samedi 5 décembre 2020

Brève note sur Macron et les violences policières

 

Dans la perspective de 2022, voilà Macron qui nous la joue gauchiste avec des larmes de crocodiles pour nous parler des violences policières, consécutivement à ce qui s’est passé récemment place de la République, mais plus précisément avec Michel Zecler. Dans un entretien à Brut il s’est démarqué de lui-même avec vigueur. En effet on se souvient qu’au moment du Grand débat, il nous disait le 7 mars 2019 « Ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit. »[1], mais voilà qu’aujourd’hui, enfin je veux dire le 4 décembre, il nous dit qu’il y a bien des violences policières inacceptables[2]. Il existe des « violences par des policiers ». Puis, il finit par lâcher : « Je n'ai pas de problème à répéter le terme de violences policières mais je le déconstruis ». Ce discours hypocrite et sournois a plusieurs fonctions :

- d’abord au moment du vote de la loi Sécurité globale qui a encore remis tout le monde dans la rue, il s’agir de préparer une reculade sur la fameux article 24 qui a focalisé toutes les attentions, parce que les violences policières sont intervenues justement au moment du vote, faisant étalage de la dégénérescence du pouvoir macronien vers un fascisme qui ne dit pas son nom ;

- ensuite ramener les violences policières qui n’existent pas dans un Etat de droit, à un comportement raciste de brebis égarées dans la police et donc de ramener les autres violences policières à des réponses légitimes de la police à l’encontre de casseurs et autres délinquants. Evidemment il passe sous silence que depuis qu’il est là, la violence de la police s’est déchainée contre les manifestants. Passons sur les Gilets jaunes qui ont payé un prix très élevé en termes d’arrachage de mains et d’œil crevé, mais les soignantes et les soignants qui manifestent depuis presque deux ans maintenant contre les sous-investissements dans l’hôpital ont connu eux aussi les nassages de l’ignoble préfet Lallement, les gazages et les matraquages. David Dufresne a tenu le compte de ces violences depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, et c’est effrayant[3]. 

Le but de la manœuvre de Macron est de faire en quelque sorte la part du feu, reconnaître qu’il y aurait quelques racistes dans la police pour éviter de reconnaître que les violences policières sont bien plus qu’une défaillance dans la chaîne de commandement, ce sont une politique. On oublie que c’est grâce à ça et au confinement pour cause de COVID-19 que le mouvement des Gilets jaunes s’est tari peu à peu. Les derniers Gilets jaunes – qui reviendront soyez en sûrs – allaient encore à la manifestation avec la boule au ventre, à Paris, à Toulouse ou ailleurs. Les consignes avaient été données pour frapper plus particulièrement les femmes parce qu’on sait que quand un mouvement social est fortement féminisé, il dure longtemps. En faisant allusion au racisme qui sévirait dans la police, il fait d’une pierre deux coups, il satisfait une partie de la gauche qui pense que la question principale c’est le racisme, et en même temps il met l’éteignoir sur sa politique fasciste de maintien de l’ordre. Evidemment, il est assez facile de trouver des racistes dans la police, personne ne le niera, mais dénoncer le racisme policier n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu qui est la méthode de gouvernement de Macron pour faire passer ses réformes pourries. Si Macron a fait en apparence une volte-face sur la question des violences policières, c’est parce que les manifestations récentes contre la loi Sécurité globale ont été puissantes et nombreuses[4]. Mais en ramenant cette question à un simple racisme dans la police, il vide de sens le questionnement sur sa politique répressive.  C’est la technique du bouc émissaire, il sermonne Darmanin, alors que c’est lui qui a poussé à cette loi Sécurité globale, dénonce le comportement de quelques policiers, pour conserver le reste intact et se dédouaner auprès d’une opinion de gauche qui serait peut-être susceptible de l’aider au second tour contre Marine Le Pen qu’il dénoncera une nouvelle fois comme illibérale et fasciste. Autrement dit s’il est bon de dénoncer le racisme dans la police, il ne faut certainement pas s’arrêter là. 

Ce en même temps macronien atteint cependant ses limites. D’abord parce qu’il ne peut pas tenir le couteau sans le manche, et donc en dénonçant lui-même les violences policières, tout en soutenant l’ignoble préfet Lallement et Darmanin, il se crée du tort à droite comme à gauche. Les policiers sont furieux de cette hypocrisie[5] parce qu’ils ont le sentiment d’être instrumentalisés pour une politique aussi violente. Déjà qu’une partie des troupes n’appréciaient pas cette forme de répression, ils savent que celle-ci leur est imposée par leur hiérarchie. Or Macron fait comme si des initiatives individuelles étaient sorties du cadre de cette hiérarchie. Tactiquement c’est très mal joué. En effet il y a quelques semaines il a engagé le repris de justice Thierry Solère pour tenter de débaucher une partie de la droit LR dans le cadre de 2022. Mais la droite LR – bien qu’elle compte dans ses rangs de très nombreux délinquants comme Éric Woerth par exemple – il y a un point sur lequel elle ne transige pas, c’est la défense inconditionnelle de la police. Et donc cette fantaisie « gauchisante » de Macron risque de requinquer un candidat de droite du type Wauquiez ou Bertrand qui vont finir par croire à leur chance dans un paysage politique complètement éclaté. Pour dire les choses autrement, Macron qui est un médiocre tacticien est en train de commettre la même erreur que Jospin en 2002, en préparant son deuxième tour contre son adversaire désigné Marine Le Pen, il risque bien d’être éliminé au premier tour ! En attendant Macron a fait ce qu’il sait le mieux mettre le peuple dans la rue. Le 5 décembre 2020 il y avait encore une centaine de manifestations dans tout le pays, les reculades sur l’article 24 n’ont pas suffi. D’autant qu’aux manifestations contre la loi Sécurité globale se sont joints ici et là les syndicats qui protestent sur les plans de licenciements massifs qui sont en vue ou qui sont déjà effectifs. Inévitablement des heurts ont eu encore lieu à Paris comme à Rennes. 

Manifestation samedi 5 décembre 2020



[1] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/08/gilets-jaunes-pas-de-violences-policieres-selon-emmanuel-macron_5433154_3224.html

[2] https://www.brut.media/fr/news/replay-le-president-de-la-republique-emmanuel-macron-repond-a-brut--6aef2ca4-a4d3-47a0-9c71-f92299239ea1

[3] https://www.davduf.net/

[4] https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2020/11/article-24-et-violences-policieres.html

[5] https://www.leparisien.fr/faits-divers/en-colere-apres-l-interview-de-macron-des-syndicats-policiers-appellent-a-cesser-les-controles-05-12-2020-8412510.php

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