samedi 1 avril 2023

Gallimard part en guerre contre la Russie : quand les éditeurs font de la politique

 

J’avais dénoncé il y a quelques semaines le militantisme forcené de la maison macronienne, Les éditions de l’Aube, non pas parce qu’ils défendent le point de vue de l’OTAN, mais parce qu’ils ne défendent que celui-ci, et que leurs livres sont tellement mauvais qu’ils tombent des mains – d’ailleurs ils ne se vendent pas[1]. Il est donc de mise aujourd’hui pour paraître engagé de soutenir l’Ukraine – le plus souvent sans savoir ce que c’est et où c’est – et de désigné la Russie comme l’agresseur, oubliant sans plus de retenue que la guerre a commencé non pas en février 2022, mais au moins en 2014 avec l’agression puis la défaite des armées de Kiev contre le Donbass. Gallimard qui dans le temps publiait tout ce qui se vendait en termes de collaboration – Drieu La Rochelle par exemple – puis qui fit son beurre avec les écrits du nazi Céline, vient de se ranger du côté de Washington et de l’atlantisme. Cette boutique vient de sortir trois « tracts » d’une médiocrité infinie. Écrits hâtivement par des imbéciles, ces petits textes ne convaincront que les idiots qui s’abreuvent en informations sur LCI – la chaîne ukrainienne en France – ou en lisant Le monde, relais direct de Washington. On a dans l’ordre, un pseudo-géographe qui pour avoir pourtant réfléchit jadis sur la notion de frontière, ne comprend toujours pas pourquoi celles-ci sont vouées à bouger avec le temps. Ensuite voilà Nicolas Werth, pseudo-historien, qui participa dans le temps à la compilation organisée par l’ancien maoïste russophobe, Stéphane Courtois, probable agent des américains, et propagandiste de la foi néo-libérale. Ce malheureux Nicolas Werth pour réécrire l’histoire dans une version qui plaira à ses maîtres, fait des sauts dans le temps, la Russie de Poutine et celle des Soviets, ce serait la même chose. Ce qui ne l’empêche par en utilisant le temps long quand ça l’arrange, d’oublier que le coup d’État du Maïdan a été organisé et financé par les Etats-Unis sous la houlette de Victoria Nuland, ou encore d’oublier que l’armée ukrainienne se préparait en février 2022 à envahir le Donbass en vue d’une épuration ethnique. Que Merkel et Hollande aient avoué avoir menti en affirmant que les accords de Minsk n’étaient qu’un leurre pour préparer l’Ukraine à la guerre, cet historien en carton s’en moque complètement, il ne vous en parlera pas. Et puis voici le médiocre Jonathan Littell, auteur d’un ouvrage très douteux et très controversé sur la Shoah, misérable prix Goncourt propulsé par Gallimard dont le savoir-faire en matière de prix littéraire est légendaire. D’une épaisseur intellectuelle faible, il ramène stupidement lui aussi la question à la personnalité de Poutine et à ses sautes d’humeur. Et on comprend, bien entendu si on n’est pas sot, que dès lors qu’on met en tête la personnalité de Poutine, c’est une escroquerie intellectuelle, parce que, ce faisant, on occulte toute discussion sur les origines de la guerre, sur le coup d’État en Ukraine fomente par les Américains, sur le martyre des populations russophones, ou encore sur les mensonges avoués de la doublette Hollande-Merkel. Tous ces tracts et libelles ne vous renseigneront pas sur le dynamitage du Nord Stream, ni non plus sur les bombardements régulier de l’armée ukrainienne sur des quartiers résidentiels dans le Donbass depuis neuf ans maintenant, et sur la Russie depuis maintenant six mois.

