samedi 9 mars 2024

Démission de Victoria Nuland, changement de politique à Washington

  

Ce n’est pas Le monde qui vous renseignera sur les changements d’orientation de la politique américaine qui pourtant deviennent de plus en plus visibles. J’avais remarqué déjà que, depuis quelques temps, deux mois au moins, Joe Biden et son administration ne se battaient plus que mollement pour défendre l’aide à l’Ukraine devant le Congrès. Victoria Nuland a été démise de ses fonctions par l’administration Biden. Les causes de cette éviction sont masquées par les éloges dithyrambiques et sans fondement que lui a adressés Anthony Bliken. Cette éviction apparait brutale, et curieusement elle est consécutive aux annonces que Nuland avait faites il y a quelques jours, elle disait préparer elle-même des surprises à la Russie – sans doute voulait elle parler de la destruction du pont de Kertch par des missiles allemand Taurus. Cette femme a deux traits de caractère visibles : d’abord un positionnement anti-russe constant et proche de la folie furieuse, ensuite une sorte de franc-parler qui permet en réalité de bien comprendre les manœuvres des Etats-Unis contre la Russie. Elle a commencé à se faire connaitre comme secrétaire d’État adjointe à Dick Cheney, l’artisan de la guerre en Irak qui a fait un million et demi de morts, sans qu’aucun pays occidental ne s’en émeuve ou n’ose porter plainte auprès de la Cour de Justice internationale. Cette guerre était basée sur un mensonge, la fameuse petite fiole que Colin Powell exhibait à l’ONU pour justifier l’expédition punitive des Etats-Unis contre Saddam Hussein. Il faut se souvenir aussi que c’est elle qui a conduit la politique ukrainienne des Etats-Unis depuis 2008, quel que soit le président d’ailleurs. À cette époque elle était la représentante des Etats-Unis auprès de l’OTAN et elle y a activé l’idée d’un plan d’action pour l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Ses intentions étaient bien entendu belliqueuses à l’égard de la Russie. Elle s’est flattée, dans une conversation téléphonique qui malheureusement pour elle a été enregistrée, d’avoir organisé le coup d’État du Maïdan en 2014 pour 5 milliards de dollars, et d’avoir fait le gouvernement de Porochenko[1]. C’est elle également qui la première a annoncé que les Etats-Unis empêcheraient la mise en services des gazoduc Nord Stream[2]. On se souvient aussi que cette femme dangereuse, sans doute déséquilibrée sur le plan mental, avait désolé les chancelleries quand elle avait insulté les Européens : Fuck the EU ! Une élégance très yankee[3] ! Ce qui n’a jamais empêché du reste les Européens de faire finalement ce que Nuland leur disait de faire. Ils ont même fermé leur gueule sur la destruction des gazoducs, annoncée pourtant avec véhémence par cette même Nuland un mois avant l’entrée de la Russie en Ukraine[4]. Le fait qu’elle ait servi toujours dans le même sens aussi bien Bush, qu’Obama, que Trump ou Biden, doit nous faire comprendre que le changement de président importe peu, c’est toujours la même politique américaine impérialiste qui est à l’œuvre. Et donc bien sûr qu’en novembre prochain on élise Trump ou Biden, cela ne changera rien. C’est d‘ailleurs ce que disait en substance Poutine à Carlson Tucker pour lui dire à quel point ces élections n’étaient pas vraiment son problème. 

