Les antifascistes de comédie m’ont
particulièrement saoulé, ils ont contribué à remettre en scène le moribond
Macron, et prétendant combattre l’extrême droite, ils ont été complices de la
droite extrême. Ils utilisaient souvent les imbécilités d’un texte d’Umberto
Eco pour se justifier de voter pour Borne, Darmanin ou autre crapule du gang
macroniste. Umberto Eco est un écrivain célèbre, traduit dans le monde entier,
et ses romans, notamment Le nom de la rose, lui avaient assuré une
petite fortune. Mais il est également connu pour un petit texte malheureux dont
« les gens de gauche » s’épuisent à nous rabattre les oreilles. La
première remarque est que ces militants qui diffusent ce texte usent de
l’argument de l’autorité intellectuelle. Eco est très connu, donc ce qu’il dit
sur le fascisme doit être très bon, même s’il enfile des contre-vérités et des
lieux communs très convenus. La deuxième remarque c’est que ce texte – parfois
reproduit d’une manière très abrégée – est destiné à l’éducation de ceux qui
seraient tentés par le fascisme. On fera remarquer que ce texte est sans doute
lié d’abord à la montée de l’extrême-droite en Italie et sans doute aussi à la
poussée régulière depuis plusieurs décennies du Rassemblement National en
France. Ce texte a été écrit en 1995 pour être lu devant un parterre
d’étudiants américains, et publié d’abord en anglais, n’a eu guère d’impact
politique, puisque trente ans après « le fascisme », du moins ce que
les gens de gauche – gauche molle et gauche plus radicale ensemble – appellent
le fascisme histoire de nous faire peur. Mais en tous les cas quand il a été
présenté, on comprend que ce fut une affaire très orchestrée, Je trouve ce
texte mensonger, et extrêmement faible dans ses arguments, cette faiblesse
pouvant s’expliquer soit par la médiocrité du public auquel Eco s’adressait –
donc par le mépris qu’il en avait – soit par les insuffisances conceptuelles et
intellectuelles d’Eco lui-même. Sans doute les deux ! Notez que ce genre
de représentation théâtrale est, aux États-Unis, très bien payé. Je vais
détailler ci-après les thèses d’Eco et montrer toute leur vacuité, il s’agit de
démontrer les faiblesses de cette analyse qui a contribué à rabaisser le niveau
de la réflexion politique. L’ensemble des idées d’Eco est résumé par lui-même
en quatorze thèses toutes plus fausses les unes que les autres. Je vais
ci-dessous les réfuter une à une, ce qui sera peut-être un peu long, mais qui
aidera à combattre les peurs irraisonnées sur lesquelles la droite joue depuis
plus de vingt ans en France pour se maintenir au pouvoir avec la complicité
objective des médias et des partis de gauche.
1. La première caractéristique du fascisme éternel est le culte de la tradition. Il ne peut y avoir de progrès dans la connaissance. La vérité a été posée une fois pour toutes, et on se limite à interpréter toujours plus son message obscur.
Il est
d’abord assez curieux de parler d’un fascisme éternel. C’est une faute
qui va en engendrer beaucoup d’autre. C’est d’abord une faute de logique, car
si le fascisme est éternel, ça veut dire qu’il a existé de tout temps, qu’il
est au fond intrinsèque à la nature humaine, et on ne voit pas comment alors
s’en débarrasser, sauf à enlever à l’homme son humanité ! C’est aussi une
grossière faute sur le plan historique. Le fascisme n’apparaît que dans
certains pays – essentiellement l’Italie et l’Allemagne, avec quelques pâles
copies qui n’ont pas fait fortune, en Espagne ou au Portugal – et avec des
caractéristiques bien précises entre les deux guerres mondiales. Eco suppose
que toute référence au culte de la tradition est la marque du fascisme. Si on
le suit sur ce terrain glissant, alors on pourrait dire que George Orwell est
aussi un fasciste ! À cela Eco oppose bêtement le culte du progrès !
