dimanche 7 juillet 2024

Résultats et analyses des législatives

 

La participation a été assez élevée sans être exceptionnelle, elle reste toujours à un niveau inférieur à ce qu'on a connu entre 1958 et 1997. La désaffection des électeurs perdure encore tout de même, malgré l'orchestration d'une campagne hystérique pour le barrage. Mais surtout l’éclatement de l’assemblée en trois blocs ne permet pas de dire que cela représenterait un vote d’adhésion à quoi que ce soit. Le dernier vote d’adhésion de des Français à une politique économique et sociale c’était en 1981. A cette époque le désir de changement était clair. Par la suite, après la trahison des socialistes qui se rallièrent piteusement en 1983 à la logique néolibérale de l’Union européenne, les élections se sont jouées continument sur la détestation plus ou moins forte d’un camp. Si par le passé les électeurs montraient leur détestation de la droite et de la gauche, aujourd’hui, ils ont montré la peur déraisonnable du RN. Cette peur se dissipera bientôt, sous l’effet de l’inaptitude de l’assemblée nouvellement élue à gouverner dans un sens qui améliorerait l’ordinaire des classes populaires. La logique des désistements masque l'ampleur de la défaite du gang Macron, mais aussi la faible adhésion à la gauche d'aujorud'hui. 

Tout le monde, moi le premier, pensait que le RN arriverait en tête, talonné par la gauche avec un camp macronien laminé. Ce ne sera pas le cas, les sondages se sont largement trompés et on a utilisé ceux-ci pour activer un réflexe de peur. Soyons clairs, grâce à la gauche Macron a gagné et il sauve les meubles de son parti moribond. C’est moins Macron qui a gagné que la gauche qui l’y a aidé en jouant les idiots utiles de cette droite extrême vindicative, mauvaise pour le travailler et les déshérités. Tant que la gauche se vautrera dans ce genre de combinaison, rien ne bougera et la colère restera, validant l'idée que ce n'est pas par la voie des élections que le changement pourra advenir. L’idée du barrage, éculée depuis 20 ans est un puissant soutien de l’oligarchie, sans elle il y a longtemps que Macron serait à la retraite. Bien entendu aucun camp n’aura la majorité, mais comme Macron devra prendre un premier ministre dans la coalition de gauche, on aura droit à un socialiste Macron-compatible du genre Glucksmann, puis la moitié des ministres sera issue du gang de Macron. Si Macron est le grand gagnant et de très loin, la gauche et le RN sont les deux gros perdants. La gauche parce qu’elle va devoir gouverner en s’alliant avec Macron, ce qui rapidement va faire éclater la coalition, et le RN a perdu parce que le barrage marche encore très bien. Il suffit de crier au fascisme pour que comme un seul homme nombre de Français remettent en selle Macron. Bien entendu la gauche a joué ce jeu trouble. Mais en s’alliant objectivement avec Macron, ce qui ne m’étonne pas, elle se discrédite bien plus qu’à l’ordinaire. Cette vilenie, la gauche va la payer très cher. En effet il va vite apparaitre que cette collusion de circonstance entre la gauche et la droite extrême de Macron est une infamie. Dès qu’elle arrivera aux affaires, elle éclatera, car à bien y regarder la gauche est très minoritaire dans le pays. Les deux tiers des députés sont des députés de droite. Et donc on ne voit pas comment une loi qui par exemple proposerait une hausse du SMIC pourrait être adoptée, surtout qu’une partie de cette gauche est représentée par des hommes de droite comme Hollande ou Aurélien Rousseau. On notera que la gauche aura réussi l’exploit de sauver le siège d’Elisabeth Borne qui a massacré aussi bien le droit du travail que les retraites à coups de 49-3. L’ignoble Darmanin qui sait donner de la matraque aux contestataires est réélu lui aussi avec les voix de la gauche qui n'est franchement pas rancunière. La gauche pourra compter sur Hollande qui a été élu député ! Soyons juste, Ruffin qui était en difficulté, a lui aussi bénéficié du barrage et cela doit être assez difficile à admettre pour le clan Mélenchon qui aurait bien voulu le voir exclu du jeu politique. « Maintenant, je dis : attention aux illusions », a dit Ruffin, jugeant le bassin minier globalement « ravagé » par le vote pour l’extrême droite. « Perdre les ouvriers, pour nous c’est très grave. Ce n’est pas seulement perdre des électeurs, pour la gauche c’est perdre son âme », a-t-il ajouté dans un élan de lucidité. Alors que « l’extrême droite s’installe dans les terres populaires », « les électeurs nous laissent une dernière chance pour la France ». Il est peu probable que cet appel sera entendu par la France Insoumise. Pour donner un écho aux propos de François Ruffin, Pierre Dharréville, dernier député communiste de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, est battu par le RN dans la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône au profit d’un candidat du Rassemblement national (RN) Emmanuel Fouquart, déjà candidat en 2017 et 2022. C’était une circonscription ouvrière, très à gauche depuis longtemps. Le PCF est une autre victime de ces dernières élections, avec notamment l'éviction de Fabien Roussel de l'Assemblée nationale. 

Ce que disaient les sondages avant le deuxième tour 

Si je compare les deux graphiques ci-dessus et donc qu’on compare les résultats aux prévisions, je constate que la stratégie du barrage a bien plus profité à Macron et à son gang qui martyrisent le pays depuis au moins 2017 qu’à la gauche. Stratégiquement le barrage est le tombeau de la gauche, et cela depuis 2002. La gauche gagne une dizaine de sièges, mais le gang Macron en gagne une cinquantaine, ce qui lui permet de rester dans le jeu politique. Tactiquement elle peut toujours arguer qu’elle est la première force du pays, sauf que ce Nouveau Front Populaire est une coalition hétéroclite, ou personne n’est d’accord sur rien, sauf à rester dans l’Union européenne – ce qui assure un immobilisme complet sur le plan économique et social – et à rester dans l’OTAN, ce qui nous conduira à développer des dépenses d’armement pour faire la guerre à la Russie. Macron qui aura sans doute la main à l’international empêchera toute évolution de ce côté-là. Et comme sur le plan social et économique la gauche devra trouver des alliés chez Macron, on peut s’attendre à de simple petites mesurettes qui ne changeront rien, surtout si, comme on le dit depuis quelques jours Macron nommera l’écologiste Marine Tondelier au poste de premier ministre. 

 

« Malheureusement, l’alliance du déshonneur et les arrangements électoraux passés par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avec l’extrême gauche privent » les électeurs d’un gouvernement RN, a déclaré Bardella la mine complètement défaite, dans une attaque contre le front républicain qui a conduit à des désistements à gauche, au centre et à droite pour éviter l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Il avait du mal à encaisser la défaite. Selon lui, « ces accords électoraux jettent la France dans les bras de Mélenchon ». Le RN peut toujours pleurnicher qu’il avait en face de lui 100% de la presse et de la télévision contre lui, c’est exact. Mais cela ne suffit pas à expliquer son échec. C’est l’échec complet de la stratégie de Bardella, car en effet ce qui a dissuadé bon nombre d’électeurs de voter pour le RN c’est une politique économique et sociale qui apparaissait aussi réactionnaire que celle de Macron. A quoi bon pousser le RN au pouvoir si c’est pour avoir la même politique que celle de Macron ? Entre les deux tours, Bardella a été très mauvais, reculant sur tous les terrains, notamment sur celui de la réforme des retraites et sur celui du SMIC. sur le plan international il s'est rallié à la position des Américains, ce qui a été mal vécu par la base du RN qui est plutôt pour la Russie dans le conflit ukrainien. Mais d’un autre côté, il aurait été difficile, même avec une majorité absolue de gouverner. La période de trois ans qui s’ouvre devant nous conduira à la défaite en 2027 de celui qui sera aux affaires. Si à court terme Bardella est condamné, cette défaite surprenante va donner un peu d'air à un Zemmour en perdition pour accuser ses concurrents de l’extrême-droite d’avoir été bien trop mous et lisses, pas assez clivants pour l’emporter. La bonne stratégie aurait été celle de Floran Philippot qui est vraiment à l’origine de la dédiabolisation partielle du Rassemblement national. Mais le Rassemblement National n’a pas voulu jouer la carte de la rupture sur le plan d’une politique économique plus centrée sur les revendications des classes les plus pauvres.  

A Rennes des manifestants antifascistes ont fêté la défaite du RN 

Contrairement à ce qu’on pense généralement, il n’y aura pas de crise de régime. La situation est plutôt instable, mais je crois que la gauche va sans doute gouverner avec la complicité de Macron qui n’a plus que le choix de lui faire porter le chapeau en 2027 de la déconfiture du pays à laquelle il aura travaillé pendant dix ans. Les magouilles vont aller de plus belle parce que la gauche hétéroclite n’a pas la majorité et risquera à tout moment d’une motion de censure. Pour ma part j’ai sous-estimé clairement l’importance de ce barrage antifasciste, tellement le piège me parait grossier : c’est l’assurance tous risques de Macron. Le RN virera sans doute Bardella mais pourra toujours présenter le fait que son parti progresse fortement à l’Assemblée nationale et donc que l’idée stupide du barrage marche de moins en moins bien. En tous les cas il ne passera pas le cap d’une élection majeure sans une remise en question de cette stratégie floue qui finit par l’assimiler, à juste titre selon moi, à un parti de la droite ordinaire

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