Au moment du coup d’État du Maïdan, Nuland distribuait des petits pains aux Ukrainiens, mais par derrière finançait les néo-nazis ukrainiens 

Parmi les causes de l’éviction de Victoria Nuland on a avancé des tripatouillages financiers qui seraient de l’ordre de 10 milliards de dollars te pour lesquels elle devra rendre des comptes ! Il me semble que ce n’est pas la bonne réponse. Les trumpistes affirment qu’elle a démissionné pour anticiper l’élection de Trump en novembre prochain qui ferait le ménager dans l’État profond et qu’elle en payerait le prix. Cette piste semble également fausse pour deux raisons, d’abord parce que l’élection de Trump est bien loin d’être assurée, ensuite parce que sous Trump, Nuland participait au plan de réarmement de l’Ukraine en vue de la guerre de 2022. Elle sera remplacée par John Bass, sous-secrétaire d’état. Cela serait banal, sauf que ce même John Bass un ancien ambassadeur, c’est celui qui a géré de façon catastrophique la débâcle américaine en Afghanistan. C’est un liquidateur. Le retrait américain d’Afghanistan a été très brutal, abandonnant du jour au lendemain ses anciens alliés qui sont tombés aux mains des islamistes, mais aussi en laissant sur place des tonnes de matériel militaire coûteux qui sont tombés dans les mains des Talibans. On sait que les Américains lorsqu’ils perdent une guerre depuis au moins la Guerre de Corée ont l’habitude de laisser tomber leurs alliés, ils ont fait cela de partout, au Vietnam comme en Irak. Le pire dans ce fiasco c’est que le matériel laissé sur le sol afghan a été donné par les Talibans à l’Iran, que pourtant les Etats-Unis sont censés considérer comme leur pire ennemi et l’ennemi d’Israël. Ils ont ainsi renforcé indirectement une armée déjà puissante. 

 

Notez que dans le même temps – nouvelle qui est passée complètement inaperçue – le Département d’État a aussi remplacé Wendy Sherman par Kurt Campell au poste de Secrétaire d’État adjoint. Campell est un « expert » de la politique américaine en Chine et donc sa nomination semble indiquer une réorientation de la politique américaine envers l’Empire du Milieu. Ce personnage peu connu est le directeur de l’Aspen Strategy Group qui gère les fameux Aspen Institute qui ont formé des dizaines d’hommes et de femmes politiques dont la fameuse Meloni l’americana et aussi l’ancienne ministre de l’économie du gouvernement Porochenko, Natalie Jaresko – ce qui au passage en dit long sur l’autonomie de la politique ukrainienne face à la Russie ! Notez que si l’Aspen Strategy Group fait la promotion de l’impérialisme américain, urbi et orbi, il est aussi une structure bi-partisane. Ce qui veut dire que c’est le lieu où démocrates et républicains fabriquent conjointement cette mauvaise politique étrangère américaine dont nous souffrons tous d’une manière ou d’une autre. Je glisse cette remarque à l’intention de ceux qui croient bêtement que la politique impérialiste américaine changera en remplaçant Biden par Trump. Si la politique américaine change ce ne sera pas par les élections, mais essentiellement à la suite d’un constat d’échec militaire de la stratégie défendue depuis au moins 2014 par Victoria Nuland. 

