vendredi 29 novembre 2024

Petites nouvelles : rendre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité

L'ignoble Benjamin Stora
 

Boualem Sansal qui a 75 ans a été arrêté en Algérie pour « terrorisme » et écroué. C’est un contempteur de l’Islam, mais ce ne serait pas là la véritable raison de son arrestation. Cela serait lié aussi bien au fait que les Algériens se vengent des prises de position de Macron en faveur du Maroc, qu’aux critiques de Sansal sur la volonté de rectification des frontières qui anime l’Algérie. Le gouvernement algérien soutient le Front Polisario à l’inverse. L’opinion de Sansal compte très peu en Algérie, bien qu’il ait refusé de vivre en exil et qu’il persiste à vivre en Algérie, même s’il vient souvent à Paris. Évidemment au nom de la liberté d’expression nous devons soutenir Sansal, accusé par le gouvernement algérien de « terrorisme ». Cela est grotesque. Je ne discuterais pas de savoir si Sansal a raison ou non. Et nous savons bien qu’elle est la nature du gouvernement algérien, incapable de développer son pays au point que cela entraine une immigration continue vers la France. Il y aurait près de 900 000 émigrés algériens sur notre sol, et 1,2 millions d’enfants d’immigrés, soit 2,1 millions d’Algériens ou de descendants d’Algériens. La troisième génération – ceux des moins de 60 ans – serait de plus de 500 000. On comprend bien qu’un pays qui chasse ses propres ressortissants est forcément un pays mal géré. Tout cela on le sait, et Sansal est un des critiques de son propre pays. Mais le plus répugnant dans cette affaire est que cette vieille crapule de Benjamin Stora justifie l’arrestation et l’emprisonnement de Sansal au motif que les délicats gouvernants de l’Algérie d’aujourd’hui ont été blessés[1]. Il faut dire que Stora a ses entrées auprès du gouvernement algérien, et bien que juif, et que c’est lui qui pousse depuis plusieurs années cet imbécile de Macron à faire des génuflexions devant le pouvoir algérien, sans d’ailleurs que la France obtienne quoi que ce soit en compensation. Mais là il s’agit de la vie de Boualem Sansal et non pas de la critique de ce qu’il dit. Benjamin Stora, affidé du pouvoir algérien, vient au secours de ses maitres afin d’enfoncer Sansal un peu plus. Benjamin Stora, homme de cour du pouvoir algérien, pousse la bassesse aussi loin que possible. Sansal a 75 ans et le jeter en prison pour un délit d’opinion est vraiment une honte. On savait déjà que Stora était un ignoble individu, toujours rampant devant le pouvoir algérien. Mais on ne pensait pas qu’il irait aussi loin dans la bassesse pour justifier une dictature ignoble dont il perçoit quelque dividende. Mais dans l’ignoble l’horrible Stora est rejoint par d’autres soutiens du régime algérien pourri. Nedjib Sidi Moussa s’est chargé d’exécuter l’embastillé Sansal dont il conteste qu’il soit un homme des Lumières : « Il alimente un discours d’extrême droite fait d’hostilité à l’égard des immigrés et des musulmans, il reprend tous les thèmes d’Éric Zemmour. » Sébastien Ledoux, le mal nommé, a tout de même ajouté un bon coup de piolet à la charge : « Oui, c’est plutôt l’extrême droite [qui traite du] thème du déclin de la France, du séparatisme islamique comme [de] la réhabilitation coloniale. » C’était dans l’émission C Politique du 24 novembre dernier. Sur ce plateau on s’était d’ailleurs arrangé pour ne pas inviter des critiques du régime algérien. L’idée générale n’était pas de dire qu’il était bien de mettre en prison Boualem Sansal, mais plutôt d’atténuer cette ignominie en tentant des justifications qui n’en sont pas. On a donc essayé de le raccrocher à la mouvance d’extrême-droite, comme si cela était une raison valable pour embastiller Sansal. Médiapart, soutien régulier des dictatures arabes a publié une pétition d’une kyrielle d’imbéciles qui tentaient de prendre la défense du misérable Neidjib Sidi Moussa[2].  Ce suppôt de la dictature algérienne faisait semblant de ne pas comprendre que la question n’était pas celle des opinions de Sansal, mais celle de la censure et de ses conséquences. Tous ces gens là oublient volontairement que Boualem Sansal risque la mort. 

 

La chasse à Boualem Sansal s’est accélérée avec l’entrée en scène des agents de l’Algérie, Samia Ghalli et Karim Zeribi qui je le rappelle ont des problèmes avec la justice française pour diverses malversations, et qui sont élus à Marseille et dans sa région par le vote communautaire. Voilà ce que dit Zeribi qui a son rond de serviette sur Cnews – comme quoi cette chaine n’est pas vraiment islamophobe : « Il faut aujourd’hui que les gens de paix, les gens positifs, les gens qui veulent se respecter, s’unissent et mettent à mal ces Boualem Sansal pseudos écrivains islamophobes qui propagent la haine (...) Je dis que l’Algérie devrait lui interdire de rentrer sur son sol car il insulte ce pays et peut-être le déchoir de sa nationalité. » Ces « gens de gauche » habitués aux palinodies réclame à la fois la censure et la punition de celui qui a osé critiquer le régime dictatorial algérien.

 

En France tout va mal pour l’exécutif qui pourrait bien aller au-devant des pires ennuis. Macron atteint maintenant le plus haut niveau de son impopularité, enfonçant son  record du temps des gilets jaunes. Les Français sont conscients qu’il a foutu un bordel sans nom dans les institutions françaises. Réduit à organiser des cérémonies funéraires, cherchant à panthéoniser un tel ou un tel afin de faire croire qu’il existe encore un peu. Sa cotte d’impopularité est aujourd’hui plus élevée qu’elle n’était au temps des Gilets jaunes, comme si les Français, à l’exception de ceux qui ne suivent pas l’actualité, se rendaient compte de son inutilité définitive. Le centriste Charles de Courson a appelé lui aussi à sa démission. Bien entendu Macron est du genre à regarder le naufrage du haut de sa dunette sans vouloir passer la main. Mais si le gouvernement de Barnier était censuré, il pourrait bien être contraint à la démission, ouvrant une période de chaos aggravé pour les institutions françaises réputées pourtant pour leur stabilité.     

