Cette phrase célèbre, en anglais, « It’s the economy, stupid » a été prononcée en 1992 par Bill Clinton en 1992 et était censé définir la ligne de combat électoral contre George Bush, le père[1]. Elle signifiait que quand on oubliait cette dimension essentielle de la politique, l’échec était là, et d’ailleurs George Bush perdit ces élections, laissant place à deux mandats consécutifs pour son adversaire démocrate. Il faut comprendre que la politique économique est d’abord tributaire de la situation dans laquelle le pays se trouve. Or les politiques économiques néolibérales ont complètement démoli aussi bien l’économie étatsunienne que l’économie européenne. La raison est très simple, c’est qu’elles oublient tout simplement que le marché ne peut pas se développer sans que l’État ne se développe également ! Dans tous les pays développés, la croissance du poids accompagne la croissance de l’économie. La raison en est simple, l’État assure les faux frais de la production comme dirait Marx, l’éducation, la santé, les transports et bien entendu, la police et la justice. La corrélation positive entre dépenses publiques et PIB par tête est prouvée depuis longtemps, j’y reviendrais plus en détail dans un futur article. C’est ce qu’avaient mis en avant les auteurs dits mercantilistes en appelant l’État à s’investir directement non seulement dans la circulation des marchandises, mais aussi dans leur production.
L’homme à la figure orange ne présente guère de cohérence à
la matière, on va le voir, mais il faut d’abord se souvenir que s’il a été
débarqué en 2020 par un semi-grabataire, c’est parce que ses résultats étaient
extrêmement mauvais. C’est l’avantage des fausses alternances, que ce soit en France
ou aux Etats-Unis, ou encore en Allemagne, le changement n’est que très
marginal, dans les apparences. Il y a beau temps en effet que les partis de
gauche en Occident ne s’occupent plus de changer structurellement l’économie.
On peut dater cet abandon de 1983 quand le gouvernement de François Mitterrand se
ralliera à la logique de marché en 1983, en se pliant à la logique de l’Union
européenne. L’économie américaine se trouve depuis trente-cinq ans dans une
situation de crise latente, c’est-à-dire qu’elle subit les conséquences des
déficits jumeaux. Non seulement le déficit commercial s’aggrave d’année en
année, il est aujourd’hui de plus de mille milliards de dollars – soit un
chiffre supérieur au budget de la défense, mais ce déficit commercial
extravagant se double d’une dette cumulée des finances publiques aux alentours
de 40 000 milliards de dollars ! Le graphique ci-dessous, montre que
le déficit commercial étatsunien augmente régulièrement, que ce soit avec les
Démocrates ou les Républicains. Cela signifie que ce triste pays vit au-dessus
de ses moyens, consommant bien plus qu’il ne produit. Le déficit commercial
étatsunien qui s’aggrave chaque année est comme on le comprend compensé par un
déficit croissant des dépenses publiques.
Contrairement à une idée reçue, la croissance soutenue de ce pays, en dehors de la période du COVID, n’est pas due à leur avantage supposé sur le plan de la technologie, mais plus surement par la consommation des ménages qui s’appuie sur l’endettement. Autrement dit : la croissance économique étatsunienne est d’abord propulsée par l’accroissement de la dette. On remarque deux choses : d’abord que durant son premier mandat Trump n’a pas réduit le déficit commercial, malgré les postures guerrières vis-à-vis de la Chine notamment, ensuite que la dette publique s’est aggravée. Tout cela est la rançon de la mondialisation des échanges : résumons, les USA ont délocalisé massivement en Chine[2] notamment pour bénéficier de salaires vraiment peu élevés, et ils se sont débarrassés d’une large partie de leur industrie manufacturière, pensant stupidement que les Chinois se contenteraient de cette position vassale. La Chine était devenue le premier pays qui recevait des Investissements Directs Étrangers (IDE), dans les années 90 et 2000. Et bien sûr les Etats-Unis pensaient compenser ce déficit en vendant des services, des films et des logiciels. Mais les Chinois, comme les Indiens d’ailleurs ou encore les Indonésiens ont réalisé une montée en gamme spectaculaire de leurs productions. En 2024, ils ont réalisé une percée décisive dans l’Intelligence Artificielle avec Deep Seek, alors que les Etats-Unis pensaient avoir encore une sorte de monopole dans ce secteur[3]. Cet épisode de la montée en puissance de Deep Seek a fait chuter Nvidia qui aurait perdu près de 590 milliards de dollars[4]. Ce qui laisse voir que la richesse de l’Occident est extrêmement volatile, mais également que la soi-disant supériorité