Il se range dans le camp des progressistes, comme Macron et quelques autres. Il
suppose donc que l’histoire évolue selon une linéarité prédéterminée et que les
fascistes s’opposent à cette nécessité. Le progrès est considéré comme
intrinsèque de la nature humaine. Eco n’envisage pas du tout comme on va le
voir un peu plus bas, que tout progrès est toujours compensé par un
recul ailleurs, c’était la leçon de Marcel Mauss. Par exemple lorsqu’une
machine remplace la fatigue humaine pour produire des biens, en même temps elle
détruit ses capacités techniques du prolétaire à créer par lui-même. Marx avait
également perçu ce problème de la perte d’autonomie créatrice quand il
critiquait la division du travail présentée par Adam Smith comme la clé du
progrès humain qu’il pensait infini. Glissons rapidement sur l’idée que les
fascistes croient en une vérité édictée une fois pour toute. C’est complètement
erroné, la vérité universelle et stable dans le temps est seulement le fait des
religions, particulièrement les religions monothéistes. Au contraire les
auteurs fascistes se présentent comme jetant un regard nouveau sur la réalité
des sociétés occidentales. Mussolini et Hitler sont des fascistes qui sont
techniquement équipés et qui se présentent comme la pointe la plus avancée du
progrès.
2. Le conservatisme implique le rejet du modernisme. Le rejet du monde moderne se dissimule sous un refus du mode de vie capitaliste, mais il a principalement consisté en un rejet de l’esprit de 1789 (et de 1776, bien évidemment [Déclaration d’indépendance des États-Unis]). La Renaissance, l’Âge de Raison sonnent le début de la dépravation moderne.
Nous
avons compris que pour Eco, le modernisme est comme une fin en soi, et donc il
est toujours bon ! Il suppose d’une manière très audacieuse que le
modernisme est différent du capitalisme. Pire encore il fait comme si les
droits de l’homme, présentés aussi bien dans la déclaration de 1789 que dans la
déclaration d’indépendance des États-Unis, n’avait rien à voir avec le
capitalisme. Or, c’est bien le contraire qui est vrai, les droits de l’homme
sont nécessaires pour l’expansion et la consolidation du marché, ceci a été
analyser depuis longtemps, notamment par les penseurs importants pour la
gauche, mais aussi par Marx ou par Polanyi, le droit structure le marché en ce
sens qu’il fabrique des individus qui peuvent se vendre sur le marché du
travail et le droit protège aussi la propriété privée des moyens de production
en la justifiant. C’est le genre de raisonnement qui a fait longtemps passer la
Moyen-Age pour une époque sans culture. C’est sans doute ce que devait penser
Eco quand il a rédigé Le nom de la rose qui met en scène d’ailleurs une
bataille intellectuelle entre des moines rétrogrades, gardiens de la tradition,
et des moines ouverts au progrès, mais comme ça se passe au Moyen-Age et que
l’histoire est une enquête policière, on n’y a pas fait très attention. Après
les élections législatives, le journal atlantise Le monde, par la voix
de Jérôme Fenoglio nous incitait et incitait Macron à reprendre le mot de
progressisme.
3. Le fascisme éternel entretient le culte de l’action pour l’action. Réfléchir est une forme d’émasculation. En conséquence, la culture est suspecte en cela qu’elle est synonyme d’esprit critique. Les penseurs officiels fascistes ont consacré beaucoup d’énergie à attaquer la culture moderne et l’intelligentsia libérale coupables d’avoir trahi ces valeurs traditionnelles.
C’est encore un grand manque de connaissance d’Eco qui explique cette argumentation. Passons rapidement sur le fait qu’Eco fasse semblant de croire que les penseurs fascistes seraient les ennemis de la culture. C’est bien sûr faux. Ils n’ont pas la même que les penseurs de gauche. Le point central est qu’Eco refuse de voir la dégénérescence de la culture occidentale lorsqu’elle est devenue marchandise. Beaucoup de critiques radicaux du capitalisme ont tenté de comprendre ce qu’était la culture de masse, On a cité Guy Debord, mais on pourrait citer aussi Annie Le Brun qui a montré que dans le monde moderne, apparaissait une esthétique de la laideur[1] ! Ces deux auteurs critiquent la modernité ou le modernisme justement en partant du rôle de la culture dans la société moderne. Il sera bien difficile à des gauchistes de les qualifier de fascistes !
