vendredi 20 décembre 2024

Trente et une thèses sur la décomposition du Moyen Orient

  

Mieux vaut allumer une bougie que maudire les ténèbres

Confucius

 

Discuter des tenants et des aboutissants de la guerre entre Israël et le Hamas est une excellente opportunité de se disputer en famille, et je me doute que le texte suivant sera mal reçu par une partie de mes lecteurs. Dans l’état d’hystérie où se trouve l’opinion, il est quasiment impossible de discuter sérieusement du conflit qui agite Israël et ses voisins, sans se faire traiter de nazi ou pire encore de « sioniste » qui est devenu aujourd’hui la marque de l’infamie. Si on n’en est pas encore en France à remettre en question l’existence même d’Israël, on n’en est pas bien loin. Cependant, comme on va le voir, le changement de régime politique en Syrie qui donne le pouvoir aux islamistes radicaux ne laisse rien augurer de bon, aussi bien pour les malheureux Syriens que pour Israel. Les thèses ci-dessous doivent servir de point de départ pour une réflexion sur l’ensemble de ces conflits qui ne paraissent pas avoir pas avoir de fin. Le fait que les médias dans leur ensemble mettent en accusation en permanence l’État hébreux, occulte le fait que toute la région est traversée par la guerre, et elle le serait encore même si Israël venait à disparaitre.

1. Si on considère que la guerre entre l’État d’Israël et les deux entités islamistes, le Hamas et le Hezbollah, a commencé le 7 octobre 2023 lors d’un pogrome horrible perpétrés principalement contre des civils, il apparait que le plan du Hamas qui était d’entrainer une réponse terrible de la part d’Israël, a parfaitement fonctionné. En effet après cet acte barbare, Israël a été entrainé vers une riposte violente qui cause énormément de dégâts dans la population de Gaza. Il semble que c’était le but premier du Hamas, obliger Israël à déclencher une guerre ouverte qui la pousse à se mettre au ban de l’opinion publique mondiale.

2. Le Hezbollah depuis les terres qu’il domine au Liban pour le compte de l’Iran joue sa partition en mineur, malgré les assauts de Tsahal, il ne semble pas prêt à une confrontation acharnée. Ces derniers temps les timides réponses de l’Iran paraissent avoir démontré que ce pays n’a pas ni la volonté, ni la capacité d’affronter l’État hébreux. Il faut rappeler pour les plus jeunes que longtemps le Liban était un pays paisible et prospère, on l’appelait la Suisse du Moyen-Orient. Sa destruction progressive a commencé avec les tentatives de coup d’État dans ce pays orchestré par les Palestiniens de Yasser Arafat. Le Liban est devenu alors un pays en proie à la guerre civile. La conséquence en a été une islamisation rapide du pays, mais aussi une mise sous tutelle d’une partie de son territoire par l’Iran et la Syrie. Dans le conflit actuel, et malgré la répression israélienne qui a décapité le Hezbollah, il semble que celui-ci soit hors-jeu, au moins provisoirement, comme s’il s’était laissé entrainer dans un conflit qui le dépasse et que la fin de Bachar al-Assad a rendu encore plus fragile, n’ayant plus beaucoup d’alliés. C’est pourquoi nous traiterons ici plus particulièrement de Gaza où le Hamas domine sur le plan politique.  

3. La presse occidentale et particulièrement européenne si dans un premier temps – quelques jours à peine – elle a condamné la barbarie du Hamas, rapidement elle a mis la pression sur Israël, avançant que cette violence aurait pu être évitée et peut-être on aurait pu récupérer un peu plus d’otages vivants. Comment ? On ne le sait pas. Que devait faire Israël ? Négocier pour récupérer les otages ? Négocier avec qui ?  Il était sous-entendu que la réponse brutale d’Israël était inappropriée. C’est le terme qu’on emploie dans le journal Le monde. Et c’est sur cette rhétorique que la plupart des dirigeants européens, dont Macron, vont s’aligner les uns après les autres.

