Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Cette fois il l’emporte de près de 5 millions de voix – 71 millions contre 66 – et avec 277 grands électeurs contre 214 pour Kamala Harris. Les Républicains inféodés complètement à l’homme à la figure orange, gagnent en outre le Sénat. Certains qui auraient préféré un pouvoir démocrate s’en désolent, d’autres s’en félicitent. Il est vrai que Donald Trump représente plus qu’un autre un pitre doublé d’un escroc et d’un menteur. Tout le monde sait cela, et même sans doute ceux qui ont voté pour lui. Rappelons qu’il est sous le coup d’une kyrielle de procès qui s’ils allaient jusqu’au bout l’enverraient en prison jusqu’à la fin de ses jours. Il a été également condamné le 30 mai 2024 pour trente-quatre chefs d’accusation, c’est donc officiellement un délinquant qui revient hanté la Maison Blanche[1] ! La peine effective encourue avait été suspendue pour cause justement d’élections ! Mais les choses sont bien faites, outre que Trump bénéficie de la protection de la Cour suprême qu’il a lui-même nommée, il a la possibilité de s’autoamnistier. Les électeurs de son bord aiment cet individu transgresseur qu’ils croient être une sorte de rebelle, alors qu’il n’est qu’un héritier, un fils à papa capricieux et instable. Il a reçu les félicitations de cette partie du monde qui existe comme supplétive des Etats-Unis dans ses entreprises mondialistes. On a vu donc un autre clown, Zelensky, lui envoyer ses félicitations. Les grincheux comme Sylvie Kaufmann du Monde qui veulent la guerre à tout prix en Ukraine, sont marris. Pauvre Amérique ! Ceci dit, si Trump est un médiocre politicien, cela ne signifie pas pour moi que nous aurions gagné quelque chose à l’élection de Kamala Harris. Si les Démocrates ont tout perdu dans ces élections, c’est pour de bonnes raisons : d’abord parce qu’ils n’ont pas su dissuader assez tôt le gâteux Joe Biden de ne pas se représenter, ça c’est une raison de tactique. Mais plus profondément, c’est sans doute parce que les Américains attendaient bêtement que les Démocrates défendent le petit peuple. Et évidemment tant qu’on croira à ce genre de turpitudes, rien ne bougera. La déception a ouvert un boulevard à Trump qui fait semblant d’être du côté des gens d’en bas. On a ainsi un jeu qui est bien rodé en France, c’est la succession de fausses alternances qui font croire que la démocratie dite représentative fonctionne encore pour maintenir le pays sur une trajectoire stable.
Trump faisant la propagande pour la malbouffe à l’américaine
Les Américains ont ainsi voté massivement. Passons sur le fait que le pitre Trump avait dit en 2020 que les élections avaient été truquées, car en effet on se demande bien pourquoi si les Démocrates démoniaques, ou l’État profond, avaient cette capacité de fraude massive, on ne voit pas pourquoi ils ne l’auraient pas utilisé une fois encore ! Mais plus généralement attendre quelque chose de ce pitre est une faute morale, c’est un comme croire au Père Noel et penser qu’un grand homme à la figure orange fera le boulot à votre place. Placer sa confiance sans un homme politique relève de la paresse intellectuelle. Mais si les pitreries de Donald Trump le désigne comme le pire clown qu’ait connu les Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cela ne veut pas dire que les Américains auraient eu raison de faire confiance à Kamala Harris. En effet, d’abord sur le plan tactique elle est restée dans les pas de Joe Biden, semblant croire que la solidité du bilan économique des démocrates les mettait à l’abri. Bien entendu le menteur Trump a avancé que le taux de chômage américain était le pire depuis la Grande dépression. En vérité quand Trump a quitté la Maison Blanche, le taux de chômage étatsunien était à 6,4%, et à la fin du mandat de Joe Biden, il était tombé à 4,2%. Mais ses innombrables mensonges n’ont pas empêché les Américains de voter pour lui.
