200 000 soldats ukrainiens. C’est beaucoup, c’est énorme pour ce petit pays ! Les cimetières sont pleins ! Contrairement à La Russie qui cherche d’abord à économiser le soldat, les stratèges ukrainiens font exactement l’inverse comme s’ils possédaient des réserves importantes de matériel humain. 

Si maintenant je regarde la carte de l’élargissement progressif de l’OTAN, je me rends compte que celui-ci, couplé d’ailleurs avec celui de l’Union européenne, est, au sens militaire du terme, une manœuvre inédite d’encerclement de la Russie qui n’avait même pas été envisagée lorsque la Russie était à la fois communiste et impérialiste. Probablement le but ultime est de la piller après son éclatement qui suivrait une défaite militaire. Si on admet ces intentions, on comprend que la Russie ne se livre pas à une guerre de conquête, une guerre d’agression comme disent les néocons américains, mais seulement à une guerre préventive. Elle se bat sur sa frontière pour protéger ses intérêt et l’intégrité de son territoire. L’adhésion récente de la Suède et de la Finlande, renforce cette idée. En prenant les régions du Donbass et de la Crimée, cela consolide la frontière de la Russie avec l’Occident. On peut faire remarquer que la Russie n’est pas à l’origine des sanctions qui visent selon l’ineffable Bruno Le Maire à la mettre à genoux, et qu’en outre leur but est plutôt de mettre à genoux l’Europe en la vassalisant un peu plus au détriment de ses propres intérêts. Cette arme offensive utilisée par les Etats-Unis et leurs valets européens va-t-en-guerre qui se retourne aujourd’hui contre l’économie européenne, avec les conséquences sociales et politiques qu’on peut voir, a à moitié réussi dans ses objectifs, mettre à genoux l’économie européenne en la coupant de la Russie, et à moitié échoué dans celui de faire avancer le démantèlement de la Russie. Bien au contraire celle-ci s’est renforcée dans à peu près tous les domaines, agricole, industriel, militaire et même diplomatique. Mais pourquoi les Etats-Unis voudraient-ils détruire l’Europe, au moins sur le plan économique ? Il y a trois enjeux : d’abord parce qu’ils sont en déclin, et donc une Europe puissante économiquement et politiquement mettrait à mal leur leadership dans le monde, en ce sens les dirigeants européens de von der Leyen à Macron, en passant par Josep Borrell et la Meloni peuvent être qualifiés de traitres. Ensuite, cette vassalisation – presque tous les politiciens européens ont été formés par les Etats-Unis – leur permet de faire payer le coût de la guerre contre la Russie par leurs affidés. Enfin, elle permet de transférer vers les Etats-Unis le savoir-faire allemand, c’est ce qu’on voit avec le déménagement de BASF. C’est à tout cela que sert le plan américain, combler son déficit de crédibilité sur la scène internationale et combattre son déclin. Il n’est pas certain que cela suffira ! La passivité des élites européennes corrompues n’aura qu’un temps. Le ministre hongrois des affaires étrangères, Janos Boka, dans une interview donnée au Monde le 18 janvier 2024 dit : « La stratégie de l’UE en Ukraine est basée sur l’hypothèse que la Russie va perdre. Le succès de cette stratégie n’est pas évident »[11]. On voit qu’au sein de l’Union européenne, les dissensions sont profondes. Il n’est pas le seul à le penser. 

