dimanche 16 mai 2021

Note sur la situation en Israël et dans les Territoires palestiniens

 

Paris manifestation du samedi 15 mai 2021 

Samedi 15 mai 2021 on a beaucoup manifesté pour la Palestine et évidemment contre Israël. Malgré le très grand nombre d’organisations qui avaient appelé à ces manifestations, il n’y avait pas beaucoup de monde[1]. On s’est retrouvé dans une alliance maintenant récurrente entre les gauchistes d’ATTAC, du NPA, les Antifas et des organismes comme l’Association des Palestiniens d’Île de France ou l’AFPS, les BDS ou le Collectif Palestine Vaincra plus proches des mouvances salafistes. Ces manifestations dont seule celle de Paris était interdite ce qui a permis à certains de crier au scandale[2], devaient d’abord commémorer la Nakba, mais elles ont cru pouvoir reprendre des couleurs avec le conflit qu’Israël et le Hamas ont engagé ces derniers jours. Le Hamas avait l’intention d’ouvrir les hostilités, et les expulsions des familles arabes de Jérusalem Est sont tombées à point nommé pour justifier les bombardements depuis Gaza. Beaucoup ont préféré relier les bombardements israéliens aux expulsions, mais peu ont fait le lien avec la commémoration de la Nakba qui, de manière récurrente est un prétexte pour le Hamas à des attaques contre Israël. Cette agitation appelle de nombreuses remarques. La première est qu’aujourd’hui on est sommé en France de prendre parti pour Israël ou pour la Palestine – en vérité pour le Hamas et même pas pour le Fatah qui est resté très en retrait dans cette affaire. Il y a donc bien une importation du conflit sur notre territoire. En effet les maigres troupes qui ont manifesté samedi, ne manifestent pas contre les Turcs lorsque ceux-ci massacrent les Kurdes et les chassent de leurs villages pour les remplacer, annexant de fait une partie de la Syrie. Ils ne manifestent pas non plus contre la junte birmane qui instaure une dictature violente et meurtrière. Mais ils sont là toujours pour la Palestine, même si celle-ci est représentée par le Hamas mouvement fascisant et anti-féministe. Avec comme but de démontrer que les Israéliens et les nazis, c’est du pareil au même. La chronologie des faits montre que dans l’embrasement de la région, c’est bien le Hamas qui a commencé par balancer des roquettes sur Israël avant que celui-ci ne riposte. Entre lundi et vendredi dernier, c’est plus de 1500 roquettes qui ont été tirées depuis Gaza, on parle de roquette, mais ce sont des missiles mortels s’ils atteignent leur but. Le fait que les Israéliens déplorent moins de morts dans ce conflit que les Palestiniens tient d’abord à l’efficacité du système Dôme de fer qui permet de détruire 90% des missiles tirés, mais ensuite au fait que pour le Hamas c’est un titre de gloire que d’avoir des morts car cela renforce la victimisation du peuple palestinien. Le monde, pourtant peu suspect de position pro-israélienne, analyse la tactique du Hamas dans l’engagement de ce conflit comme une volonté de prendre la place du Fatah dans le leadership sur l’opinion palestinienne[3].

  