4. Comme la guerre en Ukraine, la guerre d’Israël contre le Hamas est une guerre asymétrique. Le camp le plus fort militairement est provoqué par le camp le plus faible qui ne craint pas les victimes collatérales et le désastre que cela entrainera, encore qu’il semblerait que les Gazaouis ne sont pas unanimes derrière le Hamas, une grande partie d’entre eux se rendant compte du désastre que l’action de ce parti islamiste radical a provoqué[1]. En Ukraine comme à Gaza, la partie la plus faible dissimule des combattants, des cellules de commandement parmi les civils, les écoles et les hôpitaux et plus il y a de victimes collatérales et plus la partie la plus forte est considérée comme la fautive de la guerre. Quand la presse occidentale parle de la guerre en Ukraine, elle considère que celle-ci a démarré en février 2022 par l’invasion de la Russie. Elle oublie volontiers que les régions du Donbass étaient déjà en rébellion contre Kiev depuis au moins 2014 et que l’armée ukrainienne avait accéléré le bombardement des régions en sécession. Comme elle oublie volontiers que l’entrée de l’armée israélienne est consécutive au pogrom du 7 octobre 2023.   

 

5. La gauche, notamment celle de Mélenchon et les gauchistes considère que la faute initiale est la création en 1948 de l’État d’Israël, arguant que les terres auraient été volées aux Arabes qui seraient les vrais Palestiniens, les Palestiniens historiques, les Juifs ne seraient même pas des vrais Juifs[2] et seraient seulement des pièces rapportées qui auraient saisi avec la complicité des Américains l’opportunité de créer un État à eux. Ces gens-là, animés par un tiermondisme hors de saison oublient que les Américains sont restés très longtemps hostiles à la création d’Israël pour maintenir de bonnes relations avec les pays pétroliers arabes. Mais comme Staline soutenait cet État nouveau socialisant, ils s‘y sont mis aussi, poussés par le lobby juif américain. Plus récemment Macron que je classe sans remord très à droite, s’est fait remarquer pour sa stupidité et son ignorance, avançant bêtement que c’était l’ONU qui en 1948 avait créé Israël. Déjà en en mauvais termes avec presque le monde entier, il a choisi de faire cette déclaration la veille de la commémoration du pogrom du 7 octobre 2023, se mettant à dos les Juifs de France. Évidemment en 1948 l’ONU n’a fait qu’entériner un état de fait.  Macron a récidivé un peu plus tard sur Cnews en avançant : « Je ne suis pas sûr qu'on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie », a déclaré le président, sous-entendant que l’État hébreu alimente l'escalade des tensions au Moyen-Orient. Une intervention partagée sur X par Jean-Luc Mélenchon qui une nouvelle fois affiche sa complicité avec Macron. Autrement dit si on avoue que le pogrom du 7 octobre 2023 était bien un acte barbare, on met l’accent sur le fait que lorsque les Israéliens se défendent, ils deviennent des mauvais juifs peu fréquentables, on ne les aime qu’en tant que victimes de la Barbarie. Macron a prononcé ces mots lors d’une conférence sur le Liban où il a promis que la France verserait 100 millions d’euros à ce petit pays martyrisé pour l’aider à sa reconstruction. N’insistons pas sur ce que valent les promesses de Macron, mais cette précipitation à reconstruire le Liban, alors que la guerre n’est pas terminée avec le Hezbollah est curieuse, surtout qu’elle n’est pas accompagnée d’une réflexion minimale sur le fait que ce pays soit pour partie sous la domination de l’Iran, et pour une autre partie sous celle de la Syrie qui, avant qu’elle ne sombre dans le chaos, a toujours eu pour but affiché de réunifier la Syrie et le Liban sous un même drapeau. Or, il est évident qu’on ne peut pas parler des fautes de l’armée israélienne en laissant de côté les exactions du Hezbollah de côté. 

La fragmentation du Liban 

6. La gauche islamophile avance très souvent que le crime initial n’est pas celui du Hamas, mais le vol des terres par les Israéliens au moment de la guerre de 1948 qui a vu l’exode d’une partie des Arabes à qui les pays qui entouraient Israël avaient promis qu’ils allaient gagner la guerre, chasser les Juifs et que ceux qu’on n’appelait pas encore les Palestiniens pourraient récupérer leurs positions. Il est très rare que cette gauche admette qu’il y a un lien entre la Nakba et l’expulsion quasi-totale des Juifs de l’ensemble des pays musulmans.