Elections de 2010 en Ukraine 

Regardons la carte ci-dessus que j’emprunte à l’ouvrage d’Emmanuel Todd, Le déclin de l’Occident[12], elle exprime les votes en faveur de Ianoukovytch en 2010. Elle montre que plus on se rapproche de l’Est, et plus ce vote est important, et au contraire plus on va vers la Pologne, et moins ce vote est fort. Todd se trompe sur un point, il considère que l’Ukraine ce sont toutes les régions ou Ianoukovytch fait moins de 50%. En vérité les régions les plus à l’Ouest là où Ianoukovytch fait moins de 10%, c’est la Pologne historique. L’Ukraine véritable c’est l’entre-deux, la Podolie et la région de Kiev. Mais pour nous, toutes les régions où Ianoukovytch a fait plus de 50% des voix ce sont des régions russophones, donc susceptibles d’être annexées à la Russie sans qu’elle se livre à une occupation ruineuse et difficile dans un milieu hostile, pouvant compter sur la population locale, sans mobiliser trop d’hommes pour le maintien de l’ordre. Mais une telle amputation est-elle raisonnable ? Je veux dire en ce sens qu’elle risquerait de justifier une réaction de l’Occident violente, via l’OTAN au motif que l’expansionnisme russe ne s’arrêterait plus jamais – ce qui relève de la blague ! Je ne vois pas très bien pourquoi les Russes iraient s’encombrer des Polonais dans leur folie expansionniste, cela ne leur attirerait que des ennuis sur le long terme et ça leur couterait cher. L’ensemble des médias occidentaux étant bien tenus en mains, cela favoriserait la conquête de l’opinion publique occidentale qui pour l’instant est assez ébranlée dans son soutien à la guerre contre la Russie. C’est pourquoi ces mêmes médias reprennent en chœur l’idée stupide selon laquelle si la Russie n’était pas défaite, elle ne s’arrêterait qu’à Paris dans sa soif de conquête, et encore ce n’est pas sûr ! Comme on le comprend si l’annexion de cet ensemble est à portée de main sur le plan militaire, cela risquerait sur la moyenne et longue période de s’avérer délicat à tenir et à gérer. Un des problèmes, mais pas le seul, de l’URSS, était justement de porter le fardeau des satellites polonais, hongrois, roumain et autres qui leur coutaient très cher politiquement et financièrement, fardeau qui a pesé certainement dans les difficultés économiques de l’URSS qui ont mené à sa dissolution. 

En Ukraine les cimetières sont hélas pleins 

Ainsi, il ne semble pas que les Russes veuillent pousser leur conquête plus loin, du côté de Lvov ou même de Kiev, personne n’y croit, ce qui n’empêche pas le nouveau ministre des Affaires étrangères le stupide Séjourné qui ne sait rien sur rien et encore moins sur le reste, de faire semblant d’y croire pour justifier l’entrée en guerre de la France[13]. Ce serait une entreprise beaucoup trop coûteuse en hommes et en matériel, sachant que l’Ukraine centrale et la Galicie sont des régions très hostiles et que les réduire par la force serait difficile. Quand les médias occidentaux, Le monde en tête avec les hargneux russophobes Sylvie Kauffmann et Benoît Vitkine, tentent de nous convaincre du contraire et que demain les chars russes seront à Paris, c’est une vieille chanson qu’on avait entendue en 1981 au moment de l’élection de François Mitterrand. Ce ne sont plus des faits qu’on expose, mais des simples arguments de propagande pour justifier la poursuite de la guerre. Mais qui y croit encore ? Emmanuel Todd dans son dernier ouvrage, Le déclin de l’Occident souligne d’ailleurs que la population russe étant en situation de déclin ce qui pose des problèmes pour administrer ce pays si grand, cette hypothèse apparaît fantaisiste. Cette rareté de l’homme russe, explique d’ailleurs la stratégie militaire russe qui, contrairement à l’Ukraine, économise l’homme sur le champ de bataille par une approche très prudente du conflit, ce que les observateurs attentifs ont remarqué – ils ne traversent pas les champs de mine à pied ! L’Allemagne le premier pays concerné par le contrecoup des sanctions est aussi le pays où le divorce entre le peuple et ses dirigeants politiques est peut-être le plus avancé, en France la soi-disant opposition à Macron, de gauche comme de droite, n’a rien à dire sur l’Ukraine et ne conteste pas l’engagement occidental contre la Russie[14]. Les agriculteurs allemands ont lancé le 8 janvier 2024 une semaine d’action de grande envergure qui manifestait aussi une inquiétude du déferlement des produits ukrainiens à bas prix. Le monde atteint d’idiotie congénitale tente de nous démontrer que tout cela est une manipulation de l’extrême-droite[15]. Mais en vérité c’est seulement la pointe émergée du mécontentement général, l’agriculture et l’industrie allemande qui profitaient du bas coût de l’énergie importée depuis la Russie, souffre d’abord de cette rupture. Signe de la panique, BASF, le géant de l’industrie chimique, déménage aux Etats-Unis[16]. Conséquence des sanctions imposées par les Etats-Unis à l’Europe, en 2024 l’Allemagne devrait être pour la deuxième année consécutive en récession. Le chômage est aussi en forte hausse. Mais Scholz et Baerbock continuent stupidement à chercher de l’argent public pour soutenir l’Ukraine et réarmer le pays. Cette politique étant de plus en plus critiquée à droite comme à gauche, cela risque de finir par priver l’Ukraine d’un soutien financier d’importance. Jadis la gauche, même la gauche allemande, durant la Guerre froide manifestait pour la paix et contre l’OTAN, ce n’est presque plus le cas aujourd’hui, un peu en Italie, un peu en Allemagne où l’AfD a construit des positions solides. 

