lundi 23 septembre 2024

La gauche au trente-sixième dessous

  

L’année 2024 a été calamiteuse pour la gauche qui s’est sacrément déconsidérée, confirmant les pires pronostics qu’on pouvait faire avant la dissolution. En venant au secours de Macron, en faisant voter pour des ennemis des travailleurs pour faire barrage à un fascisme qui n’existe pas, elle est apparue comme une sorte de cartel électoral sans stratégie et sans tactique. Le NFP constitué à la hâte pour la course aux places, s’en allant de l’extrême-gauche trotskiste, jusqu’à l’agent des Etats-Unis Raphael Glucksmann, en passant par François Ruffin. Ce dernier a brisé la loi du silence sur l’état décomposé de la gauche et a avancé à mots couverts que la gauche ne représentait plus le peuple. Il part du constat qui est pourtant évident, les classes populaires se détournent de plus en plus des partis de gauche, et quand elles votent, elles votent pour le Rassemblement National. On l’a dit et répété, prouvé statistiquement, le RN est sur le plan électoral le premier parti ouvrier. Si on se souvient de la dernière séquence de cette déconfiture, elle part du fait que Macron, ayant perdu les élections européennes malgré une très faible participation des Français à celles-ci, a eu l’excellente idée de dissoudre l’Assemblée nationale et de renvoyer la représentation nationale aux élections. Ce fut une excellente idée qui lui permet aujourd’hui de nommer un pantin au poste de Premier ministre. Mais cette idée ne pouvait fonctionner que grâce à l’imbécilité de la gauche et plus particulière de la France Insoumise qui n’a vu dans la logique du barrage qu’une possibilité de gagner quelques postes de députés. Cette tactique à courte vue, vraiment, à masquer le vide sidéral de sa stratégie dans le bricolage d’un programme et de la formation du Nouveau Front Populaire. On ne peut pas dire que dans ce programme tout soit mauvais, il proposait notamment une hausse du SMIC qui semble nécessaire, tant la part des profits dans la valeur ajoutée a augmenté ces dernières décennies, tant les plus riches ont confisqué les gains de productivité du travail pour accumuler un capital, porté plutôt sur la spéculation – notamment la spéculation boursière – que sur l’investissement productif. Il faut bien comprendre que si le cours de la Bourse (voir ci-dessous le CAC40 sur vingt ans) croit plus vite que le PIB, c’est qu’il y a deux causes, la première est que c’est le résultat d’un partage de plus en plus avantageux de la valeur ajoutée en faveur du capital et au détriment du travail, et la seconde, parce que les investissements en Bourse sont vus comme un palliatif aux investissements productifs : tout le monde se ruant sur les actifs boursiers, la loi de l’offre et de la demande fait qu’ils atteignent des cours trop élevés par rapport à leur rendement économique effectif. Et donc l’idée de relever le SMIC apparait comme très juste, d’autant que la consommation stagne. Également les différents partis de gauche se sont mis d’accord sur l’idée d’accroitre les impôts sur les hauts revenus pour financer les dépenses notamment dans le domaine social. Pour choisir ensemble un potentiel Premier ministre ça s’est très mal passé, on a tergiversé, avançant tel nom, refusant tel autre pour finalement choisir une personnalité terne et représentante de la gauche bobo. Cela a été des disputes à n’en plus finir, disputes qui ont permis à Macron de faire oublier qu’il avait perdu deux élections de rang et qu’il n’avait plus de majorité à l’Assemblée nationale.                                                                                                                                                                                                

Objectivement la gauche a été complice de Macron et lui a permis de nommer Barnier, un père la pantoufle toujours d’accord avec les plus riches, qui ne pourra gouverner qu’avec l’assentiment du Rassemblement National ! Tout cela nous montre que toute la classe politique, soit par stupidité, soit par opportunisme, s’est rangée derrière la reconduction de Macron et de son gang. Les Insoumis peuvent gueuler comme des putois contre la fourberie de Macron et de ses conseillers, cela n’effacera pas le rôle qu’ils ont joué dans son sauvetage. La gauche a projeté un nouveau mensonge. En nommant Barnier, Macron a montré que lui et son parti n’étaient guère différents de la droite dure ordinaire. Et donc il vient qu’il faut comprendre que cette droite-là est majoritaire à l’Assemblée nationale. Elle en représente, au-delà de la rivalité entre les concurrents pour les postes à pourvoir, les deux tiers. En faisant mine de croire que la gauche avait gagné les élections, elle tentait de faire oublier qu’elle n’était qu’un cartel. Le premier constat est qu’elle n’est pas un parti populaire et que les classes les plus pauvres s’en sont détournées. Cette idée selon laquelle la gauche devrait retrouver ses électeurs, fait son chemin, elle est portée depuis un certain temps déjà par François Ruffin qui s’est exclu de lui-même de la France Insoumise. 

