mardi 15 septembre 2020

Le rôle de l’enfant dans la propagande politique

 

Pour bien comprendre ce qui va suivre, il ne s’agit pas ici de juger si une cause politique est juste ou non, mais des moyens qu’on utilise pour faire avancer ses pions. J’avais commencé à écrire cet article avant les manifestations pour George Floyd et pour Amada Traoré. Et donc il se trouve que mes thèses sur la manipulation des images d’enfants est maintenant renforcé par une manipulation directe des enfants eux-mêmes. C’est la différence d’avec ce qui se passe dans le Tiers Monde. Dans les pays du Tiers Monde la propagande qui utilise les enfants vise d’abord à faire pleurer les occidentaux sur leur sort. Avec ce qui se passe aux Etats-Unis ou en France, on désigne maintenant le terrain de la lutte comme étant à l’intérieur de nos frontières, et donc l’image de l’enfant va être utilisée un peu différemment. C’est toujours le thème de la culpabilité de l’homme blanc qui va dominer, mais cette fois en lui enjoignant non plus d’aider l’homme de couleur dans son combat contre le pouvoir blanc-patriarcal (comme si le black power ou les musulmans ne connaissaient pas le patriarcat !), mais de se soumettre au pouvoir de l’homme de couleur pour expier les fautes de nos ancêtres ! Seuls les enfants qui sont encore innocents peuvent racheter ces fautes. Il s’agit d’un double dressage : d’une part culpabiliser encore un peu plus l’homme blanc, et d’autre part éduquer les enfants eux-mêmes à ces nouvelles allégeances. On a maintenant franchi un pallier dans ce genre de cirque. Non seulement la niaiserie des messages affichés se substitue à l’analyse, mais on nous prend ouvertement pour des enfants, en faisant comme si on ne serait pas capable de saisir une analyse plus fine. 

 

Comme on le voit, c’est l’appel à l’émotion qui prime. Notez que ces enfants, des petites filles – elle sont plus souvent préférés aux petits garçons, sont présentées sans leurs parents. Comme si la société les avait abandonnées, et donc comme si elles avaient trouvé elles-mêmes le chemin de la conscience politique qui leur permet d’affirmer quelque chose de fort. C’est la logique du bouclier humain, les enfants passent devant pour porter la parole de leurs parents. Les questions sont nombreuses, certes les petites filles ont le droit de penser, mais à l’évidence, elles portent d’abord le message de leurs parents. C’est le premier niveau de la manipulation. Le second niveau c’est d’en appeler à la pitié pour asseoir son pouvoir. Comment cela ? N’aurez vous aucune pitié pour ces enfants ? Etes-vous encore un peu humains ? On voit donc que de ne pas accepter cette propagande conduit forcément à discuter de la cause et à remettre en question une analyse sommaire de celle-ci. Par exemple en ce qui concerne Amada Traoré ou George Floyd, de quoi s’agit-il ? Uniquement de racisme, de brutalité policière fascisant ou de luttes des classes ? L’émotion causée par les panneaux tenus par les enfants nous dit : c’est le racisme et le racisme c’est mal. Mais la dernière proposition qui vient est voilée : un homme noir, justement parce qu’il est victime du racisme ne saurait être coupable de quoi que ce soit. La preuve, les enfants innocents nous le disent. Et si Traoré et Floyd ont été effectivement assassinés, ils étaient innocents eux aussi de tout ce qu’on peut leur reprocher, il vient qu’on ne saurait mettre par ailleurs en accusation les comportements déviants de la communauté noire et de ses gangs. 

 