 

Le pitre Fukuyama qui s’est ridiculisé avec ses idées saugrenues de fin de l’histoire, en rajoute encore un peu, en montrant qu’il ne comprend pas pourquoi Poutine a fait dévier la trajectoire du temps qui justement nous aurait conduit vers l’avenir radieux d’un monde unipolaire et sans histoire. A ses médiocres informations sur la guerre en Ukraine, il ajoute une très mauvaise philosophie du temps. Vous me direz que L’Express, c’est la version hebdomadaire de la propagande atlantiste quotidienne du Monde. Le seuil est une maison d’édition généraliste qui de longue date était le compagnonnage de de l’antisoviétisme primaire, publicitaire de la gauche chrétienne, compatible avec l’économie de marché, elle publia aussi bien l’ignoble Cohn-Bendit que Michel Rocard et des ouvrages à la gloire de l’ivrogne Lech Walesa qui aujourd’hui avoue vouloir la destruction complète de la Russie avec la bénédiction du Pape. Le seuil fut aussi l’éditeur de Soljenitsyne. La voilà qui copie maintenant Gallimard, aux « tracts » de cette dernière réponde les « libelles », avec le même schéma, parler vite de ce qu’on ne comprend pas pour rester dans l’air du temps. Ils ont donc été cherché André Markowicz, traducteur de Gogol, Dostoïevski, Pouchkine, il a une rancœur particulière contre Staline, sa mère ayant été déportée. Mais cette rancœur se reporte aujourd’hui sur Poutine dont il adopte l’idée qu’il ne serait qu’un reflet de Staline. Lui aussi voudrait faire en sorte que la guerre en Ukraine face dévier la trajectoire historique de la Russie, autrement dit l’empêche de s’émanciper de la mondialisation. Il reprend donc les gémissements habituels de l’Occident global sur le thème de l’Ukraine martyrisée. Mais quelle Ukraine martyrisée ? Le Donbass, Kiev, Liv ? On ne sait pas. En outre il ne vous dire rien non plus du fait que justement à Kiev, les livres qu’ils traduits du Russe, Dostoïevski, Gogol, Pouchkine, etc. sont maintenant interdits de séjour dans les bibliothèques ukrainiennes ! Le seuil fait un coup médiatique, parce que c’est mieux d’avoir un russe dans le camp occidental, ça donne un air d’objectivité. 

 

Cette forme, tract et libelles, revendiquée, est un retour de l’éditeur militant. Celui qui éduque et guide avec ses mensonges et ses fables les masses égarées. J’ai dit tout le mal déjà que je pensais de Giuliano Da Empoli, cet individu membre évidemment de la Fondation Italie-Etats-Unis, donc un probable agent étatsunien, et qui en tant que tel n’exprime pas une opinion, mais récite un catéchisme pour nous dire combien les Russes et Poutine sont essentiellement mauvais. Da Empoli est un journaliste habitué à écrire dans les journaux mondialistes et européistes. Comme on le voit, en confondant édition et propagande, en prolongeant le travail de la presse occidentale sous contrôle, ce n'est pas de cette manière que les éditeurs français découvriront de grands écrivains russes, Gallimard enfermé dans sa logique mercantile et bienpensante, ne découvre plus rien depuis bien longtemps, et ne tient que parce qu’elle a un fond important et rachète les contrats en cours des écrivains qui percent. Il y en a pourtant, de très grands écrivains russes et de vrais éditeurs qui font leur travail. C’est ainsi qu’on a pu découvrir l’œuvre de Zakhar Prilepine, mais depuis un an maintenant, ces livres sont mis sous l’éteignoir. En dehors de son écriture, Prilepine est important pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’il n’est pas poutinisme, il est communiste, ensuite parce qu’il défend le Donbass contre le fascisme ukro-atlantiste. Et c’est en le lisant qu’on comprend si on n’est pas aussi borné que Giuliano Da Empoli que la question centrale de cette guerre, ce n’est pas Poutine, mais bien l’impérialisme américain qui a au fil des années étendu son emprise sur l’Est de l’Europe par OTAN interposé. Ces gens là font comme si la volonté d’adhérer à l’OTAN des nouveaux pays de l’Est était une ligne politique autonome décidée ailleurs qu’à Washington.