4. Le fascisme éternel ne peut supporter une critique analytique. L’esprit critique opère des distinctions, et c’est un signe de modernité. Dans la culture moderne, c’est sur le désaccord que la communauté scientifique fonde les progrès de la connaissance. Pour le fascisme éternel, le désaccord est trahison.
Eco
suppose que les fascistes sont par essence intolérants et refusent le dialogue,
si on inverse la proposition, il vient que l’intolérance est une autre
définition du fascisme. Or ces derniers temps nous avons vu que l’intolérance
est devenue aussi l’apanage des résidus de la gauche. Outre le fait qu’Eco fait
l’éloge de la religion de la science, il y a un point qui est largement partagé
entre les fascistes et la gauche – molle ou pas molle – c’est l’idée de
censurer tout ce qui est contraire au discours dominant, autrement dit, on a vu
récemment avec le mouvement WOKE dans les université américaines une tendance à
la chasse aux sorcières qui pour le coup prend des allures fascisantes. Mais il
y a des tas de lois qui brident la liberté d’expression et qui supposent qu’on
ne peut pas convaincre par la raison – ou ce qu’on croit être la raison – les
réfractaires, et qu’il faut les contraindre à penser correctement sous peine
d’être bannis de la communauté. Une des inepties de ce discours est qu’on met
en scène la communauté scientifique. Or l’idée d’une communauté
scientifique devrait amener que par la confrontation des idées on avancerait
vers un relatif consensus, et un progrès reconnu, cela ne marche pas. D’abord
parce que les scientifiques ne découvrent que ce pour quoi ils sont payés :
par exemple la Commission européenne pour nous vendre des glyphosates
sélectionne les études qui masquent le fait que ces produits sont cancérigènes[2]. En outre, s’il y a forcément
des adaptations à l’air du temps, il n’y a aucun progrès dans les disciplines
comme l’économie ou la sociologie. Ces disciplines tournent en rond et
présentent en permanence les mêmes controverses depuis leur avènement. Prenons
l’économie que certains appellent la science économique. Depuis le XVIIIème
siècle, nous avons trois blocs de pensées qui sont apparues
chronologiquement : d’abord une forme d’interventionniste qu’on a appelée
mercantilisme, puis keynésianisme qui appelle l’État à s’émanciper du marché
pour défendre le bien public, ou mettre en place un protectionnisme, puis le
libéralisme anglais qui voudrait que le marché échappe à la tutelle de l’État
et soit restreint à sa plus simple expression, et puis il y a le socialisme,
celui de Marx et non pas celui de Lénine, qui refuse à la fois le marché et
l’État, notamment quand il célèbre la Commune de Paris[3]. On passe d’une forme
théorique à une autre et puis on y revient. La sophistication des modèles
mathématiques pour faire croire à un progrès véritable, est à peine un masque,
les solutions politiques ont été écrites il y a longtemps, et c’est pourquoi après
avoir célébrer la mondialisation heureuse on retrouve aujourd’hui des
vertus au protectionnisme.
5. En outre, le désaccord est synonyme de diversité. Le fascisme éternel se déploie et recherche le consensus en exploitant la peur innée de la différence et en l’exacerbant. Le fascisme éternel est raciste par définition.
