Mieux vaut
allumer une bougie que maudire les ténèbres
Confucius
Discuter des tenants
et des aboutissants de la guerre entre Israël et le Hamas est une excellente
opportunité de se disputer en famille, et je me doute que le texte suivant sera
mal reçu par une partie de mes lecteurs. Dans l’état d’hystérie où se trouve
l’opinion, il est quasiment impossible de discuter sérieusement du conflit qui
agite Israël et ses voisins, sans se faire traiter de nazi ou pire encore de
« sioniste » qui est devenu aujourd’hui la marque de l’infamie. Si on
n’en est pas encore en France à remettre en question l’existence même d’Israël,
on n’en est pas bien loin. Cependant, comme on va le voir, le changement de
régime politique en Syrie qui donne le pouvoir aux islamistes radicaux ne
laisse rien augurer de bon, aussi bien pour les malheureux Syriens que pour
Israel. Les thèses ci-dessous doivent servir de point de départ pour une
réflexion sur l’ensemble de ces conflits qui ne paraissent pas avoir pas avoir
de fin. Le fait que les médias dans leur ensemble mettent en accusation en
permanence l’État hébreux, occulte le fait que toute la région est traversée
par la guerre, et elle le serait encore même si Israël venait à disparaitre.
1. Si on considère que
la guerre entre l’État d’Israël et les deux entités islamistes, le Hamas et le
Hezbollah, a commencé le 7 octobre 2023 lors d’un pogrome horrible perpétrés
principalement contre des civils, il apparait que le plan du Hamas qui était
d’entrainer une réponse terrible de la part d’Israël, a parfaitement
fonctionné. En effet après cet acte barbare, Israël a été entrainé vers une
riposte violente qui cause énormément de dégâts dans la population de Gaza. Il
semble que c’était le but premier du Hamas, obliger Israël à déclencher une
guerre ouverte qui la pousse à se mettre au ban de l’opinion publique mondiale.
2. Le Hezbollah depuis
les terres qu’il domine au Liban pour le compte de l’Iran joue sa partition en
mineur, malgré les assauts de Tsahal, il ne semble pas prêt à une confrontation
acharnée. Ces derniers temps les timides réponses de l’Iran paraissent avoir
démontré que ce pays n’a pas ni la volonté, ni la capacité d’affronter l’État
hébreux. Il faut rappeler pour les plus jeunes que longtemps le Liban était un
pays paisible et prospère, on l’appelait la Suisse du Moyen-Orient. Sa
destruction progressive a commencé avec les tentatives de coup d’État dans ce
pays orchestré par les Palestiniens de Yasser Arafat. Le Liban est devenu alors
un pays en proie à la guerre civile. La conséquence en a été une islamisation
rapide du pays, mais aussi une mise sous tutelle d’une partie de son territoire
par l’Iran et la Syrie. Dans le conflit actuel, et malgré la répression
israélienne qui a décapité le Hezbollah, il semble que celui-ci soit hors-jeu,
au moins provisoirement, comme s’il s’était laissé entrainer dans un conflit
qui le dépasse et que la fin de Bachar al-Assad a rendu encore plus fragile, n’ayant
plus beaucoup d’alliés. C’est pourquoi nous traiterons ici plus
particulièrement de Gaza où le Hamas domine sur le plan politique.
3. La presse
occidentale et particulièrement européenne si dans un premier temps – quelques
jours à peine – elle a condamné la barbarie du Hamas, rapidement elle a mis la
pression sur Israël, avançant que cette violence aurait pu être évitée et
peut-être on aurait pu récupérer un peu plus d’otages vivants. Comment ?
On ne le sait pas. Que devait faire Israël ? Négocier pour récupérer les
otages ? Négocier avec qui ?
Il était sous-entendu que la réponse brutale d’Israël était
inappropriée. C’est le terme qu’on emploie dans le journal Le monde. Et
c’est sur cette rhétorique que la plupart des dirigeants européens, dont
Macron, vont s’aligner les uns après les autres.