Les enfants sont les véhicules parfaits pour la propagande politique. Ci-dessus l’image représente une enfant dans un camp de migrants sur une île grecque. La photo est construite ainsi, en arrière-plan un étalage de misère, pour bien montrer que nous vivons dans un monde égoïste et donc qu’il nous faut venir en aide à notre prochain. Il ne s’agit pas seulement d’accepter les migrants, mais il s’agit de faire un don de sa personne – et un don d’argent aux ONG qui s’en occupent. Au premier plan, avant de voir la petite fille nous voyons le tee-shirt, écrit en anglais :  on est mondialiste où on ne l’est pas. Cet enfant est notre futur. Ce message est très compliqué à décrypter. D’un côté il nous indique que nous sommes maintenant dépendant des jeunes migrants, nous population vieillissante, et donc qu’il est de notre intérêt d’accueillir ces enfants. La photo passe sous silence évidemment le fait que 90% des migrants sont des hommes adultes parce que cela amoindrirait le message. Si on met des hommes adultes, ça veut dire qu’ils ont abandonné leur famille dans leur pays et que peut-être ils auraient dû y rester et se battre pour le transformer. Mais il y a un autre message caché : « we are the future », c’est ce qui nous attend, la misère pour tout le monde ! C’est bien ce qu’on a fait comprendre aux Grecs en les torturant de toutes les manières, d’abord en leur diminuant les salaires et les retraites, en réduisant leur accès à la santé et à l’école, mais ensuite en leur envoyant des milliers de migrants qui leur pourrissent la vie et détruisent leur paysage et leur environnement. La photo ci-dessous publiée dans l’édition du Monde du 4 mars 2020, entretient la confusion sur ce qui se passe dans les îles. On voit une femme et des petits enfants – la mère qui veille sur sa progéniture c’est bien l’image de la sainteté. Donc on parlera de la peur des migrants, des méchants Grecs d’extrême droite qui empêchent les migrants de débarquer, mais c’est à peine si on expliquera que ces migrants débarquent dans des canots fournis par le gouvernement turc, et de l’enfer que vivent les habitants de ces îles. On voit donc le rôle de l’enfant, susciter l’émotion et masquer finalement une réalité très compliquée. Car qui peut nier que les migrants, chair à canon des Turcs, ne souffrent pas ? Et les enfants sont là pour nous renforcer dans notre culpabilité. 

 

Suite à l’attaque de la Grèce par la Turquie, par migrants interposés, on a vu circuler sur Internet une vidéo montrant des migrants qui juste avant d’aller au-devant des journalistes occidentaux s’efforçaient de faire pleurer leurs enfants, notamment en penchant leurs têtes au-dessus de la fumée afin qu’ils aient les yeux bien rouges[1]. Ce cynisme montre combien ces critères larmoyants ont été intégrés par les peuples venus du Tiers Monde. Ils savent parfaitement que l’effet sera très bon sur les écrans. Plus l’enfant est petit et plus l’effet est fort. Les Turcs, à cheval entre l’Occident et l’Orient, sont les maîtres dans ce genre de fantaisies. 

Migrants tentant de passer la frontière gréco-turque, mars 2020 

On se souvient de la manipulation des images du petit Aylan Kurdi qui avaient ému le monde entier. Tous les journaux l’avaient reprise, mais on a refusé de s’intéresser à la façon dont les Turcs avaient arrangé le corps, lui mettant la tête dans l’eau, prenant des photos sous tous les angles dans le but évident de s’en servir pour leur propagande. Il faut relier cette image dramatique au chantage permanent que les Turcs font à l’Europe pour obtenir des milliards qui leur servent soi-disant à retenir les migrants. C’est un bail renouvelable tous les six mois, avec des demandes d’augmentation de la rançon. Le fait que les Turcs se servent de ces images pour exercer un chantage sur les Européens, montre une dissymétrie dans le traitement de l’enfance : en Occident l’enfant se fait rare, et donc il devient précieux ; en Orient, c’est l’inverse les enfants sont abondants et nombreux, du coup ils sont moins protégés, on en a trop, on en exporte, on est moins sensible à leurs misères. 

La mort du petit Alan Kurdi avait bouleversé le monde, mais les garde-côtes turcs avaient arrangé le corps pour le photographier bien à l’aise 

Remarquez que cette affaire du petit Aylan Kurdi vient d’avoir une issue inattendue. Dans un procès qui s’est tenu en Turquie, 2 Syriens et trois Turcs ont été condamnée pour avoir noyé plusieurs personnes dont le petit Aylan Kurdi. Le tribunal retenant, contrairement aux ONG, que les responsables de ces morts étaient d’abord les passeurs[2]. Ce jugement qui a été rapporté par le New York Times est intervenu dans la première quinzaine de mars 2020, mais les médias qui sont des propagandistes de la mondialisation heureuse n’en ont pas fait état, eux qui avaient milité pour que les frontières de l’Europe soient encore plus largement ouvertes. Il faut faire des acrobaties en France pour le trouver. Mais parler sérieusement de ce jugement, ce serait évidemment reconnaître que les images de la mort d’Aylan Kurdi visaient d’abord à susciter l’émotion pour éviter de se poser des questions sur les responsabilités. 