Ce conflit a indirectement contribué, ces dernières cinquante années, à détruire la gauche, éloignant d’elle ceux de ses électeurs qui avaient aussi bien des sympathies pour Israël que de la répulsion pour les mouvements islamistes radicaux. En effet, même si on n’a pas de sondages récents sur la question, il semble que la population française soutienne de moins en moins la cause palestinienne, et d’autant moins que celle-ci est représentée de plus en plus par le Hamas, un islamisme radical. Tout le monde n’est pas aussi bête qu’Alain Badiou pour croire à la capacité révolutionnaire du Hamas. Le gauchiste ordinaire vous dira cependant que le Hamas a bombardé Israël depuis Gaza parce qu’à Jérusalem-Est les Israéliens tentent de récupérer des maisons qui appartiendraient à des Palestiniens. Il y a des titres de propriétés qui sont brandis par les Israéliens qui visent à prouver cela, mais nous n’en savons pas plus. En la matière la situation est très confuse, et il m’étonnerait bien que les gauchistes qui manifestent leur soutien au Hamas en sachent plus que moi sur cette question. Il semble que l’attaque du Hamas contre Israël était programmée bien avant ces expulsions. Mais quoi qu’il en soit, ce qui se passe à Jérusalem-Est ne peut pas justifier le tir en une semaine d’à peu près 3000 roquettes en quelques jours sur des cibles civiles en Israël[4]. Les Palestiniens qui se plaignent d’être affamés par Israël dans Gaza ont pourtant les moyens d’acheter des missiles sur le marché international de l’armement. A l’international le Hamas n’a guère trouvé d’appui dans son entreprise. Joe Biden a avancé qu’Israël avait bien le droit de se défendre[5], des pays comme l’Allemagne et l’Autriche ont dressé le drapeau israélien. Pire encore, si le Qatar – soutien des Frères Musulmans – a manifesté sa solidarité avec les Palestiniens du Hamas, les Emirats Arabes Unis ont condamné les actions de ce parti extrémiste et dressé eux aussi le drapeau israélien au côté du leur. Le Hamas est un vrai repoussoir, notamment en France où les exactions de musulmans radicalisés conduit la très grande majorité des Français à considérer que l’Islam n’était pas compatible avec les lois de la République[6]. Et évidemment pour beaucoup soutenir la Palestine revient à soutenir le Hamas. Les outrances des défilés anti-israéliens, on a encore entendu des Alloua Akbar dans le cortège parisien, et des morts aux juifs ne peuvent pas vraiment être acceptées en France. Mais il y a aussi le fait que pour la plupart des Français l’antisionisme est exactement un antisémitisme. Les « gens de gauche » tentent bien de faire diversion sur ce vocabulaire, en essayant de montrer qu’on peut très bien être antisioniste sans être antisémite[7]. Ne rentrons pas dans le détail, mais si nous partons de l’idée que le sionisme est bien l’idée de créer un Etat pour les Juifs en Palestine, tous ceux qui soutiennent cette idée sont sionistes. L’ONU en 1948 était sioniste en reconnaissant la légitimité de la création de l’Etat d‘Israël en Palestine, Staline également puisqu’il a été un élément déterminant dans ce processus. Et plus généralement la gauche de cette époque. Peut-être cette gauche-là se souvenait elle que les Palestiniens avaient été sous la houlette de Mohammed Amin al-Husseini alliés avec Hitler au point d’armer des bataillons pour combattre les Russes et le communisme. 

Lille le samedi 15 mai 2021

L’antisionisme est la question décisive et pas seulement parce que le plus souvent il cache un antisémitisme qui ne veut pas dire son nom. En effet, il signifie la fin de l’Etat d’Israël, dans les cortèges pro-palestiniens, outre qu’on fait hâtivement l’amalgame entre Israël et un régime nazi ou un régime d’Apartheid, on entend souvent réclamer dans les cortèges la création d’un Etat unique où Arabes Israéliens, Juifs Israéliens et Palestiniens vivraient ensemble sous un gouvernement unique. Cet Etat s’appellerait la Palestine et Israël n’existerait plus. C’est l’option trotskiste depuis plus de cinquante années, un temps soutenu par certains Palestiniens qui pensaient que la démographie à terme leur serait favorable et leur assurerait une hégémonie sur la Palestine. Cette position idéologique est évidemment antinomique avec l’idée de deux Etats séparés protégés par des frontières sûres. La logique aurait voulu qu’on aille vers cette dernière solution, et au début des années 2000 c’est ce qu’on croyait qui allait se passer avant le revirement de Yasser Arafat consécutivement au lancement de la Troisième Intifada. Elie Barnavi avait par la suite proposé qu’Israël trace lui-même les frontières des deux Etats unilatéralement. Il reste un des derniers à penser que cette voie est toujours la seule possible[8]. Mais les politiciens du Likoud ont choisi la plus mauvaise des solutions, le pourrissement. Netanyahu a toujours défendu cette idée selon laquelle Israël pouvait très bien se passer de deux Etats du moment que la sécurité était assurée. Le calme relatif de ces dernières années semblait lui donner raison, mais aujourd’hui, même si la défaite militaire du Hamas est programmée, on peut douter du bien-fondé de cette stratégie. Si à long terme la stratégie du gel de la situation n’a pas de sens, et si la solution d’un seul Etat palestinien n’en a pas non plus, il ne reste que celle de deux Etats bien séparés. 

