Libération, le journal du patronat et celui des curés sont contents. La presse main stream, qu’elle se prétende de gauche ou de
droite, a largement contribué à la défaite du Rassemblement National, en jouant
excessivement sur les peurs ancestrales des retours des démons. Les
journalistes étaient contents pensant qu’ils avaient fait ici du bon boulot en
jouant de la peur d’un fascisme qui n’existe pas. Ils pensent qu’ils ont sauvé
Macron d’une déroute historique et que c’était là leur mission principale. Et
bien entendu, le RN ne pouvait compter sur aucun média important pour le
soutenir. C’est ce qu’on appelle « le système » qui se défend et
défend ses prérogatives pour empêcher un concurrent de venir lui manger la
laine sur le dos. Dans cette défaite, il faut bien mesurer le fait que Bardella
porte une très lourde responsabilité. Son immaturité politique l’a fait
apparaitre comme contradictoire, changeant et peu fiable. Il aurait fallu plus
de fermeté et de « social » dans son approche pour contrebalancer le
déversement de haine de la presse à l’endroit de son parti qui a été accusé de
tous les maux. J’ai déjà dit plusieurs fois que je ne considérais pas ce parti
comme un parti fasciste, mais comme un simple parti de la droite ordinaire avec
un programme économique et social néolibéral qui ne le distingue pas vraiment
de Macron et de son gang. Seuls quelques éléments de langage sur l’immigration
ou sur la souveraineté nationale lui permet de conserver son fonds de commerce.
Le monde avançait comme une des raisons de l’échec du RN, le manque de
professionnalisme de ses candidats. C’est peut-être vrai, mais cela se
corrigera dans les années à venir, et c’est aussi la conséquence de la
précipitation qui a obligé les candidatures à se déterminer rapidement. Le
peuple ne peut pas compter sur la gauche pour le sauver de sa misère, mais il
ne peut pas plus compter sur le RN. Au fond il semble que personne ne veuille
assumer le pouvoir aujourd’hui en France, de Mélenchon à Bardella. La classe
politique préfère le laisser dans les mains du gang Macron. Il est vrai
qu’étant donné que ses composantes ne sont d’accord sur presque rien, on voit
mal comment elle pourrait présenter un projet de gouvernement. Là, même si elle
arrive à participer à un gouvernement, elle sera dans la situation assez
confortable de dire que si elle ne peut pas passer ses réformes, elle pourra
avancer que c’est la faute de Macron ou du RN.
Regardez le graphique ci-dessous. Il faut que la gauche arrête de dire qu'elle a gagné. La droite c'est 168 macroniens + 6 centristes + 45 LR = 219 députés contre 182 pour la gauche. La gauche peut raconter ce qu’elle veut, elle a perdu. La droite extrême macronienne, plus l’extrême droite c’est les deux tiers de l’Assemblée nationale. C’est bien Macron qui a gagné à cause de la stupidité du barrage antifasciste de comédie, qui lui a sauvé de nombreux sièges dont celui de Borne qui a tant pissé sur la gauche et sur le peuple. Au contraire, la gauche a tout perdu. Non seulement elle a remis un Macron moribond en selle, mais elle a perdu aussi son honneur – quoiqu’il soit difficile de perdre ce qu’on ne possède pas. Mais la gauche a d’autant plus perdu que Macron en tant que président conserve un certain nombre de pouvoirs, il est chef des armées et représente la France à l’international. Evidemment si la gauche ou le RN avait obtenu une majorité absolue, la question se poserait différemment. Mais en l’aidant à obtenir un score conséquent, la gauche s’est tiré une balle dans le pied. C’était donc son destin que de remettre en selle un politicien totalement désavoué et détesté du peuple français. C’est la même logique qui existe depuis 2002, la gauche fait barrage et la droite en profite pour consolider ses pouvoirs. La gauche incapable de tirer les leçons d’un passé récent, se met presque volontairement en dehors du jeu politique.