 

Dans un article récent Serge Halimi et Pierre Rimbert dénonçaient fort justement ce journalisme occidental qui se voudrait un parti politique[2]. Ils s’en prenaient entre autres à cette maladie mentale qui l’a induit à transformer Zelensky – le corrompu et menteur Zelensky – en une sorte de Saint et Martyr qu’il fallait avoir touché ou embrassé afin de guérir. La presse occidentale et surtout la presse française a occulté ce qui ne convenait pas à son récit – Le monde qui a la palme de cette transfiguration du réel, en est resté au fait que les sanctions économiques sont efficaces, arguant que cela se verra dans dix ou vingt ans, le journalisme rejoint ici Nostradamus dans la prévision hasardeuse ! – comme par exemple l’évidence que le sabotage des gazoducs Nord Stream est le fait des Etats-Unis. Mais le monde de l’édition vient maintenant de rejoindre ce parti moralisateur. La déferlante des « livres » sur l’Ukraine dont la plupart n’atteindront jamais leur seuil de rentabilité, s’apparente au coûteux film de propagande otanien « réalisé » par BHL, film qui comme on le sait est sorti, puis rentré tout aussi vite, dans une indifférence totale. Ce décalage entre le public et les marchandises qu’on lui vend, masque mal une volonté d’endoctrinement. La profession de l’édition a beau s’opposer à Bolloré dans son entreprise de mettre la main sur la production de livres[3], elle se comporte exactement comme lui. Il ne s’agit plus de diffuser un point de vue, mais de publier tellement de livres semblables qui vont tous dans le même sens, qu’un point de vue différent n’aura plus de place à la vitrine des libraires. Si les éditeurs ayant pignon sur rue se sont massivement engagés dans l’armée ukro-atlantiste, on remarquera qu’ils n’ont pas fait de même pour les autres guerres qui ont secoué le monde ces dernières décennies. 

 

Suite au mouvement des Gilets jaunes qui leur a fait si peur les gros éditeurs se sont lancés dans la politique comme un parti. S’ils n’ont rien dit de sérieux sur le mouvement en lui-même, ils ont pris l’affaire par l’autre bout, la critique du populisme. Ils faisaient ainsi d’une pierre deux coups, tout en rabaissant le peuple au niveau d’un ramassis d’imbéciles qui suivent bêtement n’importe qui, ils faisaient la promotion de la « gouvernance » européiste qui se passe si bien du peuple pour gouverner. Des idiots de village appellent encore aujourd’hui cet éloignement des « élites » du peuple la démocratie, on voit ce que ça donne avec le dictateur Macron qu'on qualifie seulement d'un « penchant autoritaire ». Seuls des petits éditeurs se sont lancés dans la défense du populisme et des Gilets jaunes, c’est souvent les mêmes bien entendu, mais ils ont du mal à trouver des relais dans les médias dominant qui sont le pilier du système en ce sens que, même s'ils ne sont pas respectés, rendent visible ce qui ensuite formera l'opinion publique. En 2019 Le monde et Les éditions de l’Aube s’étaient associés pour publier un livre sur les Gilets jaunes. Il s’agissait de Les Gilets jaunes à la lumière de l’histoire. C’était une longue interview de Gérard Noirel – immigrationniste forcené – par Nicolas Truong qui en réalité, sous couvert d’expliquer ce mouvement puissant de révolte par des embarras matériels, les inégalités, la hausse des prix, tendait à démontrer que les Gilets jaunes ne possédaient pas de conscience de classe. La cuistrerie de Noirel était évidente : il prétendait lui-même, directeur de recherches à l’EHESS, expliquait aux classes pauvres ce qu’est la conscience de classe ! S’il avait lu correctement Marx dont de temps à autre il se réclame, il aurait compris qu'il était illusoire de définir la conscience de classe en dehors de la classe elle-même ! Noirel au lieu de faire la leçon aux plus pauvres devrait d’abord se poser la question de savoir ce qu’il peut apprendre d’eux. Mais pour cela il aurait dû aller sur les ronds-points et dans les assemblées générales où se libérait enfin la parole prolétaire, il aurait apris beaucoup. Ce n’est pas pour rien que le quotidien atlantiste Le monde a publié sa longue interview. Noirel rejoint en effet la doxa dominante selon laquelle le peuple ne saurait seul, sans guide, prendre de bonnes décisions. C’est bien ce que disent les fascistes macroniens quand ils avancent qu’un référendum sur les retraites ne saurait être compris par le peuple.


[1] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2022/09/les-editions-de-laube-partent-en-guerre.html

[2] Le Monde diplomatique – mars 2023, « Les médias, avant-garde du parti de la guerre »

[3] Erik Orsenna, Histoire d’un ogre, Gallimard, 2023.

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