technologique des USA a été survendue, que ce soit avec la Chine pour l’IA, ou que ce soit avec la Russie pour le secteur de l’armement. La dynamique de l’économie chinoise, axée sur l’exportation, a permis de dégager d’énormes surplus qui se sont traduits à leur tour par des IDE chinois aux Etats-Unis. L’asymétrie de cette relation est évidente, la Chine a utilisé un surplus d’investissement qui correspondait en fait à des excédents d’exportations, se saisissant au passage d’entreprises performantes dont elle pouvait retirer des technologies avancées pour son propre compte. A l’inverse les Etats-Unis exportaient des capitaux qui allaient leur manquer et qui surtout étaient compensés par de l’émission de monnaie et par des Bons du Trésor, soit de la dette publique. Cet aveuglement porté par une espérance de profit de court terme à plombé le long terme de ce pays où le taux de pauvreté est reparti à la hausse après la fin des programmes d’assistance concoctés au moment de la crise du Covid. Évidemment l’aide militaire et civile des Etats-Unis à l’Ukraine n’aide en rien le redressement de l’économie, ce sont des dépenses deux fois improductives : d’une part parce que ces ressources disparaissent à jamais dans la guerre ou dans l’obsolescence accélérée du matériel militaire, et d’autre part parce que ces sommes n’ont pas d’impact, ou si peu, sur le développement économique. Elles sont évaluées aujourd’hui à 300 milliards de dollars depuis février 2022, sans prendre en considération les sommes investies entre 2014 et 2022 pour construire une armée ukrainienne qui ira se battre jusqu’à sa disparition totale avec les Russes pour le compte de Washington. Ces 300 milliards sont à mettre en en face du délabrement des services publics étatsuniens.
L’aveuglement des Etats-Unis, et aussi du personnel
politique européen, repose sur des idées fausses, d’abord la croyance selon
laquelle les situations économiques des différents pays sont figées dans un ordre
hiérarchique transcendant, donc que les pays riches pouvaient se débarrasser de
leurs productions industrielles polluantes et trop onéreuses et compenser ces
pertes d’emplois et de revenus par la production de services hautement qualifiés.
On a beaucoup parlé ces derniers temps du fait que les pays des BRICs avaient
dépassé les pays du G7 en termes de PIB en parité de pouvoir d’achat. Pourtant
c’était quelque chose de facilement prévisible depuis au minimum le début des
années 2000. La croissance était plus rapide en Asie du Sud-Est et en Russie
que dans les pays du G7, d’autant que l’Union européenne était empêtrée dans
ses contradictions monétaires, notamment les règles d’équilibre budgétaire qui
n’ont jamais été respectées, et qui ne lui permettaient pas de progresser au
même rythme que les USA.
Le décrochage de la zone euro s’est accéléré justement avec l’introduction de l’euro et l’abandon des monnaies nationales. Autrement dit les USA et la zone euro ont évolué à contre-courant, tandis que la zone euro misait sur l’austérité et les grands équilibres, les Etats-Unis, Républicains et Démocrates confondus, on fait marcher la planche à billets, ils ont fait de la dette. Cet endettement croissant des Etats-Unis, naguère première économie du monde, fonctionne extrêmement mal. C’est en effet dans ce contexte qu’a éclaté la crise dite des subprimes de 2008 dont on n’a jamais fini de purger les séquelles. Cette crise qui s’est répandue comme une trainée de poudre dans le monde entier aurait dû, si les lois du marché avaient été appliquées, emporter l’ensemble du secteur bancaire occidental. Mais l’Occident, au lieu de nationaliser les banques en faillite, a choisi que les États s’endettent à grands frais afin de le sauver. Il faut rappeler, pour les plus jeunes qui n’ont pas connu cette crise, que les États ont financé des banques en faillite qui en retour leur facturaient des intérêts exorbitants sur l’argent qu’elles ne possédaient pas ! Cette manipulation financière défie évidemment toutes les lois de l’économie telles qu’on les enseigne dans les Universités, puisqu’en effet pour sauver les banques de la faillite l’État a emprunté l’argent qu’il n’avait pas à ces mêmes banques en faillite ! Cette nouvelle orientation, initiée par le sinistre Obama, devient en réalité un transfert de ressources publiques vers le secteur privé, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe. Mais comme l’argent emprunté par l’État devait bien être remboursé, on a fait de la dette. Vous remarquerez que la dette publique drague des sommes faramineuses. Le service de la dette publique aux Etats-Unis atteignait en 2023 875 milliards de dollars, soit un petit peu plus que les dépenses militaires !