7. Rechercher les origines profondes du conflit dépend de la date de départ que l’on choisit. Les soutiens de la cause palestinienne pensent que la cause première réside dans l’arrivée massive de Juifs européens à qui les Anglais avaient fait miroiter la possibilité de créer un État juif. Évidemment on pourrait tout aussi bien remonter aux conquêtes arabes de la Palestine et on aurait une tout autre vision des choses. Mais même si on remonte à seulement au dernier quart du XIXème siècle, l’analyse des motivations des Juifs européens si elle a été inscrite dans un nouveau discours sioniste émancipateur, n’avait rien à voir avec une politique anglaise impérialiste qui ne se manifesta effectivement qu’après la défaite de l’Empire ottoman qui s’était allié avec l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Les Anglais en soutenant le Foyer juif, avaient aussi des visées sur les pays pétroliers bien entendu, mais soutenir le Foyer juif était seulement une opportunité pour s’installer au Moyen-Orient.

8. Il vient que de discuter à l’infini sur les torts des uns et des autres n’a pas grand sens, il est préférable de partir du fait qu’en Palestine, coexistent deux populations de taille à peu près équivalente et de réfléchir à la possibilité de construire deux États viables et sécurisés. Les plans sont prêts, mais manquent la volonté politique, aussi bien celle de la partie arabe que celle du gouvernement israélien qui s’est peut-être trop habitué à vivre en territoire hostile. 

 

9. Cette guerre meurtrière qui se déroule depuis plus d’une année maintenant, la plus meurtrière depuis la création d’Israël, a abouti à la décapitation du Hezbollah et du Hamas. Même si ces deux groupes ne veulent pas déposer les armes, il est évident qu’ils n’ont plus les moyens de continuer la lutte armée autrement qu’en faisant des petits coups. En France et généralement en Occident, on prétend que les actions de l’armée israélienne peuvent provoquer une escalade terrible avec l’entrée dans le conflit de l’Iran. Mais c’est juste pour faire peur aux enfants et pour inciter Israël à la retenue. C’est une manière aussi de mettre uniquement sur le dos d’Israël le désastre de la guerre à Gaza. Cependant les observateurs les plus avertis pensent que l’Iran veut éviter un conflit avec Israël, et que ce pays ne répondra à Israël qu’avec beaucoup de prudence, histoire de dire qu’il va faire quelque chose.

10. On a assisté à une comédie assez ignoble de la part des Européistes, Macron, Josep Borrel avant qu’il ne cède sa place, ou encore Ursula von der Leyen ont appelé à cesser les livraisons d’armes à Israël pour ne pas entretenir la guerre. Mais ils auraient pu dire la même chose pour la guerre en Ukraine, alors que là au contraire ils ont dépensé des milliards d’euros pour entretenir un conflit sans issue, et ce n’est pas encore fini, jusqu’à ce que le maître américain dise que cela doit cesser. En vérité les Européens jouent ce jeu à la fois parce qu’ils possèdent en eux un vieux fond d’antisémitisme et aussi parce qu’ils craignent en Europe une réaction violente des populations musulmanes immigrés qui soutiennent la cause palestinienne sans trop savoir ce que c’est. 

Yayah Sinouar éliminé à Rafah le 16 octobre 2024 

11. La gauche et généralement les politiciens comme les médias donnent une importance beaucoup trop grande au conflit entre le Hamas et Israël, il y a des conflits bien plus meurtriers de par le monde qui ne les intéressent pas. On a beau dire que d’importer le conflit israélo-palestinien dans notre pays est une aberration, cette tendance persiste malheureusement, portée par la gauche mélenchonienne et par la communauté musulmane issue de l’immigration. C’est d’ailleurs pour partie ce positionnement derrière la mouvance musulmane en France qui explique la perte de crédibilité de la gauche sur le plan électoral. Pourtant les sondages récents montrent que les Français restent globalement éloignés de cette question et ne se rapprochent pas vraiment d’un soutien à la cause palestinienne. Il est donc erroné sur le plan tactique comme l’a fait Mélenchon de mener campagne lors des élections européennes et législatives en défendant la cause palestinienne pour gagner quelques sièges dans les banlieues, mais ce dernier est un piètre tacticien et un mauvais stratège. Dans le même sondage que j’ai cité un peu plus bas, on considère que près des deux tiers des Français ne manifestent ni sympathie, ni antipathie pour les deux partis en présence, sauf pour le Hamas qui est considéré massivement comme antipathique et terroriste, et non comme un mouvement de résistance. La majorité des Français, près des deux tiers, considère cependant que la riposte d’Israël au pogrom du 7 octobre 2023 est tout à fait justifiée. Dans ce sondage les manifestations propalestiniennes sont jugées également inappropriées, favorisant la montée de l’antisémitisme dans notre pays.  