Le sort de Barnier est accroché à celui de Marine Le Pen qui a des ennuis avec la justice, ennui qui font bien les affaires de Jordan Bardella, mais qui à terme pourraient détruire le RN de l’intérieur, car Marine Le Pen était arrivé à laisser croire que ce parti surplombait les clivages gauche-droite, et donc que le RN roulait aussi pour le peuple. En vérité une condamnation de Marine Le Pen conduirait à moyen terme le RN à l’explosion. Jordan Bardella apparaissant un peu trop comme un homme de droite ordinaire, européiste pour tout dire, peu enclin à soutenir l’ouvrier. L’impopularité du sinistre Barnier pourrait le conduire à la démission si son 49-3 sur le budget était censuré. Or le procès des emplois fictifs du RN risque d’écarter définitivement Marine Le Pen de la politique. Pour cette raison, il est probable que les juges condamneront Marine Le Pen bien plus lourdement qu’ils n’ont fait avec Bayrou pour les mêmes faits. Si Marine Le Pen est écartée de la politique, ce qui se profile, Bardella fera du RN un parti de droite ordinaire, affairiste, européiste, et le petit peuple se détournera de lui. Il suivra le chemin de Meloni et se coulera dans le moule otanien, européiste et mondialiste. Quant à Barnier on l’oubliera rapidement. Cependant une censure du gouvernement conduirait à la mise en place d’un gouvernement dit technique qui voterait le budget et assurerait l’immobilisme européen. Dans la configuration des forces politiques en présence on a trois blocs, une gauche faible, très faible, une droite autour de Macron et la canaille dite centriste, et puis le RN dit également extrême-droite. Cette extrême-droite a une grande utilité, la gauche étant en faillite morale, soit parce qu’elle est de droite, voyez Glucksmann, Hollande et l’inénarrable Cazeneuve, soit parce qu’elle est engoncée dans une posture pro-islamiste et donc aussi mondialiste, elle joue le rôle d’une fausse alternance de secours. Mais en réalité entre le programme économique du RN et celui de Macron, il faut un pied à coulisse pour mesurer les différences.     



[1] https://elwatan-dz.com/benjamin-stora-sansal-a-blesse-le-sentiment-national-des-algeriens

[2] https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/271124/soutien-nedjib-sidi-moussa

lundi 25 novembre 2024

Retour sur le sommet des BRICS à Kazan le 16 octobre 2024, et ses conséquences

  

La stupidité des médias occidentaux est stupéfiante. France Info pour rendre compte du sommet des BRICS à Kazan avançait que la Russie n’avait rien obtenu de ses partenaires[1]. Soit le plumitif qui a pondu cette brève est un imbécile, soit c’est un ignorant qui tente de se faire plaisir à peu de frais. Si ce russophobe invétéré avait un peu de culture, il se serait souvenu de ce que disait Poutine à Munich en février 2007[2]. Dans ce discours historique, il mettait en garde l’arrogance étatsunienne et de ses valets européens, avançant que le refus d’aller vers un multilatéralisme plomberait la sécurité internationale et serait rejeté par le plus grand nombre. C’est ce qui s’est passé, et la guerre en Ukraine, voulue par les Etats-Unis et l’OTAN pour séparer la Russie de l’Allemagne a accéléré le processus de développement des BRICS. Ce que revendiquait alors Poutine c’est d’être mieux traiter au sein des organisations internationales et d’aller vers une coopération sans brader sa souveraineté. On se souvient que Poutine avait proposer à Bill Clinton l’adhésion de la Russie à l’OTAN, ce qui aurait été un facteur de paix mondiale. Mais Bill Clinton, après lui avoir dit que c’était possible, a changé son fusil d’épaule et lui avait ri au nez, le traitant comme un parent pauvre qui avait des prétentions exagérées à vouloir manger à la table des grands. C’était en 2000[3]. Mais en 2000 la Russie était à genou, consécutivement à la purge que les méthodes néolibérales lui avaient administrée pour se réformer après la chute de l’URSS, et si la Chine était encore une puissance secondaire, les choses ont bien changé depuis. Conséquence de la mondialisation, au fur et à mesure que la Russie se redressait et que la Chine se développait avec une industrie qui montait en gamme, l’Occident régressait. Le différentiel de croissance entre le G7 et les BRICS a fait qu’aujourd’hui ce sont les BRICS qui sont plus puissants que le G7, aussi bien sur le plan économique que sur le plan démographique. Comme le montre le graphique ci-dessous, la dynamique est clairement du coté des BRICS. 

 

Mais longtemps les Occidentaux se sont aveuglés, pensant qu’ils conserveraient de toute éternité leur avantage technologique. La guerre en Ukraine a prouvé que la Russie avait de l’avance en matière de technologie militaire sur les Etats-Unis. Et le différentiel de taux de croissance entre le G7 et les BRICS ne joue pas en faveur de l’Occident. La tendance ne peut que s’aggraver avec le temps, ne serait-ce que parce que de nombreux pays asiatiques qui sont membre des BRICS ont énormément investi dans l’éducation. Les classements des niveaux d’éducation – que ce soit les classements PISA ou le nombre de publication scientifiques par université – montrent tous que tandis que l’Occident régresse, les pays asiatiques sont maintenant en tête, loin devant les pays occidentaux. Or c’est bien dans l’Asie Pacifique et dans l’Asie de l’Est que l’économie est la plus dynamique. Dans le phénomène de la mondialisation, les Occidentaux n’ont vu que les avantages de court terme : le faible coût du travail, un accès facilité aux matières premières et de nouveaux débouchés pour leurs productions. Cette arrogance des Etats-Unis – la valetaille européiste ne faisant que suivre le mouvement – a eu pour conséquence que les pays émergents à la croissance rapide, au commerce extérieur florissant et surtout avec des taux d’endettement assez faibles, ont contourné les oukases étatsuniens et ont commencé de s’organiser entre eux. L’Union fait la force, et les BRICS, créés en 2008, alors même que la crise économique ravageait l’Occident, ont pris des décisions qui montrent qu’aujourd’hui c’est l’Occident qui est isolé ! L’échec des sanctions imposées par les Etats-Unis à la Russie le prouve, malgré les effets de manche et la propagande outrancière des médias occidentaux. Rappelez-vous comment au début de la guerre en Ukraine les médias français présentaient l’armée russe, comme possédant une technologie défaillante – les soldats obligés de voler des machines à laver ukrainiennes pour récupérer les puces électroniques. 

BRICS représentent 36 % du PIB mondial et 45 % de la population mondiale contre 29% du PIB mondial et un petit peu moins de 10% de la population mondiale pour le G7

Ainsi qu’on le voit sur la carte ci-dessus, les BRICS se sont renforcés cette année avec de nouveaux adhérents. Mais le pire reste à venir. D’abord on attend la ratification de l’Arabie Saoudite qui ces dernières années s’est rapprochée de la Russie. Mais des pays partenaires comme l’Indonésie et la Malaisie qui à eux deux pèsent presque 300 millions de personnes sont susceptibles d’adhérer rapidement au système. Or ces deux pays dont la progression économique est spectaculaire, sont aussi des pays pétroliers. À cela on peut ajouter l’Algérie et le Nigéria, et cet ensemble contrôlera la majorité de la production mondiale de pétrole et de gaz. Il y a quelques années, on avait remarqué que le commerce mondial était très dynamique en Asie du Sud-Est. On parlait alors de recentrage asiatique[4], parce que justement les échanges augmentaient rapidement entre les pays de cette région, et que la croissance était plus forte que dans le reste du monde, notamment en Occident, au point qu’on anticipait que cette région n’aurait bientôt plus besoin de l’accès aux marchés occidentaux pour poursuivre son développement. Cette approche n’a pas été comprise par ceux qui jouent un rôle dans l’orientation des politiques économiques en Occident. Ce déni de la montée en puissance des BRICS et de l’importance de la zone asiatique dans la croissance du monde entier est le résultat d’une arrogance injustifiée. Ça fait tout de même trente ans qu’on voit sous nos yeux que la mondialisation, voulue par les Etats-Unis et leurs affidés européens, a surtout dynamisé la zone Asie-Pacifique. 