Le graphique suivant montre comment la fortune des
milliardaires s’est accrue, après la crise de 2008 dite des subprimes, et
encore plus après la crise du COVID. Autrement dit plus les lois et règlements
s’occupent de démanteler les services publics en les appauvrissant constamment
avec pugnacité dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des transports
publics et plus les milliardaires s’enrichissent. La crise du COVID est à ce
titre exemplaire, alors même que les États placés sous la tutelle des milliardaires
qui nomment qui ils veulent à la tête de l’État, aussi bien aux Etats-Unis
qu’en Europe, ferment des hôpitaux, forment des médecins en quantité
insuffisante, provoquent l’austérité des systèmes de sécurité sociale, ils
trouvent des milliards pour financer le vaccin de Pfizer à l’utilité douteuse
et controversée. Les imbéciles, dont Macron, vous diront que ces milliards
accumulés permettent de financer l’investissement et la croissance. Certains
admirateurs du malheureux Elon Musk nous disent que cet homme non seulement
mérite sa position d’homme le plus riche du monde parce que c’est un génie,
mais qu’il travaille plutôt bien pour l’intérêt générale en investissant son
argent. Cette idée loufoque est erronée au moins sur deux points. D’abord les
investissements qui sont transférés du secteur de la santé publique ou de
l’éducation, sont affectés à des entreprises douteuses – on ne voit pas en
effet en quoi le fait que Jeff Bezos et Elon Musk se tirent la bourre pour
aller sur la lune améliorerait le quotidien des humains à la surface de la
planète – mais ensuite la plupart de ces bénéfices extravagants ne vont pas
vers les investissements productifs, ils vont vers les placements en bourse ou
vers les rachats d’actions. Les rachats d’actions s’étaient élevés en 2023 à
plus de 900 milliards de dollars aux Etats-Unis[5].
C’est d’ailleurs parce que les profits sont élevés et que les perspectives de
croissance sont très faibles que les détenteurs de capitaux spéculent sur des
valeurs immobilières, ou sur des valeurs boursières. C’est ce qui fait que
malgré la morosité de la situation économique occidentale, les cours de la
bourse grimpent à des hauteurs extravagantes. Mais c’est toujours très fragile,
on vient de le voir avec Deep Seek qui a indirectement fait plonger la bourse
de New York de 3,4% le 27 janvier 2025. Quand les cours de la Bourse grimpe
plus vite que la croissance économique, il y a quelque chose de malsain qui
finit toujours par se payer. Parmi ces conséquences néfastes, il y en a au
moins deux : d’une part un transfert de valeur du travail vers le capital
et de l’autre, un transfert du secteur public vers le secteur privé. C’est là
la source des déséquilibres économiques.