Trump et Harris lors du débat le 10 septembre 2024
Quelles sont les raisons qui ont fait la différence ? Certes on peut reprocher à l’administration Biden d’avoir fait la guerre à la Russie par Ukrainiens interposés, mais il est douteux que les Américains qui ne savent pas où se trouvent l’Ukraine aient fait attention à ça, et aient vu Trump comme un homme de paix. On a dit que l’inflation « était un sujet de préoccupation pour les Américains, peut-être. C’est tout à fait possible, mais je ne crois pas que le principal soit là. Je crois que c’est une question de projet de société. Bernie Sanders a avancé que « Personne ne devrait être surpris que le Parti démocrate, qui a abandonné les travailleurs, découvre que les travailleurs l’ont abandonné. Ce fut d’abord les travailleurs blancs, et maintenant les Latinos et les Afro-Américains. Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et ils ont raison ». Mais je pense que ce n’est pas tout à fait vrai, et je ne crois pas que dans le contexte actuel de dégénérescence du pays un programme plus à gauche, plus socialisant aurait eu des chances de l’emporter sur Trump et son gang. Sinon les Américains se seraient moins précipités pour aller voter. Or le taux de participation à cette farce est de plus des deux tiers, le plus haut depuis 1980 et semblable à celui de 2020. Également les afro-américains ont voté à plus de 85% pour Kamala Harris. Le handicap de la candidate démocrate était aussi qu’elle était une femme, les hommes et les latinos semblent avoir moins voté pour elle qu’ils ne l’avaient fait pour Joe Biden. En outre elle représentait, à tort ou à raison, une sorte de complaisance envers le peuple woke. De même le fait qu’elle soit soutenue par les pro-palestiniens a sûrement été un autre handicap, car contrairement à l’Europe, les Etats-Unis sont massivement hostiles au monde musulman. Les manifestations woke et propalestiniennes sur les campus ont choqué, et l’embarras manifesté par Kamala Harris sur ces sujets l’ont faite passée pour quelqu’une de faible et incapable de gérer les désordres. Les désordres de la premières présidence Trump ayant été oubliés, y compris sa contestation ridicule de sa défaite contre le vieux Joe Biden. Notez que Trump devient ainsi le président le plus vieil élu à la Maison Blanche, battant le record de Joe Biden !
Manifestants propalestiniens aux Etats-Unis
L’autre thème qui a sans doute joué dans le retour de Trump à la Maison Blanche, c’est la question de l’immigration massive. Les Démocrates, empêtrés dans un langage de gauche, sont apparus comment n’ayant pas de solution, ne voulant pas reconnaitre que cette immigration massive était un problème, même pour les descendants des immigrés les plus récents. Certes Trump n’a rien fait durant son premier mandat, et ne fera probablement pas grand-chose pour enrayer cette tendance, mais il a prononcé un discours dit de fermeté. Rappelons qu’en 2016 le fanfaron à la figure orange se faisait fort de faire payer par les Mexicains la construction d’un mur pour empêcher l’envahissement – le mur n’a effectivement été construit que sur 83 kilomètres – il est même probable que Biden ait fait plus que lui pour tenter de freiner le franchissement de la frontière[2]. Mais peu importe, dans les élections en Occident, ce qui compte ce n’est pas ce qu’on fait, mais ce qu’on dit à la télévision et que les téléspectateurs hâtifs confondent volontiers avec la réalité ! Les électeurs ont perçu Trump comme le mieux à même de défendre le rêve américain, cet idéal qui évidemment ne reviendra pas, contre les « envahisseurs ».
Migrants franchissant la
frontière entre le Mexique et le Texas
Certains pensent que Trump va régler la question de la guerre en Ukraine, c’est la fanfaronnade qu’il avait formulée en disant que lui il réglerait facilement cette question en 24 heures. En vérité les Etats-Unis ont déjà commencé à prendre du recul et à livrer de moins en moins d’armes, mettant un véto sur la possibilité pour Kiev d’utiliser les missiles à longue portée sur le sol russe, et on sait que le Pentagone – soit l’État profond – veut arrêter les frais pour se consacrer à reconstituer les stocks de munitions de son armée, et se préparer à la guerre avec la Chine. Mais il est vrai que pour Trump ce sera plus facile que pour Biden et ses équipes de mettre fin à cette horreur et de lâcher ses alliés. Zelensky s’y est préparé en félicitant Trump et en lui demandant de l’aider à obtenir une paix juste. Mais qu’est-ce qu’une paix juste, ça c’est le grand mystère[3] ? Il est probable que Zelensky sera obligé d’abandonner l’idée selon laquelle une paix juste est la restitution des territoires jusqu’à la Crimée. De nombreux commentateurs ont fait part que depuis quelques mois il y avait des signes de l’administration Biden pour se sortir de ce guêpier, et que Kamala Harris aurait sans doute suivi le désengagement. L’OTAN parle de refiler le bébé à l’Europe, mais on se demande bien comment l’Union européenne qui n’a pas d’armée sérieuse à opposer à l’armée russe, qui possède une industrie de la défense défaillante, pourrait faire quelque chose pour sauver Zelensky d’une humiliante défaite. Le plus probable est que les Etats-Unis vont en effet se désengager et laisser tomber comme d’habitude leur proxy dont les pauvres soldats se sont fait trouer la peau par centaines de mille. Probablement Zelensky s’exilera en Angleterre. Mais les Américains, Trump ou pas Trump, reviendront dans quelques années tenter de mettre le feu du côté du Caucase et avec le but d’encercler à nouveau la Russie qui est leur obsession séculaire.