4. Comme la guerre en Ukraine, la guerre d’Israël contre le Hamas est une guerre asymétrique. Le camp le plus fort militairement est provoqué par le camp le plus faible qui ne craint pas les victimes collatérales et le désastre que cela entrainera, encore qu’il semblerait que les Gazaouis ne sont pas unanimes derrière le Hamas, une grande partie d’entre eux se rendant compte du désastre que l’action de ce parti islamiste radical a provoqué[1]. En Ukraine comme à Gaza, la partie la plus faible dissimule des combattants, des cellules de commandement parmi les civils, les écoles et les hôpitaux et plus il y a de victimes collatérales et plus la partie la plus forte est considérée comme la fautive de la guerre. Quand la presse occidentale parle de la guerre en Ukraine, elle considère que celle-ci a démarré en février 2022 par l’invasion de la Russie. Elle oublie volontiers que les régions du Donbass étaient déjà en rébellion contre Kiev depuis au moins 2014 et que l’armée ukrainienne avait accéléré le bombardement des régions en sécession. Comme elle oublie volontiers que l’entrée de l’armée israélienne est consécutive au pogrom du 7 octobre 2023.
5. La gauche, notamment celle de Mélenchon et les gauchistes considère que la faute initiale est la création en 1948 de l’État d’Israël, arguant que les terres auraient été volées aux Arabes qui seraient les vrais Palestiniens, les Palestiniens historiques, les Juifs ne seraient même pas des vrais Juifs[2] et seraient seulement des pièces rapportées qui auraient saisi avec la complicité des Américains l’opportunité de créer un État à eux. Ces gens-là, animés par un tiermondisme hors de saison oublient que les Américains sont restés très longtemps hostiles à la création d’Israël pour maintenir de bonnes relations avec les pays pétroliers arabes. Mais comme Staline soutenait cet État nouveau socialisant, ils s‘y sont mis aussi, poussés par le lobby juif américain. Plus récemment Macron que je classe sans remord très à droite, s’est fait remarquer pour sa stupidité et son ignorance, avançant bêtement que c’était l’ONU qui en 1948 avait créé Israël. Déjà en en mauvais termes avec presque le monde entier, il a choisi de faire cette déclaration la veille de la commémoration du pogrom du 7 octobre 2023, se mettant à dos les Juifs de France. Évidemment en 1948 l’ONU n’a fait qu’entériner un état de fait. Macron a récidivé un peu plus tard sur Cnews en avançant : « Je ne suis pas sûr qu'on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie », a déclaré le président, sous-entendant que l’État hébreu alimente l'escalade des tensions au Moyen-Orient. Une intervention partagée sur X par Jean-Luc Mélenchon qui une nouvelle fois affiche sa complicité avec Macron. Autrement dit si on avoue que le pogrom du 7 octobre 2023 était bien un acte barbare, on met l’accent sur le fait que lorsque les Israéliens se défendent, ils deviennent des mauvais juifs peu fréquentables, on ne les aime qu’en tant que victimes de la Barbarie. Macron a prononcé ces mots lors d’une conférence sur le Liban où il a promis que la France verserait 100 millions d’euros à ce petit pays martyrisé pour l’aider à sa reconstruction. N’insistons pas sur ce que valent les promesses de Macron, mais cette précipitation à reconstruire le Liban, alors que la guerre n’est pas terminée avec le Hezbollah est curieuse, surtout qu’elle n’est pas accompagnée d’une réflexion minimale sur le fait que ce pays soit pour partie sous la domination de l’Iran, et pour une autre partie sous celle de la Syrie qui, avant qu’elle ne sombre dans le chaos, a toujours eu pour but affiché de réunifier la Syrie et le Liban sous un même drapeau. Or, il est évident qu’on ne peut pas parler des fautes de l’armée israélienne en laissant de côté les exactions du Hezbollah de côté.
La fragmentation du Liban
6. La gauche
islamophile avance très souvent que le crime initial n’est pas celui du Hamas,
mais le vol des terres par les Israéliens au moment de la guerre de 1948 qui a
vu l’exode d’une partie des Arabes à qui les pays qui entouraient Israël
avaient promis qu’ils allaient gagner la guerre, chasser les Juifs et que ceux
qu’on n’appelait pas encore les Palestiniens pourraient récupérer leurs
positions. Il est très rare que cette gauche admette qu’il y a un lien entre la
Nakba et l’expulsion quasi-totale des Juifs de l’ensemble des pays musulmans.