Sondage Ifop, avril 2024 

12. On remarque que si la sympathie des Français à l’endroit d’Israël est assez faible et s’est nettement affaiblie avec l’entrée de l’armée israélienne dans Gaza, elle est encore plus faible pour la partie palestinienne, et proche de zéro pour ce qui concerne le Hamas. Si cet affaissement de la sympathie pour Israël est pour partie imputable à la présentation tronquée de la guerre par les médias dominants, il apparait que la propagande du « système » composé du bloc des partis et du bloc des médias, n’arrive pas à mordre sérieusement dans l’opinion. Seuls quelques poignées d’étudiants en mal de reconnaissance se lancent dans cette aventure. C’est probablement dû au fait que les Français dans leur ensemble considèrent généralement la communauté musulmane comme agressive et destructrice des valeurs traditionnelles du pays, la laïcité et la République, ne faisant que peu d’effort pour s’adapter aux mœurs et aux coutumes de notre pasy. Autrement dit si les Français font le lien entre ce qui se passe en Palestine et la France, c’est par le biais d’une détestation générale de la culture musulmane. 

13. Le monde qui vit depuis des décennies dans l’erreur, a bien sûr pris fait et cause pour les Palestiniens, les dissociant volontiers du Hamas et du Hezbollah, c’est comme si en 1945 on avait dissocié les Allemands du nazisme au prétexte des bombardements sur Dresde. Personne n’avait parlé à ce moment-là de crimes de guerre et de génocide. Ce journal a été un des premiers à parler de génocide. Benjamin Barthe s’applique jour après jour à développer cette idée. Mais ce journal, notamment naguère à travers les dessins abominables de Plantu était déjà bien avant l’invasion de Gaza acquis à la cause palestinienne, avec une pointe d’antisémitisme pas toujours bien camouflée derrière les leçons de morale données à Israël. La méthode du Hamas est depuis très longtemps de camoufler armes et soldats au milieu de la population prise en otage, pensant à juste titre que les cadavres des Palestiniens feront avancer leur cause auprès des opinions occidentales qui n’attendent que cela pour condamner Israël.

14. Utiliser le terme de génocide qui signifie l’élimination intentionnelle et concrète d’un groupement humain pour en éradiquer la souche, est impropre pour ce qui se passe à Gaza. Quand les blancs venus d’Europe ont pratiqué un génocide sur le territoire de ce qui est devenu les Etats-Unis, ils ont éradiqué au bout du compte 95% de la population des Amérindiens, quand les nazis allemands ont pratiqué un génocide des Juifs européens, ils ont divisé leur population par deux. Les Turcs ont massacré 77% de la population arménienne entre 1915 et 1923. Les pertes humaines des Palestiniens de Gaza s’élèvent selon l’ONU à environ un peu plus de 40 000 pour 2 100 000 d’individus, soit 0,2%[3]. Bien entendu, ces morts sont toujours des morts de trop et on comprend la douleur des familles comme on comprend celle des malheureux juifs israéliens victimes du pogrom du 7 octobre 2023. Mais, quel que soit le jugement qu’on porte sur la politique de Benjamin Netanyahu, et personnellement j’en pense du mal, il est faux de penser que le but d’Israël soit l’éradication d’un peuple à sa racine. A l’inverse la charte du Hamas, amendée ou non a toujours eu pour but la destruction de l’État d’Israël et le départ des Juifs de Palestine. À la suite de la publication du texte de 2017, soi-disant amendé, l’ambassade d’Israël en France avait jugé qu’il ne proposait « que des ajustements superficiels à la façon dont le Hamas se présente au monde »« un écran de fumée pour cacher l’objectif original du Hamas de détruire Israël par le terrorisme »[4]. 

