mardi 8 décembre 2020

Macron et l’écologie

  

Macron banquier d’affaires peu qualifié pour la conduite de l’Etat et encore moins pour l’écologie vient une fois de plus de se ridiculiser. Il y a le fonds et il y a la forme. Il y a quelques mois voulant jouer les réformateurs, et pensant que c’était dans l’air du temps, il prétendait appliquer la démocratie directe en lançant la Convention citoyenne pour le climat. C’était pour lui une manière de dégonfler la contestation des Gilets jaunes. Au mois d’avril 2019 il prétendait puisque les Gilets jaunes réclamaient la démocratie directe, que celle-ci allait s’exercer. On était encore en plein mouvement des Gilets jaunes, et il fallait bien lâcher quelque chose pour tenter de ramener le calme, la matraque ne suffisant plus à dissuader les manifestants. On allait donc tirer au sort 150 citoyens qui feraient des propositions. Menteur comme un arracheur de dents, il prétendait appliquer les résolutions de la Convention, entièrement et sans filtre ! Il n’était pas besoin d’être malin pour comprendre que les propositions de cette assemblée seraient travaillées et retravaillées jusqu’à ce qu’elles conviennent au fourbe président. Les citoyens tirés au sort n’étaient pas tout à fait libre, ils faisaient l’objet d’une surveillance étroite de la part des experts qui prétendaient que leurs propositions étaient liberticides ou qu’elles allaient tuer l’économie, ce qui était incontournable allait être vidé de son sens, et ce qui ne pouvait pas l’être allait tout simplement finir dans les poubelles[1]. Cette farce avait aussi pour objectif de faire apparaître Macron comme un président moderne, ouvert au dialogue, le suscitant éventuellement et écologiste. Entre temps Macron et ses Play Mobils avaient prolonger le glyphosate utilisé dans l’agriculture intensive de la betterave utilisée pour faire du carburant « propre »[2]. 

 

Cette pantomime appelle plusieurs réflexions. D’abord est-ce que les citoyens peuvent eux-mêmes légiférer sur tel ou tel sujet ? Si nous sommes en démocratie, la réponse doit être positive. S’ils ne sont pas capables de légiférer parce qu’ils sont trop cons, alors on ne voit pas pourquoi ils seraient tout autant capable de voter. Pour moi ils le sont, à condition de leur laissant le temps de délibérer. Et ils le sont d’autant plus que contrairement aux politiciens comme Macron, ils ne sont pas contraints par leurs sponsors et les lobbies. Le monde est très hostile à la démocratie directe – on parle de démocratie directe mais il faudrait toujours dire « démocratie » à la place de cette locution parce que la démocratie directe est la seule forme de démocratie réelle, la démocratie dite représentative non seulement ne représente rien du tout[3]. Le journal du soir dit de référence vient de publier dans son édition du 9 décembre 2020, sous la signature de Françoise Fressoz, macronienne de choc de la première heure, un articulet intitulé 150 citoyens tirés au sort peuvent-ils imposer leur loi au président de la République ? » Cette question appelle plusieurs remarques. D’abord on rappellera à cette pseudo-journaliste amnésique que c’est Macron lui-même qui a décidé de cette démarche et qu’il s’est engagé sans qu’on ne lui demande rien à appliquer les propositions de la Convention citoyenne. Mais elle suppose bêtement que 150 citoyens tirés au sort sont moins légitimes et représentatifs qu’un pantin élu par 37% du corps électoral grâce à un appui éhonté d’une presse vendue et à des moyens financiers puissants. On comprend bien la logique de Françoise Fressoz en avançant qu’un président élu est plus légitime (pour ne pas dire plus intelligent) que 150 Français tirés au sort, elle s’avance sur un terrain miné. Si les propositions de la Convention citoyenne avait convenu au locataire de l’Elysée, on aurait salué la démocratie directe, mais comme elles ne plaisent pas ou du moins qu’elles ne conviennent pas aux commanditaires de Macron, il faut les disqualifier. C’est ce qu’on pourrait appeler la démocratie à géométrie variable. Un comme Trump quand il est élu il nous dit que le peuple s’est très bien exprimé, mais quand il est battu il ne reconnaît pas le résultat d’un processus démocratique. Le second point c’est qu’en refusant d’appliquer les propositions de la Convention citoyenne, Macron revient sur sa parole d’homme d’Etat. On me dira que ce n’est pas le premier, mais ça ne peut que raviver la méfiance légitime envers le système politique qui ne tient compte que de ses propres intérêts liés à sa survie et non pas des intérêts de la communauté. 