Une des raisons de l’éloignement des électeurs des classes pauvres de la gauche d’aujourd’hui est la question de l’immigration, à laquelle on peut adjoindre dans le même sens la défense de la cause palestinienne. Appliquant les préceptes de la boutique néolibérale Terra Nova, la gauche, et sans doute plus encore la FI, a pensé que son électorat gisait d’une manière latente dans les quartiers des banlieues. Terra Nova avait décidé, à l’ombre du PS qui était parti avec armes et bagages dans le camp néolibéral, que la gauche devait changer son fusil d’épaules et au lieu de défendre l’ouvrier et le petit employé, elle devait travailler sr les quartiers, défendre l’immigration sans réserve et s’occuper des droits des femmes, des transgenres, et d’autres catégories minoritaires, plutôt que de la lutte des classes. Donc, travailler plutôt sur la question des droits, plutôt que sur celle de l’égalité. C’est cette aberration qui est à l’origine du divorce presqu’achevé entre la gauche et son électorat potentiel. Quand Georges Marchais disait en 1981 vouloir stopper l’immigration, son parti représentait un peu plus de 15% des suffrages, et il y avait encore plus de 500 000 adhérents. Aujourd’hui, c’est officiellement 43 000 adhérents. Autrement dit le PCF en s’alignant sur la voie social-démocrate – c’est-à-dire en renonçant à la lutte des classes pour la défense des droits – a perdu 90% de ses effectifs. 

Résultat du PCF au premier tour des élections présidentielles 

La dégringolade du PCF s’est faite d’abord au profit du PS, puis ensuite quand le PS fut discrédité auprès des classes pauvres au profit de Mélenchon et de la France insoumise. La décomposition du PS a été le résultat de sa politique pro-business et proeuropéenne, mais aussi celui de son tournant immigrationniste. Autrement dit plus le PS suivait les principes politiques de Terra Nova et plus il s’éloignait du peuple. L’élection de François Hollande tenait du malentendu : d’abord parce que Sarkozy était détesté – certes moins que Macron aujourd’hui, mais détesté tout de même – que sa politique était jugée mauvaise, et que Hollande s’était présenté comme celui qui combattrait la finance internationale ! La FI et presque toute la gauche s’est fait une spécialité de défendre à la fois l’immigration sans restriction, et la cause palestinienne. Cela l’a emmenée tout naturellement à rechercher des voix dans les quartiers de la banlieue et de négliger le reste des Français qui souffrent. Le complément de cette fantaisie est le glissement d’une laïcité forte et assumée, on se souvient des propos de Mélenchon sur « le droit d’être islamophobe », vers un soutien du même Mélenchon, personnage très peu fiable, au défilé des Frères musulmans. La France Insoumise est passée entre 2017 et 2024 de 17 députés à 72. Mais cette évolution dans un contexte pourtant favorable – la dissolution proprement ubuesque de l’Assemblée Nationale – en réalité masque une stagnation. Autrement dit ce qu’elle a gagnée en députés dans les banlieues, elle l’a perdu ailleurs. Tandis que le Rassemblement National progressait bien plus nettement. 

 