7. Rechercher les
origines profondes du conflit dépend de la date de départ que l’on choisit. Les
soutiens de la cause palestinienne pensent que la cause première réside dans
l’arrivée massive de Juifs européens à qui les Anglais avaient fait miroiter la
possibilité de créer un État juif. Évidemment on pourrait tout aussi bien
remonter aux conquêtes arabes de la Palestine et on aurait une tout autre
vision des choses. Mais même si on remonte à seulement au dernier quart du XIXème
siècle, l’analyse des motivations des Juifs européens si elle a été inscrite
dans un nouveau discours sioniste émancipateur, n’avait rien à voir avec une
politique anglaise impérialiste qui ne se manifesta effectivement qu’après la
défaite de l’Empire ottoman qui s’était allié avec l’Allemagne lors de la
Première Guerre mondiale. Les Anglais en soutenant le Foyer juif, avaient aussi
des visées sur les pays pétroliers bien entendu, mais soutenir le Foyer juif
était seulement une opportunité pour s’installer au Moyen-Orient.
8. Il vient que de discuter à l’infini sur les torts des uns et des autres n’a pas grand sens, il est préférable de partir du fait qu’en Palestine, coexistent deux populations de taille à peu près équivalente et de réfléchir à la possibilité de construire deux États viables et sécurisés. Les plans sont prêts, mais manquent la volonté politique, aussi bien celle de la partie arabe que celle du gouvernement israélien qui s’est peut-être trop habitué à vivre en territoire hostile.
9. Cette guerre
meurtrière qui se déroule depuis plus d’une année maintenant, la plus
meurtrière depuis la création d’Israël, a abouti à la décapitation du Hezbollah
et du Hamas. Même si ces deux groupes ne veulent pas déposer les armes, il est
évident qu’ils n’ont plus les moyens de continuer la lutte armée autrement
qu’en faisant des petits coups. En France et généralement en Occident, on
prétend que les actions de l’armée israélienne peuvent provoquer une escalade
terrible avec l’entrée dans le conflit de l’Iran. Mais c’est juste pour faire
peur aux enfants et pour inciter Israël à la retenue. C’est une manière aussi
de mettre uniquement sur le dos d’Israël le désastre de la guerre à Gaza.
Cependant les observateurs les plus avertis pensent que l’Iran veut éviter un
conflit avec Israël, et que ce pays ne répondra à Israël qu’avec beaucoup de
prudence, histoire de dire qu’il va faire quelque chose.
10. On a assisté à une comédie assez ignoble de la part des Européistes, Macron, Josep Borrel avant qu’il ne cède sa place, ou encore Ursula von der Leyen ont appelé à cesser les livraisons d’armes à Israël pour ne pas entretenir la guerre. Mais ils auraient pu dire la même chose pour la guerre en Ukraine, alors que là au contraire ils ont dépensé des milliards d’euros pour entretenir un conflit sans issue, et ce n’est pas encore fini, jusqu’à ce que le maître américain dise que cela doit cesser. En vérité les Européens jouent ce jeu à la fois parce qu’ils possèdent en eux un vieux fond d’antisémitisme et aussi parce qu’ils craignent en Europe une réaction violente des populations musulmanes immigrés qui soutiennent la cause palestinienne sans trop savoir ce que c’est.
Yayah Sinouar éliminé à Rafah le 16 octobre 2024
11. La gauche et généralement les politiciens comme les médias donnent une importance beaucoup trop grande au conflit entre le Hamas et Israël, il y a des conflits bien plus meurtriers de par le monde qui ne les intéressent pas. On a beau dire que d’importer le conflit israélo-palestinien dans notre pays est une aberration, cette tendance persiste malheureusement, portée par la gauche mélenchonienne et par la communauté musulmane issue de l’immigration. C’est d’ailleurs pour partie ce positionnement derrière la mouvance musulmane en France qui explique la perte de crédibilité de la gauche sur le plan électoral. Pourtant les sondages récents montrent que les Français restent globalement éloignés de cette question et ne se rapprochent pas vraiment d’un soutien à la cause palestinienne. Il est donc erroné sur le plan tactique comme l’a fait Mélenchon de mener campagne lors des élections européennes et législatives en défendant la cause palestinienne pour gagner quelques sièges dans les banlieues, mais ce dernier est un piètre tacticien et un mauvais stratège. Dans le même sondage que j’ai cité un peu plus bas, on considère que près des deux tiers des Français ne manifestent ni sympathie, ni antipathie pour les deux partis en présence, sauf pour le Hamas qui est considéré massivement comme antipathique et terroriste, et non comme un mouvement de résistance. La majorité des Français, près des deux tiers, considère cependant que la riposte d’Israël au pogrom du 7 octobre 2023 est tout à fait justifiée. Dans ce sondage les manifestations propalestiniennes sont jugées également inappropriées, favorisant la montée de l’antisémitisme dans notre pays.