La riposte n’a pas tardé. C’est l’ancien macronien Mathieu Orphelin qui a dénoncé le fait que les 7 et 8 décembre 2020 les participants étaient invités à débattre des solutions qui en fait ont déjà été arbitrées et inscrites dans le projet de loi : « On nous met devant le fait accompli ! Cette coconstruction est une farce, les arbitrages sont déjà pris ! » a-t-il dit. « J’ai également appris que les réunions se tiendront, tenez-vous bien, sans le projet de loi, alors qu’il est déjà écrit. La concertation avec les parlementaires, les citoyens et les acteurs, c’est tout sauf cela. » Cyril Dion de son côté a dénoncé dans une tribune la démarche de Macron, disant à mots couverts qu’il n’était qu’un menteur[4]. Macron l’accusant à son tour de trahison. Dion a de surcroît lancé une pétition qui à l’heure où j’écris a déjà réuni près de 400 000 signatures. Les conventionnaires ont travaillé pendant une année. Et c’est ce travail qui les a conduits à une opposition frontale avec les politiques, ils se sont plaints que les experts et ceux qui étaient désigner pour les encadrer les brutalisent et tentent de tordre leurs résultats dans un sens qui soit plus facilement compatible avec Macron. Le fond de l’affaire ne porte pas seulement sur le fait que les politiques, la Pompili comprise, sont des menteurs au service des lobbyistes, mais dans l’opposition de plus en plus claires entre deux conceptions de l’écologie. La première celle de Macron et des politiques est de ne prendre des mesures que si celles-ci laissent intact le mode de production et de consommation qu’on connaît encore aujourd’hui. Donc le but est de maintenir la croissance avec comme moteur la course au profit. L’idée sous-jacente est qu’il faut financer la transition en remplaçant le diésel par de l’électricité renouvelable et les techniques consommatrices d’énergie par des techniques moins énergivores. On veut bien faire du bio, mais on ne s’attaquera pas à l’agriculture intensive. La seconde approche, celle des conventionnaires c’est que nous devons nous attaquer à la racine du mal et modifier radicalement notre rapport compulsif à la marchandise. Autrement dit, et sans le dire cependant, pour avancer sérieusement sur cette question, il faut en finir avec le capitalisme[5], que l’adaptation soit plus ou moins longue ne change rien. On ne peut pas prétendre travailler pour le climat en délocalisant les activités industrielles polluante en Chine ou en Afrique. Ce débat n’est pas anodin, il est constitutif des luttes politiques qui vont se dérouler dans les années à venir. Les politiciens aiment bien parler de transition, mais dès qu’ils emploient ce mot, ils sombrent le plus souvent dans le green washing qui ferait apparaitre Greta Thunberg comme une dangereuse révolutionnaire. Anne Hidalgo à qui on prête l’idée saugrenue de se présenter aux élections présidentielles est sur celle ligne, elle veut bien lutter contre le réchauffement climatique, mais maintenir les Jeux Olympiques de 2024[6]. Si on la suit bien, ce serait l’aménagement urbain qui serait une bonne chose pour améliorer la qualité de l’environnement ! Ce serait drôle si ce n’était pas triste car elle aussi croit, ou fait semblant de croire, que ce sera par le biais de toujours plus d’investissements nouveaux qu’on va pouvoir s’en sortir, or les travaux qui donnèrent lieu à la publication du fameux Rapport Meadows étaient très clairs sur la question en 1972 : il n’y aura pas de solution sans décroissance, c’est-à-dire sans remise en cause du productivisme et du consumérisme.

  

Il reste deux questions en suspens qui empêchent l’accord entre Macron et plus généralement la classe politique et les conventionnaires : la première c’est celle du progrès technique, Macron fait semblant de croire que le progrès technique est le bon palliatif, comme si le progrès technique ne s’était pas toujours payé quelque part par un recul. Je passe sur l’idée idiote selon laquelle le progrès technique arriverait automatiquement en temps et heure pour sauver l’humanité. Mais la seconde idée bête c’est de croire qu’il faut continuer la croissance et accumuler des profits pour pouvoir investir dans l’innovation technologique qui nous sauvera. Autrement dit les politiques veulent déléguer la solution de ces problèmes à la sphère techno-scientifique, alors qu’elle ressort du politique : quel monde nous voulons construire ?  Toujours dans la          même veine du en même temps, Macron vient d’avancer que notre avenir c’est le nucléaire et non pas de dépenser moins d’énergie[7]. Il fait l’impasse sur le traitement à long terme des déchets, mais aussi sur les risques d’accident comme on l’a vu à Tchernobyl ou à Fukushima. C’est comme un pied de nez à la Convention citoyenne qui a cru à son rôle. Il dit aussi qu’il n’a pas d’autre idée, ce qui traduit en clair donne : « je ne veux absolument pas changer de modèle économique car cela fâcherait mes sponsors ».



[1] https://reporterre.net/En-colere-des-membres-de-la-Convention-citoyenne-boycottent-le-gouvernement?fbclid=IwAR0vIsfH19I0_VyxI8IMCF2T6o7VYAyOEk0vogn2CBOJQwd48YuEsJvKtUQ

[2] Macron dira qu’il n’a pas réussi à sortir du glyphosate, mais qui l’en a empêché si ce n’est lui-même et Philippe qui ont cédé aux lobbies ? incapable de reconnaitre ses torts, il parlait d’échec collectif.  https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/sortie-du-glyphosate-macron-dit-ne-pas-avoir-reussi-plaide-un-echec-collectif-864618.html

[3] En tenant compte des abstentionnistes qui ont refusé de trancher entre Marine Le Pen et Macron et ceux qui ont voté contre lui, Macron n’a réuni que 37% des électeurs sur son nom, soit un électeur sur trois. On remarque que depuis le début de son mandat, 2 Français sur trois sont hostiles à sa politique sur presque tous les sujets.

[4] https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/05/cyril-dion-a-emmanuel-macron-tenir-parole-pour-un-president-de-la-republique-c-est-le-socle-de-nos-democraties_6062321_3232.html

[5] C’est l’idée que développe depuis quelques années Hervé Kempf ancien journaliste du Monde et créateur du très bon site Reporterre qui parfois s’égare vers des problèmes de société ; Hervé Kempf, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Le seuil, 2009.

[6] https://www.latribune.fr/economie/france/on-pourrait-accelerer-la-sortie-de-crise-si-l-etat-concretisait-avec-les-maires-la-relance-verte-anne-hidalgo-865055.html

[7] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/notre-avenir-energetique-et-ecologique-passe-par-le-nucleaire-juge-macron-865273.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Des journalistes de Cour aux publicitaires de l’Atlantisme rénové, l’exemple de Marianne

    Il y a quelques temps encore, un lecteur un peu hâtif pouvait se faire des illusions sur Marianne et son contenu. C’était l’époque où ...