Tout le monde sait que la théorie du ruissellement est complètement erronée, c’est une fantaisie, à peine un slogan politique pour faire passer la pilule aux plus pauvres, mais il faut expliquer pourquoi. En effet les investisseurs ne débloquent leur capital que s’ils peuvent l’investir en vue d’un profit, or si la demande des ménages reste faible, autrement dit si les salaires ne suivent pas la croissance économique ou la croissance des profits, ces investissements ne se dirige pas vers le productif, mais vers la spéculation. Vous remarquerez sur le graphique ci-dessous que les salaires ne suivent plus la productivité depuis 1973, tandis que durant les Trente Glorieuses, l’évolution des salaires suivaient celle de la productivité, autrement dit les détenteurs de capitaux se sont appropriés la quasi-totalité des gains de productivité. C’est ce qui explique aujourd’hui l’extravagance des fortunes des milliardaires. Mais c’est ce qui explique aussi la pauvreté relative des salariés, et aussi l’importance en volume des capitaux en déshérence qui se sont investis de plus en plus à l’étranger, dont en Chine, bien entendu. Cette situation est plus marquée aux Etats-Unis qui sont de longue date pour l’explosion des inégalités de revenu[6]. La parenthèse enchantée des Trente Glorieuse était en vérité la conséquence du New Deal, lui-même étant la solution à la Grande dépression. Mais on sait que depuis la mort de Roosevelt, le seul président élu quatre fois aux Etats-Unis, les puissants oligarques américains n’ont jamais renoncé à démanteler les avancées du New Deal. Ils l’ont fait par petites touches, d’abord en s’attaquent aux impôts et aux services publics, puis en s’attaquant au droit du travail, notamment au droit de grève sous Reagan, et puis bien sûr en bradant les biens collectifs. C’est évidemment dans cette lutte des classes des riches contre les pauvres que se trouvent les raisons de l’effondrement de l’économie étatsunienne.
Évolution de la productivité et des salaires aux
Etats-Unis depuis 1949
Ces déséquilibres dans le partage des gains de productivité se répercute sur l’équilibre entre l’offre et la demande, c’est le problème économique le plus important pour les Etats-Unis et bien sûr pour tous les pays qui leur ont emboité le pas dans cette voie néolibérale qui n’en finit pas de causer des dégâts. Le partage de la valeur s’est modifié radicalement au début des années 2000 par un abaissement de la part des salaires, rompant une sorte d’équilibre. C’est à la fois un résultat de la mondialisation qui met en concurrence les salariés du monde entier, et une cause du désenchantement – c’est d’ailleurs en ce sens que Joe Biden a vraiment échoué et qui explique pour partie au moins la défaite des Démocrates. Parmi les pays riches, les Etats-Unis détiennent le record en termes de taux de pauvreté, avec toujours les mêmes grands écarts entre les urbains et les ruraux, mais aussi entre les Noirs et les Blancs, ce qui est la preuve que les ajustements du partage par le marché ne fonctionnent tout simplement pas. Depuis Reagan, on a appris qu’on pouvait être dans l’extrême pauvreté tout en travaillant à temps plein. Il y a d’ailleurs des grèves dures en ce moment aux Etats-Unis sur la question des salaires, chez Amazon, mais aussi chez les dockers, ce qui pourrait paralyser l’activité portuaire[7]. L’homme à la figure orange, en bon néolibéral, ennemi du peuple, considère que ce salaire minimum bloque au contraire l’augmentation salariale. Certes le salaire horaire minimum au niveau fédéral reste très faible, environ 7,5 $ de l’heure depuis 2009, ou encore 6,7 €, mais cela reste un frein à l’effondrement des salaires par temps de crise, une sorte de stabilisateur automatique qui assure un minimum de dépense[8]. Par comparaison le SMIC horaire brut en France est de 9,4 €, dans un pays officiellement moins riche que les Etats-Unis. Ce seuil extrêmement bas, ne joue pas de rôle entrainant sur le reste des salaires. Trump prétend que le salaire minimum ne sert à rien, mais s’il ne sert à rien, pourquoi vouloir s’en débarrasser ? Au lieu de s’intéresser aux singeries de Musk faisant un salut nazi, les critiques du néolibéralisme ferait mieux de revenir à l’examen de la question économique qu’ils semblent avoir abandonnée parce qu’ils ne la comprennent plus et ne font pas l’effort nécessaire pour la mieux comprendre.