Bilan de la guerre entre Israël et le Hamas entre le 7 octobre 2023 et le 3 décembre 2024 – source Statista 

15. Si la presse occidentale parle si volontiers de génocide c’est en vérité pour inverser l’idée traditionnelle selon laquelle les Juifs ont subi un holocauste, et faire des Juifs des néo-nazis. Cette rhétorique folle a plusieurs fonctions, d’abord celle de déculpabiliser les pays européens qui ont laissé faire le génocide des Juifs, ensuite de revenir à l’idée que le Juif étant fondamentalement mauvais, finalement Hitler n’avait pas tout à fait tort de vouloir les éliminer de la surface de la planète. Et enfin cela minimise le fait que durant la Seconde Guerre mondiale ce sont bien les musulmans de Palestine qui étaient alliés avec Hitler et qui levaient des troupes pour aller combattre le communisme en Russie ! Cette alliance si elle avait vu l’Allemagne gagner la guerre aurait permis aux musulmans de Palestine de se débarrasser définitivement des Juifs et d’empêcher la création d’Israël. 

Amine Al-Husseini et Adolf Hitler, 1941 

16. Ces extravagances des médias sur l’analyse de la situation de la guerre à Gaza, alimentent évidemment une montée spectaculaire de l’antisémitisme dans les pays occidentaux. Tout indique que la nouvelle doxa qui se développe en Occident est que les Juifs comme les Russes sont fondamentalement mauvais et abusent de leur force militaire. On notera que cette position est incohérente parce que si on est contre les Russes pour cause de conflit en Ukraine, on ne peut pas être pour le monde musulman qui est plutôt dans le conflit avec l’OTAN du côté de la Russie !

17. On remarque que dans le cas des deux conflits, en Ukraine et à Gaza, l’émotion, c’est-à-dire les bombardements et les morts dans la population civile, prime sur l’analyse rationnelle. Certes il est naturel et humain de partir de ses émotions immédiates pour prendre position, mais prendre position dans deux conflits difficiles et compliqués, ne peut pas se faire sérieusement sans un minimum de rationalisation. Or celle-ci est occultée par les images diffusées par les médias grand public et les réseaux sociaux. Pourtant un minimum de réflexion montre que les deux conflits, s’ils présentent des similitudes sont de nature bien différente. Le conflit en Ukraine est le résultat à la fois d’un tracé des frontières mal pensé lors de la chute de l’URSS et de la stratégie de l’OTAN pour avancer vers la Russie, et le second conflit est le résultat d’une volonté séculaire des musulmans de nier l’existence d’Israël.

18. Cela ne veut pas dire que les Israéliens et leurs gouvernements successifs n’ont pas de responsabilité dans ce conflit, mais seulement que cette mauvaise volonté évidente d’aujourd’hui de l’État hébreux est aussi le résultat de l’attitude des États musulmans et ensuite de ceux qu’on appelle aujourd’hui les Palestiniens visant à ne pas reconnaitre Israël. Toute la gauche israélienne s’est épuisée dans des négociations qui n’ont pas abouti et finalement a laissé la place à une droite qui ne savait parler que de sécurité, sans perspective de long terme, refusant de s’engager sur la voie d’un partage équitable en vue de former deux États. A la conférence de presse que Vladimir Poutine a tenu à l’issue du sommet des BRICS à Kazan, il a dit plusieurs choses très importantes, d’abord qu’il comprenait la réaction d’Israël à la barbarie du 7 octobre 2023. Et même s’il a déploré les morts de Gaza, il a évité de remettre en question les relations avec Israël, proposant à l’inverse de travailler avec Israël à la création d’un État palestinien viable. Cette déclaration était importante, il a ajouté ensuite qu’il n’y aurait pas d’escalade au Moyen Orient avec un soutien de la Russie à l’Iran. Allant jusqu’à assurer qu’aucun des pays de cette région ne voulait se lancer dans une guerre totale. Cette déclaration est passée inaperçue, les médias français et occidentaux, obsédés par leur soutien inconditionnel à la cause palestinienne, les ont passés complètement sous silence. Ses propos sur la question étaient très modérés par rapport à ce que peut raconter la gauche ou même Macron et ses collègues de l’Union européenne[5]. 