Manifestation contre l’OTAN à Marseille le 19 mars 2022, la gauche n’était pas là 

Mais il n’est pas certain que cette passivité continue encore bien longtemps : plus les pays comme la France, l’Italie et l’Allemagne souffriront des sanctions économiques et moins les gouvernements seront enclins à soutenir l’Ukraine, sauf à affronter dans la rue leurs propres opinions publiques. Ce sera là la seconde défaite de l’OTAN, après celle vécue sur le terrain militaire. En attendant l’Union européenne se prépare à une guerre longue avec la Russie pour le compte des Etats-Unis, le 11 janvier 2024, Lecornu, ministre de la défense français, qui porte bien son nom, annonçait que la France produirait 78 canons Caesar pour l’Ukraine[17]. Rappelons que l’armée française n’avait à sa disposition au début de la guerre en Ukraine que 76 canons Caesar ! Se dépouiller de son matériel au profit de l’Ukraine est évidemment une manière de faire la guerre indirectement avec la Russie. Le sinistre Thierry Breton annonçait l’étude de la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour réarmer contre la Russie[18], comme si l’Union européenne était sous la menace d’une attaque russe directe, à moyen et long terme. En vérité il s’agit de soulager les finances des Etats-Unis qui sont sous pression et sous la menace d’un retour de Trump à la tête de l’État américain. Mais trouver 100 milliards par les temps qui courent, ce ne sera pas si simple et sans conséquences sur le plan économique. Il faut rappeler qu’une des raisons des bonnes performances de l’économie allemande durant les Trente glorieuses tient au fait que ce pays ne dépensait guerre pour son armement, les dépenses militaires sont peut-être nécessaires, mais elles sont totalement improductives. 

Manifestation en Allemagne contre l’OTAN et pour refuser les livraisons d’armes à l’Ukraine 

La question mérite d’être posée. L’Ukraine existe-t-elle encore ? On sait que c’est une construction, un assemblage hétéroclite issue de l’effondrement de l’URSS. Bien entendu la guerre peut être un levier pour fabriquer l’esprit national dans ce, ce fut le cas de la France, ou encore plus récemment d’Israël, mais à condition de gagner la guerre, ou du moins de ne pas la perdre ! On peut toujours imposer une langue par la violence de l’État c’est ce que fait l’Ukraine d’aujourd’hui, mais pour que cela transforme radicalement les fondements de la nation, il faut des bénéfices tangibles. L’Ukraine a un problème non seulement avec ses minorités russophones, roumaines et magyars, mais aussi avec la Pologne qui rêverait de récupérer la Galicie et de reconstituer son Empire disparu. Ce n’est certainement pas pour demain. Cependant comme nous le voyons avec le monde anglo-saxon qui poursuit sa haine de la Russie depuis plus de deux siècles, les logiques de l’histoire doivent toujours se penser avec un temps long, et c’est bien pour cela que même après une cuisante défaite de l’OTAN face à la Russie en Ukraine, il n’est pas raisonnable de penser que les Américains ne mettront pas à nouveau l’ouvrage sur le métier. Karine Bechet-Golovko dans un billet récent cite le Bild : « Le jour X", selon un document secret de la Bundeswehr, le commandant en chef de l'OTAN donnera l'ordre de transférer 300 000 soldats sur le flanc oriental, dont 30 000 soldats de la Bundeswehr », également elle signale le fait que le Royaume-Uni et l’Ukraine viennent de signer un accord d’assistance mutuelle, en cas d’agression, ce qui signifie que Le Royaume-Uni pourra intervenir directement sur le terrain – sans se cacher – et que l’Ukraine viendra au secours de Londres, si les Russes décident d’attaquer l’Angleterre[19] ! La seule chose qui peut freiner ce mouvement vers une guerre mondiale, c’est la dislocation de l’Occident global, donc de l’Union européenne et de l’OTAN et l’avènement d’un monde véritablement multipolaire. Les Russes et les Chinois semblent y travailler, mais le chemin reste encore très long. Pour l’instant les Occidentaux vont s’en tenir à la consolidation d’un rideau de fer avec comme verrou la malheureuse Ukraine, enfin, ce qu’il en reste. 

