lundi 10 mars 2025

Des journalistes de Cour aux publicitaires de l’Atlantisme rénové, l’exemple de Marianne

  

Il y a quelques temps encore, un lecteur un peu hâtif pouvait se faire des illusions sur Marianne et son contenu. C’était l’époque où Natacha Polony avait parfois des emportements souverainistes et très critiques vis-à-vis de l’Union européenne et de son fonctionnement. Elle était pourtant très modérée et soutenait que Poutine avait agressé l’Ukraine. Mais elle s’est fait virée, même son ton très modéré ne plaisait pas à son patron le milliardaire tchèque, Daniel Kretinsky qui savait aussi que Marianne était trop anti-Macron. Il a donc chargé son factotum, Denis Olivennes, un homme habitué aux magouilles journalistiques de lui trouver une remplaçante, un peu plus docile. Ça tombe bien ayant la main sur Libération, il avait sous la main, Eve Szeftel, une journaliste à l’échine très souple. Celle-là coche toutes les cases, elle a été formée aux Etats-Unis et plus précisément par l’AFP qui est une boutique bien connue pour sa servilité euro-atlantiste, et en plus de Libération, elle s’est faite remarquer en signant des articulets dans la revue néocon, Le meilleur des mondes. Cette vient d’opérer un grand renversement dans la ligne éditoriale du magazine. Dans son dernier éditorial daté du 27 février 2025, elle reprend dans la précipitation le discours guerrier et atlantiste de la nécessité de faire la guerre à la Russie, sans tenir compte des renversements d’alliance qui sont en cours et qui viennent de se voir sanctuarisées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Pour défendre ce point de vue guerrier, la voilà qui invoque Sanna Marin, l’ancienne première ministre de la Finlande qui pousse à l’extension de l’OTAN et qui rêve d’en découdre avec la Russie. Rien ne justifie pourtant les peurs surjouées de Sanna Marin, les Russes n’ont jamais attaqué la Finlande depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais Eve Szeftel qui nous prend pour des imbéciles fait comme si le discours de Sanna Marin avait un sens et que nous, Européens, avions des raisons sérieuses de craindre une attaque massive de la Russie sur Paris. Elle s’appuie également pour soutenir cette position stupide sur la nécessité de mener une guerre contre la Russie sur un propagandiste ukrainien, Petro Chouklinov, qui veut maintenant couper les liens de l’Europe avec les Etats-Unis en affirmant que « Certes, c'est difficile. Mais il faut garder la tête haute. Nous devons nous élever au-dessus de nos faiblesses et ne pas laisser passer cette chance historique, écrivait-il, le 12 février, après la tenue de pourparlers directs entre Donald Trump et Vladimir Poutine. Nous ne sommes pas petits. Nous ne sommes pas faibles. Nous bâtissions de grandes nations bien avant que les États-Unis ne soient fondés. Nous avons créé les alliances les plus puissantes[...]. L'Occident, c'est nous. Et nous devons nous battre pour lui. » Cette bourrique n’a pas inventé l’eau chaude, et sa culture politique tient sur un timbre-poste, mais elle a l’envie de montrer à ses nouveaux patrons une docilité sans limite. 