Manifestation antisémite en Australie 

19. Les opérations d’Israël contre le Hezbollah au Liban peuvent sembler moins importantes que celles qui se déploient à Gaza. En vérité elles ne sont pas de même nature. Si les opérations sur Gaza relèvent de la riposte et d’une volonté punitive, celles qui se déroulent au Liban ressemblent à des actions de prévention, visant à frapper le mouvement terroriste avant qu’il n’ait la capacité de devenir réellement dangereux. C’est aussi une manière indirecte de porter des coups à l’Iran qui est par ailleurs empêtré dans une situation difficile à l’intérieur. Il faut rappeler ici que le Hezbollah, comme le Hamas et comme l’Iran est une entité dont le but avoué est de chasser les Israéliens – les Juifs – de la Palestine. Macron et le gouvernement française appellent à un cessez le feu au Liban. Mais cela n’a plus de sens pour un petit pays qui est pour partie occupé par la Syrie et pour une autre partie par l’Iran. Depuis au moins les fantaisies de Macron qui admonestait vivement les Libanais en leur demandant de produire un gouvernement conforme à la doxa libérale après une double explosion à Beyrouth qui avait fait 150 morts, avec un chantage à l’aide de la France, la France, naguère encore présente au pays du cèdre, n’est plus écoutée. Elle n’est pas plus écoutée du coté israélienne que du côté libanais d’ailleurs, incapable de produire une forme de diplomatie originale qui faciliterait les efforts de paix. 

21. Le Hezbollah a été décapité et aura du mal à s’en remettre. L’armée israélienne a confirmé le 22 octobre 2024 avoir tué le haut responsable du Hezbollah Hachem Safieddine lors d’une frappe effectuée sur Beyrouth début octobre. Il était présenté comme le successeur d’Hassan Nasrallah, lui-même mort dans une frappe israélienne fin septembre. Certains ont hâtivement parlé d’action terroriste de la part d’Israël parce qu’il y a des dégâts collatéraux importants parmi les civils, mais force est de constater que la manière dont les cadres supérieurs du Hezbollah ont été éliminés, démontre que les services secrets israéliens, malgré les critiques qu’on a émises légitimement après le désastre du 7 octobre 2023, ont conservé une grande capacité de pénétration sur le terrain de l’ennemi. C’est évidemment une victoire d’Israël de ce point de vue, même si cette victoire peut être remise en question plus tard si émergence un nouveau pouvoir islamiste fort en Syrie avec la fin du régime de Bachar al-Assad. 

Hachem Safieddine, chef du conseil exécutif de l’organisation terroriste du Hezbollah, a été tué » dans la banlieue sud de Beyrouth 

22. La défaite du Hezbollah cependant sera difficilement définitive, et surtout elle n’aidera pas forcément le Liban à redevenir un pays multiculturel prospère, stable et paisible, la Suisse du Moyen-Orient comme on disait encore jusqu’au début des années soixante-dix quand les Chrétiens et les Druzes se partageaient le pouvoir. Mais c’était avant la tentative de coup d’État de l’OLP dans ce malheureux pays, c’est de cette époque que date l’effondrement programmé du Liban qui est passé progressivement sous la tutelle des Syriens et des Iraniens qui l’ont peu à peu dépecé à travers une longue guerre civile. C’est quelque chose qu’on oublie volontairement, mais le Liban n’est plus un pays souverain. 

23. Certains observateurs en Israël même pensent que le but d’Israël en bombardant le Liban est de déstabiliser le régime iranien, voire d’en terminer avec lui en l’entrainant dans une confrontation générale. C’est une hypothèse qui ne me parait pas très réaliste. Certes le régime des mollahs a du plomb dans l’aile et se trouve très contesté à l’intérieur de ses frontières, notamment par la jeunesse et les femmes. Mais un changement de régime sera difficilement conduit à court terme par les Israéliens, même s’il est possible que ce régime pourrisse de l’intérieur dans quelques années ou décennies. Les sanctions occidentales contre Téhéran n’ont strictement rien donné et ont poussé l’Iran dans les bras de Moscou et de la Chine.