 

Les pays musulmans et les Palestiniens ont toujours eu tendance à abuser des fausses images pour se victimiser et prendre la place des Juifs dans ce concours macabre de celui qui aurait subi le plus d’outrages. Et donc dans ce sinistre concert, l’enfant est bien entendu un sujet, une image de choix. Récemment on voyait l’image suivante. Elle était diffusée par les pro-palestiniens comme la preuve que les Israéliens – les sionistes – étaient de véritables fumiers matraquant, martyrisant et tuant des petits enfants[3]. Cette image dont on ne connaît pas le contexte réel est bien entendu horrible, seulement elle ne concerne pas Israël. En effet un rapide examen de la photo montre que le militaire en question est un soldat chilien[4]. Pire encore, alors que la supercherie a été dénoncée, les propagandistes pro-palestiniens pris la main dans le sac du mensonge n’ont pas retiré cette image qu’on peut toujours voir sur Facebook avec la mention suivante : « Un soldat israélien sur le dessus et un innocent enfant palestinien sous sa rotule.
Le soldat israélien a étouffé l'enfant à mort alors qu'il suppliait de respirer comme George Floyd l'a fait.
Malheureusement, c'est une pratique normale des soldats israéliens en Palestine. » Les BDS et les autres idiots utiles de la sphère pro-palestiniennes s’abstiennent de relever ces mensonges flagrants. L’important n’est il pas qu’on voit un enfant se faire maltraiter par un militaire ? Il n’est pas israélien mais il aurait pu l’être ! Autant faire un dessin ! Mais un dessin est tout de suite éventé comme mensonger.
 

 

Le dérèglement climatique est du pain bénit pour l’utilisation des enfants dans la propagande. Evidemment le réchauffement climatique et plus généralement l’empoisonnement de l’air, de l’eau et de la terre est une réalité tangible et évidente, conséquence du progrès technique et de la mondialisation, elle est le fait non pas de l’homme, mais d’un système de « développement » qui a mis la nature et ses créatures en esclavage. Greta Thunberg est utilisée par le lobby green washing pour faire avancer les affaires des multinationales qui veulent travailler dans le secteur de la transition écologique, avec subventions de l’Etat à l’appui : développement des éoliennes, des panneaux solaires ou encore des voitures électriques et de la construction. Greta Thunberg est le porte drapeau de ceux qui prétendent que la technique est la solution pour nous guérir des dégâts de la technique. Comment ce qui cause le problème pourrait-il être la solution ? Greta Thunberg est fréquemment photographiée sur fond de drapeau européen. Elle représente deux idées : d’une part sans progrès technique et sans investissement dans la recherche on ne s’en sortira pas, et d’autre part c’est à l’échelle mondiale que la question doit être posée. Si elle plait autant aux milliardaires de Davos et à la bureaucratie européiste, c’est que son discours est inscrit dans la logique d’un progressisme sans fin. Mais il y a également qu’elle culpabilise. Elle met en avant en permanence l’idée que les générations d’avant la sienne ont été égoïstes, et donc ce n’est pas tant le système capitaliste qu’il faut changer, mais plutôt les comportements individuels : ne pas oublier de fermer son robinet d’eau, d’éteindre son ordinateur, ou encore acheter ses produits en vrac. Cette agressivité qui est avancée contre une « génération » dépensière et égoïste convient très bien aux multinationales, elles ne sont pas mises en accusation pour les dégâts qu’elles font : pour les milliardaires de Davos il vaut mieux condamner l’incivilité des consommateurs que les conduites criminelles de Coca Cola, de Nestlé ou de Nutella. Greta Thunberg possède l’immense avantage de faire beaucoup plus jeune que son âge, et de ce fait, elle parait tout à fait innocente pour cause d’autisme, et comme on le sait la vérité sort de la bouche des enfants. 