Cette stagnation anticipe probablement un recul de la France Insoumise dans les années à venir. Ces mauvais résultats dans un contexte pourtant porteur de la détestation inégalée du peuple à l’endroit de Macron, s’expliquent à la fois par des erreurs tactiques et une mauvaise orientation stratégique. On peut penser que la tactique du barrage qui a sauvé Macron de sa mauvaise situation est erronée dans la mesure où des affrontements triangulaires auraient achevé le parti présidentiel, et donner l’occasion à la gauche de montrer sa différence vis-à-vis du Rassemblement National. Mais il n’en a rien été. C’est l’inverse qui s’est passé, en s’alliant avec les macroniens, la gauche a prouvé qu’elle faisait parti du système plus qu’elle ne le contestait. Le 15 septembre dernier sur BFMTV, Éric Coquerel, cadre de la FI, avançait sans précaution que « le problème numéro un, dans ce pays, n'est pas la question de l'immigration. Quand on parle avec le patronat éclairé, la France n'a pas suffisamment d'immigrés. » Les sondages nous disent pourtant avec constance que les Français pensent exactement le contraire de ce que raconte Coquerel, ils pensent comme le formulait Georges Marchais il y a quarante années. Georges Marchais à cette époque s’élevait à la fois contre la social-démocratie façon Terra Nova et contre le patronat qui utilisait l’immigration pour faire baisser les salaires et mettre les travailleurs en concurrence. Mais si tout cela est bien connu, Coquerel innove en avançant exactement comme Macron et son gang que le patronat « éclairé » était justement pour continuer à favoriser l’immigration. Le patronat éclairé c’est bien entendu le MEDEF, il est cocasse de voir que le soi-disant extrémiste Coquerel va chercher sa caution non pas auprès du petit peuple qui souffre mais du côté du patronat « éclairé ». On comprend ainsi que lorsque les stratèges de la FI pratiquent le barrage pour sauver Macron, combattent d’abord le RN parce que celui-ci avance une politique de restriction de l’immigration, et non pas parce qu’il serait un fascisme en puissance. Cette position de la FI est tout à fait conforme également aux directives de la Commission européenne qui pense que le financement des retraites ne se fera pas en modifiant le partage de la valeur ajoutée en faveur des vieux travailleurs, mais en insérant des travailleurs étrangers mal payés et jeunes. Il y a une idée également archaïque derrière cela, selon laquelle le but de l’économie ne peut pas se faire sans croissance démographique, qu’on fabrique nous-mêmes ou qu’on importe la main d’œuvre dont on a besoin. Cette approche d’une France ouverte sur le monde est évidemment contraire à sa souveraineté, mais elle est par contre compatible avec une mondialisation portée par les Etats-Unis et son relais la Commission européenne. 

 

Les autres partis de gauche sont exactement sur la même position que Coquerel. Mais cette position permet de comprendre pourquoi la gauche dans son ensemble est une force minoritaire dans le pays – en gros 25% des voix et 30% des sièges à l’Assemblée nationale. Coquerel tient le même discours que le patronat ! Le nœud de l’affaire c’est bien que cette gauche donneuse de leçons fait comme si sur quelque sujet que ce soit elle en connaissait plus que ceux qu’elle prétend représenter ! Cette posture de ceux qui croient savoir mieux que le peuple est tout simplement antidémocratique car elle prétend imposer des lois et des normes à ceux qui n’en veulent pas. Tant que la gauche s’opposera au peuple, elle ne méritera pas d’exercer le pouvoir. La question n’est pas ici de dire que le peuple a toujours raison, mais de bien comprendre que les élus de la nation ont fait le plus souvent la preuve qu’ils avaient tort que l’inverse. La fête de l’Humanité a été l’occasion de mettre au grand jour ce confusionnisme latent d’abord nous avons vu la foule des militants applaudir à tout rompre Dominique de Villepin. Comme si la gauche avait oublié les vastes mobilisations de la jeunesse contre le contrat première embauche qui visait justement à payer les jeunes travailleurs en dessous du SMIC. Pourquoi donc cet individu a-t-il été si bien accueilli ? Essentiellement parce qu’il a posé que la guerre entre le Hamas et Israël était une question capitale. Pourtant la question de Gaza aussi douloureuse soit-elle ne devrait pas être une priorité pour la gauche française. Il y a beaucoup d’autres conflits, et cette gauche morale et moralisatrice n’a pas grand-chose à dire de la guerre de l’OTAN en Ukraine. Mais Dominique de Villepin est le représentant de l’ancienne politique arabe du général de Gaulle, et donc il a toujours été hostile à Israël comme beaucoup de politiciens de droite. Cet épisode montre, sous couvert d’ouverture au dialogue, que la gauche privilégie maintenant des causes qui lui permettent de faire l’impasse sur les problèmes économiques et sociaux. Les militants de gauche ont cette capacité à mettre en scène des problèmes qui n’intéressent qu’eux. Gaza devrait en réalité passer très loin derrière les questions d’emploi, de retraite ou de pouvoir d’achat. Seuls un tiers des Français est pour un soutien à la cause palestinienne et au Hamas. 