Et ainsi les journalistes qui ont parlé en pinçant les narines du sommet des BRICS, voulant croire à une simple opération publicitaire de Poutine, ont passé à travers ce qui est essentiel. En effet de la guerre en Ukraine les BRICS ont assez peu parlé. Bien sûr ils sont pour la paix – d’ailleurs tout le monde est pour la paix, sauf les Etats-Unis et l’OTAN – et cette guerre, même si elle a servi d‘accélérateur à la montée en puissance de leurs économies, elle est une gêne évidente pour tout le monde. En vérité des décisions importantes d’un point de vue économique ont été prises. D’abord il a été programmé de mettre en place une organisation de clearing entre les pays membres, ce qui permettra de se passer du dollar et de faciliter les règlements. Selon Jacques Sapir, cela pourrait fonctionner d’ici un an ou peut-être même avant[5]. Ensuite un marché des matières premières spécifique au BRICS, devrait voir le jour assez rapidement. Il concernera bien entendu les produits agricoles, mais aussi l’or, l’uranium, le pétrole, etc. Les prix mondiaux sont aujourd’hui établis en dollars à la bourse de Chicago et les matières premières et les produits agricoles sont cotés aussi aux Etats-Unis. Cette volonté de créer des marchés spécifiques est une forme d’autonomisation financière des BRICS. Tout cela est appuyé par le développement d’un secteur particulier aux BRICS en assurance et réassurance. C’est une manière supplémentaire de s’affranchir de la tutelle des pays anglo-saxons dans le domaine de la finance.

L’idée de la création et du développement des BRICS a été pensée par Poutine en 2007. Le Brésil en 2025 prendra la présidence su prochain sommet des BRICS et, coïncidence, aussi du G20. On sait que le Brésil et Lula en particulier sont très hostiles non seulement aux Etats-Unis, mais aussi à Trump ! les conséquences de cet aveuglement vont être difficiles pour les Occidentaux. Trump ou pas, la dédollarisation partielle du commerce international est en marche. Cela va avoir des conséquences directes sur la détention des bons du Trésor américain. Déjà la Chine a commencé à vendre ses avoirs en bons du Trésor américain. Or si de nombreux pays se détournent de ces valeurs, cela entrainera forcément une baisse de leur prix. Cette baisse enclenchera automatiquement une hausse des taux d’intérêt puisque ces bons seront moins faciles à placer. Cette hausse des taux d’intérêt va entrainer à son tour une hausse de la dette publique, tous les pays occidentaux étant endettés de ce point de vue et les Etats-Unis d’une manière colossale : la dette fédérale est de 125% du PIB, et si on y ajoute la dette des collectivités locales, on arrive à 140% du PIB. Mais une dédollarisation du commerce international pèserait aussi sur le financement de ce déficit. La conséquence de cette situation déplorable est que l’inflation devrait être forte et s’amplifier au fur et à mesure que la dédollarisation s’amplifiera. Ce qui pourrait à terme engendrer un krach obligataire avec une énorme crise financière comme les Etats-Unis en ont pris l’habitude depuis le début de ce siècle. La politique protectionniste de Trump qui accentuera le racket des Etats-Unis sur les pays européens, ne va certainement pas arranger les choses, bien au contraire. Il faut bien comprendre que la réindustrialisation des pays occidentaux ne pourrait se faire sérieusement que sur une vingtaine d’années. Mais les investisseurs ne peuvent pas attendre une telle échéance, d’autant que les BRICS ne resteront pas les bras croisés. 


On avance très souvent que les Etats-Unis visent surtout de s’attaquer à la Chine qu’ils considèrent comme étant leur principal concurrent, et donc qu’ils prendraient le prétexte de Taiwan pour s’attaquer à Pékin, une fois leur armée remise à niveau. Cela réglerait leur problème de leadership. Mais cela ne parait pas vraiment faisable parce que sur le plan militaire à part lâcher des bombes nucléaires sur la Chine continentale, ils n’ont pas les moyens de gagner une guerre de haute intensité. C’est la leçon de la guerre en Ukraine. La Chine peut mobiliser 50 millions de soldats, et même si on n’a pas trop de détails là-dessus, elle est maintenant très solidement équipée et la coopération avec la Russie lui permet d’accéder aux armements les plus modernes. Les Américains non seulement sont en retard sur les Russes, par exemple en matière de missiles hypersoniques, mais ils mobiliseront difficilement au-delà de 2 millions de soldats dont la motivation pour aller se faire trouer la peau pour Taiwan parait difficile à trouver. Il faut bien comprendre que la montée en puissance de l’économie des BRICS est accompagné d’une montée en puissance de leurs armées. Les stratèges américains sont divisés. Certains pensent qu’on peut leur faire la guerre au prétexte de Taiwan, mais d’autres pensent que les sanctions économiques contre ce pays pourraient être efficace. Dans les deux cas il semble que cette vision de choses est erronée, c’est trop tard. On considère souvent que les Etats-Unis sont la première armée du monde. C’est vrai du point de vue du budget, c’est faux si on considère ses capacités à faire la guerre, depuis la piteuse fin de la guerre du Vietnam, les Etats-Unis n’ont subi presque que des défaites, les obligeant à laisser tomber leurs alliés, comme ils laisseront tomber probablement l’Ukraine.

 

Cette réflexion qui met en avant la puissance économique et la puissance militaire montre que la seule voie est la diplomatie et donc les négociations. C’est dans la culture des Russes, des Chinois et même des Turcs. Ce n’est pas la culture des Etats-Unis qui pensent toujours que la politique de la trique est toujours la meilleur pour eux. Je pense qu’ils n’en ont plus les moyens, ni militaires, ni économiques, le déclassement de ce pays doit être pris en compte. C’est en ce sens que la période qu’a ouvert la guerre en Ukraine est totalement nouvelle. Elle signe la fin programmée de l’hégémon étatsunien.  Est-ce que cela ouvrira à une politique d’apaisement, ou, au contraire une nouvelle escalade dans les guerres afin de tenter de conserver une suprématie qui n’existe manifestement plus ? Personne ne peut le dire aujourd’hui, car si d’un côté Trump – les affidés européens ne comptent pas – pourrait bien mettre un terme à la guerre en Ukraine, il est bien capable d’ouvrir de nouveaux fronts, en Asie ou en Iran. Les Etats-Unis auront du mal admettre qu’ils sont une puissance en déclin et qu’ils ne peuvent plus dicter leur loi aux quatre coins du monde. Que feront alors les Européens, sachant que la classe politique européenne est vendue depuis longtemps à l’oncle Sam ? Le refus des Européens de se plier aux fantaisies américaines pour faire pièce aux BRICS pourrait les mener sur la voie d’une indépendance, d’une souveraineté retrouvée, mais pour cela il faut trouver les hommes politiques qui oseront sortir de l’Union européenne et de l’OTAN. 