Le
fascisme est raciste, c’est exact, et donc il suppose qu’il existe une race
supérieure qui porte le progrès historique, mais aujourd’hui aucun parti en
Occident se dit raciste. On suppose donc que les partis qualifiés de racistes
avancent masqués sur ce point précis. Cependant la gauche est aussi tout à fait
raciste. La gauche molle, celle de feu le Parti socialiste a développé un
racisme anti-pauvres. C’est pour cette raison qu’en suivant les recommandations
des imbéciles incultes de Terra Nova, ils ont essayé de capter le vote
des personnes issues de l’immigration. Et ce faisant, ils ont développé un
racisme anti-blanc, dans le graphique ci-dessous, on voit que les Français dans
leur ensemble considèrent, même quand ils sont de gauche, qu’il y existe un
racisme anti-blanc, Or celui-ci est porté par des personnalités de gauche qui
s’appliquent à nier des évidences : « Le racisme anti-Blancs n’existe pas
pour les sciences sociales » affirmé d’emblée l’impayable Eric
Fassin[4]. Autrement dit, les blancs
qui se disent victimes du racisme sont en situation d’aberration mentale ou
alors des fascistes ! Cette imbécillité est complètement démontée par ce
que les Français pensent, et s’ils pensent ainsi ce n’est pas parce qu’ils sont
malades de la tête, mais parce qu’ils ont été confrontés à des situations dans
lesquelles ils se sont retrouvés victimes du racisme anti-blanc. On trouve ce
type d’idée biscornues également chez les politiciens de la France Insoumise,
Cet essentialisme fait des Noirs et des Arabes des catégories d’individus
préservées d’idées racistes, la chasse que les Maghrébins font aux migrants
noirs au Maroc, en Algérie, en Tunisie, par exemple suffit pour démontrer
l’ineptie de cette idée de sociologue[5]. Ces faits sont
généralement occultés par les antifascistes de métier. Il vient que le racisme
n’est pas l’apanage des fascistes et des blancs mais peut se réaliser de
partout. On notera que la gauche bien-pensante s’est en même temps détournée
des basses classes, dégageant l’idée selon laquelle les ouvriers, le petit
peuple sont très mal éduqués et donc ils pensent mal au point d’en devenir
racistes ! Volontairement je n’ai pas parlé de l’antisémitisme de gauche
qui se cache sous le terme d’antisionisme. Voyez sur ce point ce qu’en dit
Moishe Postone, le dernier grand commentateur de Marx[6], ouvrage dans lequel il
tire à boulets rouges sur ce fossoyeur de la pensée critique Alain Badiou,
sinistre individu qui défendait le fascisme des Khmers rouges, du Hamas et du
Hezbollah.
6. Le
fascisme éternel puise dans la frustration individuelle ou sociale. C’est
pourquoi l’un des critères les plus typiques du fascisme historique a été la
mobilisation d’une classe moyenne frustrée, une classe souffrant de la crise économique
ou d’un sentiment d’humiliation politique, et effrayée par la pression
qu’exerceraient des groupes sociaux inférieurs.
Voilà une nouvelle idée fausse. Cette fois Eco ressort la vieille idée qui a été utilisée pour expliquer les fascismes italien et allemand, idée selon laquelle le support du fascisme ce serait la classe moyenne en voie de déclassement, et non la classe ouvrière. Donc de deux choses l’une, soit le Rassemblement National n’est pas fasciste, soit ce sont les prolos qui sont le fer de lance du fascisme à la française, on ne peut pas avoir les deux en même temps ! En effet le graphique ci-dessous montre que le RN a un électorat essentiellement puisé dans les petits salariés. Depuis plusieurs années déjà, c’est le premier parti pour le vote ouvrier. A l’inverse les classes moyennes, moyennement instruites et les retraités sont très faiblement représentés dans le vote. On voit également que ce sont les cadres qui votent à gauche et encore pour les résidus du Parti socialiste. Soyons plus clair, ce sont les professions à l’abri des aléas de la conjoncture qui votent à gauche. On retrouvera d’ailleurs ce même paradoxe apparent avec les tendances mondialistes et immigrationnistes, ce sont dans les classes aisées et instruites qu’on retrouve les mondialistes heureux, les européistes et les défenseurs d’une immigration peu contrôlée. Probablement parce qu’ils sont protégés par leur niveau de richesse à une confrontation directe avec les populations immigrées, ou parce qu’ils culpabilisent leur niveau immérité de richesse.
7. Aux
personnes privées d’une identité sociale claire, le fascisme éternel répond
qu’elles ont pour seul privilège, plutôt commun, d’être nées dans un même pays.
C’est l’origine du nationalisme. En outre, ceux qui vont absolument donner
corps à l’identité de la nation sont ses ennemis. Ainsi y a-t-il à l’origine de
la psychologie du fascisme éternel une obsession du complot, potentiellement
international. Et ses auteurs doivent être poursuivis. La meilleure façon de
contrer le complot est d’en appeler à la xénophobie. Mais le complot doit
pouvoir aussi venir de l’intérieur.