Le nouveau mandat de Trump promet d’aller plus loin, en abaissant encore les impôts sur les plus riches et sur les entreprises, c’est la très vieille litanie des conservateurs depuis Adam Smith. Il suppose ou du moins fait-il semblant de supposer que cette baisse des impôts sera compensée par une nouvelle dégradation des services publics, en licenciant sous la houlette de Musk des milliers de fonctionnaires. Cette perte volontaire de recettes fiscales ne pourra pas être compensée par une hausse des droits de douane, ni par l’annexion du Panama et du Groenland, d’autant que dans le même temps les Etats-Unis ne renonceront pas à accroitre le budget de la défense qui a atteint déjà les 900 milliards de dollars. Les projets de la nouvelle administration américaine sont extrêmement confus. L’idée générale de Trump se serait de reconstruire les Etats-Unis comme une nation souveraine qui ne se contentant pas de faire cavalier seul prétend piller ses alliés ! Dans ses premiers discours officiel l’homme à la figure orange s’est à la fois dit confiant dans sa future relation avec la Russie, disant qu’il allait l’aider – on sait ce que ce genre de langage veut dire dans la bouche des Yankees, chaque fois qu’ils aident un pays, ça tourne à la débandade – et en même temps il a promis de nouvelles aides à l’Ukraine, et des nouvelles sanctions contre la Russie. Pour le reste il veut une hausse générale des droits de douane qui sont vu par lui moins comme une possibilité de reconstruire une économie saine et indépendante que comme une arme pour faire plier les pays européens à ses propres fantaisies, notamment pour les obliger à acheter encore plus de gaz de schiste. Dans ce contexte non seulement les Russes n’ont aucune confiance dans cette nouvelle administration[9], Lavrov rappelait à juste titre que c’est sous le premier mandat de Trump que les livraisons d’armes à Kiev avaient explosé, mais ce sont également les Européens qui regardent tout cela avec beaucoup de méfiance. On a vu le comique de profession Jean-Noël Barrot prétendument ministre des affaires étrangères de la France annoncer qu’il avait discuté avec son homologue danois de la possibilité d’envoyer des soldats pour défendre le Groenland d’une hypothétique attaque de Trump sur ce petit territoire. On se demande bien où il prendrait les soldats pour faire face à l’armée étatsunienne. Bien sûr ces grimaces ça prête à sourire, mais ça veut dire que les relations entre les Etats-Unis et les Européens, pourtant inféodés par nature à Washington, vont être des plus tièdes. Trump, dans la continuité des derniers présidents américains, a décidé de rançonner les Européens, il est probable qu’avec le temps ceux-ci vont se retourner naturellement vers la Russie et vers la Chine. En attendant, les Danois ont décidé de renforcer leur présence militaire au Groenland, un plan de 2 milliards d’euros, laissant entendre par là que ce petit territoire, tout stratégique qu’il soit, n’est pas à vendre[10]. Il faudra certainement du temps pour que les Européens finissent par exercer leurs prérogatives, ils n’en ont pas l’habitude.
Il se dessine du coté de Washington deux pistes de « révolution » sur le plan économique, d’une part l’arrêt des aides fédérales aux plus démunis, mais aussi aux victimes de catastrophes naturelles et ensuite la baisse des impôts pour les plus riches et pour les entreprises. Les Américains vont se rendre compte des dégâts que sème rapidement cette ploutocratie qui prétend tout régenter. C’est la méthode pour tenter de réduire un peu la dette publique. La première piste est déjà dans les tuyaux[11]. Mais en même temps, ce fameux en même temps cher à macron, on apprenait que cette piste avait été annulée[12] ! Trump ne serait-il qu’un beau parleur ? Va-t-il poursuivre ? Dans les deux cas il s’agit de diminuer les moyens de l’action de l’État. On attend pour suivre le licenciement des fonctionnaires cornaquée par l’horrible Elon Musk, un premier train de mesures a touché les fonctionnaires du ministère de la justice qui avaient mis en cause les émeutiers du Capitole en janvier 2020[13]. Cette chasse aux sorcières, sport préféré des Américains conservateurs depuis la mort de Roosevelt, ne peut que raviver les clivages entre la canaille républicaine soutien de Trump et le reste du pays. Car même si l’élection de Trump apparait large au premier abord, il ne faut pas oublier que nombreux sont les citoyens de ce malheureux pays qui lui sont complètement hostiles. Les sondages ne sont pas bons, au début de son mandat Joe Biden engrangeait 53% d’opinion positives, aujourd’hui Trump est déjà en dessous de 50%[14]. Et il est très probable que cette chute de popularité va s’accélérer à cause des mesures anti-sociales qu’il commence à prendre. Récemment on a vu apparaitre un grand nombre de nouveaux comptes, des milliers de comptes, sur les réseaux sociaux pour célébrer la gloire conjointe de Trump et de Musk. Cette prolifération est destinée aussi bien aux Étatsuniens qu’aux étrangers des pays membres de l’Empire, histoire de pousser à ce que les politiciens de ces pays aillent dans le même sens que Washington et appuient sa révolution, même si c’est au détriment de leur pays. L’ennui c’est que les Français et les Européens sont lassés de la décomposition de leur économie consécutivement à la politique menée par Bruxelles, et qu’ils ne sont pas près à suivre Trump pour aller encore plus loin dans le sens néolibéral. Ils veulent un État moins favorables aux actionnaires et aux banques, plus interventionniste. Les sondages montrent que la nationalisation par exemple des chemins de fer et des autoroutes est une revendication très populaire, comme la demande de nouveaux investissements de l’État dans le secteur de la santé et celui de l’éducation[15], mais aussi dans leur hostilité à la réforme des retraites voulue par Bruxelles[16]. Gouverner dans un tel environnement hostile est non seulement voué à l’échec, mais c’est parfaitement anti-démocratique !