 

Pour l’instant les Européens se contente de dire que les BRICS sont une construction faite de bric et de broc, pensant que l’Union européenne produirait plus de convergences que les BRICS ! C’est oublié que les 27 pays européens ne sont d’accord sur rien, et que la forme que prennent peu à peu les BRICS ne visent justement pas l’intégration : il n’y a pas de gouvernance supranationale.  Un « chercheur » appointé par l’UE avance que les BRICS n’ont obtenu aucun résultat. Soulignant que la Chine et l’Inde se détestaient, mais oubliant que justement grâce aux BRICS la Chine et l’Inde se parlent et entament des négociations qui leur évitera peut-être une nouvelle guerre[6]. Ce qui n’est pas rien. Que les pays africains se tournent de plus en plus vers les BRICS pour leurs échanges et pour leurs investissements, allant jusqu’à chasser les Français pourtant installés depuis longtemps, est un autre résultat qui rétrécit l’espace économique des échanges pour les Européens. Pire encore certains commencent à se dire que peut-être il serait préférable de sortir de l’UE et de chercher des alliances avec les BRICS. Cela pourrait se concrétiser dans le fait que personne de sérieux n’a une grande confiance dans les Etats-Unis et son nouveau président. Autrement dit, le dynamisme des BRICS pourrait avoir des répercussion sur la sortie de tel ou tel pays de l’Union européenne, par exemple, on voit bien la Hongrie faire le premier pas.



[1] https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/sommet-des-brics-une-demonstration-de-pouvoir-des-russes-qui-a-montre-ses-limites_6859169.html

[2]

[3] https://lanouvelletribune.info/2024/02/otan-poutine-revele-une-troublante-anecdote-concernant-bill-clinton/

[4] Michel Fourquin, Evelyne Dourlle et Joaquim Oliveira-Marins, Pacifique : le recentrage asiatique, Economica, 1990. 

[5] https://www.youtube.com/watch?v=QJZieWl9Ox8 

[6] Balazs Ujvari, L’Union européenne face aux BRICS dans la gouvernance mondiale : Une réponse efficace ? Bruges Regional Integration & Global Governance Papers, 2/2024.


jeudi 21 novembre 2024

De la crise agricole à la crise de l’Europe

 

Depuis quelques jours les paysans sont de sortie. Ils reviennent comme les escargots après la pluie avec leurs tracteurs, mais aussi comme les traités ignobles promus par l’Union européenne qui ressortent périodiquement. Cette fois, mais ça fait 20 ans que ça dure, on ressort l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Bien entendu cet accord suppose que de nombreux paysans en Europe mais surtout en France vont mettre la clé sous la porte ou se transformeront en domestiques pour s’occuper des touristes. Les inconvénients de cet accord sont très nombreux :

– d’abord bien évidemment la destruction de ce qu’il reste de la petite paysannerie qui a déjà du mal à joindre les deux bouts et qui continue à nous fournir tant bien que mal des « produits locaux » ;

– ensuite l’accroissement sans précédent de produits « hors normes », pour ne pas dire pourris, car pour que la viande arrive depuis les pays du Mercosur sur nos étals, il faut qu’elle ait été congelée et aussi protégée afin que son aspect ne se détériore pas, je passe sur les hormones et les antibiotiques. La viande ne voyage pas sur des milliers de kilomètres sans dégâts ;

– enfin, pour que cette viande arrive par exemple du Brésil, il faut qu’elle parcoure environ 10 000 kilomètres, et donc ces transports polluent évidemment la mer et renvoie du CO2 dans l’atmosphère bien plus encore que les vaches qui pètent.

Jadis la France était une très grande nation agricole, mais depuis qu’elle se vautre dans le marché unique et s’aligne sur la doxa de Bruxelles rien ne va plus. A la grande époque des Trente glorieuses et encore longtemps après, la France couvrait ses déficits dans d’autres secteurs grâce à l’apport des excédents agricoles. Ce temps-là est loin, l’Union européenne est passée par là. Aujourd’hui c’est à peine si la balance des produits agricoles reste encore à l’équilibre, mais sans doute plus pour longtemps. Une des raisons de cette dégradation récente est que le soutien de la guerre de l’OTAN en Ukraine nous a fermé le marché de la Russie, et il est probable que le protectionnisme que Trump mettra en place va encore un peu plus compliquer les choses pour les Européens. Il faut ajouter que le traité avec le Mercosur est mauvais pour les pays européens, mais qu’il a été voulu essentiellement par l’Allemagne qui pense, à tort bien sûr, que ce traité sera bénéfique pour son industrie, même s’il tue son agriculture. La France qui n’a quasiment plus d’industrie sera encore plus affaiblie. On voit ici que les considérations nationales – celles de l’Allemagne par exemple – priment sur les considérations européennes. Seul Macron pense le contraire. Et c’est déjà une première raison que de sortir de l’Europe, la France ne doit pas être un pays uniquement porté par le tourisme. Sur tous les sujets la guerre en Ukraine, l’énergie, l’agriculture, la défense ou l’industrie, les pays qui composent ce monstre qu’est la Commission européenne ne s’accordent pas. Les Polonais en veulent aux Ukrainiens, les Pays-Bas aux Hongrois et les Allemands à la France. Remarquez qu’une fois de plus Bruxelles, c’est-à-dire une poignée de bureaucrates totalement corrompus, décide sans le peuple soit consulté. Il est évidemment que si on demandait leur avis aux Français par la voie référendaire, ils rejetteraient ce traité de libre échange avec le Mercosur probablement à 90%. Mais nous vivons en Occident une parodie de démocratie dans laquelle les traités sont toujours supérieurs à la démocratie comme le disait naguère Jean-Claude Juncker aux Grecs.  