Les Talibans mettent la main sur du matériel américain 

La politique impérialiste américaine est de nos jours non seulement mauvaise, mais elle est inconséquente. Faisons, à travers le cas afghan, une petite digression sur les amis des Etats-Unis ça nous aidera à comprendre ce qui attend aussi bien la malheureuse Ukraine que les pays d’Union européenne qui se sont lancé sans filet dans cette aventure ruineuse. Officiellement on admet que le matériel militaire abandonné en Afghanistan a eu un coût de 212 millions de dollars[5]. C’est très loin de la vérité, les États-Unis ont dépensé pendant vingt ans d’occupation en Afghanistan environ 300 millions par an, soit six milliards de dollars. Or dans cette gabegie, les Américains équipaient chaque année leur « allié » pour 80 millions de dollars en matériel militaire, soit environ 1,6 milliards. Et bien entendu, le matériel resté sur place a été récupéré par les Talibans.  C’est donc ce fameux John Bass qui remplace Nuland et qui a géré comme on le voit la débâcle américaine. Il faut se souvenir que la décision de quitter l’Afghanistan a été prise par surprise, sans que les soi-disant alliés des USA n’aient été prévenu ! Cette décision traduit le mépris que les Américaines accordent à leurs alliés et vassaux. Mais revenons aux conséquences. La démission de Nuland, plutôt inattendue, est en soi une mauvaise nouvelle pour Zelensky et pour l’Ukraine qui est saignée à blanc sur le front. Zelensky a calé stupidement toute sa carrière politique sur la ligne Nuland, notamment pour admettre une alliance avec les néo-nazis ukrainiens pour préparer la guerre, quoi qu’il ait des origines juives. Il perd donc un de ses soutiens les plus importants aux Etats-Unis. Il ne semble pas avoir de stratégie de rechange. Dépendant étroitement de l’OTAN pour la stratégie militaire et des Etats-Unis pour la livraison d’armes, il en est à mendier des armes aux pays européens… qui n’en ont pas ! Il est par ailleurs décrédibilisé aux yeux des Russes pour négocier quoi que ce soit avec eux, malgré les efforts récents d’Erdogan pour tenter une négociation directe entre la Russie et l’Ukraine[6]. Le voyage de Zelensky à Istamboul semble confirmer que les soutiens américains à l’Ukraine sont en train de s’étioler, et en effet on parle de plus en plus de négociations, mais les Russes qui ont la main sur le terrain n’y semblent pas disposer pour le moment, d’autant que Zelensky ne démord pas de ne rien céder du territoire plus ou moins officiel de l’Ukraine, jusqu’à la Crimée comprise, ce qui est bouffon, puisque dans une négociation chaque partie doit céder quelque chose, sinon ce n’est plus une négociation. La politique américaine en Ukraine sous la houlette de Victoria Nuland a ruiné complètement ce petit pays qui était déjà bien malade, sans que cette ruine soit compensée par des gains territoriaux ou des avancées stratégiques pour l’Occident.

 

Allons un peu plus loin, il y a encore d’autres changements qui interpellent. Zaloujny ennemi intime de Zelensky est maintenant ambassadeur à Londres. Il est tranquille apparemment pour sa sécurité – on rappelle que son collaborateur avait été assassiné le jour de son anniversaire, probablement par les services de sécurité ukrainiens[7]. Mais c’est une mauvaise nouvelle pour le camp de la guerre, en mettant en scène ses disputes bien réelles avec Zelensky, on en oublie presque que Zaloujny était un des plus acharné à faire la guerre et qu’il était proche de l’extrême-droite ukrainienne, son opposition à Zelensky et à l’OTAN ne portait pas sur le but de la guerre, mais sur la conduite suivie sur le terrain, défendre chaque centimètre de territoire au péril de la vie des militaires a fait monter les critiques contre Zelensky. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui a mis l’armée ukrainienne aux normes de l’OTAN, avec le peu de succès de cette réforme. Pourquoi donc ce « vaillant combattant » a-t-il quitter le terrain de la guerre ? Cette situation chaotique sur le plan politique a fait sortir Dimitri Yarosh de son trou. Celui-ci, néo-nazi revendiqué, disciple de Bandera, a été un instrument décisif dans le coup d’État de Nuland. C’est le leader du Secteur droit. Yarosh a plusieurs fois menacé de pendre Zelensky. Ces derniers jours il en a rajouté une couche, arguant que Zelensky était un liquidateur et se préparait à abandonner le combat. Il appelle maintenant clairement à le renverser. Yarosh se tenait presque tranquille tant que Nuland était là, dans l’ombre ou sur le devant de la scène. Ce n’est plus le cas, les chiens sont lâchés et c’est qui arrivera le premier à renverser Zelensky dont la cote de popularité est en chute libre depuis l’échec de la contre-offensive du printemps-été 2023. Yarosh n’a bien sûr aucune chance d’entraîner les Ukrainiens derrière lui, essentiellement parce que ceux-ci en ont marre de se faire trouer la peau dans une stratégie sans avenir. Les Ukrainiens protestent maintenant ouvertement contre la mobilisation, et disent de plus en plus fréquemment qu’on doit abandonner le Donbass aux Russes pour ne pas perdre encore plus de territoires et plus de soldats. Deux ans de guerre ont complètement démoralisé les populations. L’Ukraine n’arrive plus à mobiliser qu’en réprimant les réfractaires, ce qui veut dire que la volonté de se battre n’est pas là, même Le monde, le journal le plus guerrier de la sphère médiatique otanienne, s’en est aperçu[8].