Cette septième directive j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour la comprendre. Si je lis les deux premières phrases on peut dire que selon Eco le fascisme est à l’origine du nationalisme ! C’est très osé ! C’est une inversion du lien causal, le fascisme semble plutôt apparaître après la nation, comme un détournement de l’idée nationaliste. Si on suit Eco dans ses élucubrations il vient que dans l’Europe qui sortait du Moyen-Age le fascisme éternel est l’inspirateur de l’idée nationale ! Et celui-ci s’appuie sur une théorie du complot qui mène à la xénophobie. Ce n’est rien de le dire qu’Eco ne comprend rien. Le nationalisme français prend ses racines non pas dans une théorie du complot, mais dans les guerres qui ont soudé plus ou moins bien le pays. Que ce soit la Guerre de cent ans, la guerre que le parti émigré a livré contre la Révolution française avec l’aide bien réelle et non fantasmée d’armées étrangères, c’est là que prend la forme l’idée nationale, avec comme étape préalable la Monarchie absolue, qu’il serait oiseux de comparer dans ses buts et dans ses formes institutionnelles avec un fascisme plus ou moins assuré. Par ailleurs on peut renvoyer Eco à l’histoire de son pays d’origine. En effet une des raisons qui a favorisé la naissance de la nation italienne tient au fait que les villes n’arrêtaient pas de se battre entre elles, ce qui causait bien des dégâts et qui était mauvais pour les affaires. Mais le fascisme en tant qu’idéologie n’y avait rien à voir !
8. Les partisans du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la puissance de leurs ennemis. Les gouvernements fascistes se condamnent à perdre les guerres entreprises car ils sont foncièrement incapables d’évaluer objectivement les forces ennemies.
Si on
suit ce raisonnement curieux, les fascistes sont identifiés par leur incapacité
à gagner une guerre donc à la mener à bien. Dans cette affirmation il y a
d’abord la volonté de mépriser son ennemi, et ce mépris empêche de le
comprendre. Comme par définition selon Eco les fascistes sont des imbéciles,
ils ne peuvent même pas faire la guerre correctement, passons sur le fait que
pour vaincre l’Allemagne nazie il a fallu une coalition de nombreux pas, dont
les États-Unis et l’URSS, ce qui n’est pas rien. Mais il se trouve que Franco
et ses sbires avaient entre temps gagné la Guerre civile en Espagne. Et une des
raisons à cela provenait de la division du camp républicain et anarchiste, or
évidemment le camp républicain ne poursuivait pas les mêmes objectifs que les
anarchistes, il visait seulement à remettre en selle une bourgeoisie
vacillante. Prendre ses ennemis pour des idiots c’est ne pas se donner les
moyens de le connaitre et donc de le combattre sérieusement. Donnons un exemple
les Etats-Unis dans la période récente ont déclaré la guerre à la Russie à
l’aide du proxy ukrainien, pensant que les Russes étaient trop stupides pour
réagir aux sanctions économiques et qu’ils ne possédaient pas l’art de la
guerre. Ils ont clairement perdu la partie. De même en méprisant les
Afghans dont ils croyaient en venir à bout facilement, ils ont fini par se
faire éjecter de ce malheureux pays. Ces exemples montrent que ce sont bien les
Américains, promoteurs d’une démocratie singulière, qui sont incapables
d’évaluer les forces en présence, du Vietnam jusqu’à la Russie en passant par
l’Irak et la Syrie. Ses défaites récentes devraient faire méditer sur la nature
fasciste ou démocratique de ce pays.
9. Pour le fascisme éternel, il n’y a pas de lutte pour la vie mais plutôt une vie vouée à la lutte. Le pacifisme est une compromission avec l’ennemi et il est mauvais à partir du moment où la vie est un combat permanent.