PS  

L’agent des américains, Alain Frachon qui est aussi un gros paresseux sur le plan intellectuel, dans Le monde, essayait de réarmer moralement le gouvernement français, assez flageolant dans son soutien à l’Ukraine, sentant que la situation est perdue en Ukraine, il réembrayait lui aussi sur la fable peu crédible selon laquelle Poutine avait des ambitions au-delà de la conquête de l’Ukraine : « En cas de défaite de l’Ukraine, le pouvoir de Poutine serait plus assuré et il n’en serait que plus enclin à d’autres aventures militaires »[20]. Il reprend donc l’antienne otanienne selon laquelle une défaite de Zelensky changerait complètement le cours de notre histoire. C’est un thème à la mode qui est probablement conseillé dans les sous-sols du Pentagone aux porte-paroles de Washington. Il suggère aussi dans son vocabulaire sournois que Poutine n’est rien d’autre qu’un « aventurier » aux buts assez indéterminés. C’est un langage que ce serviteur de la cause atlantiste n’aurait pas utilisé pour les « aventures » des Etats-Unis en Afghanistan, en Irak ou en Syrie, celles de Bush, d’Obama ou encore de Biden qui ont toutes virées au désastre et qui ont fait des millions de morts. Notez que c’est ce même Alain Frachon qui touche de l’argent pour préfacer la propagande de la CIA. Sa crédibilité en tant qu’analyste et en tant que journaliste serait qualifiée par le poète d’un degré d’importance nulle.  Mais ce méchant pantin se répand aussi dans tous les médias possibles et imaginable, France Inter, Paris Direct, etc.  Sa mission et d’instiller la peur de l’ogre Poutine auprès des malheureux issus de la classe moyenne inférieure semi-instruite, en espérant que son argumentaire bouffon ruissellera jusqu’en bas de la pyramide. Croit-il à ce qu’il raconte ? C’est bien possible tant il parait habité d’une grande stupidité. Mondialiste dévergondé, il écrit ceci : « S’il n’en tenait qu’à Donald Trump, le plus probable des candidats républicains pour la présidentielle du 5 novembre, les Russes seraient déjà à Kiev, et les Européens, qui, militairement, vivent sur le dos de l’Amérique, n’auraient qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Pour favoriser une négociation entre Moscou et Kiev, l’Europe (UE et Royaume-Uni ensemble) doit prendre en charge une part beaucoup plus grande du soutien à l’Ukraine. 2024 dira si les Européens sont au rendez-vous. » Passons sur l’hypothèse de Frachon, selon laquelle Poutine veut prendre Kiev. L’idée stupide selon laquelle les Européens vivraient « militairement » sur le compte des Américains, est en quelque sorte la marque de sa propre tendance à trahir l’Europe qu’il prétend défendre. Cela voudrait dire que le but ultime du capricieux Poutine est de conquérir Paris et que s’isoler de la Russie est un bienfait aussi bien sur le plan économique pour l’Union européenne que sur le plan civilisationnel de peur d’une contagion. Parfaitement aligné sur la doxa la plus vulgaire de Washington, Frachon ne suppose pas une minute que les sanctions économiques sont une arme d’abord contre l’Europe et non pas contre la Russie et que cela a contribué un peu plus à la vassaliser. Ce confusionniste intéressé s’il ne démontre rien, est du parti qui encourage à la guerre et non aux négociations de paix, il ne semble pas être au courant de l’échec des négociations de paix en mars 2022 orchestré par Boris Johnson, et sans doute croit-il être à l’abri parce qu’il est loin du front, ce n’est pas lui qui risque sa vieille peau. Sa servilité est aussi guidée par son ignorance.