Rouen le 15 mai 2021 

Le conflit israélo-palestinien date maintenant de plus de 50 ans, il remonte à la Guerre des Six jours qui a vu la défaite des nations arabes – Egypte, Jordanie, Irak et Syrie principalement – mais en même temps cela a été l’émergence de l’idée d’une nation palestinienne. Souvent on entend dire que les Palestiniens n’existaient pas en tant que tel et en tant que nation. C’est assez vrai, d’autant que les pays arabes qui entouraient Israël faisaient d’abord la guerre pour leur propre compte, sans prendre en considération les problèmes des Arabes de Palestine, espérant au passage récupérer des territoires. Mais ces Arabes de Palestine sont maintenant divisés en deux, voire en trois. Il y a les Arabes israéliens qui ne veulent pas abandonner leur statut d’Israéliens et passer sous la tutelle du Hamas ou du Fatah et donc devenir Palestiniens. Puis il y a les Gazaouis, sous domination du Hamas et qui en subissent les conséquences. Et puis il y a les Palestiniens de Cisjordanie qui sont tout autant éloignés des Gazaouis que des Arabes israéliens et qui ont une peur bleue du Hamas car ils savent ce qu’ils perdraient en termes de liberté. La stratégie du Hamas visant à attaquer Israël pour unifier sous son drapeau les Arabes de Palestine nous semble vouée à l’échec du fait de la diversité de cette population, et même si beaucoup de Palestiniens ont un légitime ressentiment face à la politique erratique de Netanyahu et du Likoud.  En ces temps troublés, il aurait été mieux, à gauche, de faire des propositions sérieuses pour faire avancer la question de la paix au Proche Orient plutôt que de hurler des insultes contre les Israéliens et les Juifs en général, et d’adopter le point de vue du Hamas sans trop de réflexion. Car si les Palestiniens ne sont même pas unis dans l’idée de ce qu’ils voudraient faire, on voit assez mal comment ils pourraient finalement jouer un rôle positif. Car la paix ça signifie de se mettre autour d’une table qu’on soit Palestinien ou Israélien et de faire des propositions sérieuses, acceptables pour les deux parties. Il y en a, nous connaissons des groupes comme ça qui ont avancé des solutions sur les échanges de territoires, sur Jérusalem et même sur la question des réfugiés. Il y a par exemple le Groupe d’Aix qui rassemble à parité des Israéliens et des Palestiniens[9] et qui est parti de la question économique pour résoudre un à un les problèmes. Ses nombreuses publications sont très riches et avancent des solutions pratiques. Mais on chercherait en vain chez les politiciens français une réflexion qui irait un peu au-delà du soutien aveugle aux Palestiniens ou aux Israéliens et qui avance dans les propositions. Ce vide qui résulte d’une grande paresse intellectuelle, mais aussi il faut bien le dire d’un antisémitisme latent, explique certainement la faible mobilisation des manifestations pro-palestiniennes qui ne sont vues que comme une tentative d’importer un conflit étranger chez nous, alors même que nous sommes en conflit sur notre sol avec un islamisme revendicatif. 