Sondage Ifop, avril 2024
12. On remarque que si
la sympathie des Français à l’endroit d’Israël est assez faible et s’est
nettement affaiblie avec l’entrée de l’armée israélienne dans Gaza, elle est
encore plus faible pour la partie palestinienne, et proche de zéro pour ce qui
concerne le Hamas. Si cet affaissement de la sympathie pour Israël est pour
partie imputable à la présentation tronquée de la guerre par les médias
dominants, il apparait que la propagande du « système » composé du
bloc des partis et du bloc des médias, n’arrive pas à mordre sérieusement dans
l’opinion. Seuls quelques poignées d’étudiants en mal de reconnaissance se
lancent dans cette aventure. C’est probablement dû au fait que les Français
dans leur ensemble considèrent généralement la communauté musulmane comme
agressive et destructrice des valeurs traditionnelles du pays, la laïcité et la
République, ne faisant que peu d’effort pour s’adapter aux mœurs et aux
coutumes de notre pasy. Autrement dit si les Français font le lien entre ce qui
se passe en Palestine et la France, c’est par le biais d’une détestation
générale de la culture musulmane.
13. Le monde qui
vit depuis des décennies dans l’erreur, a bien sûr pris fait et cause pour les
Palestiniens, les dissociant volontiers du Hamas et du Hezbollah, c’est comme
si en 1945 on avait dissocié les Allemands du nazisme au prétexte des
bombardements sur Dresde. Personne n’avait parlé à ce moment-là de crimes de
guerre et de génocide. Ce journal a été un des premiers à parler de génocide.
Benjamin Barthe s’applique jour après jour à développer cette idée. Mais ce
journal, notamment naguère à travers les dessins abominables de Plantu était
déjà bien avant l’invasion de Gaza acquis à la cause palestinienne, avec une
pointe d’antisémitisme pas toujours bien camouflée derrière les leçons de
morale données à Israël. La méthode du Hamas est depuis très longtemps de
camoufler armes et soldats au milieu de la population prise en otage, pensant à
juste titre que les cadavres des Palestiniens feront avancer leur cause auprès
des opinions occidentales qui n’attendent que cela pour condamner Israël.
14. Utiliser le terme
de génocide qui signifie l’élimination intentionnelle et concrète d’un
groupement humain pour en éradiquer la souche, est impropre pour ce qui se
passe à Gaza. Quand les blancs venus d’Europe ont pratiqué un génocide sur le
territoire de ce qui est devenu les Etats-Unis, ils ont éradiqué au bout du
compte 95% de la population des Amérindiens, quand les nazis allemands ont
pratiqué un génocide des Juifs européens, ils ont divisé leur population par
deux. Les Turcs ont massacré 77% de la population arménienne entre 1915 et
1923. Les pertes humaines des Palestiniens de Gaza s’élèvent selon l’ONU à
environ un peu plus de 40 000 pour 2 100 000 d’individus, soit
0,2%[3].
Bien entendu, ces morts sont toujours des morts de trop et on comprend la
douleur des familles comme on comprend celle des malheureux juifs israéliens
victimes du pogrom du 7 octobre 2023. Mais, quel que soit le jugement qu’on
porte sur la politique de Benjamin Netanyahu, et personnellement j’en pense du
mal, il est faux de penser que le but d’Israël soit l’éradication d’un peuple à
sa racine. A l’inverse la charte du Hamas, amendée ou non a toujours eu pour
but la destruction de l’État d’Israël et le départ des Juifs de Palestine. À la
suite de la publication du texte de 2017, soi-disant amendé, l’ambassade
d’Israël en France avait jugé qu’il ne proposait « que des ajustements
superficiels à la façon dont le Hamas se présente au monde », « un
écran de fumée pour cacher l’objectif original du Hamas de détruire Israël par
le terrorisme »[4].
