Gianfranco Sanguinetti était un des derniers survivants de l’Internationale situationniste. Avec son ami Guy Debord il procéda à la liquidation de ce mouvement qui était moribond, malgré sa gloire post-soixante-huitarde. En tant qu’Italien il participa à ce qu’on a appelé le Mai rampant qui avait complètement déstabilisé l’Italie au point de solliciter les services secrets étatsuniens pour un coup d’État qui ne fut pas tout à fait mis à exécution. Seulement Aldo Moro fut assassiné pour éviter à l’Italie un gouvernement d’union nationale qui aurait inclus les communistes. Sanguinetti partageait avec Debord cette idée sur le fait que les États modernes ne pouvaient plus conserver le pouvoir qu’en manipulant l’information, associant cette maniaquerie au meurtre. Il laisse son nom à trois petits ouvrages. Le premier est une explication un peu lourdingue des raisons de la disparition de l’Internationale situationniste, le second est signé Censor, ce nom étant présenté comme le pseudonyme d’un grand capitaliste italien. Ce pastiche fut un grand succès en Italie et tout le monde se demandait qui se cachait derrière ce nom. En France où comprenait moins bien l‘importance de ce qui se passait en Italie avec les services secrets italiens et la CIA, le livre intéressa surtout la mouvance crypto-situationniste. Il montrait que deux grandes tendances s’affrontaient dans la péninsule, l’une accommodante, emmenée par Aldo Moro, qui voulait inclure la PCI pour stabiliser la situation, et l’autre qui aurait voulu un coup d’État directement. Cette dernière tendance était à l’œuvre sous l’égide de la CIA, associée à la mafia, elle se servait des Brigades Rouges pour mener des assassinats sous faux drapeaux et susciter la sympathie de la population pour un retour à l’ordre. Cette seconde tendance qui pratiqua un terrorisme à grande échelle conduisit à des attentats de grande ampleur et à la mort d’Aldo Moro. C’est l’objet du troisième livre auquel Sanguinetti a laissé son nom.
Descendant d’une riche famille, Sanguinetti se révéla un ennemi du capitalisme. On a dit que sa fortune lui permit de financer partiellement les activités de Guy Debord avec qui il s’était lié, il était comme lui amateur de bons vins et de parties carrées. Peu importe ces détails, vrais ou faux, toujours est-il qu’après une amitié plutôt longue Guy Debord se fâcha avec Sanguinetti. Les raisons de ce divorce sont restées assez obscures, elles portent sur l’interprétations du terrorisme en Italie dans les années de plomb. Pour le profane les querelles de ce type semblent toujours un peu dérisoires. Mais elles ont existé ! cette cassure amena Guy Debord à réorienter sa vie en devenant une sorte d’homme de lettre, ayant une influence décisive au sein de la maison d’édition Champ Libre financée par Gérard Lebovici qui, grâce à sa fortune accumulée dans le milieu du cinéma, put entretenir Guy Debord, lui permettre de tourner des films et de vivre comme il l’entendait. Sanguinetti lui se réorienta vers le secteur immobilier pour consolider la fortune familiale. Il existe deux autres ouvrages de Sanguinetti. Le premier est signé d’un pseudonyme, Gianni Giovanelli édité chez Allia en 2022, et le second a été édité en portugais, c’est un recueil de textes sur le COVID, où il se retrouve avec Raoul Vaneigem, pour dénoncer l’imposture du traitement de la pandémie[1] !
Alice Debord, Gianfranco Sanguinetti et Guy Debord
Il s’impliqua beaucoup dans l’Internationale situationniste, fondant la section italienne, et aussi dans les affrontements du côté de Reggio de Calabre, s’impliquant dans sorte d’insurrection qui l’amena un temps à se réfugier à Paris dont il fut finalement expulsé[2]. Il laisse l’image d’un homme instruit, formé à la lecture des classiques, aidé par un humour piquant, assez semblable à celui de Debord. Il a également publié une critique ravageuse de la biographie de Guy Debord commise par le malheureux Jean-Marie Apostolidès[3].
[1] Insurgência viral, autodefesa sanitária e
despotismo ocidental, Veneta, 2022.
[2] https://debordiana.noblogs.org/2011/08/les-ouvriers-italiens-et-la-revolte-de-reggio-de-calabre-octobre-1970/
[3] https://blogs.mediapart.fr/lechatetlasouris/blog/150116/argent-sexe-et-pouvoir-propos-d-une-fausse-biographie-de-guy-debord
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