Bruxelles 15 mai 2021 

Les slogans propalestiniens se sont renouvelés dans la forme tout au moins, ils montrent une inflexion end eux sens d’abord ils sont souvent écrits en anglais, Free Palestine. Mais ensuite les revendications si elles restent centrées sur la colonisation israélienne et sur l’idée absurde d’Apartheid, on voit apparaitre des revendications d’un Etat Palestinien qui irait de la Méditerranée au Jourdain. Ce n’est pas un hasard, ces slogans portés par les trotskistes et les islamistes radicaux sont dans la lignée de la philosophie du Hamas qui aboutit forcément à la négation d’Israël. Il est probable que dans ce revirement Trump y est pour beaucoup quand l’an dernier il refusait de négocier quoi que ce soit avec les Palestiniens du Fatah. On voit la configuration politique qui se forme, de Netanyahu aux trotskistes, en passant par le Hamas, elle est unie finalement sur un seul point, le refus des deux Etats. Chacun pensant sans le dire que ce seul Etat aboutira soit à une domination des islamistes comme conséquence d’une guerre des ventres, soit à la domination juive sur l’ensemble de la Palestine par le moyen d’une forme larvée d’Apartheid. On voit également des gauchistes brandir des pancartes, arguant qu’Israël violerait les droits de l’homme. Mais ces mêmes gauchistes ne se posent pas de question quant au droit des femmes dans la bande de Gaza par exemple. On a déjà joué cette pièce en 1979 quand Michel Foucault défendait la révolution des mollahs et approuvait l’obligation pour les femmes de porter le voile, il fut de ceux qui aiderait à l’enterrement de la cause féminine dans les pays mausulmans à un moment où justement il aurait fallu plutôt soutenir ces femmes qui se battaient si courageusement. Il ne semble hélas que le temps n’ait rien fait à l’affaire et on en est au double standard en matière de droits de l’homme. 

A Grenoble on milite aussi pour un seul Etat palestinien

Il est évident que la situation est très compliquée, et nier les problèmes rencontrés par les Palestiniens serait malhonnête. Mais l’exagération ne peut pas remplacer l’analyse, l’indignation plus ou moins surjouée pour masquer un antisémitisme d’un autre temps non plus. La plupart des gauchistes qui hurlent avec le Hamas ne savent rien de l’histoire de la Palestine, ni de son peuplement. Mais le Juif étant par définition coupable d’impérialisme, il faut le condamner. Le Hamas n’a pas engagé cette action militaire au hasard, c’est que la cause palestinienne n’est plus soutenue par les Etats arabes à quelques exceptions près. Ceux qui la soutiennent encore ce sont des Etats par ailleurs en grande difficulté comme la Turquie, l’Iran bien entendu ou encore le Qatar.

Manifestation à Guingamp le 15 mai 2021


[1] https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/paris-75000/malgre-l-interdiction-la-manifestation-de-soutien-a-la-palestine-debute-a-paris-946df682-b578-11eb-beb9-e51cc066fa02

[2] https://www.bfmtv.com/paris/manifestation-pro-palestinienne-interdite-a-paris-trois-avocats-deposent-un-refere-liberte_AN-202105140120.html

[3] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/15/le-hamas-veut-imposer-a-israel-un-nouveau-rapport-de-force_6080298_3210.html

[4] https://www.lci.fr/international/tensions-proche-orient-pres-de-1500-roquettes-tirees-sur-israel-depuis-gaza-en-trois-jours-qui-finance-ces-armements-2186001.html

[5] https://www.lci.fr/international/video-jerusalem-tel-aviv-gaza-palestine-israel-a-le-droit-de-se-defendre-biden-a-parle-avec-netanyahu-et-espere-une-resolution-rapide-du-conflit-2185951.html

[6] https://www.europe1.fr/societe/selon-un-sondage-ifop-pour-le-journal-du-dimanche-78-des-francais-jugent-la-laicite-menacee-3927717

[7] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/05/pierre-andre-taguieff-tous-ceux-qui-se-disent-antisionistes-ne-sont-pas-antijuifs-mais-beaucoup-le-sont_5431381_3232.html

[8] https://www.lepoint.fr/debats/israel-palestine-la-fin-de-la-solution-a-deux-etats-vraiment-07-10-2020-2395377_2.php

[9] https://akadem.org/sommaire/colloques/israel-palestine-2020/les-travaux-du-groupe-d-aix-10-10-2013-54545_4503.php

2 commentaires:

  1. Conflit qui ne se résoudra jamais, là-bas et qui va avoir de plus en plus d'écho, ici, à cause de l'augmentation de la population arabo-musulmane dans l'hexagone.

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