jeudi 24 octobre 2024

Le monde et les agents américains, le cas Laurent Vinatier

  

Le monde nous arrache quelques larmes, avec le reste de la presse française sur l’arrestation et la condamnation de Laurent Vinatier en Russie. Cet individu est présenté comme un « chercheur ». C’est un terme neutre, mais qui peut recouvrir n’importe quoi, et après tout, les espions sont aussi des chercheurs. Il serait donc un spécialiste de l’espace post-soviétique. Pour comprendre qui est Vinatier, il faut remonter son parcours, ce qui n’est pas facile. On s’aperçoit cependant que cet individu a travaillé pour l’OTAN et il est difficile de faire passer cette boutique qui veut la guerre jusqu’au dernier Ukrainien, pour une communauté d’intellectuels cherchant la vérité. Il est également membre de l’Institut Thomas More qui est en réalité un think-tank basé en Belgique qui est financé exclusivement par des milliardaires de tendance plutôt de droite conservatrice et catholique. Il n’a jamais été recruté ni par le CNRS, ni par l’Université. Il vient d’être condamné à trois ans de prison ferme pour avoir « oublier » de s’inscrire sur le territoire russe comme « agent de l’étranger ». Il est difficile de savoir si en Russie il a été utile à l’OTAN et aux Ukrainiens, mais il est certain que son point de vue est celui d’un ennemi de la Russie et de Poutine qui sont en guerre contre l’OTAN. N’ayant été condamné qu’à trois ans de prison, il est probable que la justice russe le considère comme un agent de l’étranger de seconde catégorie. Lors de son arrestation en juin dernier, Le monde parlait d’une nouvelle escalade, sous entendant par là qu’en arrêtant Vinatier, Moscou agressait tout l’Occident[1] !  Mais Le monde ajoutait que « la partie russe faisait état d’accusations graves : M. Vinatier aurait, durant plusieurs années, « recueilli des informations dans le domaine des activités militaires et militaro-techniques de la Fédération de Russie », informations « pouvant être utilisées contre la sécurité de l’État ». En situation de guerre, collecter des informations militaires est évidemment un acte hostile, surtout si Vinatier émarge à l’OTAN qui est le grand stratège de la guerre en Ukraine.

Arrêter des espions est de bonne guerre, surtout en période de conflit ouvert. Mais Le monde ne proteste pas quand les Américains ou les Français arrêtent des espions russes. Autrement dit, pour ce journal, il est normal d’arrêter des agents de la Russie, mais à l’inverse anormal d’arrêter des espions occidentaux sur le sol de la Russie ! Vinatier a plaidé l’ignorance de la loi qui oblige les étrangers à se déclarer comme agent de l’étranger quand ils sont financés par des officines hostiles, et l’Institut Thomas More est bien une institution hostile à la Russie. Cette défense est médiocre, puisque même moi qui ne vit pas en Russie, je connaissais l’existence de cette loi. S’il ne l’a pas fait, il est probable que c’est parce qu’il croyait ne pas être repéré, et qu’ne se déclarant, il se serait au contraire signalé. Sa peine prononcée le 14 octobre dernier est relativement légère comme Le monde le faisait remarquer. Et il est probable qu’il sera échangé assez rapidement contre d’autres espions russes avec d’autres prisonniers de son genre. Qu’il y ait des espions, personne ne le contestera, c’est vieux comme le monde ! Mais ce qui est inadmissible est de tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes en jouant de la corde sensible. Le monde s’obstine de donner à Vinatier le simple titre de « chercheur », mais il ne faut pas être un spécialiste de l’espionnage pour être convaincu qu’un chercheur peut-être aussi un espion !

 



[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/06/06/l-arrestation-d-un-francais-a-moscou-nouvelle-escalade-de-la-part-de-la-russie_6237742_3210.html

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