En France la population se divise en deux : les pro-Trump qui oublient la vulgarité du nouveau prédisent et les anti-Trump qui croient bêtement qu’avec Harris cela aurait été différent pour nous et pour l’Europe. Les premiers croient ou font semblant de croire que Trump soutenu par les milliardaires Jeff Bezos et Elon Musk défend le petit peuple, c’est stupide. Dans les deux cas c’est une attitude de soumission, avec la volonté de suivre les Etats-Unis, un État pourtant totalement en décomposition sur exactement tous les plans. Mais en vérité, pour nous Français, ce n’est pas important, ce qui compterait ce serait plutôt de reprendre en main notre destin, de nous émanciper, sans nous préoccuper de ce que pense l’homme à la figure orange. Cette campagne électorale a été encore plus stupide que les précédente, les deux candidats principaux se livrant à un cirque sans précédent, ce faisant, ils n’ont pas dévalorisé l’élection, ils ont montré ce qu’elle était fondamentalement, une vaste fumisterie destinée à appâter les gogos pour les faire tenir tranquille, voir les coûteux et grotesques meetings des deux candidats. Le monde qui fait, jour après jour, campagne pour la guerre avec la Russie[4] n’est pas content, il avançait que cette élection était la fin d’un cycle inauguré à la fin de la Seconde Guerre mondiale et il craint que les Etats-Unis se ferment et ne se mêlent plus de tout aux quatre coins de la planète. Mais le plus probable c’est que tout reste comme avant, sauf que l’Empire est maintenant très affaibli dans tous les domaines, et que ce n’est pas le burlesque homme à la figure orange qui pourra redresser la barre, ce qu’il n’a pas pu faire entre 2016 et 2020, on ne voit pas pourquoi il le ferait maintenant avec encore moins de moyens qu’auparavant. Il lui sera plus difficile qu’auparavant de rallier à lui ses partenaires occidentaux, il devra compter essentiellement avec le reste du monde qui apprend, notamment avec les BRICS, à s’organiser sans l’Occident et avec la haine des Etats-Unis au cœur.
Il reste que quoi qu’on en pense, rien n’est réglé aux Etats-Unis, et Trump sera bien incapable de rassembler autour de lui un pays totalement divisé et au bord de la guerre civile. On ne voit guère comment l’administration républicaine qui va se mettre en place en janvier va pouvoir concrètement régler à la fois le problème de la dette et celui du déficit commercial abyssal. L’euphorie des bourses occidentales une fois passée, il faudra faire face à la chute programmée du dollar dans les années qui viennent. Les trumpistes français oublient très souvent que lors de son premier mandat Trump avait maintenu en place Victoria Nuland et surtout avait encouragé le réarmement de l'Ukraine en vue de la guerre. Maintenant il est vrai que pour Trump il sera plus facile d'abandonner son allié ukrainien que pour Kamala Harris. Mais ses déclarations de guerre contre la Chine - déclarations qui sont dans la tradition américaine - ne laissent rien présager de bon.
PS : Même si dans la dernière ligne droite les sondages ont redressé un petit peu la barre en faveur de Trump, il est clair qu’ils se sont largement trompés. Tous les sondages pensaient que ça serait plus difficile que cela pour Trump, même si tous voyaient que ce serait aussi difficile pour Harris. La question est la suivante : l’ont-ils fait sciemment, histoire d’enclencher une prophétie autoréalisatrice ?
[1]
https://www.leparisien.fr/international/etats-unis/trump-declare-coupable-prison-assignation-a-residence-amende-que-risque-t-il-31-05-2024-62B5S2B7YZGTDLWND2D4NPYJ5M.php
[2]
https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-5-ans-apres-ou-en-est-le-mur-de-trump-1381724
[3]
https://www.lefigaro.fr/elections-americaines/resultats-presidentielle-americaine-zelensky-felicite-trump-pour-son-impressionnante-victoire-20241106
[4]
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/06/en-deni-les-europeens-veulent-encore-se-reposer-sur-leur-allie-americain-comme-si-rien-n-avait-change_6378754_3232.html