24. La gauche occidentale qui connait très mal la question palestinienne pour laquelle elle s’enflamme périodiquement, tend à confondre le fait que les Etats-Unis soutiennent Israël avec le fait que ce pays belliqueux serait à l’origine du conflit, parfois les plus furieux affirment qu’Israël manipule les Etats-Unis, rhétorique qui fleure bon les années de l’Occupation. Le cadre philosophique de cet antisémitisme transformé opportunément en antisionisme est celui définit par Alain Badiou, médiocre philosophe, qui non seulement à soutenu tous les crimes à grande échelle qui ont été commis au Cambodge par les Khmers rouges, ou en Chine au moment de la Révolution culturelle, mais qui a théorisé cette nouvelle forme d’antisémitisme[6] qui oscille entre l’idée que les Etats-Unis sont manipulés par Israël, et celle qui nous dit au contraire qu’Israël est la pointe avancée de l’impérialisme étatsunien au Moyen-Orient. Or s’il est vrai que ce nouveau conflit est certainement une opportunité pour les Etats-Unis de revenir au Moyen-Orient dont ils avaient été plus ou moins chassés depuis une dizaine d’années, les causes d’icelui sont bien plus profondes que cela comme nous l’avons dit plus haut. On ne refait pas l’histoire bien sûr, mais si au début des années 2000 les négociations avaient abouti à la création de deux États bien distincts et viables, la tragédie du 7 octobre 2023 et celle de Gaza qui suivit auraient été évitées. Le contexte s’y prêtait et beaucoup à Gaza comme en Israël pensaient déjà à des projets de coopération entre Juifs et Arabes.   

25. Il semble qu’à l’heure actuelle l’Autorité Palestinienne représentée par le Fatha attende la chute finale du Hamas, se tenant en retrait, tout en condamnant verbalement la violence de l’armée israélienne. Il est remarquable que les pays arabes qui ont signé les accords d’Abraham ne trouvent rien d’autre à dire que de demander un cesser le feu. Pire encore les Arabes israéliens selon un sondage récent considèrent à 54% que l’éradication du Hamas sera une bonne chose pour les Palestiniens[7]. Cette chute pourrait en effet permettre à moyen terme l’ouverture de nouvelles négociations entre Israël et la partie palestinienne et, peut-être, d’aller enfin vers une normalisation. Il n’est donc pas certain que la catastrophe de Gaza fabrique de plus en plus de soldats pour le Hamas comme on l’entend dire chez ceux qui voudraient voir Israël adopter une autre attitude. Et parfois d’un grand malheur peut advenir quelque chose de bon. 

La chute du régime de Bachar al-Assad 

26. La chute du régime de Bachar al-Assad pose de nombreuses questions. Les médias occidentaux ont fêté avec enthousiasme cette fin qu’ils souhaitaient depuis longtemps, comme si les radicaux musulmans de HTC étaient plus fréquentables que le régime semi-laïque de la Syrie. Pour démontrer qu’ils avaient raison dans cette préférence, ils en ont étalé tant et plus sur le lourd passif répressif de de Bachar al-Assad, passant sous silence les nombreuses exécutions sommaires, les scènes de pillages et les viols perpétrés par les hommes d’Abou Mohammad al-Joulani. Le nouveau pouvoir installé vient de nommer un ministre de la justice qui dans la foulée a proclamé la charia. Le 8 décembre Le monde, toujours victime de son aveuglement titrait son éditorial : La chute du bourreau de la Syrie, enfin. Les écologistes emboitaient le pas à cette ineptie. 

 

27. Cette « victoire » d’HTS n’aurait pas pu avoir lieu sans l’aide directe et indirecte des Etats-Unis, qui, comme à leur habitude ont armé un mouvement terroriste vengeur qui vient directement de al Quaida, comme en Afghanistan, ils n’apprennent jamais rien, croyant qu’ils les contrôleront plus tard. On sait aussi que l’aviation américaine a agi en protégeant l’avancée d’HTS contre l’armée régulière syrienne. Également, les Turcs ont appuyé ce mouvement.