Il est
assez contradictoire de désigne le fascisme comme un danger éminent, et en même
temps de refuser le combat. Si le fascisme est aussi mauvais que cela, il est
bien évident qu’il faut le combattre. Et du reste, Eco nous dit que le fascisme
est bientôt de retour si on ne fait rien. Mais si le fascisme est aussi
néfaste, et non pas un résidu des temps anciens, il va de soi que de mettre un
bulletin dans l’urne pour des partis bourgeois, pour Macron par exemple ou pour
la social-démocratie, ça ne pourra pas être suffisant et donc qu’il faudra se
battre à notre tour pour la vie sous peine de disparaitre : autrement dit
le très inconséquent Eco nous invite à un pacifisme actif pour ne pas devenir à
notre fasciste à notre tour. Incidemment il nous indique sans le savoir que
pour lutter contre le fascisme, il faut en copier ses méthodes que par ailleurs
il dénonce ! Il suppose donc que quelque part fascisme et antifascisme se
rejoignent, ce qu’ont compris les antifas. Mais alors comment distinguer une
violence qui lutte pour la vie d’une vie qui est vouée à la violence ? Au
lieu de faire des ratonades comme au bon vieux temps, on traquera ceux qu’on
suppose fascistes et qui ne nous plaisent pas. Fafs et Antifaf serait-ce les
deux revers de la même pièce ?
10. L’élitisme est un aspect caractéristique de toutes les idéologies réactionnaires. Le fascisme éternel ne peut promouvoir qu’un élitisme populaire. Chaque citoyen appartient au meilleur peuple du monde ; les membres du parti comptent parmi les meilleurs citoyens ; chaque citoyen peut ou doit devenir un membre du parti.
Si l’élitisme est la
marque du fascisme, alors on peut dire que tous ceux qui dénient le droit au
peuple de se gouverner par lui-meme, sont tous fascistes, y compris la
bureaucratie bruxelloise qui prétend fabriquer des lois sans consulter le
peuple, y compris Madame von der Leyen, mais aussi Umberto Eco qui se pensait lui-même
au-dessus de la multitude populacière qui donne le populisme en prétendant
avoir une voix au chapitre. A part de la deuxième phrase le texte part
complètement en couille. Voilà Eco qui condamne l’élitisme
populaire ! Drôle de notion du peuple ! Ce serait une marque du
fascisme éternel. Mais justement le fascisme n’est pas éternel, il e’st
circonstanciel, si vous voulez, parce que justement il n’y a plus de parti
fasciste de masse. Il n’est pas facile de comprendre où veut en venir Eco. Si
Macron par exemple est élitiste, s’il se croit au-dessus du peuple et des lois,
peut-on dire qu’il est fasciste ? De mon point de vue non, mais du point
de vue d’Eco, oui. On peut dire d’ailleurs que les premiers ministres qu’on a
nommé en Italie, Mario Monti puis Mario Draghi, sont des fascistes dans la
mesure où, non élus par le peuple, mais nommés depuis Bruxelles, ils pensent
que le peuple n’est pas capable de prendre les bonnes décisions. Autrement dit
si on suit Eco jusqu’au bout, tout décision qui n’est pas prise par le peuple
est fasciste, n’est pas démocratique. Il vient alors que l’Union européenne est
fasciste ! Ce qui est embêtant pour Umberto Eco, militant européiste, il
avait été nommé à la chaire européenne au Collège de France, un de ses petits fromages
parmi tant d’autres qui lui permettaient d’exploiter sa renommée.
11. Dans une telle perspective, chacun est invité à devenir un héros. Le héros du fascisme éternel rêve de mort héroïque, qui lui est vendue comme l’ultime récompense d’une vie héroïque.
Ensuite Eco pose la question du
héros. il suppose que toute glorification des héros est d’essence fasciste, par
exemple les héros de la Résistance qui luttaient sérieusement contre le vrai
fascisme, participent de près ou de loin à l’idéologie fasciste. Pire encore,
nous devons supposer que les héros d’Homère, Achille, Ulysse, Hector ou Enée
sont des vieux fachos ! C’est évidemment très osé. Il y a trois sortes de
héros, dans la mythologie antique, le héros est un demi-Dieu. Ensuite le
Larousse définit le héros comme une « personne qui se distingue par sa
bravoure, ses mérites exceptionnels », Enfin on parle de héros en littérature pour désigner le personnage
central d’un roman par exemple. Eco fait allusion à la seconde définition. Les
héros sont nombreux dans l’histoire littéraire, par exemple les Chevaliers de
la Table Ronde qui sont à la fois loyaux et fraternels, formant un groupe
relativement soudé. Ils sont la référence constante de nombreux penseurs et
écrivains, par exemple Guy Debord qui se réfère avec constance à Prince
Valiant. Était-il fasciste lui aussi ?