Bilan de la guerre entre
Israël et le Hamas entre le 7 octobre 2023 et le 3 décembre 2024 – source Statista
15. Si la presse occidentale parle si volontiers de génocide c’est en vérité pour inverser l’idée traditionnelle selon laquelle les Juifs ont subi un holocauste, et faire des Juifs des néo-nazis. Cette rhétorique folle a plusieurs fonctions, d’abord celle de déculpabiliser les pays européens qui ont laissé faire le génocide des Juifs, ensuite de revenir à l’idée que le Juif étant fondamentalement mauvais, finalement Hitler n’avait pas tout à fait tort de vouloir les éliminer de la surface de la planète. Et enfin cela minimise le fait que durant la Seconde Guerre mondiale ce sont bien les musulmans de Palestine qui étaient alliés avec Hitler et qui levaient des troupes pour aller combattre le communisme en Russie ! Cette alliance si elle avait vu l’Allemagne gagner la guerre aurait permis aux musulmans de Palestine de se débarrasser définitivement des Juifs et d’empêcher la création d’Israël.
Amine Al-Husseini et Adolf
Hitler, 1941
16. Ces extravagances
des médias sur l’analyse de la situation de la guerre à Gaza, alimentent
évidemment une montée spectaculaire de l’antisémitisme dans les pays
occidentaux. Tout indique que la nouvelle doxa qui se développe en Occident est
que les Juifs comme les Russes sont fondamentalement mauvais et abusent de leur
force militaire. On notera que cette position est incohérente parce que si on
est contre les Russes pour cause de conflit en Ukraine, on ne peut pas être
pour le monde musulman qui est plutôt dans le conflit avec l’OTAN du côté de la
Russie !
17. On remarque que
dans le cas des deux conflits, en Ukraine et à Gaza, l’émotion, c’est-à-dire
les bombardements et les morts dans la population civile, prime sur l’analyse
rationnelle. Certes il est naturel et humain de partir de ses émotions immédiates
pour prendre position, mais prendre position dans deux conflits difficiles et
compliqués, ne peut pas se faire sérieusement sans un minimum de
rationalisation. Or celle-ci est occultée par les images diffusées par les
médias grand public et les réseaux sociaux. Pourtant un minimum de réflexion
montre que les deux conflits, s’ils présentent des similitudes sont de nature
bien différente. Le conflit en Ukraine est le résultat à la fois d’un tracé des
frontières mal pensé lors de la chute de l’URSS et de la stratégie de l’OTAN
pour avancer vers la Russie, et le second conflit est le résultat d’une volonté
séculaire des musulmans de nier l’existence d’Israël.
18. Cela ne veut pas dire que les Israéliens et leurs gouvernements successifs n’ont pas de responsabilité dans ce conflit, mais seulement que cette mauvaise volonté évidente d’aujourd’hui de l’État hébreux est aussi le résultat de l’attitude des États musulmans et ensuite de ceux qu’on appelle aujourd’hui les Palestiniens visant à ne pas reconnaitre Israël. Toute la gauche israélienne s’est épuisée dans des négociations qui n’ont pas abouti et finalement a laissé la place à une droite qui ne savait parler que de sécurité, sans perspective de long terme, refusant de s’engager sur la voie d’un partage équitable en vue de former deux États. A la conférence de presse que Vladimir Poutine a tenu à l’issue du sommet des BRICS à Kazan, il a dit plusieurs choses très importantes, d’abord qu’il comprenait la réaction d’Israël à la barbarie du 7 octobre 2023. Et même s’il a déploré les morts de Gaza, il a évité de remettre en question les relations avec Israël, proposant à l’inverse de travailler avec Israël à la création d’un État palestinien viable. Cette déclaration était importante, il a ajouté ensuite qu’il n’y aurait pas d’escalade au Moyen Orient avec un soutien de la Russie à l’Iran. Allant jusqu’à assurer qu’aucun des pays de cette région ne voulait se lancer dans une guerre totale. Cette déclaration est passée inaperçue, les médias français et occidentaux, obsédés par leur soutien inconditionnel à la cause palestinienne, les ont passés complètement sous silence. Ses propos sur la question étaient très modérés par rapport à ce que peut raconter la gauche ou même Macron et ses collègues de l’Union européenne[5].