28. Cette chute signe la fin de la Syrie telle que nous la connaissons dans ses frontières officielles depuis la fin de la Première Guerre mondiale. La carte ci-dessous montre que ce malheureux pays est en voie de déchirement. On prête aux Américains l’idée de créer un État kurde dans le Nord-Est du pays. Ce ne sera pas si facile parce que pour légaliser cela il faudrait une ratification de l’ONU qui sera difficile à obtenir. Les Turcs vont tenter d’annexer une partie du nord de la Syrie, une zone qu’ils ont revendiquée de très longue date, disons depuis la chute de l’Empire ottoman. Israël est en train, de fait, d’annexer le Golan, objectif ancien qui vise à la fois à sécuriser la frontière avec la Syrie, et à mettre la main sur des réserves pétrolières probables. A l’intérieur de ces zones plus ou moins contrôlées par des puissances étrangères, les luttes en fractions rivales ont déjà pris le pas sur la nécessité de reconstruire le pays. Évidemment, le contrôle de tout ou partie de la Syrie intéresse également le Qatar et la Turquie qui veulent développer la livraison de gaz vers l’Europe qui est aujourd’hui au trente-sixième dessous sur le plan de l’énergie. 

 

29. Le dépeçage de la Syrie intéresse comme on le comprend beaucoup de monde, et principalement les Américains qui pensent ainsi reprendre la main au Moyen Orient d’où ils avaient été éjectés depuis près de 10 ans. Cependant, il semble qu’ils auront du mal à profiter du chaos qu’ils ont fait advenir. D’abord parce que depuis la chute d’Assad, les différentes factions ont commencé à s’entredétruire. Mais à supposer qu’HTS arrive à installer son pouvoir sur l’ensemble de la Syrie, cela se fera probablement dans un bain de sang, mais surtout, HTS renforcé deviendrait rapidement un allié encombrant des Etats-Unis et même de la Turquie. Bien entendu le soutien à la cause dite palestinienne est d’ores et déjà passé à la trappe. Ni l’Iran, ni le Qatar seront capables de soutenir celle-ci en livrant des armes.

30. Tant que le chaos régnera en Syrie, Israël connaitra sans doute un apaisement avec ses turbulents voisins. Mais ce chaos ne durera pas toujours, et si Israël manifestait la fantaisie de vouloir garder le Golan, le prétexte serait rapidement trouvé pour les nouveaux maitres de la Syrie de réenclencher un conflit avec l’État hébreux. Sur le moyen et long terme, Israël n’a rien à attendre du nouveau pouvoir en Syrie, bien au contraire, n’étant plus freiné par les Russes comme l’était Assad, il deviendra plus virulent une fois qu’il se sera réarmé.

31. Le grand perdant de cette passation de pouvoir est l’Iran, bien plus que la Russie. En effet l’Iran perd le Hezbollah qui lui était fidèle et n’a plus guère d’influence en Syrie. Il est très probable que cela a évité finalement une guerre directe entre Israël et l’Iran.   


[1] https://fr.timesofisrael.com/selon-tsahal-des-documents-trouves-a-gaza-montrent-que-le-hamas-falsifiait-les-resultats-des-sondages/

[2] Les imbécilités de Shlomo Sand sur ce thème sont reprises avec opiniâtreté. https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2024/02/shlomo-sand-deux-peuples-pour-un-etat.html

[3] https://news.un.org/fr/story/2024/08/1147936#:~:text=%C2%AB%20La%20population%20de%20Gaza%20pleure,des%20femmes%20et%20des%20enfants.

[4] https://www.liberation.fr/checknews/est-il-vrai-que-la-charte-du-hamas-fixe-comme-objectif-la-destruction-de-letat-disrael-20231014_MHHMAAN74ZGGVOIQCAWPHJYNOE/

[5] https://www.youtube.com/watch?v=oKU_g1t9LUM&t=2s

[6] Alain Badiou, « Le mot “juif” et le sycophante », Les Temps modernes, n° 637-638-639, mars-juin 2006, p. 733-747

[7] https://www.danielpipes.org/22376/israel-reversion-in-2023-closing

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