Regardons les produits que nous importons en masse dans le tableau ci-dessous. Nous avons une ouverture sur au moins trois mers, même sans compter les DOM-TOM, or nous importons 89% de nos consommations en poisson. Nous avons un ministre de la mer depuis 40 ans au moins mais il n’a jamais servie à rien, qu’il soit de gauche ou de droite. Les trois quarts de nos besoins en blé dur sont satisfaits par les importations. C’est d’autant plus ridicule que de nombreuses terres à blé ont été déclassées et rendue à la friche. C’est la dépendance de notre survie à la bienveillance des marchés étrangers. Une des grandes leçons de la guerre contre la Russie menée stupidement par l’OTAN par son proxy ukrainien, c’est que les sanctions contre ce pays sont inopérantes, contrairement à ce que pensaient bêtement les stratèges américains et leur disciple idiot Bruno Le Maire. Une des raisons à cela est que la Russie est un pays souverain, autosuffisant en produits agricoles et en énergie. Cette souveraineté a été construite consciemment par Poutine dès le début des années 2000. À cette date, la Russie importait jusqu’à 80% de poulets américains ! À Cette date, la Russie importait du blé pour couvrir ses besoins. Aujourd’hui elle est exportatrice dans ces deux produits, et pour ce qui concerne le blé, elle est la première exportatrice du monde. Elle peut se passer des marchés européens et étatsuniens. C’est d’autant plus vrai que les BRICS ont ouvert des perspectives économiques inattendues pour la Russie. 

Il faut comprendre que la crise de l’agriculture en France n’est pas seulement la crise de l’agriculture, elle est la conséquence de l’effondrement économique du pays. Mais cet effondrement qui se déroule sous nos yeux, ne s’est pas fait en un jour. Un des instruments qui l’y ont conduit est la PAC – Politique Agricole Commune – qui a acheté la conscience des paysans à coups de subventions qui, au nom de la productivité ont accéléré la concentration du secteur, le patron de la FNSEA n’est pas un paysan, mais un milliardaire, un entrepreneur en produits agricoles de mauvaise qualité qui n’a aucun problème pour ses revenus. En distribuant les subventions selon la taille des propriétés agricoles, l’Union européenne a favorisé la concentration qui a laissé en déshérence les petites propriétés. Pire encore, en subventionnant les concurrents directs de la France en matière agricole, l’Espagne, la Pologne, l’Ukraine[1], l’Union européenne a aggravé sciemment les problèmes de l’agriculture française. L’Union européenne s’est cachée derrière la nécessité de produire beaucoup pour faire avancer un capitalisme agricole peu soucieux des dégâts environnementaux, c’est ce qu’on appelle l’agriculture intensive qui en produisant des excédents colossaux de viande et de lait a rendu les petits paysans non rentables. Il faut bien comprendre que le problème n’est pas le traité avec le Mercosur, c’en est qu’un des énièmes aspects, mais l’idéologie du libre-échange qui élimine les plus faibles dans un darwinisme économique bien organisé. Autrement dit, même si le traité avec le Mercosur n’est pas ratifié par la France – et on ne voit pas comment il pourrait l’être vu la composition de l’Assemblée nationale aujourd’hui – le problème restera entier. A-t-on besoin en France du poulet ukrainien douteux ? A-t-on besoin du cochon allemand élevé dans des fermes ou l’ignoble le dispute à la course au profit ? Cette agriculture-là, intensive nourrie de pesticides, d’antibiotiques et d’hormones, ne peut pas être concurrencée par une agriculture normale, saine et respectueuse des animaux et de l’environnement. Cependant la faiblesse des salaires français orientés clairement à la baisse, fait que le poulet ukrainien a un prix attractif dans les supermarchés. Peu importe qu’il ait été pique, congelé, décongelé, recongelé. On pare au plus pressé en achetant pas cher, d’où le succès des supermarchés comme Lidl ou Adil, firmes allemandes installées chez nous. Il ne faut pas se tromper, on veut bien soutenir l’agriculture française et les paysans français, mais pas ceux qui sont responsables de la malbouffe et de la dégradation continue de l’environnement. Et donc on ne peut pas soutenir le combat de la FNSEA contre les normes.

 

Le premier problème de l’agriculture française avec le traité la liant au Mercosur, c’est son adhésion à l’Europe. Et cela pour trois raisons :

– d’abord parce qu’en étant en dehors de l’Union européenne, aucun politicien français n’aurait osé signer un accord aussi pourri, au risque d’être pendu. Il est comique de voir que l’ignoble Macron qui a poussé tant qu’il a pu pour l’adoption du traité, se renie complètement et nous dit qu’en l’état la France ne peut pas le ratifier. Seulement voilà, comme nous ne sommes pas en démocratie, ce traité sera appliqué même si la France ne le ratifie pas ;

– ensuite parce que la mise en concurrence des agriculteurs français avec des agriculteurs polonais, allemands ou espagnols, qui n’ont ni les mêmes combinaisons capital/travail que les agriculteurs français, des salaires plus bas et une protection sociale plus faible, ne peut que leur être défavorables. L’idéologie de la concurrence est principalement faite pour  tirer les revenus des travailleurs vers le bas ;

– enfin parce que la France chaque année abonde le budget de la Commission européenne pour environ 5 à 7 milliards d’euros, cette somme serait bien mieux employée pour soutenir une agriculture de proximité, respectueuse de l’environnement et de la santé des Français, par exemple en soutenant les reconversions de l’agriculture conventionnelle (l’agriculture pourrie) vers l’agriculture biologique (l’agriculture normale). Or à l’inverse les gouvernements de Macron, une conjuration d’imbéciles vendus à la FNSEA, ont diminué les aides de l’État à la reconversion.

 

Il est facile de comprendre que le problème de l’agriculture française ce ne sont pas les normes imposées aux agriculteurs, même si elles viennent de Bruxelles et que certaines sont stupides. Bien entendu il est plus que stupide de vouloir imposer des normes pour les productions européennes et tolérer leur contournement pour les produits importés. Mais, enlever les normes tout en restant dans l’Europe, c’est accepter la concurrence des agriculteurs français avec les autres agriculteurs polonais, roumains, sur le seul terrain de l’agriculture conventionnelle. Or c’est bien cette concurrence qui tire l’agriculture vers la médiocrité. Le renouveau de l’agriculture française passe par trois voies. D’abord, sortir de la concurrence initiée par les traités de libre-échange. Donc évidemment sortir de l’union européenne qui est un vaste traité de libre-échange et un peu plus. Contrôler ce que nous importons, c’est-à-dire ne pas importer ce que nous pouvons produire sur notre terre. Faciliter les circuits courts, contourner les supermarchés qui poussent à la baisse des revenus paysans, et donc favoriser les marchés paysans dans des regroupements de producteurs. Continuer et amplifier la transition nécessaire de l’agriculture conventionnelle vers l’agriculture biologique. C’est une nécessité absolue si on veut dans quelques années être encore capable de produire du miel et amélioré et si on veut lutter aussi contre l’obésité et différentes maladies qui sont portées par l’agriculture industrielle. Dans le sondage suivent, on voit que les Français ont parfaitement compris où se trouvaient les responsabilités de cette crise de l’agriculture.

Bien entendu il est important que les agriculteurs aient des revenus convenables, comme tout le monde. Et il semble que pour leur faire avaler la pilule du Mercosur on va tenter de leur faire croire que les dégâts provoqués par ce traité maudit peuvent être compensés par quelques subventions. Mais l’enjeu de la crise agricole n’est pas là. Il est plus global, parce que l’agriculture est le soubassement de la spécificité de la France. C’est elle qui lui a donné son identité, même si cette identité a été fluctuante, c’est la même chose pour l’Italie. Comme on l’a vu plus haut un tiers des fromages vendus en France sont importés. Ça n’a guère de sens dans un pays où la diversité et la quantité est là, marquant aussi des identités régionales. Je rappelle qu’il y a quelques années a tenté de faire interdire les fromages à pâte molle et à croute frottée, au nom de l’hygiène. Elle a dû reculer, elle a plus récemment tenté de faire interdire les fromages emballés dans des boites en bois, les époisses, les camemberts, cette fois pour sauver la planète. Elle a dû encore reculer. Mais elle y reviendra certainement, cette boutique qui prétend aseptiser la nourriture et lui ôter son caractère festif possède la patience de l’araignée. Ces exemples un peu comiques, mais très significatif cependant, montre à quel point l’agriculture est un enjeu bien plus important que le simple fait de nourrir les populations. 

 

Le moral des Français est très bas, et la colère gronde et pas seulement dans le secteur agricole. Mais il est de la dernière stupidité que les syndicats ne s’accordent pas pour faire converger les luttes comme on dit. Les cheminots démarrent à contre-temps par exemple. Ce saucissonnage des manifestations qui est de la faute des syndicats, empêche que ce gouvernement qui ne tient qu’à un fil soit directement renversé et qu’on passe à autre chose, mais cela empêche aussi que le peuple ne prenne pas le temps de réfléchir pour créer un modèle de société qu’il voudrait voir advenir contre cette bureaucratie corrompue au service des très, très riches, la France et l’Union européenne n’étant plus aujourd’hui des systèmes institutionnels vivants, mais des ectoplasmes dans avenir. Notez qu’à chaque grosse manifestation des agriculteurs, l’Union européenne est directement visée, preuve que les agriculteurs ont compris où se trouvent les responsabilités, même s’ils peinent encore à élaborer des solutions satisfaisantes pour tous. 

A Pessac les agriculteurs enlèvent le drapeau européen et le remplace par celui de la Coordination rurale


[1] L’Ukraine n’est pas dans l’Union européenne, mais celle-ci au nom du soutien à la guerre sainte contre la Russie, lui octroie des subventions et la dispense de taxes à l’exportation. En réalité cette soi-disant aide surtout les multinationales américaines qui détiennent les entreprises ukrainiennes exportatrices de blé et de poulet.

lundi 18 novembre 2024

Eve Dessarre, Les vagabonds autour du clocher, Pierre Horray, 1955.

   

Vous pouvez chercher longtemps, vous ne trouverez pas beaucoup de renseignements sur Eve Dessarre. Elle était née en 1926 et disparut en 1990. Les vagabonds autour du clocher n’est pas son livre le plus connu. Elle a écrit beaucoup de livres pour la jeunesse dans la collection Rouge et or. Mais elle a laissé un livre de souvenirs, Mon enfance d’avant le déluge[1]. D’origine juive, née à Sarrebruck, et ressentira violemment le racisme et bien sûr les effets de la guerre et de l’Occupation.  Chez Orban, en 1978, elle publiera aussi Les sacrifiés, un ouvrage en hommage aux militants socialistes et antifascistes allemands qui s’opposèrent au nazisme. Mais ici, il est question de l’immédiate après-guerre et plus particulièrement de Saint-Germain-des-Prés au début des années cinquante, disons en 1948-1950, juste avant que Guy Debord ne revienne dans sa ville natale. C’est un roman bien sûr sans doute pas un roman à clés, une fiction, même si c’est avec des figures idéal-typiques représentant le quartier. Elle y parlera du Lys blanc, sur le modèle de La rose rouge, et des Frères Mathieu sur celui des Frères Jacques. A l’époque qu’elle décrit, c’était déjà la fin de Saint-Germain-des-Prés qui va devenir de plus en plus un quartier de bobos friqués et de gens-de-lettres qui ont réussi. Il semble que ce quartier ait été pendant quelques brèves années une sorte d’ilot de liberté, ou du moins de la quête d’une liberté dont on ne savait pas trop que faire. Et donc cet idéal attire une jeunesse pleine d’espérance à la Libération, mais qui va être rapidement déçue, n’arrivant pas à réinventer les codes de la vie, se heurtant aussi bien aux rigidités de l’époque qu’elle sous-estime, mais aussi à ses propres désirs qu’elle n’arrive pas vraiment formuler. 

 

Le roman s’articule autour du parcours du jeune Camille, une sorte de Rimbaud sans trop de dimension. Il va être pris en charge à son arrivée au quartier par un peintre homosexuel, un peu ivrogne qui se meurt d’amour pour un jeune gigolo, Patrick. Mais Camille va se tourner vers Rosie, une jeune américaine qui vivote difficilement de sa plume, et entamer avec elle une liaison incertaine. Cependant la romance va tourner rapidement au drame, comme si cette jeune génération en voulant se débarrasser des préjugés anciens sur les relations sexuelles avait jeté le bébé avec l’eau du bain. Une grande partie du roman va donc concerner les attitudes et même les petites combines de cette faune, mensonges, jalousies, tout cela mène à ne plus rien croire. Le point de vue d’Eve Dessarre est bien entendu que cette jeunesse se gâche et se rend malheureuse en croyant renverser des valeurs bourgeoises. Mais tout rentre dans l’ordre quand Rosie se marie avec Camille et que celui-ci commence à avoir un petit succès. Les protagonistes de ce roman apparaissent curieusement comme peu héroïques, pleurnichards et faibles, comme s’ils avaient pris les valeurs inverses de leurs ainés. 

 

L’ensemble est une sorte de dérive au milieu de la pauvreté, une pauvreté qui rend parfois fou et qui exacerbe mes tensions. Presque tous ces personnages sont des traumatisés du dernier conflit. Ça vivote, ça manifeste des ambitions le plus souvent surdimensionnées. Ça peut virer au drame. Eve Dessarre ne juge pas, il y a une description assez audacieuse pour l’époque d’un milieu où l’homosexualité est extrêmement présente comme un défi. D’existentialisme il ne sera pas question, mais par contre l’ouvrage présente une mixité étrange entre les classes, d’un coté la faune artiste et intellectuelle arrivée, et de l’autre ceux qui vivotent et voudraient bien sortir de la pauvreté. Malgré une fin optimiste du type « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », l’ensemble est plutôt désespéré et noir. Ces gens-là sont assez peu fiables et vivent les uns à coté des autres sans vraiment se rencontrer. Beaucoup finissent mal, Simone est étranglée, Charly s’en va à Sainte-Anne, Bob qui avait recueilli Camille à son arrivée à Paris, et qui se meurt d’amour pour son petit giton qui le quitte, se suicide en se jetant sous un camion ! Cette bohème crasseuse n’a rien de souriant et d’enthousiasmant. C’est comme une reprise en plus noir et plus amer de Scènes de la vie de Bohème d’Henri Murger, publié en feuilleton entre 1847 et 1849. L’écriture est simple et hâtive, parsemée de métaphores parfois curieuses, cependant elle laisse une large place à la description de la psychologie des personnages. L’ensemble reste un témoignage sur une période très brève qui a ensuite été mythifiée et vendue comme exceptionnelle.  