Les spécialistes du marketing ont très bien compris cela, ils ont donc vendu aux climato-sceptiques qui sont immensément riches la même idée : faire passer leurs idées absurdes par le biais d’une concurrente de l’activiste suédoise, jeune de préférence. La concurrence étant bien l’Alpha et l’Omega du capitalisme. Naomi Seibt est en apparence le contraire de Greta Thunberg, en effet, elle est le porte-parole du lobby climato-sceptique. Elle n’a pas vingt ans, mais elle gagne déjà très bien sa vie en vendant la soupe aigre du lobby climato-sceptique[5]. Elle serait payée officiellement entre 2500 et 3000 euros par mois par le Heartland Insitute, un think tank conservateur. Mais elle est aussi invitée pour faire des conférences un peu partout, ce qui améliore encore ses revenus, par des boutiques comme la CPAC, un autre think tank conservateur très proche de Trump. On l’a également déclarée comme fricotant avec des membres du parti AfD. Naomi Seibt sert à monter en épingle un faux débat entre les climato-sceptiques et les green washing. Et pendant que ces deux idées toutes aussi fausses s’affrontent, on ne parle pas de ce qui est décisif : l’avenir du capitalisme et de l’impasse du green washing. Ces deux jeunes filles ont beaucoup en commun : d’abord d’avoir compris très tôt quel rôle elles jouaient et elles s’en servent pour nous culpabiliser, elles nous annoncent qu’on doit se repentir, soit d’avoir nié le réchauffement climatique comme Thunberg qui invoque les prêtres de l’ordre nouveau, les « scientifiques », soit d’avoir justement cru à cette « hérésie », Seibt. Mais au fond le discours est exactement le même, il nous menace d’excommunication. Greta Thunberg et Naomi Seibt sont tout à fait l’équivalent de Bernadette Soubirous, ou peut-être même de Jeanne d’Arc. Elles représentent la pureté, la virginité, donc une parole de vérité, quoique Greta Thunberg paraisse plus « authentique ». Seibt appuie sa propagande également sur des travaux de « scientifiques » qui nient l’importance du CO2 rejeté dans l’atmosphère comme facteur de déclanchement du réchauffement climatique. Si depuis 2015, les climato-sceptiques avaient reculé, ils ont depuis l’élection de Trump repris du poil de la bête. En France on trouve un pseudo-scientifique qui fait ce travail[6]. Il a pris le relais de Claude Allègre, mais on ne le voit pas à la télévision, parce que ça touche moins que le visage d’une jeune fille, c’est cela qui explique d’abord l’émergence de Seibt. 

1972, un village vietnamien bombardé au napalm 

La photo ci-dessus avait fait le tour du monde elle aussi. Elle montre d’autant plus l’horreur de la guerre du Vietnam que la petite file - Phan Thi Kim Phuc – est nue, donc beaucoup plus fragile. Cette image a fait beaucoup plus pour mobiliser contre la guerre que les Etats-Unis menaient contre le Viêt-Cong, que des tonnes d’analyses. Personne ne peut évidemment nier que cette scène soit horrible. Cependant, on doit convenir qu’elle ne permettait en aucun cas de comprendre ce qui se passait dans ce pays, et aussi ce qu’était le Viêt-Cong. On va le comprendre un peu plus tard, et là encore grâce à des images d’enfants. Bien avant les migrants africains ou syriens, les Vietnamiens qui fuyaient, non pas la guerre, mais cette fois le régime d’Ho Chi Minh que la gauche et l’extrême-gauche avait soutenu, le faisaient sur des bateaux de fortune. On les appelait les boat people. Et comme l’opinion avait soutenu le Viêt-Cong, elle s’est mise à soutenir ceux qui le fuyaient.  C’est d’ailleurs comme ça que Kouchner s’est fait un nom avec l’équipée du bateau L’île de lumière. Il prenait des photos toujours avec des enfants, le bon docteur avec un enfant dans les bras, c’est le ticket gagnant. Un sac de riz et un enfant dans les bras, ça fait une carrière politique, à gauche comme à droite ! La suite a été moins glorieuse, et il fut dénoncé non seulement comme un arriviste, mais aussi quelqu’un de cupide.

Kouchner se faisant photographier avec un enfant dans les bras 

Mais si on comprend bien la manipulation de ces images à des fins politiques, apitoyer, on comprend peut-être un peu moins bien comment ça marche. Pourquoi les Occidentaux sont-ils si sensibles à l’image de l’enfant ? Ce n’est pas seulement une émotion naturelle, c’est une construction mentale. Cette sensiblerie doit, selon moi, être comprise comme le prolongement de la religion chrétienne. Dans l’Ancien Testament, l’enfant est l’avenir, la récompense et la continuité. Il est le symbole du progrès. C’est pourquoi il doit être éduqué en ce sens, parfois même avec sévérité s’il le faut. Mais c’est le Nouveau Testament qui précise cette figure et son rôle. D’abord parce que Jésus est l’enfant, à la fois innocent et prophète des temps nouveaux. Il est très souvent représenté dans les images saintes et dans la peinture de la Renaissance comme un nourrisson, entourée de personnes bien plus âgées que lui. On le voit très fragile à l’image d’un nouveau-né, mais entourés d’hommes vieux et chauves. On comprend bien qu’il est l’avenir, mais qu’il doit être protégé. Quand Jésus est représenté plus âgé, on le voit souvent dans des poses qui reflètent la parole divine : « Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent »[7]. Il indique la voie à suivre, mais également que le devenir de l’adulte est de retourner à l’innocence enfantine. Même si certains textes peuvent être ambigus, l’enfant reste du domaine de l’innocence, et c’est bien pour cela qu’il est l’avenir. La femme, le plus souvent représenté par Marie, la Vierge Immaculée, est la protectrice, elle joue un rôle moteur dans l’Histoire puisque non seulement elle crée l’enfant, le porte et le protège, mais elle indique aussi qu’il est l’avenir. Dans cette configuration la femme et l’enfant sont indissociables. 