Manifestation antisémite en
Australie
19. Les opérations
d’Israël contre le Hezbollah au Liban peuvent sembler moins importantes que
celles qui se déploient à Gaza. En vérité elles ne sont pas de même nature. Si
les opérations sur Gaza relèvent de la riposte et d’une volonté punitive,
celles qui se déroulent au Liban ressemblent à des actions de prévention,
visant à frapper le mouvement terroriste avant qu’il n’ait la capacité de
devenir réellement dangereux. C’est aussi une manière indirecte de porter des
coups à l’Iran qui est par ailleurs empêtré dans une situation difficile à
l’intérieur. Il faut rappeler ici que le Hezbollah, comme le Hamas et comme
l’Iran est une entité dont le but avoué est de chasser les Israéliens – les
Juifs – de la Palestine. Macron et le gouvernement française appellent à un
cessez le feu au Liban. Mais cela n’a plus de sens pour un petit pays qui est
pour partie occupé par la Syrie et pour une autre partie par l’Iran. Depuis au
moins les fantaisies de Macron qui admonestait vivement les Libanais en leur
demandant de produire un gouvernement conforme à la doxa libérale après une
double explosion à Beyrouth qui avait fait 150 morts, avec un chantage à l’aide
de la France, la France, naguère encore présente au pays du cèdre, n’est plus
écoutée. Elle n’est pas plus écoutée du coté israélienne que du côté libanais
d’ailleurs, incapable de produire une forme de diplomatie originale qui
faciliterait les efforts de paix.
21. Le Hezbollah a été décapité et aura du mal à s’en remettre. L’armée israélienne a confirmé le 22 octobre 2024 avoir tué le haut responsable du Hezbollah Hachem Safieddine lors d’une frappe effectuée sur Beyrouth début octobre. Il était présenté comme le successeur d’Hassan Nasrallah, lui-même mort dans une frappe israélienne fin septembre. Certains ont hâtivement parlé d’action terroriste de la part d’Israël parce qu’il y a des dégâts collatéraux importants parmi les civils, mais force est de constater que la manière dont les cadres supérieurs du Hezbollah ont été éliminés, démontre que les services secrets israéliens, malgré les critiques qu’on a émises légitimement après le désastre du 7 octobre 2023, ont conservé une grande capacité de pénétration sur le terrain de l’ennemi. C’est évidemment une victoire d’Israël de ce point de vue, même si cette victoire peut être remise en question plus tard si émergence un nouveau pouvoir islamiste fort en Syrie avec la fin du régime de Bachar al-Assad.
Hachem Safieddine, chef du conseil exécutif de l’organisation terroriste du Hezbollah, a été tué » dans la banlieue sud de Beyrouth
22. La défaite du
Hezbollah cependant sera difficilement définitive, et surtout elle n’aidera pas
forcément le Liban à redevenir un pays multiculturel prospère, stable et
paisible, la Suisse du Moyen-Orient comme on disait encore jusqu’au début des
années soixante-dix quand les Chrétiens et les Druzes se partageaient le
pouvoir. Mais c’était avant la tentative de coup d’État de l’OLP dans ce
malheureux pays, c’est de cette époque que date l’effondrement programmé du
Liban qui est passé progressivement sous la tutelle des Syriens et des Iraniens
qui l’ont peu à peu dépecé à travers une longue guerre civile. C’est quelque
chose qu’on oublie volontairement, mais le Liban n’est plus un pays
souverain.
23. Certains
observateurs en Israël même pensent que le but d’Israël en bombardant le Liban
est de déstabiliser le régime iranien, voire d’en terminer avec lui en l’entrainant
dans une confrontation générale. C’est une hypothèse qui ne me parait pas très
réaliste. Certes le régime des mollahs a du plomb dans l’aile et se trouve très
contesté à l’intérieur de ses frontières, notamment par la jeunesse et les
femmes. Mais un changement de régime sera difficilement conduit à court terme
par les Israéliens, même s’il est possible que ce régime pourrisse de
l’intérieur dans quelques années ou décennies. Les sanctions occidentales
contre Téhéran n’ont strictement rien donné et ont poussé l’Iran dans les bras
de Moscou et de la Chine.
