mercredi 17 novembre 2021

Eric Zemmour collaborateur à retardement et l’anti-France

 

Zemmour est un sinistre individu qu’on peut situer à la droite de Jean-Marie Le Pen, tellement à droite que ce dernier vient de le renier, le trouvant pas à la hauteur, et disant qu’il préférait sa fille[1]. Autrement dit, à droite, après Zemmour il n’y a plus rien. Je n’avais pas lu Mélancolie française un de ses ouvrages qu’il avait publié en 2010 aux éditions Armand Colin. Je ne lis pas tous les livres qu’il écrit aussi mal qu’il pense. Grâce à un ami, j’ai pu retrouver le passage suivant que je vais commenter.

« La défaite de Waterloo, et le traité de Vienne, si admirable aux yeux germanophiles d’Henry Kissinger, nous conduisaient inéluctablement au déclin et à l’histoire tragique du XXe siècle. Seule la victoire de Napoléon aurait pu nous épargner ce désastre. Ou alors la victoire totale de l’Allemagne à l’été 1914. Dans ce contexte tragique, notre plus grave « erreur » fut sans doute notre victoire héroïque de la bataille de la Marne. Alors, nous aurions économisé un million et demi de vies, sans oublier les 200 000 militaires et 400 000 civils de la Seconde Guerre mondiale. En cas de défaite française dès 1914 (à défaut de victoire en 1815), pas de révolution russe, pas de fascisme, pas de nazisme, pas d’holocauste des Juifs, pas d’intervention américaine en 1917 ni en 1944. La pax germanica aurait régné sur le continent. Une autre guerre aurait continué entre l’empereur d’Allemagne et le roi d’Angleterre, son cousin germain ; une guerre qui aurait préfiguré celle de 1940 ; ce sempiternel affrontement entre la terre et la mer dont Napoléon et la France avaient cru sortir vainqueur. Amère uchronie. »

Les zemmouriens nous diront que ce long passage bouffon est sorti de son contexte, et qu’il ne veut pas dire ce qu’il a écrit, etc. C’est toujours comme ça avec les soutiens des plus répugnants des idéologues. On nous dit qu’on a mal compris. Mais en vérité ce passage est en relation directe avec le pétainisme rétroactif de Zemmour – pétainisme fondé sur un révisionnisme historique, lui-même basé sur des mensonges à répétition. Le passage que je viens de citer appelle plusieurs remarques quant à l’incohérence de cet histrion. Le premier point est que le décliniste Zemmour nous dit qu’au fond le déclin de la France a commencé avec la défaite de Napoléon et a été aggravé par la victoire des Français sur l’Allemagne en 1918. C’est l’idée confuse selon laquelle les révolutionnaires de 1789 avaient détruit la France des rois que Napoléon avait essayé de restaurer. Dans d’autres ouvrages, Le suicide français, Zemmour nous dit que le déclin de la France provient des soixante-huitards. Pour le déclin on a donc droit à une troisième version : si les Français n’avaient pas battu les Boches, on aurait eu un superbe régime sous la direction de l’Allemagne et cela nous aurait évité le Front populaire. Les soldats français auraient donc dû par patriotisme se laisser battre à Verdun. En matière de patriotisme on peut trouver facilement beaucoup mieux que Zemmour. La rhétorique zemmourienne suppose que sans la victoire française, il n’y aurait pas eu de révolution russe ni de Front populaire en France. Les bons bourgeois défilaient dans les années trente contre le Front Populaire et le Juif Léon Blum. Leur cri de ralliement était « Plutôt Hitler que le Front populaire », ils ont été entendus au-delà de leurs espérances, avec les conséquences qu’on connaît. 

Les poilus sont morts et ont souffert au nom de la patrie 

L’imbécilité de Zemmour est de croire que les « accidents de l’histoire » arrivent par hasard, et qu’en diffusant le savoir – le sien bien entendu – on pourra à l’avenir les éviter et marcher vers l’avenir radieux. Si ma tante en avait… on connait la chanson. Il est de ceux qui pensent évidemment qu’en 1789 on aurait pu s’éviter une révolution en courbant un peu plus la tête. C’est méconnaitre l’histoire que de croire qu’elle trouve sa raison dans les caprices d’un idiot. Dans ce texte honteux qui insulte au passage les Poilus qui ont laissé leur peau, on reconnaît la patte de celui qui n’a pas fait son service militaire au prétexte d’une arthrite au genou[2]. De l’armée Zemmour s’en moque un peu, n’étant pas souverainiste, mais européiste, or évidemment l’armée est le bouclier de la République, mais Zemmour n’aime pas le concept de République. Les hommes qu’il admire, c’est Napoléon qui voulut créer un Empire au niveau du continent européen, mais ce fut un échec cinglant, et très coûteux en hommes puisqu’on parle de 3,5 millions de morts. On voit bien qu’il aurait admis dans la confusion mentale qui est la sienne une grande Europe allemande à laquelle Pétain prétendait s’associer. Rêvant qu’il est blond, aryen, athlétique aux yeux bleus, ce méchant croquemort tente d’imposer une histoire alternative fondée sur des mensonges et des contradictions, admirant Pétain parce qu’il était un ennemi de la République et un tenant de la collaboration avec le projet nazi, il oublie volontairement le sort qui avait été fait aux Juifs, français comme étrangers, pendant l’Occupation. Il cache que le projet de statut des Juifs a été aggravé de la main même du Maréchal félon[3]. Il n’est pas le seul à mentir dans cette tentative répugnante de réhabilitation de Pétain, Macron avait fait la même chose en reprenant la fable selon laquelle il aurait été un grand soldat[4]. Zemmour oublie que Pétain avait déchu de la nationalité française ses propres parents, et que sous la férule d’icelui, on l’aurait sans doute déporté. 

Le gouvernement de Vichy avait organisé la rafle du Vel d’hiv, sans distinguer les Juifs français des Juifs étrangers 

Zemmour n’est ni républicain, ni patriote. C’est plus là son originalité que dans sa dénonciation de l’immigration, point sur lequel il n’a rien à dire de plus que Marine Le Pen par exemple. C’est un collaborateur dans l’âme qui ne pourra compter aux élections présidentielles du printemps prochain que sur les voix des descendants des vichystes, ce qui fait peu, quoi qu’on en pense. Les Français ayant tout de même la fibre patriotique, il est tout naturel que Zemmour soit la personnalité qu’ils détestent le plus.



[1] https://www.huffingtonpost.fr/entry/jean-marie-le-pen-prefere-finalement-sa-fille-a-zemmour-pas-a-la-hauteur_fr_6194b9d4e4b0ae9a4298fe9c

[2] https://www.vanityfair.fr/pouvoir/medias/story/enquete-eric-zemmour-le-joker-de-la-droite-extreme/11238

[3] Laurent Joly, L'État contre les juifs : Vichy, les nazis et la persécution antisémite, Grasset, 2018

[4] https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2018/11/07/25001-20181107ARTFIG00121-macron-petain-a-ete-un-grand-soldat-pendant-la-premiere-guerre-mondiale.php 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Poucette, Les vraies jeunes filles, Gallimard, 1955.

  C’est le premier et le dernier livre de Poucette, Nicola Ortiz née en 1933 et décédée en 2006. Publié en 1955, l’action de ce « roman » ...