Giovanni Bellini, présentation de Jésus – fin du XVème siècle 

Cette imagerie dérivée des bondieuseries ordinaires sera très bien utilisée par la suite par le marketing publicitaire. L’enfant est la récompense presqu’immédiate d’une vie de labeur, il la justifie. Il porte d’ailleurs l’idée de croissance : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. »[8] C’est bien compatible avec le marché, et c’est un soutien d’un système qui n’en finit pas de mourir. On voit les dégâts que ce paradigme a produits : l’air n’est plus respirable, l’eau n’est plus bonne à boire, la terre est empoisonnée. On sait combien la religion catholique s’est rangée très souvent, pour ne pas dire toujours, du côté des propriétaires et du pouvoir. On a souvent rapproché le protestantisme et l’esprit du capitalisme[9]. Mais dans les pays latins, le catholicisme n’était pas en reste et même anticipait dans l’Italie du Nord de cette évolution[10] 

Lucas Cranach – Christ bénissant les enfants, vers 1545 

Les régimes fascistes ou islamiques ont beaucoup moins de passion pour l’enfant et les femmes, et peut-être même pour l’économie. Les nazis ne se gêneront pas pour gazer des enfants et leurs mères par millions, les déporter, les maltraiter au nom d’une nécessaire purification de la race. Mais on sait aussi qu’ils se révéleront le plus souvent païens et regarderont la religion comme une entrave à l’émancipation des temps.  En même temps qu’ils se comporteront comme les ennemis du genre humain – ne sont-ils pas les premiers « transhumanistes » en se proposant de corriger l’œuvre bien imparfaite de Dieu – ils feront l’apologie de la technique, de la production des armes jusque dans la confection et le fonctionnement des camps, comme si un projet supérieur à la protection de la vie humaine devait être mis en œuvre par tous les moyens. On verra d’ailleurs que dans l’imagerie nazie, ce n’est pas l’enfant qui est mis en valeur au cœur du projet, mais le jeune homme, l’adolescent imberbe et asexué. Dans les images ci-dessous, on voit que non seulement il n’y a pas d’enfant, mais qu’en outre, les pères et les mères ont disparus ! L’ordre ancien, père, mère, enfant, la famille mononucléaire, sera restauré après la Libération. Mais ce sera le Parti Communiste Français qui s’en chargera, car si Pétain et Vichy faisaient évidemment la promotion de la famille, de la patrie et du travail, dans les faits ils ne s’activèrent guère dans ce sens, bien au contraire, ce régime corrompu avait franchi un palier dans l’étalage de ses turpitudes[11]. Ce sont au contraire les communistes qui feront la Sécurité sociale, en donnant une large place à la famille et à l’enfant, avec les fameuses allocations familiales[12]. Maurice Thorez et sa femme donneront l’exemple en poussant leurs propres enfants sur le devant de l’image à la fois comme un bouclier et pour représenter l’avenir[13]. 