24. La gauche
occidentale qui connait très mal la question palestinienne pour laquelle elle
s’enflamme périodiquement, tend à confondre le fait que les Etats-Unis
soutiennent Israël avec le fait que ce pays belliqueux serait à l’origine du
conflit, parfois les plus furieux affirment qu’Israël manipule les Etats-Unis,
rhétorique qui fleure bon les années de l’Occupation. Le cadre philosophique de
cet antisémitisme transformé opportunément en antisionisme est celui définit
par Alain Badiou, médiocre philosophe, qui non seulement à soutenu tous les
crimes à grande échelle qui ont été commis au Cambodge par les Khmers rouges,
ou en Chine au moment de la Révolution culturelle, mais qui a théorisé cette
nouvelle forme d’antisémitisme[6]
qui oscille entre l’idée que les Etats-Unis sont manipulés par Israël, et celle
qui nous dit au contraire qu’Israël est la pointe avancée de l’impérialisme
étatsunien au Moyen-Orient. Or s’il est vrai que ce nouveau conflit est
certainement une opportunité pour les Etats-Unis de revenir au Moyen-Orient
dont ils avaient été plus ou moins chassés depuis une dizaine d’années, les
causes d’icelui sont bien plus profondes que cela comme nous l’avons dit plus
haut. On ne refait pas l’histoire bien sûr, mais si au début des années 2000
les négociations avaient abouti à la création de deux États bien distincts et
viables, la tragédie du 7 octobre 2023 et celle de Gaza qui suivit auraient été
évitées. Le contexte s’y prêtait et beaucoup à Gaza comme en Israël pensaient
déjà à des projets de coopération entre Juifs et Arabes.
25. Il semble qu’à l’heure actuelle l’Autorité Palestinienne représentée par le Fatha attende la chute finale du Hamas, se tenant en retrait, tout en condamnant verbalement la violence de l’armée israélienne. Il est remarquable que les pays arabes qui ont signé les accords d’Abraham ne trouvent rien d’autre à dire que de demander un cesser le feu. Pire encore les Arabes israéliens selon un sondage récent considèrent à 54% que l’éradication du Hamas sera une bonne chose pour les Palestiniens[7]. Cette chute pourrait en effet permettre à moyen terme l’ouverture de nouvelles négociations entre Israël et la partie palestinienne et, peut-être, d’aller enfin vers une normalisation. Il n’est donc pas certain que la catastrophe de Gaza fabrique de plus en plus de soldats pour le Hamas comme on l’entend dire chez ceux qui voudraient voir Israël adopter une autre attitude. Et parfois d’un grand malheur peut advenir quelque chose de bon.
La chute du régime de Bachar al-Assad
26. La chute du régime de Bachar al-Assad pose de nombreuses questions. Les médias occidentaux ont fêté avec enthousiasme cette fin qu’ils souhaitaient depuis longtemps, comme si les radicaux musulmans de HTC étaient plus fréquentables que le régime semi-laïque de la Syrie. Pour démontrer qu’ils avaient raison dans cette préférence, ils en ont étalé tant et plus sur le lourd passif répressif de de Bachar al-Assad, passant sous silence les nombreuses exécutions sommaires, les scènes de pillages et les viols perpétrés par les hommes d’Abou Mohammad al-Joulani. Le nouveau pouvoir installé vient de nommer un ministre de la justice qui dans la foulée a proclamé la charia. Le 8 décembre Le monde, toujours victime de son aveuglement titrait son éditorial : La chute du bourreau de la Syrie, enfin. Les écologistes emboitaient le pas à cette ineptie.
27. Cette « victoire »
d’HTS n’aurait pas pu avoir lieu sans l’aide directe et indirecte des
Etats-Unis, qui, comme à leur habitude ont armé un mouvement terroriste vengeur
qui vient directement de al Quaida, comme en Afghanistan, ils n’apprennent
jamais rien, croyant qu’ils les contrôleront plus tard. On sait aussi que l’aviation
américaine a agi en protégeant l’avancée d’HTS contre l’armée régulière
syrienne. Également, les Turcs ont appuyé ce mouvement.