 

Il est encore trop tôt pour savoir dans quel sens la politique étatsunienne va évoluer dans les prochains mois. La transparence ce n’est pas du domaine de la « démocratie » à l’américaine, le peuple sera prévenu plus tard de la nouvelle doctrine. Mais ce remue-ménage indique bien un changement de politique. Les Etats-Unis semblent vouloir passer le relais à l’Union européenne pour continuer le combat contre la Russie et le financement de ce désastre. Les Européens non seulement sont désunis – voyez comment les imbécilités de Macron qui a traité Olaf Sholz de lâche, ont été mal accueillies de partout dans le monde – mais en outre ils n’ont pas les moyens matériels de leurs ambitions, les Américains le savent pertinemment, mais ils se moquent bien de ruiner l’Europe. Un article d’Anatol Lieven, professeur à l’Université de Georgetown, paru dans le Time et publié le 24 février 2024 sur le blog de ce journal. L’auteur nous dit trois choses, la première est que l’Ukraine ne peut pas gagner la guerre, ni en 2024, ni même en 2025. Ensuite que les Ukrainiens eux-mêmes considèrent qu’il faut donner les territoires perdus sous peine d’en perdre encore plus, Odessa et Kharkov sont dans le viseur, enfin que même une aide militaire de l’Occident ne peut pas renverser la vapeur, elle peut retarder la défaite, mais a un prix humain très élevé[9]. Cette vision des choses commence à s’imposer aux Etats-Unis, on est loin des postures macroniennes, toujours à contretemps, sur l’idée d’un envahissement de l’Europe par les Russes en cas de défaite de Kiev, idée reprise sans précaution sur tous les plateaux des chaînes de télévision qui commentent l’évolution du conflit avec des pseudos spécialistes. 

 

On murmure aussi qu’Hollywood préparerait un film de fiction sur Zelensky avec un budget de 115 millions de dollars, il s’intitulerait avec humilité Price of Victory et serait mis en scène par James Mangold, on n’a pas encore choisi l’acteur qui incarnerait le comique ukrainien. C’est étonnant de parier un succès commercial sur quelqu’un qui est pratiquement assuré de perdre la guerre. Mais enfin cette nouvelle n'est pas confirmée, elle émane seulement du site Pravda.fr.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=RX-R0kqCOvQ&rco=1

[2] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-washington-estime-que-le-gazoduc-nord-stream-2-est-mort_4998948.html

[3] https://www.lemonde.fr/europe/article/2014/02/09/les-cinq-lecons-du-fuck-the-eu-d-une-diplomate-americaine_4363017_3214.html

[4] https://www.20minutes.fr/monde/4002866-20220929-sabotage-nord-stream-non-joe-biden-jamais-dit-washington-pourrait-attaquer-gazoducs

[5] https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/afghanistan-a-combien-s-eleve-l-arsenal-laisse-par-les-americains-aux-talibans_AN-202108260143.html

[6] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-la-turquie-se-dit-prete-a-accueillir-un-sommet-moscou-kiev_6412378.html

[7] https://www.ladepeche.fr/2023/11/06/guerre-en-ukraine-un-colis-piege-tue-un-proche-du-commandant-en-chef-de-larmee-ukrainienne-11564248.php

[8] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/05/mariage-blanc-faux-papiers-la-quete-eperdue-d-ukrainiens-pour-echapper-a-la-mobilisation_6220123_3210.html

[9] https://time.com/6695261/ukraine-forever-war-danger/

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