Entre le nazisme et le communisme à la française, le changement de ton de la propagande est radical 

Le pays où « l’enfant-roi » a été mis en avant de manière systématique, ce sont les Etats-Unis, pays extrêmement conditionné par des certitudes religieuses d’un autre âge. Mais l’enfant en se mariant avec l’idée du marché devient un élément à part entière de la croissance économique. Dans le développement de la société de consommation de masse, l’enfant est la motivation pour la production de nouvelles marchandises, friandises, hamburgers, jouets, vêtements, etc. mais il va devenir aussi tout naturellement le support ou la caution morale de consommation douteuses. Ci-dessous on voit la publicité pour Philip Morris. Le dessin est très soigné, mais surtout il s’inspire des images saintes, de la Vierge protégeant l’enfant. Les plus attentifs auront remarqué que cette image est la même et a les mêmes fonctions que celle de Kouchner prenant dans ses bras un petit vietnamien. Que ce soit dans le cas de Kouchner ou de Philip Morris, le but est le même : mentir sur le produit qu’on espère vendre aux clients ! Que ceux-ci payent avec de l’argent ou avec des votes. Nous restons dans le domaine de la marchandise et de la propagande. Cependant le marché évolue, et on ne peut plus vendre des cigarettes pour cause de cancer, alors on va vendre autre chose. De la malbouffe comme on dit, ou alors de la bonté d’âme, et là c’est le rôle principal des ONG qui rackettent et culpabilisent ceux qui ont les moyens. Notez que c’est une façon de reprendre la main sur le plan de la morale à l’Etat qui est considéré par le marché comme « amoral ». Un comble ! 

 

Toujours en appuyant sur la culpabilité intrinsèque de l’homme – et de la femme qui copinait avec le serpent, ne l’oublions pas – on nous demande de sauver les enfants. En somme il s’agit de se racheter. Le terme de rachat est bien compatible avec la logique du marché. Les ONG sont les championnes du monde de la culpabilisation de masse. Comment se laver du péché ? En donnant de l’argent, en se dépouillant de ses biens. Martin de Tours partageant son manteau pour atteindre la sainteté. Save the children est une puissante ONG qui réclame de l’argent en permanence, jusque dans les distributeurs de billets ! Ce faisant elle ravive la charité comme un idéal. Cette ONG a été créée en 1919, rapidement elle devint une puissance internationale, et cette puissance à encore augmenter avec le retrait progressif des Etats et la mondialisation. Tout cela grâce aux petits enfants du Tiers Monde. Elle a même payé l’ineffable Ken Loach pour qu’il fasse un film dédié à sa gloire, The Save the Children Fund Film. Son budget est estimé par elle-même à 2,2 milliards de dollars. L'ancienne PDG de Save the Children International, Helle Thorning-Schmidt, a reçu 309524,12 USD en 2018 ! Elle met au cœur de ses employés une logique de compétitivité et de performances[14]. Sauver des enfants c’est leur marchandise en quelques sorte. Mais cela permet aussi de développer une philosophie politique mondialiste.

Tout cela ne l’empêche pas d’être secouée par des polémiques sur sa collusion avec les passeurs de migrants qui se font un fric fou avec les migrants. Cette affaire est intéressante parce qu’elle montre que cette ONG – mais les autres aussi sans doute – a d’autant plus d’importance qu’elle gère un grand nombre de miséreux. Si le nombre de pauvres se tarissait, alors son chiffre d’affaire s’effondrerait. Mais comme pour vendre des Kinder ou des MacDo, l’image de l’enfant est décisive et doit suggérer la pitié. C’est ce qui aide le consommateur à se sentir responsable de ceux qu’il croit plus faible que lui !

 

 

Les dictateurs aiment les enfants, c’est bien connu

 

Bonus :

 

En ce moment on essaie de nous faire pleurer par tous les moyens sur le sort de malheureux réfugiés qui fuient la guerre et qui tentent de pénétrer en Europe. Voici un exemple de ce que diffuse la propagande erdoganienne et les ONG alliées : 

 

Sur cette image on se dit que franchement c’est une honte que de laisser se noyer des femmes et des enfants. Mais en réalité, c’est une question de cadrage et de découpage. Voici l’image un peu plus complète : 

 

Evidemment c’est différent. Parce que se noyer avec 40 cm d’eau et avec des gilets de sauvetage, c’est tout de même assez fort[15]. Au passage on remarquera que le cadrage permet toujours une lecture différenciée de la réalité. 



[1] https://twitter.com/i/status/1234743910334754819

[7] Mathieu, 19 : 14

[8] Genèse, 1 : 28

[9] C’est la thèse attribuée à Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme [1905], Plon, 1964.

[10] Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Armand Colin, 3 tomes, 1979.

[11] Patrick Buisson, 1940-1945 : années érotiques, 3 tomes, Albin Michel, 2008-2011

[13] Danielle TARTAKOWSKY, « Cultures communiste et socialiste à l'époque du Front populaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15 mars 2020.

[15] Je dois cette séquence à Olivier Delorme, qu’il en soit remercié ici.

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