12. Le fasciste éternel transporte sa volonté de puissance sur le terrain sexuel. Il est machiste (ce qui implique à la fois le mépris des femmes et l’intolérance et la condamnation des mœurs sexuelles hors normes : chasteté comme homosexualité).
Là encore Eco raconte encore n’importe quoi. Déjà cette question des minorités sexuelles n’a jamais été un problème central pour les fascistes, même s’ils ont mis au centre de leur modèle une famille composée d’un père, d’une mère et de quelques enfants. Eco oublie que le parti nazi comprenait aussi de très nombreux homosexuels, et que chez les pétainistes ça ne manquait pas non plus. Patrick Buisson dans sa trilogie intitulée 1940-1945, années érotiques, montre qu’au contraire les collaborateurs et les pétainistes recherchaient les rapports sexuels « hors normes » pour parler comme Eco[7]. Cette élite avouait qu’on n’avait jamais tant baisé que pendant l’Occupation ! Au contraire, ce sont les communistes et les gaullistes qui après la Libération ont restauré les valeurs du travail, de la patrie et de la famille, ébauchant les contours d’un nouveau puritanisme. On sait aussi qu’en Italie le parti de Mussolini se livrait à une débauche éclatante, même si l’Eglise pour des raisons politiques couvrait ses turpitudes. C’est un mythe qui a la vie dure de croire que les fascistes auraient été très répressifs pour les questions de mœurs. On connait la fortune des bordels parisiens pendant l’Occupation. La photo ci-dessous a été prise au One Two Two, célèbre bordel parisien visité par les nazis, afin d’assouvir des « rapports sexuels hors normes ».
13. Le fascisme éternel se fonde sur un populisme sélectif, ou populisme qualitatif pourrait-on dire. Le Peuple est perçu comme une qualité, une entité monolithique exprimant la Volonté Commune. Étant donné que des êtres humains en grand nombre ne peuvent porter une Volonté Commune, c’est le Chef qui peut alors se prétendre leur interprète. Ayant perdu leurs pouvoirs délégataires, les citoyens n’agissent pas ; ils sont appelés à jouer le rôle du Peuple.
Ce point numéro 13 est maintenant en contradiction avec le point numéro 10. En effet si le Peuple est perçu comme une qualité, cela ne peut pas aller avec l’élitisme. Il est exact que dans le passé le fascisme se référait à un chef qui parlait à la place du peuple. Cela allait d’ailleurs avec l’idée d’un parti de masse en uniforme et discipliné. Aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, il n’existe aucun parti de masse, avec uniforme, discipline, révérence au chef qui débouche sur des structures paramilitaires comme les sinistres SA allemands. Il existe bien quelques petits groupes isolés et résiduels qui font la promotion de ce système fasciste, mais ils n’arrivent pas à entrainer les foules et ne représentent rien sur le plan politique. Ils servent juste d’épouvantail à moineaux pour la gauche qui a du mal à justifier son antifascisme militant. Sans doute est-ce une des conséquences de l’hyper-individualisme occidental, en France on ne voit guère les électeurs du Rassemblement National se couler dans ce moule, au contraire, ils ont un esprit critique développé, tout autant que les militants de la FI. En Italie on ne voit pas non plus les électeurs de Meloni faire des génuflexions devant elle. Eco parle de la perte des pouvoirs délégataires comme marque du fascisme. Mais cette perte est justement la base d’une critique virulente de Macron qui produit des lois toujours en rebours de la volonté populaire, usant du 49-3 à répétition, ce qui entraine au contraire une défiance accrue envers le pouvoir. Car il y a une dimension dont Eco ne parle jamais, le fascisme tient tant qu’il semble apporter un peu d’amélioration aux populations. L’historien allemand, Goetz Aly, dans un ouvrage célèbre[8], montre que les Allemands soutenaient Hitler parce qu’ils y gagnaient un surcroit de bien-être matériel. Mais quand la guerre est arrivée sur leur sol, il n’en a pas été de même, et ils se moquaient assez bien du parti, de ses leaders et de ses consignes.