 

Et justement François Ruffin était venu à la Fête de l’Humanité pour parler de la difficulté qu’il y avait à unir les classes populaires de façon à initier un possible changement de politique. Pour dire les choses autrement, Ruffin est conscient que les électeurs des classes populaires se trouvent très nombreux au Rassemblement National. De même il a toujours été un défenseur des métiers les plus humbles et les plus mal payés. C’est quelqu’un qu’on ne voit jamais défiler derrière les Frères Musulmans par exemple. Mais aujourd’hui il est voué aux gémonies, hué, traité de fasciste par ses petits camarades de la France Insoumise qui avaient organisé une bronca lors du débat qu’il avait animé. Et pourquoi donc ? Très certainement parce qu’il refuse de diaboliser les électeurs du Rassemblement National, mais aussi parce qu’il est à gauche la personnalité la plus populaire. Sa popularité qui repose sur un positionnement politique différent de celui de Mélenchon, s’accroit au fur et à mesure que celle du patron de la FI s’effrite. La conséquence logique est que Ruffin s’est exclu de lui-même de la FI. Quel sera son avenir ? Personne ne le sait, sans doute même pas lui ! En tous les cas on lui donne maintenant la chasse sur les réseaux sociaux toute la journée. Cette hargne évite au moins à cette gauche soi-disant radicale de se poser des questions sur ce qu’elle veut. Pour l’instant elle amuse le tapis en proposant de destituer macron à l’Assemblée nationale. Certes nous aimerions voir cet imbécile s’en aller, lui et le corrompu Alexis Kohler ont fait assez de mal. Mais comme cette entreprise dans une Assemblée nationale dont les deux tiers sont à droite, n’a guère de chance d’aboutir, et cela ressemble à une agitation stérile.

 

Pendant que la gauche se déchire – elle le fait depuis le 7 juillet 2024 – la droite ordinaire, cosmopolite et affairiste s’occupe de concocter un gouvernement qui sera certainement encore plus dur pour l’ouvrier. Et elle y arrive ! Panot nous dit que c’est un gang des perdants, mais en réalité c’est bien la gauche qui est la grande perdante de l’aventure de la dissolution, et cela parce qu’elle n’a plus aucun sens tactique et qu’elle n’a pas de stratégie. Comment les grimaces de Jean-Luc Mélenchon ou de semi-idiots comme Raphael Arnault ou de Sébastien Delogu qui sait à peine lire pourrait convaincre les classes populaires qu’ils savent où ils vont. Le premier est un Lyonnais transplanté dans le Vaucluse, dont le seul combat est un antifascisme brouillon qui l’a amené à être condamné pour violences en réunion en 2022. Le second s’est fait remarquer non seulement pour ses difficultés de lecture, mais aussi pour avoir refuser de serrer la main à l’Assemblée Nationale d’un député du RN, et puis bien sur pour avoir brandi stupidement le drapeau palestinien dans l’hémicycle. Ces deux guignols spécialistes des combats minoritaires qui n’intéressent que ceux qui aiment à se faire peur avec un fascisme qui n’existe plus, ne représentent rien, et ne sont d’ailleurs pas capables de comprendre où se trouvent aujourd’hui les tendances fascisantes. Car le fascisme est un contrôle social, une privation des libertés avant tout, et ça, ça se trouve dans le travail de l’État ou de la Commission européenne qui concocte des lois pour contrôler notre vie sociale et nos moyens d’expression grâce au numérique. 

 

Dans cet état de déliquescence, la gauche ne peut prétendre à rien : elle n’est pas populaire, s’est éloignée complètement des classes pauvres en se concentrant sur les combats ultra-minoritaires. Ce n’est pas demain que cela changera, il va lui falloir du temps, des décennies sans doute. La droite cosmopolite et affairiste n’a pas ce genre de problème. Il lui suffit d’être là, de changer périodiquement de nom, passant des Républicains à En Marche, puis à Ensemble. C’est toujours la même chose, mais ce système ne fonctionne que grâce à la passivité imbécile de la gauche incapable de proposer un programme attrayant et crédible. Et quand la gauche propose quelques idées justes, des idées de bon sens, elle est incapable de dire comment cela sera financé si on reste dans le cadre contraignant de la monnaie unique.

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