28. Cette chute signe la fin de la Syrie telle que nous la connaissons dans ses frontières officielles depuis la fin de la Première Guerre mondiale. La carte ci-dessous montre que ce malheureux pays est en voie de déchirement. On prête aux Américains l’idée de créer un État kurde dans le Nord-Est du pays. Ce ne sera pas si facile parce que pour légaliser cela il faudrait une ratification de l’ONU qui sera difficile à obtenir. Les Turcs vont tenter d’annexer une partie du nord de la Syrie, une zone qu’ils ont revendiquée de très longue date, disons depuis la chute de l’Empire ottoman. Israël est en train, de fait, d’annexer le Golan, objectif ancien qui vise à la fois à sécuriser la frontière avec la Syrie, et à mettre la main sur des réserves pétrolières probables. A l’intérieur de ces zones plus ou moins contrôlées par des puissances étrangères, les luttes en fractions rivales ont déjà pris le pas sur la nécessité de reconstruire le pays. Évidemment, le contrôle de tout ou partie de la Syrie intéresse également le Qatar et la Turquie qui veulent développer la livraison de gaz vers l’Europe qui est aujourd’hui au trente-sixième dessous sur le plan de l’énergie.
29. Le dépeçage de la
Syrie intéresse comme on le comprend beaucoup de monde, et principalement les
Américains qui pensent ainsi reprendre la main au Moyen Orient d’où ils avaient
été éjectés depuis près de 10 ans. Cependant, il semble qu’ils auront du mal à
profiter du chaos qu’ils ont fait advenir. D’abord parce que depuis la chute d’Assad,
les différentes factions ont commencé à s’entredétruire. Mais à supposer qu’HTS
arrive à installer son pouvoir sur l’ensemble de la Syrie, cela se fera
probablement dans un bain de sang, mais surtout, HTS renforcé deviendrait
rapidement un allié encombrant des Etats-Unis et même de la Turquie. Bien entendu
le soutien à la cause dite palestinienne est d’ores et déjà passé à la trappe.
Ni l’Iran, ni le Qatar seront capables de soutenir celle-ci en livrant des
armes.
30. Tant que le chaos
régnera en Syrie, Israël connaitra sans doute un apaisement avec ses turbulents
voisins. Mais ce chaos ne durera pas toujours, et si Israël manifestait la
fantaisie de vouloir garder le Golan, le prétexte serait rapidement trouvé pour
les nouveaux maitres de la Syrie de réenclencher un conflit avec l’État hébreux.
Sur le moyen et long terme, Israël n’a rien à attendre du nouveau pouvoir en
Syrie, bien au contraire, n’étant plus freiné par les Russes comme l’était
Assad, il deviendra plus virulent une fois qu’il se sera réarmé.
31. Le grand perdant de cette passation de pouvoir est l’Iran, bien plus que la Russie. En effet l’Iran perd le Hezbollah qui lui était fidèle et n’a plus guère d’influence en Syrie. Il est très probable que cela a évité finalement une guerre directe entre Israël et l’Iran.
[1]
https://fr.timesofisrael.com/selon-tsahal-des-documents-trouves-a-gaza-montrent-que-le-hamas-falsifiait-les-resultats-des-sondages/
[2]
Les imbécilités de Shlomo Sand sur ce thème sont reprises avec opiniâtreté.
https://ingirumimusnocte2.blogspot.com/2024/02/shlomo-sand-deux-peuples-pour-un-etat.html
[3]
https://news.un.org/fr/story/2024/08/1147936#:~:text=%C2%AB%20La%20population%20de%20Gaza%20pleure,des%20femmes%20et%20des%20enfants.
[4]
https://www.liberation.fr/checknews/est-il-vrai-que-la-charte-du-hamas-fixe-comme-objectif-la-destruction-de-letat-disrael-20231014_MHHMAAN74ZGGVOIQCAWPHJYNOE/
[5]
https://www.youtube.com/watch?v=oKU_g1t9LUM&t=2s
[6]
Alain Badiou, « Le mot “juif” et le sycophante », Les Temps
modernes, n° 637-638-639, mars-juin 2006, p. 733-747
[7]
https://www.danielpipes.org/22376/israel-reversion-in-2023-closing