14. Le fascisme éternel parle
la Novlangue. La Novlangue, inventée par Orwell dans 1984, est la langue
officielle de l’Angsoc, ou socialisme anglais. Elle se caractérise par un
vocabulaire pauvre et une syntaxe rudimentaire de façon à limiter les
instruments d’une raison critique et d’une pensée complexe.
Une nouvelle ânerie. Si la réduction drastique du vocabulaire accompagne le détournement du sens des mots, alors aujourd’hui, la Novlangue ne se trouve plus chez les fascistes - disons à l’extrême-droite – c’est bien chez « les gens de gauche » que cela se passe. Qu’est-ce d’autre que la censure des livres anciens parce qu’ils ne seraient pas conformes dans l’usage des mots ? Aux Etats-Unis on épure les bibliothèques, un jour c’est Mark Twain, un autre c’est Agatha Christie. Mais le pire est sans doute que cette intolérance avérée qui est partie des milieux d’extrême-gauche, a engendré le même type de censure chez les Républicains qui se lancent eux-aussi dans la chasse aux sorcières pour épurer les bibliothèques. Cette opposition frontale dont la Novlangue est le cœur, préfigure d’ailleurs une forme de guerre civile. L’écriture inclusive est également une Novlangue, en ce sens qu’elle ôte aux individus qui ont appris leur langue, la possibilité de s’exprimer dans celle-ci, en passant sous les fourches caudines d’une forme langagière imposée de l’extérieur comme une obligation.
Je m’excuse d’avoir été si long, mais je crois que c’est nécessaire tant il y a de monde à gauche pour se contenter des simplifications abusives d’Eco. C’est de la paresse intellectuelle quand le slogan remplace l’analyse. Ma conclusion est qu’il est totalement erroné de comparer deux périodes aussi différentes que l’entre-deux-guerres et celle d’aujourd’hui. on mime l’antifascisme sans trop savoir ce que c’est vraiment, pour se donner une bonne conscience à peu de frais. Sur cette question on lira aussi avec profit le texte de Victor Sarkis et Etienne Burle, Le temps de la clarification : chronique d’une anarchie annoncée[9] qui va dans mon sens, même si je ne valide pas certaines remarques qu’ils avancent, par exemple considérer Nietzsche comme un auteur fasciste n’a aucun sens pour les gens qui l’ont lu vraiment, ou encore le manque de profondeur sur l’analyse de ce qui s’est passé le 7 octobre 2023 en Israël avec les conséquences dramatiques pour les Israéliens comme pour les Palestiniens. La lutte contre un fascisme imaginaire est l’ultime recours pour sauver la bourgeoisie occidentale. C’est une posture paresseuse qui entraine les électeurs à faire preuve de passivité face aux problèmes de l’heure.
[1]
Ce qui n’a pas de prix, Stock, 2018,
[2]https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/16/glyphosate-la-commission-europeenne-annonce-le-renouvellement-pour-dix-ans-dans-l-ue-faute-d-accord-entre-les-pays-membres_6200450_3244.html
[3] La
guerre civile en France, 1871.
[4]
Encore que Fassin soit bien, incapable de démontrer une telle affirmation,
s’abritant seulement derrière un vague argument d’autorité.
[5]https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/09/les-refoules-d-algerie-chasse-a-l-homme-noir_5406913_3212.html
[6] Critique
du fétiche capital, le capitalisme, l’antisémitisme et la gauche, PUF, 2013
[7]
Albin, MIchel, 208-2011.
[8] Götz
Aly , Comment Hitler a acheté les Allemands :
le IIIe Reich, une dictature au service du peuple,, Flammarion, 2005
[9]
https://grosrougequitache.fr/le-temps-de-la-clarification-chroniques-dune-anarchie-annoncee/
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