La malheureuse Eve Szeftel a été nommée complétement à contretemps, alors même que Zelensky est entrain de livrer les derniers débris de son pays aux Etats-Unis et que les négociations de paix ont commencé. Épouser le discours des va-t-en-guerre au moment où on entame des pourparlers de paix relève de la bêtise et de l’ignardise. Natacha Polony était moins crétine, ce qui n’est pas bien difficile, mais elle est aujourd’hui reléguée pour donner son avis sur le Pape François. Dans ce retournement de ligne éditoriale, elle s’en va jusqu’à citer Macron comme référence de ce qu’il faut faire pour construire une Europe fédérale forte. Les lecteurs de ce magazine vont avoir des surprises ! On dirait le dernier discours d’Ursula von der Leyen. On ne voit pas très bien ce qu’apporte au débat un nouveau titre qui chanterait les louanges d’une Europe fédérale mais isolée à la fois des Etats-Unis, de la Russie et de la Chine ! Dans ce dernier numéro, Marianne consacre son dossier hebdomadaire à la nécessité de basculer vers une économie de guerre « et vite » ajoute l’imbécile Vladimir de Gmeline, un vague romancier égaré dans le journalisme, navigant ente Le Point, journal ultra-libéral et Marianne qui fut un temps très critique à l’égard du néolibéralisme et qui fait aussi des piges chez Valeurs actuelles, support idéologique de l’ultra-droite. Natacha Polony s’est faite virée au motif que Marianne perdait des lecteurs, on doute que les nouvelles orientations permettront de redresser la barre. On murmure que le tiers des journalistes va partir[1]. Avec l’annonce de l’arrivée d’Eve Szeftel, 18 journalistes ont décidé de faire jouer leur clause de conscience. D’une manière ou d’une autre, c’est bien un tout autre magazine qui est mis en chantier. Le but visé est de faire concurrence à L’express et au Point, vieux journaux atlantistes et européistes, c’est la même chose, pour cadres moyens. En vérité la question est de tuer un magazine qui, sans être révolutionnaire, ni anticapitaliste, était insuffisamment aligné. Le propriétaire Kretinsky a refusé d’ailleurs que Marianne soit reprise par une coopérative, il préfère perdre de l’argent que de faciliter la vie à une voix alternative. Ces gens-là ont une vision assez limitée de la démocratie et de la diversité éditoriale. 

 

Dans la livraison de Marianne du 5 mars 2025, l’idiote qui dirige maintenant le magazine amplifie sa propagande guerrière. Il est vrai que dans la semaine elle a dû encaisser les revirements nombreux de Zelensky. Mais la voilà qui nous dit que le danger russe s’est dangereusement rapproché : « … la guerre est déjà, sur le sol européen. Dans l’ombre ses agents travaillent à fracturer les sociétés du Vieux Continent : de Russia Today soufflant sur les braises de la révolte des Gilets jaunes aux mains rouges sur le Mémorial de la Shoah, en passant par les cercueils de militaires français déposés au pied de la tour Eiffel. La France devrait s’en souvenir ». Cet alignement brutal sur la doxa macronienne va déstabiliser rapidement les vieux lecteurs de Marianne qui croiront avoir entre les mains un édito de BHL. On est prévenu, cette policière en chef de la rédaction voit des Russes partout, y compris dans son jardin, sur le mode « ils sont partout ». Les dégâts sont très importants Natacha Polony elle-même est en train pour conserver son boulot de prendre le prétexte du lâchage des Etats-Unis pour appeler à son tour à transformer notre économie en économie de guerre. Dans son dernier numéro, Marianne, continue sa mue, reprenant les vieilles idées stupides de LCI et autre BFMTV, selon laquelle les Russes ont perdu 50% de leurs capacités militaires, donc que cette guerre les a épuisés, sous-entendant par-là que si on s’arme très vite, on pourra leur faire la peau. La conséquence de ce virage brutal vers la guerre de Marianne est que le point de vue de ce journal est de présenter celui des Ukrainiens, et rien n’est dit sur la Russie elle-même. Ne s’y passe-t-il rien ? Kretinsky a pris ses précautions, s’il a choisi Eve Zeftel, une va-t-en-guerre furieuse pour diriger la rédaction, il a nommé Frédéric Taddéi au poste de directeur, or cet homme des plus louvoyants a passé beaucoup de temps à travailler justement pour Russia Today que vilipende à tour de bras sa nouvelle rédactrice en chef ! Ce curieux attelage ne va pas tenir bien longtemps sous le coup répéter des aléas de la conjoncture.



[1] https://www.lalettre.fr/fr/medias_presse-ecrite/2025/02/25/marianne--un-tiers-de-la-redaction-quitte-le-navire-de-daniel-kretinsky,110379426-eve#:~:text=Marianne%20va%20bient%C3%B4t%20se%20vider,d%C3%A9barrasser%2C%20avant%20de%20faire%20marche

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