Expulsion des migrants clandestins colombiens
Volontairement je n’ai pas parlé de la question des migrants illégaux que Trump veut expulser. Il a mis en scène l’expulsion d’une petite poignée de migrants colombiens en menaçant la Colombie de sanctions terribles si ce petit pays ne récupérait pas ses citoyens. C’est une nouvelle bouffonnerie de l’homme à la figure orange. Il aurait fait expulser 538 immigrants clandestins depuis son retour. Une goutte d’eau dans la mer si je puis dire, puisque le nombre des immigrés clandestins est évalué à 12 millions d’individus ! Mais la farce va très loin parce que comme le montre le graphique suivant, c’est bien Joe Biden et son administration qui ont expulsé le plus de clandestins. En vérité une large partie de l’économie étatsunienne s’appuie sur les faibles salaires qui sont versés aux clandestins, notamment dans l’agriculture au Texas et en Californie et plus généralement dans la domesticité. C’était déjà un scandale dans les années quarante, et ça n’a jamais changé d’un pouce. Il ne s’agit pas d’être ici pour ou contre l’immigration clandestine, ce n’est pas le sujet, mais il faut comprendre qu’une large partie de l’économie est organisée autour de ces bas salaires et de ces mauvaises conditions de travail. Les crétins de journalistes du Figaro ou de L’Express ce sont extasiés sur cette opération publicitaire qui refléterait selon eux la nouvelle fermeté des Etats-Unis en la matière, et la gauche débile a emboité le pas pour dire qu’il fallait défendre le droit des migrants à aller où bon leur semble. Les Etats-Unis ont tellement pris l’habitude d’exploiter les migrants, qu’ils vont avoir de grosses difficultés pour s’en passer. En outre les chiffres montrent que lors de son premier mandat, en matière d’expulsion de clandestins, l’homme à la figure orange n’avait pas fait mieux qu’Obama, et nettement moins bien que Joe Biden. Trump avait déjà renoncé à construire le mur entre les USA et le Mexique, et il est très probable que le coup médiatique une fois passé. On a fait un rapide calcul, expulser les immigrants clandestins couterait 315 milliards de dollars, ce qui veut dire qu’elle devrait s’étaler sur plusieurs années[17] ! Sans parler des problèmes qui se poseraient sur le plan judiciaire. Mais Trump, sans précaution, s’est emparé de ce sujet parce que c’est populaire et que ça rapporte des voix, sans même avoir réfléchi que les migrations de travailleurs sont la conséquence de la mondialisation qui elle-même est causée par l’expansion des marchés. Les investissements dans la communication et la propagande peuvent permettre de gagner des élections, on voit ça tous les jours, mais ça ne permet pas de redresser un pays. Le 28 janvier 2025, l’homme à la figure orange signe un décret pour interdire les transgenres dans l’armée américaine. Sachant que ce sujet concerne 0,0075% des effectifs, on comprend que c’est juste pour amuser le tapis et sans importance aucune[18]. De même, il avait signé un décret pour refuser les aides publiques au changement de genre pour les mineurs, là encore ça ne concerne qu’une toute petite minorité. Ça concernerait potentiellement 300 000 personnes sur 340 millions d’individus. Cette posture polémique est bien entendu un marqueur pour faire pièce à l’imbécilité de l’idéologie woke qui a contaminé lourdement le parti Démocrate pour les élections de 2024. Il va de soi que ce genre de sujet sans intérêt qui occupe les politiciens permet de ne pas s’attaquer à des questions de fond.