[1] Fayard, 1976.


jeudi 7 novembre 2024

L’homme à la figure orange est de retour

Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Cette fois il l’emporte de près de 5 millions de voix – 71 millions contre 66 – et avec 277 grands électeurs contre 214 pour Kamala Harris. Les Républicains inféodés complètement à l’homme à la figure orange, gagnent en outre le Sénat. Certains qui auraient préféré un pouvoir démocrate s’en désolent, d’autres s’en félicitent. Il est vrai que Donald Trump représente plus qu’un autre un pitre doublé d’un escroc et d’un menteur. Tout le monde sait cela, et même sans doute ceux qui ont voté pour lui. Rappelons qu’il est sous le coup d’une kyrielle de procès qui s’ils allaient jusqu’au bout l’enverraient en prison jusqu’à la fin de ses jours. Il a été également condamné le 30 mai 2024 pour trente-quatre chefs d’accusation, c’est donc officiellement un délinquant qui revient hanté la Maison Blanche[1] ! La peine effective encourue avait été suspendue pour cause justement d’élections ! Mais les choses sont bien faites, outre que Trump bénéficie de la protection de la Cour suprême qu’il a lui-même nommée, il a la possibilité de s’autoamnistier. Les électeurs de son bord aiment cet individu transgresseur qu’ils croient être une sorte de rebelle, alors qu’il n’est qu’un héritier, un fils à papa capricieux et instable. Il a reçu les félicitations de cette partie du monde qui existe comme supplétive des Etats-Unis dans ses entreprises mondialistes. On a vu donc un autre clown, Zelensky, lui envoyer ses félicitations. Les grincheux comme Sylvie Kaufmann du Monde qui veulent la guerre à tout prix en Ukraine, sont marris. Pauvre Amérique ! Ceci dit, si Trump est un médiocre politicien, cela ne signifie pas pour moi que nous aurions gagné quelque chose à l’élection de Kamala Harris. Si les Démocrates ont tout perdu dans ces élections, c’est pour de bonnes raisons : d’abord parce qu’ils n’ont pas su dissuader assez tôt le gâteux Joe Biden de ne pas se représenter, ça c’est une raison de tactique. Mais plus profondément, c’est sans doute parce que les Américains attendaient bêtement que les Démocrates défendent le petit peuple. Et évidemment tant qu’on croira à ce genre de turpitudes, rien ne bougera. La déception a ouvert un boulevard à Trump qui fait semblant d’être du côté des gens d’en bas. On a ainsi un jeu qui est bien rodé en France, c’est la succession de fausses alternances qui font croire que la démocratie dite représentative fonctionne encore pour maintenir le pays sur une trajectoire stable. 

Trump faisant la propagande pour la malbouffe à l’américaine 

Les Américains ont ainsi voté massivement. Passons sur le fait que le pitre Trump avait dit en 2020 que les élections avaient été truquées, car en effet on se demande bien pourquoi si les Démocrates démoniaques, ou l’État profond, avaient cette capacité de fraude massive, on ne voit pas pourquoi ils ne l’auraient pas utilisé une fois encore ! Mais plus généralement attendre quelque chose de ce pitre est une faute morale, c’est un comme croire au Père Noel et penser qu’un grand homme à la figure orange fera le boulot à votre place. Placer sa confiance sans un homme politique relève de la paresse intellectuelle. Mais si les pitreries de Donald Trump le désigne comme le pire clown qu’ait connu les Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cela ne veut pas dire que les Américains auraient eu raison de faire confiance à Kamala Harris. En effet, d’abord sur le plan tactique elle est restée dans les pas de Joe Biden, semblant croire que la solidité du bilan économique des démocrates les mettait à l’abri. Bien entendu le menteur Trump a avancé que le taux de chômage américain était le pire depuis la Grande dépression. En vérité quand Trump a quitté la Maison Blanche, le taux de chômage étatsunien était à 6,4%, et à la fin du mandat de Joe Biden, il était tombé à 4,2%. Mais ses innombrables mensonges n’ont pas empêché les Américains de voter pour lui. 

Trump et Harris lors du débat le 10 septembre 2024 

Quelles sont les raisons qui ont fait la différence ? Certes on peut reprocher à l’administration Biden d’avoir fait la guerre à la Russie par Ukrainiens interposés, mais il est douteux que les Américains qui ne savent pas où se trouvent l’Ukraine aient fait attention à ça, et aient vu Trump comme un homme de paix. On a dit que l’inflation « était un sujet de préoccupation pour les Américains, peut-être. C’est tout à fait possible, mais je ne crois pas que le principal soit là. Je crois que c’est une question de projet de société. Bernie Sanders a avancé que « Personne ne devrait être surpris que le Parti démocrate, qui a abandonné les travailleurs, découvre que les travailleurs l’ont abandonné. Ce fut d’abord les travailleurs blancs, et maintenant les Latinos et les Afro-Américains. Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et ils ont raison ». Mais je pense que ce n’est pas tout à fait vrai, et je ne crois pas que dans le contexte actuel de dégénérescence du pays un programme plus à gauche, plus socialisant aurait eu des chances de l’emporter sur Trump et son gang. Sinon les Américains se seraient moins précipités pour aller voter. Or le taux de participation à cette farce est de plus des deux tiers, le plus haut depuis 1980 et semblable à celui de 2020. Également les afro-américains ont voté à plus de 85% pour Kamala Harris. Le handicap de la candidate démocrate était aussi qu’elle était une femme, les hommes et les latinos semblent avoir moins voté pour elle qu’ils ne l’avaient fait pour Joe Biden. En outre elle représentait, à tort ou à raison, une sorte de complaisance envers le peuple woke. De même le fait qu’elle soit soutenue par les pro-palestiniens a sûrement été un autre handicap, car contrairement à l’Europe, les Etats-Unis sont massivement hostiles au monde musulman. Les manifestations woke et propalestiniennes sur les campus ont choqué, et l’embarras manifesté par Kamala Harris sur ces sujets l’ont faite passée pour quelqu’une de faible et incapable de gérer les désordres. Les désordres de la premières présidence Trump ayant été oubliés, y compris sa contestation ridicule de sa défaite contre le vieux Joe Biden. Notez que Trump devient ainsi le président le plus vieil élu à la Maison Blanche, battant le record de Joe Biden !  

Manifestants propalestiniens aux Etats-Unis 

L’autre thème qui a sans doute joué dans le retour de Trump à la Maison Blanche, c’est la question de l’immigration massive. Les Démocrates, empêtrés dans un langage de gauche, sont apparus comment n’ayant pas de solution, ne voulant pas reconnaitre que cette immigration massive était un problème, même pour les descendants des immigrés les plus récents. Certes Trump n’a rien fait durant son premier mandat, et ne fera probablement pas grand-chose pour enrayer cette tendance, mais il a prononcé un discours dit de fermeté. Rappelons qu’en 2016 le fanfaron à la figure orange se faisait fort de faire payer par les Mexicains la construction d’un mur pour empêcher l’envahissement – le mur n’a effectivement été construit que sur 83 kilomètres – il est même probable que Biden ait fait plus que lui pour tenter de freiner le franchissement de la frontière[2]. Mais peu importe, dans les élections en Occident, ce qui compte ce n’est pas ce qu’on fait, mais ce qu’on dit à la télévision et que les téléspectateurs hâtifs confondent volontiers avec la réalité ! Les électeurs ont perçu Trump comme le mieux à même de défendre le rêve américain, cet idéal qui évidemment ne reviendra pas, contre les « envahisseurs ». 

Migrants franchissant la frontière entre le Mexique et le Texas 

Certains pensent que Trump va régler la question de la guerre en Ukraine, c’est la fanfaronnade qu’il avait formulée en disant que lui il réglerait facilement cette question en 24 heures. En vérité les Etats-Unis ont déjà commencé à prendre du recul et à livrer de moins en moins d’armes, mettant un véto sur la possibilité pour Kiev d’utiliser les missiles à longue portée sur le sol russe, et on sait que le Pentagone – soit l’État profond – veut arrêter les frais pour se consacrer à reconstituer les stocks de munitions de son armée, et se préparer à la guerre avec la Chine. Mais il est vrai que pour Trump ce sera plus facile que pour Biden et ses équipes de mettre fin à cette horreur et de lâcher ses alliés. Zelensky s’y est préparé en félicitant Trump et en lui demandant de l’aider à obtenir une paix juste. Mais qu’est-ce qu’une paix juste, ça c’est le grand mystère[3] ? Il est probable que Zelensky sera obligé d’abandonner l’idée selon laquelle une paix juste est la restitution des territoires jusqu’à la Crimée. De nombreux commentateurs ont fait part que depuis quelques mois il y avait des signes de l’administration Biden pour se sortir de ce guêpier, et que Kamala Harris aurait sans doute suivi le désengagement. L’OTAN parle de refiler le bébé à l’Europe, mais on se demande bien comment l’Union européenne qui n’a pas d’armée sérieuse à opposer à l’armée russe, qui possède une industrie de la défense défaillante, pourrait faire quelque chose pour sauver Zelensky d’une humiliante défaite. Le plus probable est que les Etats-Unis vont en effet se désengager et laisser tomber comme d’habitude leur proxy dont les pauvres soldats se sont fait trouer la peau par centaines de mille. Probablement Zelensky s’exilera en Angleterre. Mais les Américains, Trump ou pas Trump, reviendront dans quelques années tenter de mettre le feu du côté du Caucase et avec le but d’encercler à nouveau la Russie qui est leur obsession séculaire. 

 

En France la population se divise en deux : les pro-Trump qui oublient la vulgarité du nouveau prédisent et les anti-Trump qui croient bêtement qu’avec Harris cela aurait été différent pour nous et pour l’Europe. Les premiers croient ou font semblant de croire que Trump soutenu par les milliardaires Jeff Bezos et Elon Musk défend le petit peuple, c’est stupide. Dans les deux cas c’est une attitude de soumission, avec la volonté de suivre les Etats-Unis, un État pourtant totalement en décomposition sur exactement tous les plans. Mais en vérité, pour nous Français, ce n’est pas important, ce qui compterait ce serait plutôt de reprendre en main notre destin, de nous émanciper, sans nous préoccuper de ce que pense l’homme à la figure orange. Cette campagne électorale a été encore plus stupide que les précédente, les deux candidats principaux se livrant à un cirque sans précédent, ce faisant, ils n’ont pas dévalorisé l’élection, ils ont montré ce qu’elle était fondamentalement, une vaste fumisterie destinée à appâter les gogos pour les faire tenir tranquille, voir les coûteux et grotesques meetings des deux candidats. Le monde qui fait, jour après jour, campagne pour la guerre avec la Russie[4] n’est pas content, il avançait que cette élection était la fin d’un cycle inauguré à la fin de la Seconde Guerre mondiale et il craint que les Etats-Unis se ferment et ne se mêlent plus de tout aux quatre coins de la planète. Mais le plus probable c’est que tout reste comme avant, sauf que l’Empire est maintenant très affaibli dans tous les domaines, et que ce n’est pas le burlesque homme à la figure orange qui pourra redresser la barre, ce qu’il n’a pas pu faire entre 2016 et 2020, on ne voit pas pourquoi il le ferait maintenant avec encore moins de moyens qu’auparavant. Il lui sera plus difficile qu’auparavant de rallier à lui ses partenaires occidentaux, il devra compter essentiellement avec le reste du monde qui apprend, notamment avec les BRICS, à s’organiser sans l’Occident et avec la haine des Etats-Unis au cœur. 

 

Il reste que quoi qu’on en pense, rien n’est réglé aux Etats-Unis, et Trump sera bien incapable de rassembler autour de lui un pays totalement divisé et au bord de la guerre civile. On ne voit guère comment l’administration républicaine qui va se mettre en place en janvier va pouvoir concrètement régler à la fois le problème de la dette et celui du déficit commercial abyssal. L’euphorie des bourses occidentales une fois passée, il faudra faire face à la chute programmée du dollar dans les années qui viennent. Les trumpistes français oublient très souvent que lors de son premier mandat Trump avait maintenu en place Victoria Nuland et surtout avait encouragé le réarmement de l'Ukraine en vue de la guerre. Maintenant il est vrai que pour Trump il sera plus facile d'abandonner son allié ukrainien que pour Kamala Harris. Mais ses déclarations de guerre contre la Chine - déclarations qui sont dans la tradition américaine - ne laissent rien présager de bon. 

PS : Même si dans la dernière ligne droite les sondages ont redressé un petit peu la barre en faveur de Trump, il est clair qu’ils se sont largement trompés. Tous les sondages pensaient que ça serait plus difficile que cela pour Trump, même si tous voyaient que ce serait aussi difficile pour Harris. La question est la suivante : l’ont-ils fait sciemment, histoire d’enclencher une prophétie autoréalisatrice ?   

 



[1] https://www.leparisien.fr/international/etats-unis/trump-declare-coupable-prison-assignation-a-residence-amende-que-risque-t-il-31-05-2024-62B5S2B7YZGTDLWND2D4NPYJ5M.php

[2] https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-5-ans-apres-ou-en-est-le-mur-de-trump-1381724

[3] https://www.lefigaro.fr/elections-americaines/resultats-presidentielle-americaine-zelensky-felicite-trump-pour-son-impressionnante-victoire-20241106

[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/06/en-deni-les-europeens-veulent-encore-se-reposer-sur-leur-allie-americain-comme-si-rien-n-avait-change_6378754_3232.html

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