Comme le titre de ce petit billet l’indique, le soulagement sera de courte durée. D’abord parce que rapidement on va s’apercevoir, par exemple lors du vote du budget cet automne, qu’il est impossible de dégager une majorité. Sachant que si on gouvernement voulait faire passer un budget à l’aide du 49-3, il serait à peu près certainement renversé. Macron va peut-être nommer Marine Tondelier, la leader EELV, qui ne représente pas grand-chose. L’avantage pour Macron sera de se refaire une virginité et de jouer les écologistes militants. Il a l’habitude de travailler avec les écolos qu’il débauche régulièrement de ce parti. Mais tout cela sera très fragile. Voulant atteindre 2027 en position de force, quitte à rejouer encore le coup du barrage antifasciste, il ne se pressera pas pour faire tomber un gouvernement soi-disant de gauche, il le laissera s’enferrer tout seul. Mais cela va démontrer que tout de même si les institutions de la Vème République paraissaient très solides, c’était un leurre qui ne fonctionnait que dans une opposition simple entre la droite et la gauche, d’un coté la gauche gaulliste alliée à la crapule centriste, et de l’autre les socialistes alliés aux communistes alors puissants. Aujourd’hui non seulement le paysage politique est éclaté avec la montée en puissance du RN, mais nous n’avons pas n à droite, ni à gauche de tacticien capable de produire des idées pour réinventer les institutions ou leur usage. La gauche n’a pas anticipé qu’en aidant Macron à se refaire une santé, elle se mettait elle-même dans une situation dont elle ne sortirait pas vivante. La Bourse a d’ailleurs salué dès le lundi la performance du sinistre locataire de l’Elysée, ayant compris qu’aucune majorité ne pouvait se faire sans les députés de Macron.
Les partis qui jouent ce jeu trouble de la démocratie
parlementaire n’ont pas encore intégré que le peuple en a un peu assez de se
faire rouler dans la farine. Beaucoup se sont extasiés sur le recul de
l’abstention au 1er et au 2ème tour. C’est une illusion
d’optique, malgré les roulements de tambour pour inciter le peuple à faire
barrage à un fascisme qui n’existe pas, l’abstention concerne un gros tiers des
électeurs, mais ce total monte à près de 40% si on y ajoute les bulletins
blancs ou nuls. Et parallèlement, la tendance récente est de revendiquer
une démocratie plus directe depuis la révolte des Gilets jaunes. Or les
palinodies qu’on se prépare à voir venir, vont au contraire raviver la méfiance
qui est déjà très grande, vis-à-vis de la classe politique. Comme nous le
voyons dans le tableau ci-dessus, les Français n’ont ni confiance dans les
médias, ni dans les partis politiques, et l’incapacité de ces derniers à
trouver des solutions acceptables à la difficulté de gouverner va rapidement
aggraver la situation. L’alliance objective de la gauche avec le gang de Macron
est une alliance contre nature, le RN n’ayant pas d’alliés potentiels. Bien entendu
les électeurs une fois désaoulés s’apercevront de la supercherie, et cela les
éloignera un petit peu plus encore de la gauche. Malgré sa déconvenue, le RN
gagne beaucoup de sièges de députés, cela veut dire des rentrées d’argent
importante et une augmentation de son implantation. Ce parti reste le premier
parti et de loin, mais le nombre de sièges qu’il récolte n’est pas à la hauteur
de sa performance. Avec moins de voix Le parti de Macron et la coalition de
gauche ont beaucoup plus de députés que lui. Ce qui fait apparaitre clairement
qu’une des raisons du barrage de comédie, c’est d’abord de masquer la
progression du RN, progression qui ne peut être que le résultat de la faillite
des autres partis dans la gestion des affaires. Car c’est bien de là qu’il faut
partir, si le RN est le premier parti et qu’il a si fortement progresser c’est
parce qu’il profite des incompétences et des trahisons des autres partis.
Ce rapide tour d’horizon n’épuise pas le sujet. Nous n’avons que peu d’éléments pour comprendre ce qui va se passer, même si le comportement des politiciens est assez prévisible. La gauche est dans une impasse. D’abord parce qu’on peut prédire que le PCF va bien être obligé de tirer les leçons de son échec. Le pourra-t-il ? On n’en sait rien. Son intérêt est de cesser de jouer ce jeu trouble qui de compromission en compromission l’efface peu à peu du paysage politique. Ensuite parce que les gens comme Ruffin, Clémentine Autain ou encore les exclus de la FI qui comme Alexis Corbières ont été réélus, doivent obligatoirement construire une autre structure pour tenter d’agir. Ce qui affaiblira le clan Mélenchon dans la perspective des élections de 2027. Leur première étape a été de proposer de créer un groupe avec les députés du PCF qui ont été réduits – toujours grâce au barrage dont ils ont fait la réclame – à une représentation symbolique à l’Assemblée nationale.
La gauche n'a pas gagné, elle ne représente qu'un petit moins d'un tiers des sièges de députés, et une grande partie de ces sièges ont été gagné grâce à un échange de bonnes manières avec le parti de Macron qu’elle a sauvé de la déroute. Cette gauche hétéroclite fait un score apparemment bon non par adhésion, mais par réflexe pavlovien du barrage, comme si le RN était plus dangereux que Macron et son gang. Ensuite parmi ces gens de gauche plus ou moins unie, vous avez des gens de droite comme Aurélien Rousseau ou François Hollande et des furieux comme Louis Boyard, qui sauve son siège grâce au barrage. Les manœuvres macroniennes ont commencé pour tenter de détacher la droite de la gauche du NFP. Séjourné idiot du village y est allé avec de gros sabots, appuyé par Le monde qui verrait bien l’agent des Américains Glucksmann premier ministre[1]. Edouard Philippe sur France 2 a dit, le 9 juillet, vouloir mettre en place une coalition de la droite et de Macron, donc une coalition de la droite avec la droite ! Si cela se fait, et c’est très probable, la gauche aura été un peu plus que stupide, écœurant ses électeurs potentiels pour longtemps. Idiots utiles de la droite, c’est faisant le barrage qu’ils se sont éloignés du pouvoir pour de longues années à venir et consolider le pouvoir de Macron. On ne peut pas dire que Macron ait bien joué le coup, mais on peut parler de la complicité de la gauche qui pourtant sait très bien que l’antifascisme qui justifie l’aide qu’elle a apporté à Macron n’est pas de saison. Prenant ses électeurs pour des imbéciles, elle paiera cette attitude très chèrement. Les manœuvres sont du coté de la droite, macronienne et autre, les élus de gauche regardent cela éberlués, sans comprendre ce qu’il leur arrive. Ça fait pourtant depuis 2002 que le barrage stupide pour contrer un fascisme qui n’existe pas profite toujours à la droite. Faire semblant de croire que le fascisme est à nos portes, c’est comme quand on tente de justifier la guerre contre la Russie parce que sinon les Russes vont envahir l’Europe. Incapables de tirer les leçons de leur imbécilité les partis de gauche devraient se dissoudre et disparaitre n’ayant aucune utilité. Quand ils sont au pouvoir ils font une politique que la droite n’aurait pas le courage de faire – voyez Hollande – et quand ils ne l’ont pas ils sont bien incapables de présenter une alternative crédible. Autrement dit le peuple doit prendre ses affaires en mains sans attendre et cesser ce jeu qui consiste périodiquement à mettre un bulletin dans l’urne pour que rien ne change.
Quoiqu'on en dise, l'abstention si elle a été moins forte
que ces dernières législatives, avoisine les 40%, soit bien plus que dans les
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Ce qui veut dire qu’une grande partie
des électeurs se méfie de la représentation nationale et ne s’y reconnait pas. Les
élections législatives n’auront été que du cinéma destiné à faire avaler la
pilule amère d’une prolongation de Macron à l’Elysée. Toute la gauche aura donc
trahi, tant il y a un écart entre le discours et la pratique. J’ajouterais que
cette mascarade s’est réalisée avec la complicité tacite de la CGT – je ne
parle même pas de la CFDT dont la trahison est dans son ADN. Le changement
social il faudra le chercher ailleurs que dans les urnes, les Gilets jaunes ont
montré la voie.
[1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/09/stephane-sejourne-le-nouveau-front-populaire-n-est-pas-au-dessus-de-la-democratie-parlementaire_6248087_823448.html
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