Sur tous les sujets de l’économie, les propositions de Trump
n’apparaissent pas à la hauteur des enjeux des Etats-Unis, au contraire, il
semble que tout cela va aggraver à la fois les tensions entre les Américains,
mais aussi avec ses voisins et partenaires, sans apporter de solutions
sérieuses pour enrayer le déclin de l’Empire. Les Etats-Unis, une fois passé la sidération provoquée par les turpitudes de l'homme à la figure orange, ne peuvent guère
compter sur une loyauté indéfectible des Européens, des Japonais ou même des
Coréens. Trump risque de leur donner de bonnes raisons pour s’en éloigner. Cette
fuite en avant de Washington qui hésite entre brutalité et posture médiatique, mènera
d’une manière quasi certaine vers l’éclatement
d’une crise financière et économique qui couve depuis très longtemps, depuis au
moins 2008.
[1]
C’est seulement sous les deux mandats de Bill Clinton que la dette publique
étatsunienne a nettement reculé, pour repartir de plus belle avec George Bush
le fils !
[2]
Cela a été facilité par le Big ban financier qui au début des années
quatre-vingts, grâce aux progrès du numérique, a permis de démultiplier de
façon radicale la monnaie produite par les banques de second rang, mais aussi d’en
finir avec le contrôle de la circulation des capitaux à l’échelle planétaire,
ce qui par ailleurs a alimenté les crises récurrentes financières et réelles à
partir de la fin du XXème siècle. Les crises économiques sont
toujours la conséquence d’un affaiblissement du contrôle étatique
[3]
https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/27/deepseek-la-chine-seme-la-confusion-dans-l-intelligence-artificielle_6518026_3234.html
[4]
https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/28/nvidia-perd-600-milliards-et-entraine-dans-sa-chute-le-nasdaq_6519363_3234.html
[5]
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/10/07/taxe-sur-le-rachat-d-actions-comment-fonctionne-ce-mecanisme_6345767_4355770.html#:~:text=Pratique%20tr%C3%A8s%20r%C3%A9pandue%20%C3%A0%20Wall,850%20milliards%20d'euros).
[6]
En 1968 John Kenneth Galbraith dans la version révisée de The Affluent
Society, mettait en garde contre ce renoncement à une marche vers plus
d’égalité dans la répartition entre les revenus, mais aussi entre le marché et
l’Etat.
[7]
https://www.cnbc.com/2024/12/23/amazon-workers-port-strikes-and-the-unpredictable-2025-for-shippers.html
[8]
https://finance.yahoo.com/news/trump-says-having-federal-minimum-120042355.html
[9]
https://francais.rt.com/russie/116367-serguei-lavrov-dresse-bilan-diplomatie-russe-2024-aborde-ukraine-et-trump
[10]
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/28/groenland-la-premiere-ministre-danoise-s-assure-du-soutien-de-ses-allies-europeens-face-a-donald-trump_6520698_3210.html
[11]
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/29/l-administration-trump-seme-la-confusion-en-decidant-un-gel-temporaire-des-aides-federales_6520965_3210.html
[12]
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/29/l-administration-trump-revient-sur-sa-decision-de-geler-des-milliards-de-dollars-d-aides-federales-apres-deux-jours-de-confusion-pour-les-beneficiaires_6522257_3210.html
[13]
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/28/limogeage-de-responsables-du-ministere-americain-de-la-justice-impliques-dans-les-poursuites-contre-donald-trump_6519295_3210.html
[14]
https://abcnews.go.com/538/trump-starts-term-weak-approval-rating/story?id=118146633
[15]
https://fr.statista.com/statistiques/892256/actions-macron-priorites-france/
[16]
https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-la-mobilisation-contre-la-reforme-des-retraites/
[17]
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2115023/elections-americaines-deportation-trump-migrants
[18]
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/28/donald-trump-signe-un-decret-pour-bannir-les-personnes-transgenres-dans-l-armee_6519583_3210.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire