samedi 22 mai 2021

Réflexions sur la manifestation des policiers le 19 mai 2021

 

Tout le monde s’est précipité pour soutenir la manifestation des policiers du 19 mai dernier. Tout le monde sauf Mélenchon qui fait tout pour se marginaliser un peu plus à la manière des trotskistes du NPA, au prétexte que les policiers ont participé en effet à une répression sociale d’une rare violence contre les soignants, les Gilets jaunes, les cheminots ou encore contre les cortèges de la CGT le 1er mai, ce qui n’est évidemment pas à leur honneur et qui ne peut pas être passé sous silence. Ayant longuement dénoncé les violences policières, je comprends donc tout à fait qu’on ne participe pas à cette manifestation. Il serait cependant erroné de dénoncer comme le fait bêtement Mélenchon les policiers comme des factieux et de procéder à un amalgame douteux. Fabien Roussel, candidat du PCF, a été un peu plus malin, il a soutenu la manifestation, y a participé, et s’est fendu d’un article dans L’humanité pour mettre en avant la question de la sécurité, suggérant quelques pistes pour une police de proximité[1]. Olivier Faure du PS lui a emboité le pas, Jadot également. Certains ont donc compris que la gauche ne pouvait pas laisser toujours la question de la sécurité à la droite et à l’extrême droite. Pour les Français, la sécurité et l’immigration sont deux questions décisives. Et du reste ils relient ces deux problèmes. L’immigration de masse est vue comme une cause de l’insécurité croissante qui règne dans les quartiers. Les assassinats de policiers, notamment celui d’Avignon, Éric Masson qui a été apparemment abattu par Chayd Maya, un revendeur de drogue, ont mis encore un peu plus les policiers sous tension. Essayons de mettre un peu d’ordre. D’abord et contrairement à ce que raconte depuis des années Laurent Mucchielli qui traficote les chiffres, la hausse de la délinquance et donc de l’insécurité n’est pas seulement un sentiment, c’est aussi une réalité qui est avérée par les données du ministère de l’intérieur, mais aussi par la récurrence des émeutes dans les banlieues, avec des caillassages de pompiers, des voitures brûlées, etc. S’il y a encore quelques années ce genre de fantaisie était très localisé autour de Paris ou autour de Lyon, depuis les zones de non droit se sont étendues. On l’a encore vu récemment avec ce qui s’est passé dans la cité de La Gabelle à Fréjus[2]

 

Le sentiment d’incompréhension de la population est d’autant plus fort que quelques ubuesques décisions de justice ont semblé relever du laxisme des juges. Par exemple un trafiquant de drogue arrêté avec 14 kg de cannabis qu’il ramenait d’Espagne, a été remis en liberté par des juges qui ont considéré que sans interprète cet individu ne pouvait pas se défendre[3]. De la même manière, la Cour de cassation ayant déclaré que le fait d’avoir fumer du cannabis était peut-être une circonstance aggravante dans le meurtre antisémite de Sarah Halimi, mais que cela ayant annihiler son discernement, l’assassin ne pouvait pas être jugé[4]. Beaucoup craignent que ce jugement engendre une jurisprudence qui minerait encore un peu plus la méfiance des policiers et des Français dans la justice, et que les avocats pénalistes ne s’engouffrent dans cette brèche chaque fois qu’ils doivent défendre un criminel. Comme dans bien d’autres domaine massivement les Français considèrent que Macron et ses ministres ont échoué aussi sur la question de la sécurité. En effet on trouve au moins les deux tiers des Français toujours mécontents de la politique économique, sociale, sanitaire, migratoire ou sécuritaire. La manifestation des policiers doit d’abord être vue comme le résultat de l’incompétence macronienne en matière de sécurité, au lieu de la regarder comme une tentative de l’extrême-droite de réaliser un coup d’Etat. Quoi qu’on pense des policiers, cette histoire montre que le gouvernement est incapable de tenir sa police. Il faut remonter au 13 mars 1958 pour trouver une manifestation de cette ampleur, soit avant le retour du général de Gaulle aux affaires[5]. Cette question est décisive. En effet depuis 2017 Macron a utilisé la police pour faire passer ses réformes antisociales, avec une sauvagerie jamais vue auparavant. Mais en même temps qu’il fatiguait les policiers, samedi après samedi, il délaissait de fait la sécurité dans les quartiers dits sensibles où tout semblait devenir permis. 

 

Au nom de la rationalisation des choix budgétaires, Sarkozy avait diminué le nombre de policiers, arguant du développement des polices municipales. Mais il faut le rappeler aussi ce même Sarkozy avait démantelé les services de renseignements, fragilisant le pays dans la lutte contre l’islamisme radical et aussi le trafic de drogue. Hollande avait un peu redressé la barre. Mais tout n’est pas qu’une question de budget et d’effectifs. Comme on l’a dit ci-dessus, il y a une utilisation des moyens qui est contestable. Les Français cependant font encore moins confiance à la police – à peine un gros tiers la soutient[6] – qu’à la Justice – un français sur deux la juge positivement[7]. Au bout de quatre ans de mandats, les principales fonctions régaliennes sont dans l’impasse : la justice est décriée mais ne se prive pas d’envoyer des piques à Macron et à sa bande, la police conteste la façon dont on se sert d’elle et les conséquences qui s’ensuivent, l’armée est presqu’en rébellion ouverte comme on l’a vu avec les deux tribunes des militaires, très largement approuvées par les Français[8]. Si Mélenchon veut voir dans tout cel une manipulation de l’extrême-droite avide d’un coup d’Etat, cette vision de la réalité n’est pas partagée par les Français dans leur ensemble : elle isole toujours un peu plus le candidat de la France Insoumise. La participation de Darmanin à la manifestation des policiers a été catastrophique sur deux plans :

– d’abord elle a démontré que Darmanin était un ministre encore plus impopulaire que Castaner et Collomb. Même le journal Le monde reconnaissait que le locataire de la rue Beauvau n’était pas à sa place et avait échoué à donner un cap à son action ;

– ensuite le fait que le ministre de l’intérieur participe à une manifestation de policiers contre le ministre de l’intérieur a donné un aspect surréaliste à cette journée. C’était la démonstration que le gouvernement n’avait plus la maitrise de quoi que ce soit. 

 

Dans la perspective des élections de 2022 on prêtait à Macron la volonté de droitiser encore plus son programme de droite extrême en se déportant sur la question de la sécurité. Mais c’est peine perdue. Le gouvernement a dû, jeudi 20 mai, sous la pression des policiers, faire voter ses députés croupions contre son propre amendement ! Autrement dit Dupont-Moretti s’est prononcé lui-même contre son propre texte[9] ! La crédibilité de Macron sur les problèmes de sécurité va être proche de zéro. Ce qui évidemment va donner de l’air à Marine Le Pen. Le problème de Macron, c’est qu’il n’a plus le temps d’ici aux élections de 2022 de changer ces deux ministres emblématiques de sa propre incompétence. Tout va dépendre du résultat des élections régionales. Si on s’attend à ce que les macroniens subissent une nouvelle défaite, on ne sait pas encore l’ampleur que celle-ci aura. Le même jour, le Conseil constitutionnel retoquait le fameux article 24 de « la loi pour une sécurité globale préservant les libertés ». Cette nouvelle défaite de Darmanin montre que les macroniens dans leurs réformes ubuesques n’arrivent à rien, et que cette frénésie législative a du point de vue de la communication des effets contre-productifs. Ce qui repose l’éternelle question de savoir si on ne pourrait pas tout de même améliorer la situation en gérant un peu mieux les moyens mis à la disposition sans passer par la production d’une énième loi. Mais pour cela il faudrait que Macron et son gang cessassent de harceler les syndicats, les soignants et les grévistes et révisent leur ordre de priorité dans l’usage des forces de l’ordre.


[1] https://www.humanite.fr/droit-la-securite-fabien-roussel-defend-une-police-nationale-de-proximite-707773

[2] https://www.lefigaro.fr/flash-actu/nuit-de-violences-urbaines-a-frejus-20210509

[3] https://www.lepoint.fr/faits-divers/arrete-avec-14-kg-de-drogue-il-est-libere-pour-defaut-d-interprete-15-05-2021-2426573_2627.php.

[4] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/affaire-halimi-l-etrange-revirement-de-la-cour-de-cassation-20210426

[5] https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2016/10/21/26010-20161021ARTFIG00307-colere-des-policiers-la-grande-manifestation-du-13-mars-1958.php

[6] https://www.cnews.fr/france/2020-12-03/sondage-pour-37-des-francais-la-police-inspire-de-la-confiance-1023751

[7] https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/sondage-exclusif-1-francais-sur-2-n-a-plus-confiance-en-la-justice_2105235.html

[8] https://www.lefigaro.fr/tribune-des-militaires-apres-les-polemiques-le-general-lecointre-cherche-l-apaisement-20210511

[9] Le monde, Samedi 22 mai 2021.

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Les politiques et les citoyens peuvent défendre la police et opter pour le thème de la sécurité des citoyens sans pour cela manifester devant l'assemblée nationale à côté de syndicats policiers, policiers qui ont justifié toute forme de violence policière. On peut très bien le faire en dénonçant les suicides, le manque de moyens humains et financiers de la police comme ceux de la justice. Des députés communistes, d'anciens élus n'étaient pas présents à cette manifestation. Merci de votre attention.

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