[1] https://www.liberation.fr/international/europe/une-frappe-ukrainienne-sur-un-immeuble-residentiel-fait-un-mort-en-russie-20231230_6QB6XX334ZAKVCKPHATN7STZYU/

[2] https://www.rtbf.be/article/missiles-nord-coreens-tires-sur-lukraine-pour-la-russie-tout-est-bon-a-prendre-il-faut-tenir-11308801

[3] https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/27/en-ukraine-le-general-zaloujny-renvoie-le-president-zelensky-a-ses-responsabilites_6207980_3210.html

[4] Voir ce que Sylvain Ferreira dit sur cette question épineuse. https://www.youtube.com/watch?v=02cIY1thKDQ

[5] https://www.lefigaro.fr/international/etats-unis-vote-d-etape-au-congres-sur-le-financement-de-l-ukraine-sans-garantie-finale-20240208

[6] https://www.humanite.fr/monde/etats-unis/ukraine-dans-limpasse-zelensky-redoute-detre-jete-aux-oubliettes

[7] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/07/presidentielle-americaine-la-justice-doit-passer-pour-donald-trump_6215201_3232.html

[8] https://www.marianne.net/monde/un-journaliste-americain-accuse-les-etats-unis-du-sabotage-de-nord-stream-la-maison-blanche-dement

[9] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/09/interviewe-par-tucker-carlson-vladimir-poutine-deroule-sa-vision-d-une-russie-provoquee-par-kiev_6215617_3210.html

[10] https://www.lejdd.fr/International/dimitri-minic-chercheur-a-lifri-larmee-ukrainienne-va-monter-en-puissance-au-fil-des-mois-4115735?Echobox=1654443993-1&s=09#utm_medium=Social&xtor=CS1-4&utm_source=Twitter

[11] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/18/le-ministre-hongrois-des-affaires-europeennes-la-strategie-de-l-ue-en-ukraine-est-basee-sur-l-hypothese-que-la-russie-va-perdre-le-succes-de-cette-strategie-n-est-pas-evident_6211572_3210.html?fbclid=IwAR1VV2QiJ423PJ9JaezUgUbm-bw8yLtPd4uqQwXTRoUEWbn_zRnWj4vrdmI

[12] Gallimard, 2024.

[13] https://www.ouest-france.fr/politique/stephane-sejourne/lukraine-restera-la-priorite-de-la-france-assure-stephane-sejourne-en-deplacement-a-kiev-999fecf6-b204-11ee-bd08-22c85604ac0a

[14] https://www.tdg.ch/au-plus-bas-dans-les-sondages-les-allemands-naiment-plus-olaf-scholz-513970648445

[15] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/08/en-allemagne-une-semaine-d-action-des-agriculteurs-l-extreme-droite-en-embuscade_6209664_3210.html

[16] https://www.liberation.fr/economie/social/explosion-des-prix-de-lenergie-en-allemagne-le-leader-mondial-de-la-chimie-basf-supprime-3-300-postes-20230224_6MIRMJ4ZFBFJLBE6QUHHKZEHQY/

[17] https://www.challenges.fr/top-news/la-france-va-produire-78-canons-caesar-pour-l-ukraine-en-2024-lecornu_880459

[18] https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/guerre-en-ukraine-thierry-breton-veut-la-creation-d-un-fonds-europeen-de-100-milliards-d-euros-pour-la-defense-3e9edacb0c950e91fdee9960acf23754

[19] https://russiepolitics.blogspot.com/2024/01/lannonce-dune-possible-confrontation.html?fbclid=IwAR230J0phfP5LjpzX4r-hkqwg_rmtOhtJDd19TCQc8TL80u_P9rJ_41Qaq8

[20] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/11/en-cas-de-defaite-de-l-ukraine-le-pouvoir-de-poutine-serait-plus-assure-et-il-n-en-serait-que-plus-enclin-a-d-autres-aventures-militaires_6210184_3232.html

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